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Untour au lac Avec Kyria Sheryan_____ « Allez, mam’zelle, on va faire un tour ! » Au pas tranquille, David fit sortir sa grande jument pie de la carri Unbeau matin, Axelle est surprise de voir dĂ©barquer chez elle un certain monsieur Loiseau suivi d’un chien et accompagnĂ© de Jean Claude. Ce dernier venait se libĂ©rer aprĂšs avoir mis longtemps sans avoir vu une chienne. Axelle Elvire sera ainsi conduite de force dans la chambre afin de coucher avec le chien de monsieur Loiseau. Elleveut donner un bain Ă  son chien, mais il se met debout et fait quelque chose qu'elle n'avait pas imaginĂ© (vidĂ©o) Race de chien: Elle veut donner un bain Ă  son chien, mais il se met debout et fait quelque chose qu'elle n'avait pas imaginĂ© (vidĂ©o) Mercredi 09 Septembre 2020 MAJ le 10/09/2020 Ă  09:53 Actu Chien - VidĂ©os. Mercredi 09 Septembre 2020 | Par Parcontre entre temps j'ai eu deux enfants (qui ont aujourd'hui 2 ans et 3 mois) donc son entraĂźnement se fait un peu au ralenti haha. Pour la situation dans laquelle on amĂšne un cheval au pĂąturage, j'agis de la mĂȘme façon que toi. La plupart des chevaux comprennent vite quand je les fait reculer, mĂȘme si ça peut prendre 20 fois la Unhomme tente de sauter sur un cheval par derriĂšre mais va surprendre l'animal qui va lui donner un coup de sabot (ruade) dans le ventre. cheval coup patte ruade sabot saut. Options . Favoris; Signaler; Article + 25 commentaires. MĂ©dias. VidĂ©os. Animaux. ← Suivant PrĂ©cĂ©dent →. Ne pas se mettre derriĂšre un cheval. KaratĂ© Cheval. Chien sonnĂ© Ă  la plage. Courir avec son Site De Rencontre Des Hommes Veufs. Le deal Ă  ne pas rater Cartes PokĂ©mon oĂč commander le coffret PokĂ©mon Go Collection ... € Voir le deal Miradelphia PÉNINSULE Marquisat de Sainte Berthilde Marquisat de Sainte Berthilde 2 participantsAuteurMessageJasuhin le HumbleHumainNombre de messages 50Âge 34Date d'inscription 06/04/2013Personnage. MANUSCRIT . Âge 51Niveau Magique Sujet PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Ven 19 Avr 2013 - 841 Chroniques du MonastĂšre de Sahl, Folio du voyage et des rencontres de Jasuhin le Humble sur les terres de Sainte-Berthilde et au Tertre, forteresse de l'ordre militaire de la de FavriĂŒs d'Automne de l'an 7du XI Tertre commençait Ă  se dessiner Ă  l'horizon. Cette solide forteresse fut construite par les moines de son Ordre. L'Ă©rection de cette montagne de pierre fut rĂ©alisĂ©e dans des temps anciens. Une principautĂ© s'Ă©tendait alors sur cette terre, dont le but Ă©tait la promotion de NĂ©era auprĂšs des peuples paĂŻens du Nord. Cette promotion fut plus ou moins pacifique. Le Tertre portait bien son nom. Au loin, Jasuhin remarquait de nouveau la gradation dans la hauteur des fortifications, des murailles de l'enceinte jusqu'au donjon central, qui donnait ainsi Ă  l'Ă©difice l'impression de s'Ă©lever progressivement vers le Ciel, tel un tertre. L'art militaire Ă©tait alors au service de la avait croisĂ© quelques minutes auparavant un groupe de cavaliers, qui avait vĂ©rifiĂ© son identitĂ© et son origine avec soin. Il n'en reconnut aucun. La derniĂšre visite de Jasuhin en ce lieu remontait Ă  prĂšs d'une trentaine d'annĂ©es. Le temps avait effacĂ© la prĂ©sence de certain, mais il fut Ă©tonnĂ© de voir des moines soldats de la Damedieu aussi belliqueux et aussi loin de leur mur. - Que font les Moines Guerriers si loin de leur mur ? Et pourquoi semblez-vous si nerveux ?- Les nouvelles ne voyagent donc pas aussi vite que les malheurs. C'est une bonne chose pour notre Ordre. Le PĂšre SupĂ©rieur a accueilli la PĂšlerine au sein du Tertre. D'oĂč notre accueil si suspicieux envers les voyageurs. »Ils lui dĂ©taillĂšrent alors la venue de la PĂ©lerine en leur mur, l'arrivĂ©e de nombreux pĂšlerins, la sage prudence du Grand PrĂȘtre ... Jasuhin avait entendu l'histoire de cette noble dame et de sa dĂ©chĂ©ance. Il ne pensaitpas qu'elle se rĂ©fugierait au sein du Tertre. Le voyage du Grand-PrĂȘtre en Sainte-Berthilde fut entrepris pour des raisons personnelles, pour enrichir son Ă©rudition personnelle. Mais la DĂ©esse avait dĂ©cidĂ© de mettre un imprĂ©vu politique sur son chemin. Le Grand PrĂȘtre remercia les soldats de ces informations, puis poursuivit son chemin vers la forteresse. Il avait encore quelques heures de marche. Aile Ă©tait introuvable ; probablement parti chercher Ă  manger.[...]Jasuhin se releva avec difficultĂ© du petit sanctuaire qui jouxtait un magnifique chĂȘne. Il Ă©tait encore jeune, mais son tronc Ă©tait puissamment enracinĂ© et sa cime vigoureuse. SituĂ© Ă  quelque centaine de mĂštres du lac du Tertre, les voyageurs avaient créé un petit autel contre son fĂ»t. Une priĂšre dĂ©diĂ©e Ă  NĂ©era Ă©tait inscrite sur le tronc de l'arbre. Elle mentionnait la Damedieu et la remerciait de les avoir protĂ©gĂ©s et guidĂ©s durant leur long voyage. NĂ©era avait de nombreuses facettes, dont celle de protectrice des Voyageurs.*Je me sens tellement las. Je me demande quel tour m'a encore jouĂ© la DĂ©esse. J'aurai du rester un simple prĂȘtre. La vie aurait Ă©tĂ© plus simple et les intrigues du pouvoir et de la politique m'auraient Ă©tĂ© inconnus. Il avait eu raison de me prĂ©venir, ce Haut PrĂȘtre lors de ma nomination. Nous sommes avant tout des politiciens. Certes, notre mission est de promouvoir le Culte des Cinq, mais surtout d'Ă©viter que les Hommes ne s'entre-dĂ©chirent et dĂ©truisent le Choix et la Vie offert par la DĂ©esse. Le prĂȘtre doit alors dĂ©laisser sa chaire et son habit monastique pour revĂȘtir celui du diplomate et du politique, les intrigues 
 VoilĂ  un domaine dans lequel je dois encore progresser, mais qui me rebute tant. Quant Ă  la PĂšlerine 
 Laissons la DĂ©esse dĂ©cider de mes pas en cette forteresse. Nous verrons bien Ă  qui il me mĂšne. Je n'ai jamais Ă©tĂ© déçu de mes Choix, elle doit donc veiller sur moi d'une certaine façon.*Il poussa un profond soupir, avant de se rendre compte qu'il Ă©tait arrivĂ© Ă  proximitĂ© du lac. Une magie naturelle opĂ©rait sur la surface de l'eau. D'un bleu profond, elle prenait dorĂ©navant une teinte orangĂ©e des plus vives, accompagnant le coucher du Soleil. Jasuhin regardait cette transformation d'un air fatiguĂ©. Le voyage l'avait Ă©puisĂ©, les considĂ©rations politiques l' finit par faire son apparition ; il venait de prendre son envol du chĂȘne tout proche, et il vint effleurer l'eau du bout d'une de ses ailes. troubla alors la tranquille image de l'eau, mĂȘlant forteresse, vĂ©gĂ©tation et ciel enflammĂ©. Attendant que le lac retrouve sa quiĂ©tude, tout comme son esprit, Jasuhin se dirigea vers le portes, afin de pĂ©nĂ©trer dans le monstre de pierre.[...] - Veuillez me suivre, FrĂšre. Je vais vous conduire Ă  la Grande Salle. Vous pourrez vous y restaurer et discuter avec nos FrĂšres et les voyageurs, avant d'aller prier puis prendre du Merci de votre accueil et de votre hospitalitĂ©, FrĂšre. J'ai l'impression que les couloirs n'ont pas Ă©tĂ© si vivant depuis de longues En effet, surtout depuis l'arrivĂ©e de la PĂšlerine. Notre Ordre n'avait pas accueilli depuis longtemps autant de personnes dans ses entrailles. Mais nos murs sont comme un habit trop grand... Nous ne sommes plus assez nombreux. Ses glorieuses heures sont dorĂ©navant derriĂšre elle. Mais venez, suivez-moi, je vous prie. Nous aurons tout le loisir d'Ă©changer Ă  ce propos durant votre sĂ©jour. »Le mestre sourit et l'invita Ă  le suivre en silence jusqu'Ă  la Grande Salle commune. Il suivit alors le moine, dont il ne voyait que le dos. Il portait une aile stylisĂ©e blanche sur un tabard de cuir noir. Ils dĂ©laissĂšrent la premiĂšre cour intĂ©rieure et gagnĂšrent l'intĂ©rieur de la CitĂ© de Pierre. Les larges couloirs de pierre permettaient de faire passer cĂŽte Ă  cĂŽte d'imposants chariots, des hommes Ă  cheval Ă©galement. Ces larges couloirs donnaient des indices sur la puissance de la forteresse elle Ă©tait capable de rĂ©sister aux attaques les plus farouches et les plus longues, tout en accueillant une armĂ©e considĂ©rable dans ses murs. Cependant, cette histoire Ă©tait du couloirs et les escaliers se succĂ©dĂšrent avant d'arriver Ă  la Grande Salle. Gigantesque dans ses proportions, elle n'Ă©tait aujourd'hui utilisĂ©e que dans une toute petite partie. De gigantesques tables et des bancs tout aussi grands Ă©taient installĂ©s. Des moines s'affairaient Ă  allumer les bougies d'un seul des quatre gigantesques chandeliers suspendus. Au niveau du sol, chaque moine s'affairait Ă  allumer chacune des bougies de la structure en acier. Rien n'a changĂ© depuis ma derniĂšre visite, Ă©lancĂ©e de la salle contrastait avec la rigiditĂ© de l'extĂ©rieur. Les demi-colonnes adossĂ©es au mur s'Ă©levaient avec grĂące, complĂ©tĂ©es par des chapiteaux doriques. De ces derniers s’élançaient les arcs des voĂ»tes qui gagnaient le plafond noirci par la suie des bougies. Quelques ouvertures, proche du plafond, apportaient de la lumiĂšre Ă  l'ensemble. Les circonvolutions de la pierre Ă©taient la seule dĂ©coration de la salle. Le Tertre Ă©tait une fortification, tenu par un Ordre religieux des plus stricts. La froideur des murs extĂ©rieurs se retrouvaient Ă  l'intĂ©rieur mĂȘme de la Grande Salle. - Vous ĂȘtes arrivĂ©s aprĂšs le premier service, FrĂšre. Installez-vous, prenez vos aises, le second service ne devrait pas tarder. Je me dois de vous laisser pour le moment. Vous devez vous douter de la multitude de tĂąches qui peut incomber Ă  un intendant. »Jasuhin le remercia. Le mestre s'Ă©clipsa discrĂštement. Jasuhin alla saluer ses FrĂšres qui allumaient le chandelier, il Ă©changea quelques mots avec eux, puis il s'installa sur un banc. Il siffla doucement et vit Aile sortir d'une de ses manches. Le moineau piaffa et vint se poser sur la table devant lui. Il sautillait Ă  la recherche de quelques miettes Ă  picorer. Le Grand PrĂȘtre retira avec difficultĂ© sa pĂšlerine poussiĂ©reuse, Ă©pousseta son scapulaire. Il regarda les moines se mettre d'accord puis commencer Ă  hisser ce spectre de lumiĂšre vers le plafond de la salle. Vers le lieu de vie des Cinq, vers le Ciel. Comme une lumineuse priĂšre envoyĂ©e chaque soir aux Dieux, depuis des Ă©dition par Jasuhin le Humble le Mer 5 Juin 2013 - 551, Ă©ditĂ© 3 fois Jena KastelordAncienNombre de messages 958Âge 34Date d'inscription 23/03/2010Personnage. MANUSCRIT . Âge 30Niveau Magique Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Ven 19 Avr 2013 - 1140 J’étais arrivĂ©e au Tertre la veille et je n’avais pas encore eu une minute pour me poser. Les choses s’étaient enchaĂźnĂ©es rapidement mais maintenant je pouvais souffler un peu et profiter
.profiter de quoi d’ailleurs. Il n’y avait rien d’accueillant, de rĂ©confortant ou d’agrĂ©able Ă  faire dans cette forteresse, Ă  part prier. Non pas que je rechignais Ă  cela mais ce n’était pas ma vocation premiĂšre ! Pour l’heure, je voulais trouver un endroit tranquille pour rĂ©diger quelques courriers dont un adressĂ© Ă  mes enfants. Je leur avais promis de leur donner des nouvelles le plus souvent possible et c’était une contrainte Ă  laquelle je me plierai avec plaisir ! Quittant la piĂšce ou je logeais, je me dirigeais vers la grande salle, un moine m’avait dit que je trouverai lĂ -bas tout ce qui m’était nĂ©cessaire pour rĂ©diger mes missives. Je fis nĂ©anmoins un dĂ©tour vers l’aile de la forteresse oĂč avait Ă©tĂ© logĂ©e la petite escorte qui avait voyagĂ© avec moi. KaĂŻn avait servi sous les ordres d’Hanegard lorsqu’ils Ă©taient tous les deux dans les lĂ©gions noires de Serramire, il avait donc toute ma confiance et celle de mon mari. Mais comme lui, KaĂŻn Ă©tait un Ă©ternel inquiet. Il voulait savoir si tout allait bien, si j’étais bien installĂ©e et mĂȘme si je me nourrissais convenablement ! La veille au soir il m’avait presque obligĂ© Ă  prendre mon repas en leur compagnie. Je n’avais pas refusĂ© par soucis des convenances, bien au contraire, mais parce que ma place en ces lieux Ă©tait aux cĂŽtĂ©s de mes frĂšres et sƓurs. Sous ses airs austĂšres, il Ă©tait extrĂȘmement serviable et son humour au cours du voyage avait Ă©gayĂ© nos longues heures de chevauchĂ©e, je n’aurais donc pas rechignĂ© Ă  passer du temps en leur compagnie mais en raison de mon ancien statut, il y avait tout de mĂȘme certaines rĂšgles Ă  respecter, et que cela me plaise ou non je devais m'y plier... C'Ă©tait d'ailleurs pour cette raison que KaĂŻn et ses hommes m'avaient accompagnĂ© parce que je n'avais pas pu faire changer d'avis mon tĂȘtu de mari !Pour Ă©viter de me faire sermonner par cette impressionnante armoire Ă  glace, je fis un dĂ©tour de quelques minutes pour Ă©changer quelques paroles avec lui et les hommes. - Quand repartons-nous ma Dame ? » - Dans quelques jours tout au plus. Je ne compte pas m’attarder loin de Val-NĂ©era trop longtemps. Avez-vous reçu des nouvelles d’Hanegard ? »Ayant passĂ© ma journĂ©e entiĂšre au cƓur mĂȘme du Tertre, aucune nouvelle n’était parvenue jusqu’à moi. Si un messager c’était prĂ©sentĂ©, il avait Ă©tĂ© aussitĂŽt redirigĂ© vers KaĂŻn. - Non aucune. Nous avons suivi une autre route il y a seulement quatre jours avant notre arrivĂ©e ici. Son groupe doit Ă  peine ĂȘtre arrivĂ©e Ă  Erac, je ne pense pas que nous aurons la moindre missive avant cinq ou six jours. » - Oui vous avez entiĂšrement raison
 Bien je vous laisse Ă  vos occupations, je reviendrai vous voir demain.»KaĂŻn et les trois autres soldats inclinĂšrent en mĂȘme temps la tĂȘte pour me saluer et je retournais dans l’imposant bĂątiment. Mes pas me guidĂšrent vers la grande salle, malgrĂ© quelques hĂ©sitations sur les couloirs Ă  emprunter. A l’intĂ©rieur on venait d’hisser un immense lustre recouvert d’un nombre impressionnant de bougies. Les flammes des chandelles tremblotaient lĂ©gĂšrement mais elles parvenaient Ă  diffuser une lumiĂšre suffisante. Comme me l’avait indiquĂ© plus tĂŽt le jeune moine, je trouvais dans un coin de la piĂšce une immense armoire en chĂȘne dans laquelle se trouvait parchemin, plume et encrier. Je sortis ce qu’il me fallait et m’installais au bout d’une longue table. Je n’avais guĂšre fait attention aux autres personnes prĂ©sentes dans la piĂšce, toute concentrĂ©e que j’étais Ă  trouver les mots Ă  Ă©crire Ă  mes enfants. Ils virent trĂšs facilement et je grattais la plume sur le papier ne prit qu’une poignĂ©e de minute. Alors que je scellais la lettre, je levais la tĂȘte et vis avec Ă©tonnement qu’un moineau se trouvait sur la table non loin de moi. Cette apparition me fit sourire et je cherchais du regard quelque chose Ă  lui donner Ă  picorer. Il n’y avait hĂ©las plus grand-chose sur la table mais je savais qu’on monterait bientĂŽt des cuisines quelques plats pour les retardataires dont je faisais partie. - Bien que ta prĂ©sence sur cette table me surprenne, je te promet de partager avec toi un bout de mon pain si tu as assez de patience pour l’attendre ! »Je me levais pour remettre ma lettre Ă  un serviteur plantĂ© dans un coin de la piĂšce. J'expliquais au jeune garçon Ă  qui la missive devait ĂȘtre envoyĂ©e et dĂ©posais au creux de sa main les quelques piĂšces que demanderait le coursier, puis je regagnais la table pour retrouver le petit moineau. Sauf qu’il ne se trouvait plus lĂ  oĂč je l’avais laissĂ©. AmusĂ©e, je pensais qu'il n'aurait donc pas mon bout de pain jusqu'Ă  ce que je le vois sautiller de l'autre cĂŽtĂ© de la table non loin d'un vieil homme. MalgrĂ© sa mise poussiĂ©reuse et son air fatiguĂ©, je reconnus aussitĂŽt les insignes de Grand PrĂȘtre qu’il portait. La prĂ©sence d'un homme de son rang au Tertre n'avait rien d'Ă©tonnant et peut-ĂȘtre qu'il n'y avait aucun lien avec la prĂ©sence de la PĂšlerine, quoi qu'il en soit, je ne pouvais pas rester planter lĂ  sans aller le saluer comme il convenait. M’approchant de lui je m’inclinais lĂ©gĂšrement. - Que NĂ©era vous bĂ©nisse Eminence. » murmurais-je en lui adressant un fin sourire. Jasuhin le HumbleHumainNombre de messages 50Âge 34Date d'inscription 06/04/2013Personnage. MANUSCRIT . Âge 51Niveau Magique Sujet Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Lun 22 Avr 2013 - 1008 La douce lumiĂšre des centaines de bougie Ă©clairait timidement la vaste salle de pierre. Perdu dans ses pensĂ©es, le Grand PrĂȘtre n'entendit pas Jena entrer dans la piĂšce, trop absorbĂ© dans ses pensĂ©es et par le vacillement des flammes. Il se remĂ©morait le parcours de ces derniers jours, les rencontres faites et les tensions qui parcouraient le marquisat de Sainte Berthilde. Le grincement d'une porte lui fit lĂ©gĂšrement tourner la tĂȘte, avant de reporter son attention de nouveau sur les lumiĂšres vacillantes de la sa profonde brĂ»lure, le feu l'attirait encore. Pas comme Ă©lĂ©ment destructeur, violent et incontrĂŽlĂ©, mais comme Ă©lĂ©ment crĂ©ateur, serviteur de la volontĂ© des Hommes. Jasuhin aimait s'imaginer que le feu avait Ă©tĂ© créé par les divinitĂ©s pour rassurer les Etres vivants et ĂȘtre utilisĂ© comme un outil pour leurs travaux. Il aimait se souvenir de la couleur du mĂ©tal chauffĂ© Ă  blanc par cette source de chaleur. On obtenait alors une lumiĂšre pure, dĂ©barrassĂ©e de ces inconvĂ©nients. La LumiĂšre des Dieux, comme il se plaisait Ă  dire Ă  ses compagnons le piaillement d'Aile vint le tirer de ses pensĂ©es. Le petit oiseau sautillait sur la table devant lui, en gesticulant sa tĂȘte et ses ailes.- Qu'y a-t-il, Aile ? Que veux-tu me dire ? »Il connaissait bien son compagnon de route. Il l'avait aidĂ© Ă  ĂȘtre bien reçu par les populations, notamment en amadouant les enfants sur sa route, avec ses piaillements et ses petits tours. Nombre de gens s'Ă©tait Ă©tonnĂ© de l'Ăąge de l'oiseau, qui accompagnait le prĂȘtre depuis sa tendre enfance. Il s'agissait d'un envoyĂ© de la DĂ©esse, se plaisait Ă  dire Jasuhin. L'un ne rejoindra pas Tyra sans l' petit compagnon ailĂ© se mit Ă  battre des ailes de plus en plus vite, tout en sautant sur place. Le prĂȘtre se retourna alors quelques secondes avant qu'une noble jeune fille ne vienne l'interpeller. D'un rapide coup d'oeil, il la dĂ©visagea. Elle Ă©tait encore jeune, peut-ĂȘtre deux fois moins ĂągĂ©e que lui, mais elle semblait avoir vĂ©cu de nombreux Ă©vĂ©nements au cours de son passĂ©. Ses yeux clairs en tĂ©moignaient. Ils Ă©taient rieurs, mais on pouvait Ă©galement y lire une part d'ombre, d'inquiĂ©tude. - Que NĂ©era vous bĂ©nisse Eminence. »Il lui rendit son sourire, tirant les rides de son visage. Son regard Ă©tait curieux et il sentit rapidement que la jeune femme Ă©tait particuliĂšre. L'expĂ©rience auprĂšs du Culte de la DĂ©esse lui avait appris Ă  ressentir la magie, la prĂ©sence de cette aura si spĂ©cifique aux personnes initiĂ©es. Les Cinq ne doivent pas ĂȘtre Ă©tranger Ă  cette prĂ©sence, songea-t-il. - Que NĂ©era vous bĂ©nisse Ă©galement, mon enfant. Je vous en prie, vous n'avez pas besoin de vous incliner. AprĂšs tout, je suis comme vous, un fervent de la DĂ©esse. Mais venez-vous asseoir, ne restez donc pas debout. Je me nomme Jasuhin. Puis-je connaĂźtre votre nom ? Aile vint voleter prĂšs du visage du Grand PrĂȘtre. J'espĂšre que mon petit compagnon ne vous a pas importunĂ© ? »Le ton Ă©tait bienveillant et chaleureux, malgrĂ© la fatigue du visage. Il dĂ©testait tous ces tĂ©moignages de respect et s'il devait s'y soumettre, ce n'Ă©tait qu'avec le strict minimum. Il n'Ă©tait qu'un homme parmi d'autre. Certes, il Ă©tait un entremetteur de la DĂ©esse, mais il Ă©tait Homme avant toute chose. Il ne comprenait pas pourquoi on devait tĂ©moigner une telle diffĂ©rence entre les Hommes et les Etres moment de se redresser et de rĂ©pondre Ă  son invitation, les cheveux de la jeune femme dĂ©garnirent une partie de son cou. La scĂšne ne dura que quelques secondes, mais le regard de Jasuhin se troubla. Ses yeux ne pouvaient se tromper. Une telle marque n'Ă©tait pas un tatouage. Cette marque Ă©tait inscrite dans sa chair, tout comme la sienne. Une plume Ă©tait dessinĂ©e sur le cou de la jeune femme. L'aura de cette jeune femme s'explique donc. Elle a dĂ©jĂ  rencontrĂ© NĂ©era dans le passĂ©. Un tel tatouage n'est pas anodin. La DĂ©esse l'a bĂ©nie, elle est bien plus qu'une simple fervente du Culte. Elle est Ă©galement une porte-parole de la DĂ©esse. Elle a dĂ» Ă©galement souffrir dans sa vie passĂ©e, tout comme moi. Et Ă  cette occasion, elle a rencontrĂ© la Grand PrĂȘtre regarda vers Aile, qui Ă©mit un gazouillis de contentement. Direct, Jasuhin lui posa la question qui lui brĂ»lait les lĂšvres.Vous avez dĂ©jĂ  rencontrĂ© la DĂ©esse, n'est-cepas ? Et vu votre Ăąge, cela doit ĂȘtre rĂ©cent et expliquer votre prĂ©sence en ce lieu. Il lui montra sa main droite, dont la chair violette et boursoufflĂ©e tĂ©moignait de son ancienne brĂ»lure. Moi aussi, je l'ai rencontrĂ©e ; il y a dĂ©jĂ  bien des annĂ©es de cela. »Il lui montra alors la paume. Sur cette derniĂšre se dessinait une aile, beaucoup plus claire que le reste de la peau. Elle se dĂ©tachait clairement de la chair brĂ»lĂ©e et Ă©tait une preuve du lien qui l'unissait Ă  NĂ©era. Mais qui unissait aussi Jena Ă  la Ă©dition par Jasuhin le Humble le Mer 5 Juin 2013 - 552, Ă©ditĂ© 1 fois Jena KastelordAncienNombre de messages 958Âge 34Date d'inscription 23/03/2010Personnage. MANUSCRIT . Âge 30Niveau Magique Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Mar 23 Avr 2013 - 1037 Du vieil homme s’échappait une aura pleine de bienveillance et de gentillesse. MalgrĂ© sa mine usĂ©e, son sourire et la douceur de ses paroles inspiraient la plĂ©nitude. Il me demanda de faire fi des rĂšgles et je ne l’en apprĂ©ciais que davantage. Souriant un peu plus Ă  l’homme qui se prĂ©senta sous le nom de Jahusin, je m’installais sur le banc non loin de lui. Lorsque je relevais les yeux vers lui, je vis aussitĂŽt que son expression avait changĂ©. Je n’aurais su dire s’il Ă©tait surpris ou mĂ©content, quoi qu’il en soit il garda le silence un petit moment. J’avais peur de l’importunĂ© aussi m’empressais-je de rĂ©pondre Ă  ses questions. - Je suis heureuse de faire votre connaissance Jasuhin, je me nomme Jena et n’ayez crainte, le court moment que j’ai passĂ© en compagnie de votre ami a Ă©tĂ© bien trop bref pour qu’il puisse m’importuner. »L’oiseau se mit Ă  gazouiller sur la table, m’arrachant un petit rire. Je sentais la lĂ©gĂšre gĂȘne disparaitre, lorsque le Grand PrĂȘtre releva la tĂȘte dans ma direction. Son regard s’était fait perçant et les mots qu’il prononça ensuite me figĂšrent. Peu de gens Ă©tait au courant de ce qui m’était arrivĂ©e le jour de la naissance de Dastan. La plupart des gens avaient vu mon intĂ©rĂȘt soudain pour l’ordre de NĂ©era comme une façon de remercier la DĂ©esse aprĂšs mon accouchement difficile. Seules les personnes prĂ©sentent dans la piĂšce ce jour-lĂ  et le Grand PrĂȘtre de NĂ©era Ă  Alonna savaient rĂ©ellement ce qu’il m’était arrivĂ©. Et c’était tout de mĂȘme comprĂ©hensible, essayez d’expliquer Ă  des gens que vous ĂȘtes morte pendant plusieurs minutes, que vous vous ĂȘtes subitement retrouvĂ© dans un endroit digne du paradis et que vous avez conversĂ© avec une dĂ©esse avant de revenir Ă  la vie
 Pour la plupart j’aurais seulement Ă©tĂ© bonne Ă  enfermer dans un asile. Le vieil homme me montra alors sa main droite sur laquelle se trouvaient les traces de profondes brĂ»lures. Il avait dĂ» souffrir le martyr pour que la chair de sa main porte encore ses marques boursoufflĂ©es. AprĂšs quelques secondes il la fit pivoter set offrit Ă  mon regard la marque de NĂ©era apposĂ©e au milieu de la chair violacĂ©e de sa paume. Une aile blanche comme celle que je portais au cou. Instinctivement je levais ma main et caressais du bout des doigts le lĂ©ger renflement de la marque sous mon oreille droite. C’était la premiĂšre fois que je croisais quelqu’un portant l’Aile. - Je ne l’avais jamais vu sur personne d’autre que moi »murmurais-je, encore sous l’effet de la surprise. Je n’avais jamais rencontrĂ© le Gardien de NĂ©era, Ă  vrai dire je ne savais mĂȘme pas oĂč le trouver mais je n’avais jamais rencontrĂ© non plus de personne ayant rencontrĂ©e, mĂȘme briĂšvement, la DĂ©esse. Bizarrement je me sentais moins seule, comme si mon esprit avait toujours gardĂ© un soupçon de doute sur ce que j’avais vĂ©cu le jour de mon accouchement. - Je l’ai en effet rencontrĂ© il y a quelques annĂ©es, le jour de la naissance de mon fils. Et pendant toute ma grossesse je l’ai vu dans mes rĂȘves. Elle m’appelait Ă  la rejoindre et c’est ce que j’ai fait. »Je n’avais jamais regrettĂ© le choix que j’avais fait ce jour lĂ , mĂȘme aprĂšs tous les sacrifices que cela m’avait demandĂ©. J’avais dĂ©couvert un monde diffĂ©rent, bon et gĂ©nĂ©reux, j’avais rencontrĂ© des gens remarquables et je m’étais sentie rĂ©ellement utiles. - Ma question va sĂ»rement vous paraĂźtre indiscrĂšte et vous allez probablement me trouver bien curieuse, mais vous ĂȘtes le seul que je connaisse Ă  avoir vĂ©cu une chose similaire alors j'ose vous la poser
. Comment vous est-elle apparue ? »Au moment oĂč je finissais de poser ma question, la grande porte s’ouvrit et une petite armĂ©e de moine fit son entrĂ©e. Chacun avait les bras chargĂ©s de nourriture. Ce n’était le grand luxe mais les repas au Tertre Ă©taient variĂ©s et bons. L’un d’eux s’approcha de nous et dĂ©posa devant nous une Ă©cuelle rempli d’un ragoĂ»t de lĂ©gume et de viande, et une miche de pain. Il s’éloigna aprĂšs nous avoir saluĂ© d’un signe de tĂȘte. Jasuhin le HumbleHumainNombre de messages 50Âge 34Date d'inscription 06/04/2013Personnage. MANUSCRIT . Âge 51Niveau Magique Sujet Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Mar 23 Avr 2013 - 1558 Le regard du prĂȘtre ne quitta pas le visage de la jeune femme tandis qu'elle expliquait l'origine de ce don et qu'elle posait des questions. Il se montrait attentif aux Ă©motions que trahissait son regard. Il laissa Ă©galement faire Jena lorsqu'elle lui prit la main et lui caressa sa cicatrice. Il ne sentit presque rien, Ă  peine un souffle sur sa peau. Le fer avait carbonisĂ© les nerfs de sa main et ses rĂ©action de la jeune femme ne le surprenait pas. Il la comprenait mĂȘme. Enfant, tout s'Ă©tait prĂ©cipitĂ© aprĂšs sa brulure et son entrĂ©e dans le Culte des Cinq. Il n'avait pas pris le temps d'expliquer ses cauchemars et ses rĂȘves que des annĂ©es plus tard au Grand PrĂȘtre de sa circonscription. Il en avait eu peur pendant des annĂ©es, avant de comprendre la chance et l'opportunitĂ© que la DĂ©esse lui offrait au sein de la communautĂ© des sourit et rĂ©pondit Ă  la jeune femme, d'un ton qui Ă©tait doux et rassurant. Le ton d'un vieil homme heureux d'avoir rencontrĂ© une envoyĂ©e de la DĂ©esse. Son voyage Ă©tait dĂ©jĂ  beaucoup plus enrichissant que prĂ©vu. - Peu de personnes ont eu cette chance, en effet. N'ayez pas peur de demander, Jena. La curiositĂ© est loin d'ĂȘtre un dĂ©faut. Elle est rĂ©vĂ©latrice de votre soif de comprendre et de connaĂźtre, qui sont bien plus des qualitĂ©s pour moi que de rĂ©els Ă  cette marque, elle remonte Ă  des annĂ©es. Vous n'Ă©tiez mĂȘme pas nĂ©e Ă  cette Ă©poque, et votre mĂšre devait ĂȘtre une enfant, tout comme moi. Pourtant, le souvenir est gravĂ© dans ma mĂ©moire, comme ce symbole dans ma peau. »Il dĂ©tacha son regard de la jeune femme. Il resta pensif, les yeux dans le vague quelque instant, quand deux Ă©cuelles apparurent sous le nez de Jasuhin. Il remercia d'une bĂ©nĂ©diction et d'un signe de tĂȘte le moine qui venait d'apporter le repas du soir. Respirant amplement, le fumet lui donna l'eau Ă  la bouche. - Commençons par manger, Jena, puis je vous expliquerai l'origine de ma relation avec Elle. Je n'ai pas mangĂ© un bon repas chaud depuis quelques jours, et je dois avouer que ce ragoĂ»t m'a l'air appĂ©tissant. N'est-ce pas, Aile ? »Le moineau sautillait autour du pain qui avait Ă©tĂ© dĂ©posĂ© devant eux. Il le regardait avec attention et ne savait pas par quel cĂŽtĂ© commencer pour le picorer. Le prĂȘtre rit de l'attitude de son oiseau, puis il se tourna vers la jeune femme. - Je crois qu'Aile a encore plus faim que moi. Souhaitez-vous lui donner Ă  manger ? Prenez cette miche et donnez lui quelque morceau de mie, il en sera ravi. »Il la laissa faire, avant de prendre sa cuillĂšre et de commencer Ă  goĂ»ter le ragoĂ»t. Les saveurs se rĂ©pandirent sur son palais et dans sa bouche. Il profitait de ces moments simples que les Dieux offraient chaque jour Ă  chaque humain. Il fit toutefois une lĂ©gĂšre grimace. - Il manque un peu de sel, mais il est tout de mĂȘme trĂšs bon, ce ragoĂ»t. Entre deux bouchĂ©es, il se mit Ă  raconter son histoire Ă  Jena, d'un ton tranquille. La douleur appartenait au suis le fils d'un forgeron, originaire du ComtĂ© d'Erac, de la baronnie de Hautval, pour ĂȘtre prĂ©cis. Je devais succĂ©der Ă  mon pĂšre, mais un matin, alors que je n'Ă©tais qu'un tout jeune enfant, je pris Ă  pleine main un morceau de fer chauffĂ© blanc, avec cette main. Il montra sa main ne sais pas pourquoi j'ai fait cela. BĂȘtise d'enfant probablement ou volontĂ© divine, je ne sais pas. Le fer blanc mordit profondĂ©ment ma chair, atteignit l'os et rongea les tissus. Il n'Ă©tait pas sĂ»r que je passe la nuit et surtout, je n'Ă©tais pas sĂ»r de mon fis des cauchemars le temps de ma guĂ©rison. Des rĂȘves noirs et sans fin, oĂč de curieuses crĂ©atures m'arrachaient les mains. La mĂȘme scĂšne, chaque nuit, pendant des mois. Puis, un matin, ce drĂŽle de compagnon fit son apparition. Il dĂ©signa l'oiseau de sa jour oĂč l'on enleva les bandages, le prĂȘtre qui me soignait dĂ©couvrit ma plaie et ce moineau. Je fus alors emmenĂ© au temple proche de chez moi. Perdu, je ne savais trop que faire. Le Grand PrĂȘtre Ă©tait rassurant, mais je n'Ă©tais qu'un enfant. Et c'est lĂ , alors que je m'endormais, qu'Elle m'apparut. »Il tourna sa face ridĂ©e vers la jeune fille. Il n'y avait aucune trace de douleur ou d'un pĂ©nible souvenir sur son visage. Cette expĂ©rience appartenait au passĂ© et elle avait fait de lui ce qu'il Ă©tait aujourd'hui. - D'aprĂšs mes recherches, Elle n'apparaĂźt qu'en cas de grandes souffrances. Je prĂ©sume que l'accouchement de votre fils n'a pas dĂ» se dĂ©rouler dans les meilleures conditions ? NĂ©era vous a protĂ©gĂ©, n'est-ce pas ? »DerniĂšre Ă©dition par Jasuhin le Humble le Mer 5 Juin 2013 - 552, Ă©ditĂ© 2 fois Jena KastelordAncienNombre de messages 958Âge 34Date d'inscription 23/03/2010Personnage. MANUSCRIT . Âge 30Niveau Magique Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Mer 24 Avr 2013 - 1203 Je fus soulagĂ©e de voir que ma question ne le dĂ©rangeait pas, il Ă©tait mĂȘme prĂȘt Ă  y rĂ©pondre, mais l’estomac passait en premier et je ne le comprenais que trop bien. Je n’avais moi-mĂȘme rien avalĂ© depuis le service du matin. Les priĂšres nourrissent l’esprit mais pas le corps et celui-ci exprimĂ© son mĂ©contentement. Je portais une premiĂšre cuillĂšre Ă  ma bouche et en savourais le contenu. Le petit moineau se mit alors Ă  sautiller, rĂ©clamant son dĂ» et j’acquiesçais Ă  la demande de Jasuhin en prĂ©levant des miettes de mon morceau de pain. Je l’ai gardĂ© au creux de ma main et tendit celle-ci vers l’oiseau qui se prĂ©cipita pour picorer. Lorsqu’il eut terminĂ© je reportais mon attention sur ma propre assiette. - Je le trouve trĂšs bon en effet. Les cuisiniers du Tertre savent rendre goĂ»teux n’importe quel aliment ! »Le ton de la conversation Ă©tait plaisant et lĂ©ger, et avant que le silence ne retombe, Jasuhin entreprit de me raconter son histoire. Lui aussi avait fait des cauchemars sombre et effrayants mais la lumiĂšre Ă©tait entrĂ©e dans sa vie lorsque NĂ©era Ă©tait venue Ă  lui. Sous la forme du moineau que j’avais devant moi. Mes yeux se posĂšrent sur l’animal et je restais un moment Ă  le fixer. L’analyse du Grand PrĂȘtre me fit lĂ©gĂšrement froncer les sourcils. Si sa thĂ©orie Ă©tait exacte alors NĂ©era choisissait les personnes qu’elle voulait sauver pour des raisons qui leur Ă©taient inconnues. Etait-elle Ă  la hauteur des espĂ©rances de la DĂ©esse ? Suivait-elle le chemin qu’elle avait voulu tracer pour elle ? - La souffrance d’un enfant ne peut qu’éveiller la compassion de la DĂ©esse, elle aura vu en vous le Grand PrĂȘtre que vous ĂȘtes aujourd’hui. » Je terminais mon Ă©cuelle avant de me tourner vers Jasuhin. Savoir que le vieil homme avait vĂ©cu la mĂȘme chose que moi créé un lien tout Ă  fait particulier. Je n’avais vu en lui qu’un supĂ©rieur hiĂ©rarchique et ensuite un homme gĂ©nĂ©reux, mais maintenant il Ă©tait devenu un frĂšre, touchĂ© dans sa chair par la DĂ©esse. J’éprouvais pour lui une amitiĂ© sincĂšre et je lui adressais un sourire avant de retracer Ă  mon tour les conditions de ma rencontre avec NĂ©era. - Vous ignorez Ă  quel point vous avez raison Ă  propos de mon accouchement ! Celui-ci c’est mĂȘme trĂšs mal terminĂ© puisque pour le prĂȘtre prĂ©sent et la femme m’ayant accouchĂ©e, je suis morte pendant plusieurs minutes. Je me souviens m’ĂȘtre trouvĂ©e dans le noir, d’avoir eu terriblement froid et puis j’ai ouvert les yeux
du moins mon esprit a ouvert les yeux et je me suis retrouvĂ©e dans un jardin rempli de fleurs et d’odeurs. Je me souviens encore de tout, du vent, des centaines de parfums diffĂ©rents et de son visage. »L’image me revenait en mĂ©moire. Le bien-ĂȘtre et l’apaisement que j’avais ressenti dans ce jardin, je n’étais capable de le retrouver que lorsque je priais la DĂ©esse, ou pendant mes heures de mĂ©ditation. - Elle m’est apparue sous les traits d’une femme magnifique. Elle m’a longtemps parlĂ© et ce faisant, elle a soignĂ© les blessures de mon Ăąme. Je gardais en mĂ©moire des souvenirs horribles, des choses m’étant arrivĂ©es que je ne parvenais ni Ă  oublier, ni Ă  accepter. Elle m’a rendu la tranquillitĂ© et quand elle a eu terminĂ©, elle m’a Ă©galement rendu la vie. Ma rencontre avec elle et le don qu’elle m’a transmis m’a permis de franchir rapidement les Ă©tapes menant Ă  la PrĂȘtrise. » Pendant que je racontais ce moment intime de ma vie, mon regard s’était perdu dans le vague, je tentais de ressentir tout ce que j’avais pu Ă©prouver dans ce jardin. Finalement je dĂ©tournais les yeux de cette image idyllique qui m’apparaissait et poser mon regard sur le vieil homme. Un nouveau sourire Ă©tira mes lĂšvres. - Aujourd’hui encore je sens sa prĂ©sence, comme un ange sur mon Ă©paule. Je sais qu’elle veille sur moi, vous devez sĂ»rement ressentir cela vous aussi ? Et puis votre compagnon vous rappelle tous les jours qu’Elle est lĂ .»L’idĂ©e que l’oiseau puisse avoir le mĂȘme nombre d’annĂ©e que l’homme assis Ă  cĂŽtĂ© de moi ne m’étonnait mĂȘme pas. Depuis mon entrĂ©e au temple j’avais vu tellement de chose extraordinaire que je pouvais croire Ă  tout. MĂȘme Ă  ça ! Jasuhin le HumbleHumainNombre de messages 50Âge 34Date d'inscription 06/04/2013Personnage. MANUSCRIT . Âge 51Niveau Magique Sujet Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Lun 29 Avr 2013 - 1057 Il Ă©couta patiemment la jeune femme raconter son histoire. Il hocha silencieusement la tĂȘte Ă  plusieurs reprises, se remĂ©morant et comparant ses souvenirs avec les siens. Une sensation d’apaisement coulait dans ses veines. Toujours cette mĂȘme sensation quand on repensait Ă  Elle. Il avait dĂ©jĂ  eu l’occasion de lire d’autres rĂ©cits de personnes touchĂ©es par la GrĂące de la DĂ©esse. La surprise n’était donc que partielle. Toutefois, il fut touchĂ© par l’histoire de Jena. Parce qu’elle lui rappelait la sienne. A la fin de son explication, le Grand PrĂȘtre repris de nouveau la parole. - La DĂ©esse choisit avec pertinence ses reprĂ©sentants. Vous, moi et quelques autres font partie de ces gens qui ont un rĂŽle spĂ©cifique Ă  remplir auprĂšs d’Elle. Depuis ce rĂȘve, je me pose frĂ©quemment la question. Pourquoi moi, simple enfant de forgeron ? Pourquoi pas un fils de noble ? Pourquoi pas un esclave ? Un guerrier ? »Un mince sourire se dessina sur les lĂšvres du prĂȘtre. De ce questionnement dĂ©coulait une autre question, qui Ă©tait une de ses plus grandes angoisses. L'oeil inquiet, il continua la discussion. - FrĂ©quemment, je me demande si je rĂ©ponds aux attentes de la DĂ©esse. De rĂ©elles angoisses prennent corps au sein de mon Ăąme. Et telle la marĂ©e, elle Ă©rode mes certitudes et mon l’angoisse est trop forte, je ferme alors les yeux. J'Ă©coute ma respiration et je me remĂ©more cette jeune fille de mon rĂȘve. Comme dans votre rĂȘve, Elle Ă©tait magnifique. Elle ne dit pas un mot, mais pose ses mains sur les miennes. Alors les doutes refluent et je sais que je ne me trompe pas. Je sais que je suis sur le bon chemin. »De son regard avait disparu les inquiĂ©tudes et les tourments. Une certaine tranquillitĂ© envahissait son regard. Son sourire Ă©tait celui d'un vieil homme, mais il Ă©tait rassurant, apaisĂ©. Comme vous l'avez dit, Jena, Elle est toujours lĂ . Mon compagnon me rappelle sa prĂ©sence, mais Ă©galement tout ce qui m'entoure. Vous, moi, les moines autour de nous sont un prĂ©sent de NĂ©era Ă  cette terre. Et je suis certain qu'en prĂ©sence de certaines personnes ou de certains objets, vous devez ressentir plus fortement sa prĂ©sence. Comme votre fils, par exemple ? »Pendant le monologue du prĂȘtre, les moines vinrent desservir les assiettes. Jasuhin glissa un mot Ă  l’oreille de l’un d’entre eux Ă  propos de la qualitĂ© du repas. Il le remercia avant d’amener un dessert. Les premiers frimas de cette fin d’automne apportaient de nouveaux fruits sur les tables. Quelques noix ponctuaient une corbeille garnie de pommes et de poires. Jasuhin prit une poignĂ©e de noix, et il en cassa quelques-unes avec l’aide de son marteau, cachĂ© jusque-lĂ  dans les plis de sa tunique. Il frappait avec dĂ©licatesse les noix, les sĂ©parait en deux, avant d’en offrir une moitiĂ© Ă  son moineau, qui essayait tant bien que mal de sĂ©parer la noix de la coque. Il en ouvrit Ă©galement d’autres, qu’il posa devant Jena. - Je me suis longtemps demandĂ© en quoi je pouvais servir la DĂ©esse. Je me souvenais Ă©galement de mon passĂ© et du savoir qui m’avait Ă©tĂ© inculquĂ©. C’est pourquoi je possĂšde ce marteau. J’ai beaucoup voyagĂ© durant ma jeunesse, et j’ai apportĂ© mon savoir spirituel mais aussi mes connaissances techniques. Je suis un prĂȘtre besogneux. Il Ă©tira sa bouche en un large sourire les gens en les soignant, mais Ă©galement en leur apportant des connaissances sur l’art de la mĂ©tallurgie. J’aide Ă  crĂ©er des outils, Ă  rĂ©parer des objets, Ă  aider les gens Ă  pouvoir vivre leur Vie comme il l’entende. Nous Ă©tions une petite communautĂ©, itinĂ©rante, qui portait ses services au population les plus en difficultĂ©s. Aujourd’hui, je me fais trop vieux. C’est pour cela que nous allons fonder un monastĂšre, sur une partie dĂ©solĂ©e du ComtĂ© de Velteroc. Nous allons offrir au population les Ă©lĂ©ments pour vivre sereinement, sous la protection de nos priĂšres, mais aussi avec l’aide de nos bras. »Il mĂąchonna une poignĂ©e de noix pendant quelques minutes. Il restait plongĂ© dans ses pensĂ©es, avant de nouveau se tourner vers Jena. Et vous, Jena ? Comment allez-vous servir la DĂ©esse ? Comment allez-vous mettre votre passĂ© et votre nom, car il me semble que la famille Kasterlord est liĂ©e Ă  la baronnie d’Alonna ? J’ai toujours pensĂ© que le service de la DĂ©esse devait se faire en accord avec ses moyens et son propre passĂ©. »Alors que Jena lui racontait ses choix, un piaillement lui fit tourner la tĂȘte. Il ne put empĂȘcher un fou rire en voyant Aile avec une coquille de noix sur la tĂȘte, en train d’essayer de s’en dĂ©faire. Comment le moineau s’était retrouvĂ© dans cette situation, nul ne le savait, mais il Ă©tait un sujet d’hilaritĂ© pour le prĂȘtre et Jena. DerniĂšre Ă©dition par Jasuhin le Humble le Mer 5 Juin 2013 - 553, Ă©ditĂ© 1 fois Jena KastelordAncienNombre de messages 958Âge 34Date d'inscription 23/03/2010Personnage. MANUSCRIT . Âge 30Niveau Magique Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Mar 30 Avr 2013 - 1134 C’était surprenant de voir Ă  quel point les paroles de Jasuhin me paraissaient si familiĂšre. Je me posais les mĂȘmes questions que lui, j’avais dĂ©jĂ  remis en doute le choix de la DĂ©esse, j’avais dĂ©jĂ  pensĂ© qu’elle s’était trompĂ©e de personne. Je n’avais pas Ă©tĂ© Ă©levĂ© dans le respect total des principes de NĂ©era, ni mĂȘme d’aucun autre dieu, je n’avais rien fait pour mĂ©riter son attention particuliĂšre et pourtant elle Ă©tait venue, elle m’avait touchĂ© de son amour et depuis ce jour je m’efforçais de transmettre son message. Pourtant il m’arrivait de penser que tout ceci Ă©tait vain, qu’Elle me demandait de trop gros sacrifice mais chaque fois je repensais Ă  cette sensation de plĂ©nitude, Ă  ce jardin, Ă  son visage et je savais alors que tout ceci Ă©tait nĂ©cessaire. Laisser mes enfants derriĂšre moi durant tout un mois avait Ă©tĂ© la chose la plus dure que j’avais dĂ» endurer lorsque je n’étais pas encore prĂȘtresse. Maintenant c’était diffĂ©rent
. Quoi que pas vraiment. Ils n’étaient pas lĂ  avec moi. Un pincement au cƓur me fit baisser les yeux quelques secondes. Je dĂ©testais me sĂ©parer d’eux comme je dĂ©testais ĂȘtre loin d’Hanegard. Mais nos fonctions respectives ne nous laissaient que peu de temps. Je remerciais Jasuhin d’une inclinaison de la tĂȘte lorsqu’il dĂ©posa devant moi les noix qu’il cassait. Je regardais le moineau picorer les siennes et je sentis mes lĂšvres s’étirer en pensant Ă  mon fils. - En effet, Dastan est sĂ»rement ce qui me lie le plus Ă  la DĂ©esse. Quand je le vois, je ne doute pas une seconde qu’il aura une vie heureuse et puis quand il me regarde, j’ai parfois l’impression de croiser Ă  nouveau le mĂȘme regard que le Sien. »Le vieil homme reprit la parole et m’expliqua comment toute sa vie il avait servi la DĂ©esse. Lorsqu’il mentionna la fondation d’un monastĂšre Ă  Velteroc je tournais mon regard vers lui, soudain curieuse. Cela faisait des annĂ©es que le Culte de NĂ©era n’avait pas pris part Ă  un tel projet. Savoir que cet endroit verrait bientĂŽt le jour me remplissait de joie. Cependant la question qu’il me posa ensuite me prit quelque peu de court et me dĂ©stabilisa lĂ©gĂšrement. Sous-entendait-il que je n’avais pas assez accompli au nom de la DĂ©esse ? - En effet, j’ai Ă©tĂ© durant quelques annĂ©es Baronne d’Alonna. A cette Ă©poque j’ai mis mon titre Ă  contribution pour aider les plus dĂ©munis. J’ai toujours offert mes dons de guĂ©rison Ă  qui le demandait et depuis quelques annĂ©es une soupe populaire est organisĂ©e pendant les mois les plus rudes de l’hiver dans toute la baronnie. Maintenant que je vis dans un endroit plus retranchĂ©e j’avoue me demander comment je peux servir la DĂ©esse et vous venez peut-ĂȘtre de m’apporter la rĂ©ponse. Je serais heureuse de vous aider Ă  bĂątir le monastĂšre de Velteroc. » Je savais pertinemment ce que cela voulait dire et je me doutais dĂ©jĂ  que cette nouvelle n’allait pas franchement ravir mon Ă©poux, mais je me doutais bien que le vieil homme assis prĂšs de moi ne pourrait pas porter un tel projet tout seul. - Je n’ai aucun talent de bĂątisseur vous vous en doutez, mais comme vous l’avez dit, mon passĂ© de Baronne pourrait vous ĂȘtre utile. Je connais le monde de la noblesse et je pourrais vous aider Ă  franchir les portes des Cours de la PĂ©ninsule. »C’est Ă  ce moment-lĂ  que le compagnon du Grand PrĂȘtre dĂ©cida de se manifester, une coquille de noix coincĂ©e sur la tĂȘte. Le rire de Jasuhin Ă©tait contagieux et la situation plus que surprenante. A nos deux rires se mĂȘla Ă©galement ceux des FrĂšres et SƓurs prĂ©sents dans la piĂšce. Souhaitant abrĂ©ger les souffrances du moineau je tendis la main vers lui et tirais doucement sur la coquille pour le libĂ©rer. Jasuhin le HumbleHumainNombre de messages 50Âge 34Date d'inscription 06/04/2013Personnage. MANUSCRIT . Âge 51Niveau Magique Sujet Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Jeu 2 Mai 2013 - 1226 Jasuhin regarda avec un sourire la jeune femme retirer la coquille de noix de la tĂȘte du moineau. LibĂ©rĂ© de cet encombrant casque, Aile sautilla de nouveau sur la table, Ă  la recherche d’un petit morceau de nourriture Ă  manger. Jasuhin avait Ă©tĂ© surpris de la proposition de Jena. Il ne pensait pas provoquer une telle rĂ©action en lui posant une question Ă  l’apparence anodine. Son engagement envers les personnes les plus dĂ©munies Ă©tait sincĂšre. Elle le lui proposa tout naturellement son aide dans sa quĂȘte d’un monastĂšre d’un genre nouveau. Il accueillit la nouvelle avec grande joie. Avec son caractĂšre avenant, sa jeunesse, sa volontĂ© et sa familiaritĂ© de la noblesse humaine, Jasuhin savait que la DĂ©esse lui donnait une auxiliaire de choix dans sa quĂȘte. Un poids certain venait de lui ĂȘtre enlevĂ©. Il avait prĂ©vu, aprĂšs avoir trouvĂ© ce qu’il cherchait au sein du Scriptorium du Tertre, de partir en tournĂ©e dans la PĂ©ninsule, afin d’obtenir un soutien financier de la part des grandes puissances. Cette tĂąche serait facilitĂ©e par la prĂ©sence de la jeune que les rires commençaient Ă  se tarir, il tourna son visage ridĂ© et marquĂ© par le temps vers le visage si jeune et si dynamique de Jena. Le contraste entre les deux personnages Ă©tait saisissant, mais une mĂȘme aura Ă©manait de leur ĂȘtre. La DĂ©esse les avait bĂ©nis aprĂšs tout - J’ai eu une curieuse sensation en arrivant en Sainte Berthilde. En croisant les hommes du Tertre en arme, Ă  quelques kilomĂštres d’ici, je me suis demandĂ© quelle surprise m’attendait au Tertre. Je m’attendais bien Ă  rencontrer quelqu’un, mais surement pas une personne aussi importante que vous, Jena. NĂ©era m’étonnera toujours par sa capacitĂ© Ă  rallier les gens de bonne volontĂ©. Elle est toujours aussi douĂ©e pour rĂ©unir les rencontre est un Ă©lĂ©ment de plus qui me conforte dans ma certitude. Elle est ici et Elle nous guide. Vers quoi, cela, nous ne le saurons peut-ĂȘtre jamais. Mais je sens que nous allons dans la bonne direction. Ce sera un rĂ©el plaisir d’arpenter les routes du royaume humain avec un atout tel que vous. »Il bĂ©nit la jeune femme en posant ses deux mains sur les siennes. Puis, aprĂšs quelques rapides mots prononcĂ©s dans sa barbe, il caressa Aile qui s’approchait de lui. Le petit oiseau se laissa faire, avant de se tourner vers Jena. - Eh bien, qu’attends tu pour lui prĂ©senter tes remerciements ? »Le jeune oiseau se mit Ă  gazouiller tout en s’approchant de la jeune femme. Il baissa plusieurs fois sa petite tĂȘte en fermant les yeux, signe d’une gratitude certaine envers la personne Ă  qui il l’adressait. Jasuhin regardait le cĂ©rĂ©monial de l’oiseau quand diverses questions lui vinrent Ă  l’esprit. Il venait juste de connaĂźtre la jeune femme, mais il ne connaissait pas sa situation familiale. OĂč Ă©tais ses enfants ? Son mari ? Puis surtout, pourquoi Ă©tait-elle au Tertre ? Il n’hĂ©sita guĂšre et parla franchement Ă  la jeune femme. - Une question me traverse l’esprit vous concernant, Jena. Elle concerne votre famille. OĂč est-elle ? OĂč est le pĂšre de vos enfants ? Vous semblez trĂšs attachĂ© Ă  vos enfants. Pourquoi ne sont-ils pas ici avec vous ? »La voix du Grand-PrĂȘtre Ă©tait douce et posĂ©e. Il ne souhaitait pas Ă©veiller de mauvais souvenirs en elle, mais juste comprendre les raisons qui poussaient une femme telle que Jena Ă  se sĂ©parer de ses enfants dans une des plus grandes forteresses de la PĂ©ninsule. DerniĂšre Ă©dition par Jasuhin le Humble le Mer 5 Juin 2013 - 553, Ă©ditĂ© 1 fois Jena KastelordAncienNombre de messages 958Âge 34Date d'inscription 23/03/2010Personnage. MANUSCRIT . Âge 30Niveau Magique Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Dim 5 Mai 2013 - 2018 J’écoutais le discours du Grand PrĂȘtre avec attention, buvant ses paroles mĂȘme. Je ne pus empĂȘcher mes sourcils de se hausser lorsqu’il me dĂ©signa comme une personne importante. Je l’avais Ă©tĂ© certes, lorsque j’avais encore le titre de Baronne d’Alonna, mais aujourd’hui je me sentais seulement comme une simple prĂȘtresse parmi tant d’autres. Evidemment mes annĂ©es Ă  Ă©pauler le dirigeant d’une baronnie m’avait permis d’entrer dans le cercle trĂšs fermĂ© de la noblesse. Tournant mon visage vers le vieil homme, je lui adressais un sourire ravi lorsqu’il accepta ma proposition de l’accompagner dans son pĂ©riple. Une partie de mon esprit s’envola vers Hanegard en espĂ©rant qu’il accepterait mon dĂ©sir de donner de mon temps pour cette cause. Pour NĂ©era. Je savais pertinemment qu’il ne comprenait pas toujours mes choix Ă  ce sujet et nous avions dĂ©jĂ  eu quelques conversations houleuses, mais j’étais Ă  chaque fois touchĂ©e lorsqu’il acceptait, car ce que je lui demandais s’apparentait souvent Ă  un sacrifice de sa part. - Je suis ravie que vous acceptiez ma proposition. Je suis sĂ»re que cette aventure sera enrichissante ! »Baissant les yeux sur ses doigts qui venaient de se poser sur mes mains, je fermais quelques secondes mes paupiĂšres lorsqu’il prononça une priĂšre pour moi. Je me sentis alors si lĂ©gĂšre, si apaisĂ©e
 Un sourire Ă©tendit mes lĂšvres et j’étais certaine qu’il ne disparaĂźtrait pas avant au moins la fin de la soirĂ©e. Inclinant ma tĂȘte pour le remercier, il dĂ©tourna le regard pour faire signe Ă  son compagnon de me remercier. Un rire m’échappa lorsque l’oiseau s’approcha de moi pour sautiller et gazouiller. Doucement j'approchais mon doigt de son bec et il vint picorer gentiment le bout de mon ongle. - Je suis heureuse de t’avoir apportĂ© mon aide ! Jasuhin resta silencieux quelques minutes et je me gardais bien d’interrompre ses rĂ©flexions, j’en profitais pour jouer un peu avec le moineau. BientĂŽt le vieil homme se tourna vers moi, apparemment intriguĂ© par ma situation familiale. Sans le moindre malaise j’entrepris de lui rĂ©pondre. - Ma famille est Ă  Val-NĂ©era en Alonna. Du moins mes enfants s’y trouvent. J’ai entrepris ce voyage en compagnie de mon Ă©poux. Nos routes se sont sĂ©parĂ©s lorsque j’ai pris celle menant au Tertre et que lui a poursuivit vers Erac. Il s’y rendait pour faire quelques affaires. Mon sĂ©jour ici n’aurait pas du durer plus de quelques jours c’est pour cette raison que Liliana et Dastan sont restĂ©s Ă  Val-NĂ©era. Mais Ă©tant donnĂ© que mon voyage va ĂȘtre plus long et que je ne sais pas quand Hanegard prendra le chemin du retour, je pense les faire venir. Je n’aime pas ĂȘtre sĂ©parĂ© d’eux longtemps et je suis sĂ»re que ce voyage les enthousiasmera. Du moins si leur prĂ©sence ne vous gĂȘne pas. Je ne voudrais pas vous les imposer. » Si j’envoyais une lettre tout de suite Ă  Alonna, mes enfants seraient lĂ  d’ici une bonne semaine. Le temps nĂ©cessaire pour que je rĂšgle la raison de ma venue au Tertre et que nous discutions plus amplement de notre itinĂ©raire. Une semaine c’était tout Ă  fait raisonnable et je ne pensais pas le retarder de trop dans son entreprise. - Je pense qu’il faudrait une semaine pour les faire venir ici, cela vous convient-il ? » Jasuhin le HumbleHumainNombre de messages 50Âge 34Date d'inscription 06/04/2013Personnage. MANUSCRIT . Âge 51Niveau Magique Sujet Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Lun 6 Mai 2013 - 851 Il hocha doucement la tĂȘte au fur et Ă  mesure des explications de Jena. Il n’y avait aucune histoire de violence ou de tension avec son conjoint qui aurait pu expliquer la sĂ©paration avec ses enfants. La raison Ă©tait beaucoup plus simple et finalement Ă©vidente. La jeune mĂšre ne voulait pas emmener ses enfants sur une route longue et pĂ©rilleuse et elle les avait laissĂ©s Ă  la question de les emmener avec eux, Jasuhin resta silencieux un instant. Plongeant sa main dans sa barbe, ses pensĂ©es se troublĂšrent un instant, Ă  l’évocation des enfants de la jeune femme. Il se demandait si la route serait sĂ»re pour un vieil homme, une jeune femme et ses enfants. Il relativisa rapidement ses craintes, se rassurant sur son statut, qui lui garantissait une certaine tranquillitĂ© sur la route, mais aussi sur les dons confĂ©rĂ©s par NĂ©era, en cas d’extrĂȘme nĂ©cessitĂ©. Enfin, il supposa que la jeune femme ne devait pas ĂȘtre venue seule mais accompagnĂ©e d’une petite troupe afin d’assurer sa sĂ©curitĂ©. Et puis, il aimait la prĂ©sence des enfants. Certes, elle lui rappelait son Ăąge, mais ils Ă©taient l’avenir créé par NĂ©era. Leur joie Ă©tait communicative et leur pensĂ©e encore pure et exempt de tout retira finalement la main de sa barbe et regarda de nouveau la jeune femme, un sourire sur la commissure de ses lĂšvres. - Non, vous ne m’imposez rien, Jena. Au contraire, cela me ferait trĂšs plaisir de connaĂźtre votre enfant et d’avoir un peu de jeunesse et de fougue autour de moi. Je ne suis pas si vieux, mais les affres du temps commencent Ă  ronger mon corps. Il est donc toujours agrĂ©able de voir la jeunesse autour de moi. Elle me pour une semaine avant notre dĂ©part. Je ne suis pas Ă  quelques jours prĂšs, vous savez. Je dois me plonger dans la lecture de quelques ouvrages dans les scriptoria de cette forteresse. Nul doute que la recherche puis la copie de certaines parties de ces derniers me prendra un certain temps. Si vous en avez l’envie, je pourrais vous prĂ©senter quelques ouvrages durant cette semaine, pour tromper le temps. Nous pouvons aussi nous retrouver ici chaque soir, pour discuter et mettre au point le parcours retour vers le duchĂ© d’Erac, si cela vous convient, bien entendu. »Les pandiculations du prĂȘtre soulignaient sa fatigue. La soirĂ©e Ă©tait bien avancĂ©e, comme le soulignait les chandelles rapetissant sur le gigantesque lustre. Alors qu’il avait les bras levĂ©s, il entendit un lĂ©ger chant qui Ă©manait d’un des nombreux couloirs qui rejoignait la Grande Salle. Il se concentra quelques instants sur ce chant, avant de le reconnaĂźtre et de sourire. - Les moines sont en train de dĂ©buter les complies*. Voulez-vous vous joindre Ă  moi, rejoindre les moines et prier, avant d’aller vous coucher ? »En attendant la rĂ©ponse de la jeune femme, le prĂȘtre s’était levĂ© de la table. Il siffla doucement et Aile vint le rejoindre sur son Ă©paule. Le petit oiseau vint se pelotonner sur la base de son cou. Jasuhin en profita pour regarder de nouveau Jena. Il pensa Ă  NĂ©era, cette petite fille espiĂšgle qui pouvait bien jouer des tours aux ĂȘtres vivants. Quel devait ĂȘtre le but de la rĂ©union de ces deux protagonistes ? Seule la DĂ©esse le savait.* Dans la liturgie des Heures, il s’agit de la derniĂšre priĂšre du soir, aprĂšs les VĂȘpres et avant les Matines. DerniĂšre Ă©dition par Jasuhin le Humble le Mer 5 Juin 2013 - 554, Ă©ditĂ© 1 fois Jena KastelordAncienNombre de messages 958Âge 34Date d'inscription 23/03/2010Personnage. MANUSCRIT . Âge 30Niveau Magique Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Lun 6 Mai 2013 - 1126 [HRP J'espĂšre que le petit saut dans le temps ne te gĂȘnera pas ! Sinon n'hĂ©site pas Ă  me le dire, j'Ă©diterais ]Acquiesçant Ă  sa proposition de le rejoindre dans cette salle tous les soirs, je me levais Ă  mon tour en souriant au Grand PrĂȘtre. Lui offrant mon bras, je marchais lentement avec lui pour rejoindre nos frĂšres dans leurs derniĂšres priĂšres de la jours s’écoulĂšrent et je me ravissais Ă  chaque fois de ce rendez-vous surprenant que j’avais chaque soir. Le vieil homme Ă©tait un puits de science, j’adorais l’écouter me parler de ses recherches et des idĂ©es qu’il avait pour notre voyage. La veille j’avais envoyĂ© une missive Ă  Alonna pour qu’on fasse venir mes enfants au Tertre le plus rapidement possible. Je voyais dĂ©jĂ  le visage ravi de Dastan et la mine boudeuse de Liliana que la poussiĂšre des voyages horrifiĂ©e. Ce matin Malek apparut aux portes de la forteresse. Jena le rejoignit aussitĂŽt dans la grande salle oĂč se restaurait chaque jour les hommes qui l’avaient accompagnĂ©. - Dame Jena, votre Ă©poux m’a chargĂ© de vous informez qu’il se joignait Ă  l’expĂ©dition menait par le Comte de Velteroc dans les Wandres. Ils sont partis par bateau le jour oĂč je l’ai quittĂ©. Il ne sait pas quand ce voyage prendra fin, mais il vous enverra des nouvelles le plus frĂ©quemment possible. »Ma surprise Ă©tait totalement visible sur mon visage. VoilĂ  une chose Ă  laquelle je ne m’attendais pas venant d’Hanegard. La perspective d’un voyage dans ses terres natales avaient dĂ» rĂ©ellement l’emballer pour qu’il accepte de suivre le Comte de Velteroc. Je sentis un petit pincement dans ma poitrine en me disant qu’il n’avait jamais voulu y retourner avant. Peut-ĂȘtre prĂ©fĂ©rait-il y aller sans moi. AprĂšs tout cette partie lĂ  de sa vie ne me regardait pas et cela faisait longtemps que j’avais cessĂ© de ressentir une pointe de jalousie en pensant Ă  sa premiĂšre Ă©pouse
 A part peut-ĂȘtre en ce moment. Remerciant Malek j’étais retournĂ©e dans la citadelle et avait mis encore plus de cƓur Ă  l’ouvrage pour ne pas penser aux dangers qu’il courait. Le mal de mer en premier, ou une rencontre sanglante avec les clans de cette rĂ©gion
 Pestant je me prie Ă  sourire en l’imaginant vomir tripes et boyaux par-dessus le bastingage. Bien fait pour lui ! Finalement, c’était une excellente chose que je fasse venir les enfants Ă  Sainte jours avaient dĂ©filĂ©s avec lenteur. Je m’occupais en farfouillant avec Jasuhin dans la bibliothĂšque pleine de manuscrit et de parchemin. J’allais discuter chaque jour quelques heures avec les hommes d’Hanegard, leur rapportant mes projets pour qu’ils puissent se prĂ©parer eux aussi au voyage qui nous attendait. En fait je trĂ©pignais d’impatience en attendant mes enfants. Cela faisait une semaine passĂ©e et je ne pouvais empĂȘcher mon instinct de mĂšre de s’inquiĂ©ter. S’il leur Ă©tait arrivĂ© quoi que ce soit, je pense que je ne m’en serais jamais remise, et Hanegard ne me l’aurait probablement jamais pardonnĂ©. Comme chaque soir je rejoignis Jasuhin dans la Grande Salle. Le repas avait Ă©tĂ© servi et le vieil homme mangeait en bout de table en lançant de temps en temps de la mie de pain Ă  Aile. Il avait l’air moins fatiguĂ© qu’à son arrivĂ©e. Les quelques jours passaient au Tertre semblaient lui avoir fait le plus grand bien. M’installant prĂšs de lui, je fis un effort pour mettre mon inquiĂ©tude de cĂŽtĂ© et pour penser Ă  autre chose. - Bonsoir Jasuhin. J’ai vu les derniers dĂ©tails de notre voyage avec KaĂŻn aujourd’hui. Ils se tiendront prĂšs dĂšs que nous souhaiterons partir. »Ma voix dĂ©railla lĂ©gĂšrement sur la fin de la phrase. Je m’en voulais de retarder le vieil homme dans ses projets, il ne devait pas avoir que ça Ă  faire. Ce fut Aile qui me remonta le moral en sautillant sur la table vers moi pour me picorer le bout de l’ongle affectueusement. Un sourire Ă©tira mes lĂšvres et tout d’un coup le moineau s’envola en gazouillant pour se poser sur l’épaule de Jasuhin. Qu’est-ce qui avait bien pu l’effrayer ? Haussant un sourcil surprise, je sentis au mĂȘme moment qu’on tirait sur ma robe. Lorsque je me tournais lĂ©gĂšrement en arriĂšre, je crus que mon cƓur allait exploser de bonheur lorsque je vis la bouille de mon fils me regarder avec ses lĂšvres tremblotantes. Il semblait sur le point de fondre en larme mais faisait tous les efforts du monde pour ne pas craquer. Je levais les yeux vers la porte et vit KaĂŻn debout dans l’entrĂ©e qui me fit un salut de la tĂȘte avant de tourner les talons. Ma fille dĂ©boula quelques secondes aprĂšs en rĂ©clamant elle aussi mon attention. Prenant Dastan sur mes genoux, je fis signe Ă  Liliana de s’installer sur le banc entre Jasuhin et avoir plaquĂ© des dizaines de baisers sur chacune de leur joue, je me tournais vers le Grand PrĂȘtre complĂštement aux anges. - Je vous prĂ©sente ma fille Liliana et mon fils Dastan. Dites bonjour Ă  Jasuhin. » Jasuhin le HumbleHumainNombre de messages 50Âge 34Date d'inscription 06/04/2013Personnage. MANUSCRIT . Âge 51Niveau Magique Sujet Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Mar 7 Mai 2013 - 752 Les priĂšres n’étaient pas terminĂ©es quand l’étrange couple s’éclipsa de la salle de priĂšre. FatiguĂ© mais ravi de sa rencontre, Jasuhin raccompagna sa nouvelle amie jusqu’à ses appartements. Il rencontra alors la garde rapprochĂ©e de la jeune femme. Une rapide prĂ©sentation aux hommes d’Hanegard, une bonne nuit souhaitĂ©e sous la protection de NĂ©era et la promesse de se revoir le lendemain soir. Puis, le vieil homme regagna la Grande Salle. De lĂ , il regagna les moines en train de psalmodier des chants pour implorer l’aide et la protection de NĂ©era. Il joignit sa voix au leur. Il voulait remercier NĂ©era de la prĂ©cieuse et extraordinaire rencontre qu’il venait de faire.[...] - Vous savez, nous ne sommes plus guĂšre nombreux Ă  cette tĂąche. Nous recopions moi et quelques frĂšres copistes les textes les plus dĂ©gradĂ©s, mais la tĂąche est dĂ©sormais trop grande pour nous dorĂ©navant. Nos prĂ©dĂ©cesseurs ont laissĂ© tellement d’ouvrages ... Bref, venez, vous verrez par vous-mĂȘme. »Jasuhin acquiesça et suivit le frĂšre copiste Ă  travers son domaine. De nombreux chevalets Ă©taient alignĂ©s prĂšs des larges fenĂȘtres creusĂ©s dans la pierre. Quelques Ă©critoires Ă©taient disposĂ©es Ă  proximitĂ©. Aile sautilla sur l’un d’entre eux. Il laissa ses empreintes de pattes sur la poussiĂšre qui ne cessait de s’accumuler. Cependant, malgrĂ© l’état de vieillesse apparent, l’endroit Ă©tait encore bien entretenu et sur quelques tables, on constatait que les moines continuaient leur tĂąche, inlassablement. Jasuhin se pencha sur un des chevalets et admira une superbe enluminure. La lettre N s’étendait sur prĂšs de la moitiĂ© de la page. A l’intĂ©rieur de la lettre, de vĂ©ritables scĂšnes de la vie quotidienne, encadrĂ©e par les moines du Tertre. Un travail de patience et de longue haleine. Le grincement d’une porte le tira de son observation. Le frĂšre copiste n’avait pas remarquĂ© l’arrĂȘt de Jasuhin. Il continuait de parler en regardant droit devant lui. - Vous trouverez ce que vous cherchez devant vous. Attendez, je vais faire un peu de lumiĂšre, pour que vous puissiez voir. »Le frĂšre ferma les yeux, rĂ©cita une priĂšre et sa main irradia lĂ©gĂšrement. La lueur Ă©tait cependant suffisante pour se guider dans la piĂšce et atteindre l’énorme vantail qui cachait la fenĂȘtre. Il empĂȘche l’humiditĂ© et la lumiĂšre de passer, afin de prĂ©server les ouvrages les plus vieux. - Que cherchez-vous comme ouvrage dĂ©jĂ  ?- Des tĂ©moignages sur la fondation du Tertre ; et puis, quelques ouvrages plus prĂ©cis sur les dons donnĂ©s par le DĂ©esse. Notamment sur la Foudre. »[...]Les journĂ©es passĂšrent rapidement. Entre les recherches de Jasuhin Ă  la bibliothĂšque, les sĂ©ances de priĂšres, ses soirĂ©es avec Jena ... Bref, le vieux prĂȘtre avait passĂ© une semaine des plus intĂ©ressantes. Il avait Ă©galement eu le temps de se reposer et de reprendre des forces. La prĂ©sence de la jeune femme, jeune et intelligente, le rĂ©gĂ©nĂ©rait et le rassurait sur ses choix. Alors qu’il Ă©tait attablĂ© Ă  un bout d’une des gigantesques tables de la Grande Salle, en train de manger un ragoĂ»t de lapin, Aile piailla et montra des signes d’agitation. Le prĂȘtre tourna la tĂȘte et accueillit la jeune femme avec un sourire. Alors qu’il lui fit signe de s’asseoir et signala Ă  un moine de lui amener une autre assiette, tout s’enchaĂźna trĂšs sentit dans la voix de la jeune femme une certaine apprĂ©hension, une gĂȘne mĂȘme. Bien qu’ils en aient parlĂ© plusieurs fois, Jasuhin sentait que Jena s’en voulait de retarder tant son dĂ©part. Le prĂȘtre avait beau lui expliquer qu’il n’était pas pressĂ©, elle ne cessait de lui dire qu’elle Ă©tait dĂ©solĂ©e de lui imposer cette attente. Le prĂȘtre se doutait Ă©galement qu’elle Ă©tait tendue. Ces enfants n’étaient pas encore arrivĂ©s, et ces nerfs Ă©taient mis Ă  rude Ă©preuve. Aile remplaça la parole de Jasuhin par des gestes prĂ©cis et attendrissant. Le petit moineau vint s’approcher de la main de Jena et lui picorer l’ongle. Un geste d’affection qui montrait que l’oiseau considĂ©rait cette femme comme une amie proche. Toutefois, la rĂ©action subite du moineau interrogea Jasuhin. En levant la tĂȘte, il comprit pourquoi. Un tout jeune garçon s’était faufilĂ© dans le dos de Jena et lui tenait le bas de sa robe. Le regard de Jena trahissait ses Ă©motions mais Ă©galement sa filiation. Elle avait parlĂ© de sa ressemblance avec ses enfants Ă  Jasuhin, mais le prĂȘtre n’imaginait pas qu’elle Ă©tait telle. Il sourit Ă  la scĂšne d’émotion qui se dĂ©roulait devant ses yeux. Il ferma les yeux une seconde et pria NĂ©era pour que cette famille soit Ă©pargnĂ©e par les malheurs de la vie. En les rouvrant, une petite fille s’était jointe Ă  la partie endiablĂ©e de baisers Ă©changĂ©s entre la mĂšre et ses enfants. Aile s’était repliĂ©e sur un coin de table, tout proche de son maĂźtre. Il piailla en regardant son maĂźtre, qui lui caressa la tĂȘte et lui fit un clin d’oeil. La voix de Jena avait changĂ©. On sentait qu’elle Ă©tait heureuse et rassurĂ©e d’avoir retrouvĂ© le fruit de ses entrailles. Elle les prĂ©senta au prĂȘtre, et les enfants esquissĂšrent un timide bonjour Ă  ce personnage encore inconnu d’eux. Jasuhin dĂ©voila un sourire entre sa barbe et leur rĂ©pondit d’un ton doux et tranquille. Bonjour Liliana, bonjour Dastan. Je suis enchantĂ© de faire votre connaissance. Votre mĂšre m’a beaucoup parlĂ© de vous, vous savez. Vous lui ressemblez beaucoup d’ailleurs. Laissez moi vous prĂ©senter un de mes plus fidĂšles siffla et Aile vint se poser sur sa main gauche. Il se nomme Aile, et c’est un moineau qui m’accompagne depuis de nombreuses annĂ©es. Aile, dit leur bonjour. Le moineau sautilla jusqu’au bord de la main de Jasuhin. Il pencha sa tĂȘte, puis piailla plusieurs fois en direction des enfants. L’oiseau semblait rassurĂ© et ne craignait plus la prĂ©sence de ces nouveaux voulez lui donner Ă  manger. Tenez, prenez un peu de mie de pain et donnez lui, vous verrez. Tandis que les enfants amadouaient l’oiseau, Jasuhin fit signe Ă  un moine d’amener deux assiettes de plus pour les enfants. Vous devez avoir faim aprĂšs une telle route. Venez vous asseoir entre nous deux, vous nous raconterez comment s’est dĂ©roulĂ© votre sĂ©jour, et puis, nous vous dirons pourquoi vous ĂȘtes venus ici. »Le regard bienveillant et le sourire malicieux du prĂȘtre invitait Ă  la confiance. Les enfants s’asseyaient entre les deux adultes, sous le regard maternel de leur Ă©dition par Jasuhin le Humble le Mer 5 Juin 2013 - 554, Ă©ditĂ© 1 fois Jena KastelordAncienNombre de messages 958Âge 34Date d'inscription 23/03/2010Personnage. MANUSCRIT . Âge 30Niveau Magique Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Mar 7 Mai 2013 - 1355 Mon fils refusa catĂ©goriquement de quitter mes genoux, en revanche il voulut lui aussi jouer au jeu de donner Ă  manger au moineau ». Liliana et lui se regardaient en riant chaque fois qu’un morceau de mie disparaissait dans le bec d’Aile. La fillette attrapa la petite main de son frĂšre et lui fit un grand sourire tandis que Dastan se laissait tomber en arriĂšre contre ma poitrine. - Il a pas arrĂȘtĂ© de pleurer depuis que Papa et toi vous ĂȘtes partis. » - C’est pas vrai » - Si c’est vrai ! » - Non c’est pas vrai ! » - Moi aussi j’ai pleurĂ©, sauf depuis qu’on est partit de la maison. » - Il est oĂč Papa ? Veux voir Papa aussi. » Par NĂ©era qu’ils m’avaient manquĂ©s ! J’adressais un sourire amusĂ© Ă  Jasuhin en espĂ©rant que leur chahut ne le dĂ©rangeait pas trop. Il m’avait dĂ©jĂ  confiĂ© qu’il adorait la prĂ©sence des enfants, et bien que les miens soient relativement sages, il fallait reconnaĂźtre qu’ils pouvaient ĂȘtre Ă©puisants par moment. Tandis qu’un moine dĂ©posait deux nouvelles assiettes devant eux, j’entendis ravie ma fille le remercier avec un grand sourire. Et bien voilĂ , elle Ă©tait capable de se montrer pleine de bonnes maniĂšres quand elle le voulait. Attirant sa petite tĂȘte vers moi je dĂ©posais un baiser dans ses cheveux en souriant. Dastan posa sa main sur mon menton pour attirer mon attention et il me demanda avec sa petite lĂšvre tremblotante oĂč Ă©tait son pĂšre. Bonne question chĂ©ri ! - Papa est en voyage, chĂ©ri. Mais nous aussi on va voyager. Jasuhin a acceptĂ© qu’on l’accompagne. Tu verras se sera amusant ! Maintenant mange un peu. »Le petit garçon sembla sur le point de fondre en larmes quand je lui annonçais que son pĂšre n’était pas lĂ . A vrai dire moi aussi j’avais envie de pleurer. Mais pas devant les enfants ! Liliana mangeait avec appĂ©tit tout en gavant le pauvre moineau. Mon sourire s’étira et je me tournais vers le Grand PrĂȘtre. - Puisque nous sommes tous lĂ , nous pourrons partir dĂšs que vous le voudrez Jasuhin. Avez-vous trouvĂ© ce que vous cherchiez en venant au Tertre ? » Le vieil homme m’avait expliquĂ© rapidement ses recherches sur le Tertre et j’espĂ©rais sincĂšrement qu’il avait trouvĂ© les rĂ©ponses Ă  ses questions pendant la semaine qui venait de s’écouler. Je passais la main dans les cheveux bruns de mon fils en le regardant s’appliquer Ă  manger. Toute mon angoisse s’était envolĂ©e en les voyant arriver. Maintenant je pouvais m’atteler pleinement Ă  cette mission que j’avais acceptĂ© de partager avec Jasuhin. Eux avec moi je me sentais plus forte. - Au fait, nous avons longuement parlĂ© ce voyage mais quel est votre premier objectif ? » Je ne l’avais jamais trop interrogĂ©e sur ses plans, aprĂšs tout, les personnes de son Ăąge et de son statut aiment souvent faire des mystĂšres. Jasuhin ne devait pas ĂȘtre bien diffĂ©rent ! Cependant je m’interrogeais tout de mĂȘme sur la premiĂšre Ă©tape de son plan. Jasuhin le HumbleHumainNombre de messages 50Âge 34Date d'inscription 06/04/2013Personnage. MANUSCRIT . Âge 51Niveau Magique Sujet Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Ven 10 Mai 2013 - 847 - Oui, je crois. J’ai du chercher dans des ouvrages dont la rĂ©daction doit remonter Ă  la naissance de mon arriĂšre grand-pĂšre, mais j’ai finalement trouvĂ© quelques informations sur des sorts liĂ©s Ă  la maĂźtrise de la foudre. J’ai eu l’autorisation express du responsable de la bibliothĂšque pour recopier ces donnĂ©es, mais ces derniĂšres sont encore lacunaires ... Je vais avoir encore de belles heures de rĂ©flexion devant moi. »Il regarda les enfants qui terminait de finir leurs assiettes. La route devait les avoir affamĂ©s vu la vitesse Ă  laquelle ils avaient engloutis le plat principal, une poule au pot accompagnĂ© de lĂ©gumes divers. Aile s’était familiarisĂ©e avec les nouveaux venus, et encore un peu plus, le moineau deviendrait une vĂ©ritable petite boule de plume, toute ronde. Jasuhin sourit en voyant le moineau qui commençait Ă  dĂ©daigner les miettes de mie que lui lançaient Liliana et Dastan. De sa voix enjouĂ©e, il prĂ©vint les enfants. - Doucement les enfants, vous allez me faire exploser Aile si vous continuez ainsi ! Elle a un tout petit estomac, et je crois que vous l’avez rassasiĂ© pour la soirĂ©e. Aile, si tu remerciais ces gentils enfants ? »Le moineau tourna la tĂȘte vers Jasuhin, cligna des yeux, avant de se diriger en sautillant vers les assiettes vides des enfants. Il piailla plusieurs fois, tout en baissant sa petite tĂȘte dans son plumage. Puis, elle vint picoter lĂ©gĂšrement le bout d’ongle de Liliana. Le moineau attendait la rĂ©action de la jeune fille et de son frĂšre. - Je crois que j’ai terminĂ© ce que je devais faire ici. Et vous, Jena ? »Pensif, il regarda les enfants quelques secondes avant de sourire. - Je n’ai pas rencontrĂ© la PĂšlerine, mais j’ai rencontrĂ© une personne tout aussi formidable et importante. NĂ©era voulait que je vous rencontre, vous et vos enfants. Peut-ĂȘtre que mes pas feront que je croiserais de nouveau l’ancienne gardienne dans un autre lieu, un autre temps. Bref, je m’égare. Pour notre voyage ... »Il n’eut pas le temps de commencer sa phrase, un moine venant l’interrompre pour dĂ©barrasser les assiettes. Il demanda si la petite troupe dĂ©sirait un dessert, notamment pour les enfants. Une tarte aux pommes et une autre aux abricots furent alors amenĂ©es sur la table. Tandis que Jasuhin les dĂ©coupait, les enfants se chamaillaient pour savoir quelle tarte il prendrait. Jasuhin attendit patiemment que leur mĂšre les dĂ©partage, avant de les servir. Il se prit pour lui-mĂȘme une part de tarte Ă  l’abricot. Il commença Ă  la dĂ©guster, et se rendit compte de son aciditĂ©. Il fit une lĂ©gĂšre grimace mais termina tout de mĂȘme son assiette. Apparemment, la mimique de son visage devait ĂȘtre ridicule, au vu des pouffements de rire des deux enfants Ă  son Ă©gard. Il sourit et reprit ses propos. - Comme nous sommes bien au Nord de la pĂ©ninsule, je ne souhaite pas nous aventurer avec vos enfants plus haut. La rĂ©gion est encore instable et je ne souhaite pas vous faire courir le moindre risque. Je pensais me diriger donc vers le Sud, et gagner les terres de la baronnie d’Olyssea. Nous pourrions y faire un court sĂ©jour, afin de rencontrer les Ă©lites locales, mais Ă©galement les grands prĂȘtres locaux. Puis, Ă  partir d’Olyssea, je souhaitais gagner les terres du duchĂ© d’Erac. Nous gagnerions Mons, NĂ©ris, puis Ancennis. Ici, nous pourrions rencontrer le grand prĂȘtre responsable du temple de Primeprestre. Je l’ai dĂ©jĂ  rencontrĂ© et j’aimerai voir s’il peut soutenir mon projet. Par la suite, nous gagnerons les terres de Hautval, avant de faire le tour des Monts Corbeaux et redescendre vers la plaine d’Erac. Nous sĂ©journerons dans mon ancienne prĂȘtrise, avant de gagner la nouvelle, en prenant notre temps et s’en trop forcer les montures et les hommes, je pense que le tout est rĂ©alisable en moins de trois semaines. Qu’en pensez-vous ? »DerniĂšre Ă©dition par Jasuhin le Humble le Mer 5 Juin 2013 - 555, Ă©ditĂ© 1 fois Jena KastelordAncienNombre de messages 958Âge 34Date d'inscription 23/03/2010Personnage. MANUSCRIT . Âge 30Niveau Magique Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Lun 13 Mai 2013 - 1103 C’était toujours un rĂ©gal d’écouter Jasuhin, mĂȘme les enfants semblaient captivĂ©s. Lorsqu’il dĂ©clara qu’il n’avait plus rien Ă  faire au Tertre, je lui adressais un sourire qui voulait dire moi non plus ». Il Ă©voqua l’ancienne gardienne et un instant je pensais Ă  ma rencontre avec elle. Non, moi non plus je n’avais plus rien Ă  faire au Tertre, j’avais envoyĂ© une missive au Grand PrĂȘtre Ă  Alonna pour lui raconter mon entretien avec elle et pour lui parler du projet de Jasuhin que j’entendais aider. Lorsque le vieil homme parla d’une personne importante qu’il avait rencontrĂ©e ici, je le fixais en l’interrogeant du regard. VoilĂ  une chose qu’il m’avait cachĂ©e lors de nos entretiens, et finalement je sentis mes joues s’embrasaient lorsque je compris qu’il parlait de moi. Je ne m’étais jamais vue comme une personne importante, je n’avais jamais oubliĂ© mes annĂ©es de servitude auprĂšs de Dame Camelia, ni de la petite maison que j’avais habitĂ© avec mes parents. Si j’avais un jour atteint un rang supĂ©rieur, c’était seulement parce que j’étais tombĂ©e amoureuse de mon Ă©poux. J’avais connu les largesses d’une vie Ă  l’abri du besoin, j’avais connu le faste des Cours de la PĂ©ninsule, les belles parures, les beaux bijoux
 Mais je n’avais jamais Ă©tĂ© aussi heureuse que le jour oĂč Hanegard m’avait annoncĂ© son intention d’abdiquer. J’avais su Ă  cet instant que je l’aurais enfin pour moi tout entier, que je ne le partagerais plus avec une baronnie
 Bon, Ă  l’heure actuelle il Ă©tait sur un bateau et ne comptait pas revenir avant des mois
 et en compagnie d’un Comte
. mon attention vers Jasuhin, je le regardais dĂ©couper les deux tartes devant mes enfants salivant d’envie. Alors qu’ils se disputaient pour savoir laquelle ils prendraient, je tranchais en leur disant que Dastan prendrait celle aux pommes et Liliana celle Ă  l’abricot. Une fois les parts dans l’assiette, je recoupais en deux chacune d’elle et dĂ©posais une moitiĂ© de chaque dans leurs assiettes. Ma fille me fit un grand sourire, ravie de pouvoir goĂ»ter des deux tartes. Sauf que voilà
. La grimace de Jasuhin les fit rire et aussitĂŽt ils voulurent eux aussi mangĂ© de la tarte aux abricots pour se regarder grimacer
 Je dois reconnaĂźtre que c’était trĂšs amusant ! Jasuhin retrouva son sĂ©rieux et me dĂ©tailla le plan de notre voyage. Olyssea, Erac, Mons , NĂ©ris, Ancenis, Hautval, Ă  nouveau Erac et enfin Berthold
 La balade s’annonçait longue
Je manquais de m’étouffer avec ma gorge d’eau fraĂźche lorsque le vieil homme m’expliqua qu’en trois semaines cela devrait ĂȘtre rĂ©glĂ© ! Trois semaines ? Pour faire toutes ses villes ? Oui cela aurait Ă©tĂ© possible s’ils avaient tenus le rythme rĂ©gulier de cavaliers expĂ©rimentĂ©s mais sans vouloir vexer mon supĂ©rieur, je doutais qu’il puisse tenir une journĂ©e Ă  un tel rythme. Idem pour mes enfants. - Trois semaines
 cela me semble bien peu pour rendre visite Ă  toutes ses personnes. Il ne faut pas oublier qu’on peut nous faire patienter plusieurs avant d’accepter une entrevue. MĂȘme en tant qu’ancienne Baronne je n’ai pas le pouvoir de nous ouvrir les portes en grand dĂšs notre arrivĂ©e. Il faudra patienter peut-ĂȘtre un jour ou deux dans chaque auberge. Et puis ne vous vexez pas Jasuhin, mais pour faire ce trajet en trois semaines il faudrait cravacher sĂ©vĂšre, nous arrĂȘter qu’une journĂ©e maximum et dormir Ă  la belle Ă©toile trop souvent. Pourriez-vous tenir un tel rythme ? En tout cas, eux j’en doute. »Je caressais doucement les cheveux de Dastant qui terminait sa tarte. AprĂšs la derniĂšre bouchĂ©e il se laissa tomber en arriĂšre pour s’appuyer contre moi. Cet enfant Ă©tait insatiable de cĂąlins, j’avais toujours pensĂ© que c’était Ă  cause de la violence de son accouchement qu’il cherchait constamment Ă  ĂȘtre en contact avec son pĂšre ou moi. Le berçant doucement, je repris un ton plus bas en espĂ©rant qu’il s’endormait sans trop faire d’histoire. - En journĂ©e nous n’avancerons pas rapidement, et le soir je prĂ©fĂšrerais Ă©viter de dormir dehors. Les nuits vont en se rafraichissant et je veux les savoir dans un lit, au chaud. Je pense qu’on peut plutĂŽt partir sur quatre semaines pleines en sachant qu’on pourrait dĂ©passer ce dĂ©lai. AprĂšs tout NĂ©era ne souhaite sĂ»rement pas nous tuer Ă  la tĂąche n’est-ce pas ?! Sa volontĂ© sera accomplie mĂȘme si nous prenons une semaine de plus ! Et ne vous faites aucun souci pour les frais de notre voyage. Ça aussi c’est l’un des avantages d’avoir Ă©tĂ© Baronne ! » Jasuhin le HumbleHumainNombre de messages 50Âge 34Date d'inscription 06/04/2013Personnage. MANUSCRIT . Âge 51Niveau Magique Sujet Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Mar 21 Mai 2013 - 644 Il sourit Ă  la tĂȘte grimaçante des enfants qui mangeaient eux aussi une part de la tarte Ă  l’abricot. Jasuhin eut du mal Ă  dĂ©cider lequel des deux faisaient la pire grimace. C’est sur ses rires que Jena interpella Jasuhin sur le futur voyage du petit groupe. Si la jeune femme semblait d’accord sur le futur itinĂ©raire, elle se montra rĂ©ticente sur le temps de parcours estimĂ© par le prĂȘtre. Il est vrai qu’il Ă©tait ambitieux et il se rendit compte qu’il n’avait pas pris en compte l’effort important pour les deux enfants de Jena. La mĂšre jeta de nouveau un coup d’Ɠil sur sa progĂ©niture avant de reprendre. Elle avait raison, d’autant plus que Jasuhin n’était pas pressĂ© par le temps. Du moins pour l’instant. La DĂ©esse Ă©tait partout de toute façon, et elle accompagnait les pas de chacun de ses jeta un nouveau regard sur la mĂšre et ses enfants. Une triste pensĂ©e lui traversa l’esprit. Il n’avait pas connu cette joie si intense d’ĂȘtre parent. Beaucoup de difficultĂ©s mais tellement de bonheur offert au quotidien. Il se souvenait des couples qu’il avait pu aider Ă  enfanter dans le passĂ©, de l’assistance qu’avait offert la DĂ©esse Ă  certains hommes et certaines femmes. Lui, il ne connaĂźtrait jamais cette chance. Pas que l’ordre des Cinq lui interdisait. Mais il s’était jurĂ© Ă  lui mĂȘme de se donner corps et Ăąme Ă  la DĂ©esse. Et une compagne et un enfant aurait difficilement trouvĂ© sa place dans son quotidien. Il secoua la tĂȘte, se rendant compte que Jena venait de terminer. Il hĂ©sita quelques secondes, tentant de se souvenir de ce qu’elle venait de dire. - Vous avez raison, Jena, j’ai fait des calculs qui sont bien trop ambitieux. Et pour vos enfants, et peut-ĂȘtre pour moi. Nous prendrons notre temps. Je ne suis nullement pressĂ©. J'ai laissĂ© quelques amis sur place, pour commencer le projet du monastĂšre 
 Et la DĂ©esse ne les aura pas fait disparaĂźtre d'ici lĂ  ! »Il sourit aux enfants qui commençaient Ă  montrer des signes de fatigue. Le voyage combinĂ© aux retrouvailles de leur mĂšre les avait Ă©puisĂ©s. Tandis qu’il baillait, Jasuhin les dĂ©signa d’un signe de tĂȘte bienveillant. - Ils m’ont l’air d’ĂȘtre Ă©puisĂ© par toutes ces pĂ©ripĂ©ties. Un sommeil rĂ©parateur en compagnie de leur mĂšre leur fera le plus grand bien. Venez, approchez les enfants, et vous aussi Jena. Je vais vous bĂ©nir pour faciliter votre repos. En espĂ©rant qu’il soit propice aux songes rĂ©confortants et rĂ©parateurs. »Jasuhin tendit ses deux mains vers les enfants et Jena, et psalmodia d’une douce voix une priĂšre pour inciter la DĂ©esse Ă  leur accorder le repos. Il se concentra en fermant les yeux, sa respiration se fit rĂ©guliĂšre et il sentit la douce Ă©nergie de la DĂ©esse coulait en lui. Aile vint rejoindre son Ă©paule, augmentant ainsi le pouvoir magique. Il fit lĂ©gĂšrement briller ses mains d’une chaleur rĂ©confortante, rouvrit les yeux et bĂ©nit les enfants. Si Liliana avait hĂ©ritĂ© de sa main vierge, Dastan lui avait en face de lui sa main noire et brulĂ©e. Il se laissa tout de mĂȘme faire, avec une moue de rĂ©ticence et de curiositĂ©. Jasuhin vit la perplexitĂ© du jeune garçon. - Aucune inquiĂštude Ă  avoir les enfants. NĂ©era accompagnera vos songes cette nuit, afin qu’il soit doux et rĂ©confortant. Quand Ă  cette main ... Elle t’intrigue, n’est-ce-pas Dastan ? Elle est le tĂ©moin d’une longue histoire. Une histoire trop longue pour ĂȘtre contĂ©e ce soir en tout cas. Mais demain, je vous raconterai son origine. En attendant, allez-vous coucher. Vous en avez bien besoin. »Joignant le geste Ă  la parole, Jasuhin se leva et raccompagna Jena jusqu’à la porte de la salle. Il lui proposa de partir demain matin, en dĂ©but de matinĂ©e. Pas trop tĂŽt pour que les enfants puissent ĂȘtre bien rĂ©veillĂ©s et frais pour la journĂ©e de route. Il remercia Jena pour son implication, puis la regarda partir avec ses enfants. Jasuhin gagna la salle de priĂšre, et joignit sa voix Ă  celle des autres moines. Il avait commencĂ© Ă  sympathiser avec quelques uns, notamment un vieux moine Ă  la panse bedonnante. Il Ă©changea quelques mots avec lui, avant de tourner sa voix, ses yeux et son esprit vers NĂ©era. [...]Il se tourna vers l’imposante muraille une derniĂšre fois. L’hiver n’était pas loin. Une brume entourait le Tertre, lui donnant un air lugubre. Elle semblait surgir du nĂ©ant, tel un phare guidant les pas des Hommes Ă  travers l’Histoire. Un rire le tira de sa contemplation. Les enfants jouaient avec Aile. Il tentait d’attraper le petit moineau, mais il se montrait trop agile pour les deux paires de mains des enfants. Un sourire sur les lĂšvres, il se dĂ©tourna du chĂąteau, et gagna d’un pas rapide le groupe qui s’éloignait dans le brouillard matinal.=> VERS LA BARONNIE D'OLYSSEA Contenu sponsorisĂ©Sujet Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Page 1 sur 1 Sujets similaires» Le roi sous la montagne ou le Gormrik sous le Kazaz» [Autel] Prieres silencieuses» Entre priĂšres et souvenirs Solange & Aurel» LĂ  oĂč nos priĂšres se croisent. Hyriel et Kelendil [TERMINE]» [Missive] Du Grand-Sud au Grand-NordPermission de ce forumVous ne pouvez pas rĂ©pondre aux sujets dans ce forumMiradelphia PÉNINSULE Marquisat de Sainte Berthilde Marquisat de Sainte BerthildeSauter vers ăgo, ĕre, ēgi, actum, tr. - voir l'article ago de Gaffiot. - axim = egerim, Pac. ap. Non. 505, 22; axit = egerit, Paul. Diac. 3, 3; agier = agi,” Cic. Off. 3, 15; agentĆ«m = agentium, Vulc. Gall. Av. Cass. 4, 6. - cf. gr. áŒ„Îł. [st1]1 [-] chasser devant soi, faire marcher, conduire, pousser, amener en parlant des ĂȘtres animĂ©s ou personnifiĂ©s. - jus agendi, Caj. le droit de passage avec un troupeau. - agere captivum prae se, Curt. 7, 6 faire marcher un captif devant soi. - agere agmen, Virg. conduire une troupe. - agere currum conduire un char. - agere capellas, Virg. mener les chĂšvres au pĂąturage. - se agere, Virg. agi, Liv. se transporter, aller. - unde agis te? Plaut. d'oĂč viens-tu? - quo agis te? Plaut. Am. oĂč vas-tu? - ad castra Samnitium perrexit, quo multitudo omnis consternata agebatur, Liv. 10, 29 il marcha vers le camp des Samnites oĂč se dirigeait, Ă©pouvantĂ©e, toute la foule des soldats. - agere carmine quercus, Virg. entraĂźner les chĂȘnes par ses chants. - fluvius vi agens undas, Curt. fleuve qui roule ses eaux avec impĂ©tuositĂ©. - praecipites Germani in amnem aguntur, Tac. H. 5 les Germains sont poussĂ©s et prĂ©cipitĂ©s dans le fleuve. [st1]2 [-] emmener comme capture. - praedam praedas agere, Sall. se retirer avec du butin hommes et bĂ©tail. - agere et ferre emmener et emporter = piller. - res sociorum ferri agique vidit, Liv. il vit livrer au pillage les biens des alliĂ©s. - agunt feruntque cuncta, Tac. fig. ils mĂšnent tout Ă  leur grĂ©. [st1]3 [-] poursuivre, chasser, mettre en fuite. - apros agere, Virg. G. 3, 412 poursuivre des sangliers [Ă  la chasse]. - acerba fata Romanos agunt, Hor. Epo. 7,17 des destins cruels poursuivent les Romains. - agentia verba Lycamben, Hor. Ep. 1, 19, 25 les mots qui harcĂšlent Lycambe. - agere hostem ad naves, Just. poursuivre l'ennemi jusqu'aux vaisseaux. - agere aliquem de fundo, Cic. chasser qqn de sa propriĂ©tĂ©. - agere in fugam mettre en fuite. - lapidibus aliquem agere chasser qqn Ă  coups de pierres. [st1]4 [-] conduire, gouverner, entraĂźner, pousser Ă , contraindre; Ă©mouvoir, agiter, inquiĂ©ter, solliciter, attirer. - Tros Tyriusque mihi nullo discrimine agetur, Virg. En. 1 Troyens ou Tyriens, ils seront traitĂ©s par moi sans distinction. - se agere = se gerere se comporter, se conduire. - tantā mobilitate sese Numidae agunt, Sall. J. 56 tant la conduite des Numides est mobile. - aliquem transvorsum agere, Sall. J. 6, 3 pousser qqn hors du droit chemin. - aliquem praecipitem agere, Cic. entraĂźner qqn Ă  sa perte. - agere in furorem, Quint. rendre furieux. - agere in bellum, Tac. pousser Ă  la guerre. - agere ad omne scelus, Tac. pousser Ă  tous les crimes. - me profari agit, Sil. il me pousse Ă  parler. - agere in mortem pousser Ă  se donner la mort. - deus ultor agebat, Ov. M. 14 un dieu vengeur l'agitait. - diris agam vos, Hor. Epod. 5 je vous poursuivrai de mes imprĂ©cations. - ubi studio agitur aut irā, Curt. dĂšs que la foule est emportĂ©e par l'enthousiasme ou la colĂšre. - seu te discus agit, Hor. ou si le disque t'attire. [st1]5 [-] mouvoir une chose, donner une impulsion, donner une direction, faire avancer, pousser. - fracturae centum libras agentes, Plin. des fragments de roche [remuant la balance]= pesant cent livres. - agere navem, Hor. diriger un vaisseau. - in litus naves agere, Liv. 22, 19 tirer les bateaux sur le rivage. - agere vineas, Caes. faire avancer les mantelets. - cuniculum agere ad aerarium? Cic. Off. 3 conduire faire une galerie jusqu'au TrĂ©sor public. - agere limitem au fig. reculer les limites, gagner du terrain. [st1]6 [-] pousser au-dedans, faire pĂ©nĂ©trer, enfoncer. - agere telum costis, Sil. enfoncer un trait dans la poitrine. - agere fulmen, lancer la foudre. - pluma in cutem radices egerat imas, Ov. M. 2 le plumage avait enfoncĂ© dans la peau de profondes racines. - agere rimas se fendre, se lĂ©zarder, se gercer. [st1]7 [-] pousser au-dehors, faire sortir de soi. - agere frondem, Plin. pousser des feuilles. - scintillas agere, Lucr. 2, 675 lancer des Ă©tincelles. - agere spumas, Cic. Ă©cumer. - agere contagia, Virg. rĂ©pandre la contagion. - animam agere, Cic. rendre l’ñme, expirer. - sudor agitur, Sil. la sueur s'Ă©chappe des pores. [st1]8 [-] passer le temps, ĂȘtre, vivre, sĂ©journer, habiter. - agere vitam passer sa vie, vivre. - decimum annum agere ĂȘtre dans sa dixiĂšme annĂ©e, ĂȘtre ĂągĂ© de neuf ans. - agere pacem vivre en paix, ĂȘtre en paix. - alter agebatur mensis, Ov. le second mois s'Ă©coulait. - securum agere aevum, Hor. mener une vie tranquille. - agere hiberna, Liv. ĂȘtre en quartier d'hiver. - annum ago octogesimum, Cic. je suis dans ma quatre-vingtiĂšme annĂ©e. - Marius apud primos agebat, Sall. Marius Ă©tait Ă  l'avant-garde. - in spe agere, Tac. espĂ©rer. - in omni Africa, quae procul a mari agebat, Sall. J. 89 dans toute l'Afrique, qui Ă©tait Ă©loignĂ©e de la mer. - agere dies festos, Cic. Verr. cĂ©lĂ©brer des jours de fĂȘte. [st1]9 [-] faire, agir, ĂȘtre actif, travailler, ĂȘtre efficace. - agere rem negligenter, Ter. mener une affaire avec nĂ©gligence. - quid agis? = que fais-tu? ou comment vas-tu? - hoc age, Plaut. fais attention. - quid agam? = que dois-je faire? que faire? - aliud agere penser Ă  autre chose, ĂȘtre indiffĂ©rent, ĂȘtre distrait. - nihil agere ne rien faire, n’aboutir Ă  rien. - nihil agis, dolor! quamvis sis molestus, numquam te esse confitebor malum, Cic. Tusc. 2, 25, 61 tu perds ton temps, ĂŽ douleur! Si importune que tu sois, jamais je ne reconnaĂźtrai que tu es un mal. - electum agere faire son choix, choisir. - virtus aliquid agit, Sen. la vertu est active. - id agimus ut + subj. nous travaillons Ă  ceci que, notre but notre objectif est de. - nihil agetur, Dig. il n'y aura rien de fait, l'acte sera nul. - gratias agere remercier. - laudes agere glorifier. - forum agere rendre la justice. - e re sua agere agir selon son propre intĂ©rĂȘt. - rem agere cum aliquo rĂ©gler une affaire avec qqn. [st1]10 [-] agir de telle ou telle façon, traiter qqn bien ou mal. - agere bene aliquo se comporter bien Ă  l’égard de qqn. - male agere, Cic. se conduire mal. - praeclare agere cum aliquo bien agir Ă  l'Ă©gard de qqn. - non pessime cum iis agitur, Cic. impers. ils ne sont pas Ă  plaindre. - bene agi potuisse cum rebus humanis, si... Suet.... que le monde aurait pu ĂȘtre heureux si... - agere pro victoribus se comporter en vainqueurs. - sic par est agere cum civibus, Cic. Off. 2, 83 voilĂ  comment il convient d’agir Ă  l’égard de ses concitoyens. - au pass. impers. secum male actum putat, Cic. Verr. 3, 119 il pense qu’on s’est mal comportĂ© Ă  son Ă©gard. - cum illo quis neget actum esse praeclare? Cic. Lael. 11 qui pourrait dire que la destinĂ©e n’a pas Ă©tĂ© belle pour lui? - optime actum cum eo videlur esse, qui... Cic. Fam. 5, 18, 1 il semble avoir un sort heureux celui qui... - agite ut voltis, Cic. de Or. 2,367 agissez Ă  votre guise. - perge ut agis, Cic. Fam. 10, 12, 5 continue d’agir comme tu fais. - bene agis, cum... jussisti, Liv. 8, 33, 10 tu as raison d’avoir ordonnĂ©. - agere lege agir conformĂ©ment Ă  la loi frapper de la hache. - lictor, in eum primum lege age, Liv. 26, 6, 3 licteur, commence par lui l’application de la loi. - cf. Liv. 26, 15, 9 ; Sen. Contr. 10, 3, 6. [st1]11 [-] administrer, gouverner, gĂ©rer, remplir une charge, s'occuper de, procĂ©der Ă . - agere bellum, Caes. conduire la guerre, avoir la conduite de la guerre. - agere regnum rĂ©gner. - agere triumphum, Cic. Fam. 3, 10 triompher. - agere mensuram, Plin. 15, 3, 4, § 14 mesurer. - agere stationem, Liv. 35, 29 monter la garde. - libera arbitria agere, Liv. 24, 45 [faire des dĂ©cisions libres]= dĂ©cider arbitrairement. - agere consulatum, Quint. 12, 1, 16 ĂȘtre consul, exercer la fonction de consul, exercer le consulat. - vigilias agere, Cic. Verr. faire sentinelle. - censum agere, Liv. faire le recensement. - agere senatum, Suet. Caes. 88 assembler le sĂ©nat. - fiscum agere, Suet. lever l'impĂŽt. [st1]12 [-] rouler dans son esprit, songer Ă . - nescio quid mens mea agat, Ov. H. 12, 212 je ne sais ce qui se passe dans mon esprit. - agere cogitationem parricidalem, Quint. nourrir la pensĂ©e d'un parricide. - agere de intranda Britannia, Tac. Agr. 13 mĂ©diter une descente en Bretagne. [st1]13 [-] parler en public, prononcer un discours, haranguer, plaider; discuter, confĂ©rer, traiter; qqf. rendre un arrĂȘt. - in agendo plus quam in scribendo operam ponere, Cic. s'occuper plus de parler que d'Ă©crire. - quum proxime res agentur, la prochaine fois qu'on plaidera, Ă  la premiĂšre audience. - agere causam plaider. - Agricola juste agebat, Tac. Agricola prononçait avec Ă©quitĂ©. - agere coepit se + inf. Nep il proposa de... - agebatur de condicionibus, Liv. on discutait sur les conditions. - agere de aliqua re traiter une affaire. - agitur ea res in senatu on traite de cette question au sĂ©nat. - agere cum populo s’adresser au peuple, porter une question devant le peuple. - agere cum senatu porter une question devant le sĂ©nat. - nihil ago tecum, Plaut. je n'ai rien Ă  dĂ©mĂȘler avec toi. - sic agere cum meis soleo, voici ce que je dis aux gens de ma maison. - hic de quo agebam, Ter. celui dont je parlais. - bella, quae agimus, Liv. 10 les guerres que nous racontons. - quae tecum, Catilina, sic agit et la voici qui s’adresse directement Ă  toi, Catilina Ă  propos de la patrie. - agere cum aliquo ut... Cic. discuter avec qqn pour que, prier qqn de... - formule de contrat inter bonos bene agier oportet, Cic. Off. 3 il faut que les choses se passent bien entre honnĂȘtes gens. [st1]14 [-] intenter une accusation, accuser. - si quid de se agi vellent, Nep. s'ils voulaient lui faire un procĂšs. - agere aliquem reum, Liv. poursuivre qqn en justice. - agere aliquem adulterii, Quint. accuser qqn d'adultĂšre. [st1]15 [-] reprĂ©senter, exprimer, dĂ©biter comme acteur ou comme orateur, remplir le rĂŽle de, se conduire, agir comme; simuler, se donner les airs de, faire le... - agere fabulam jouer une piĂšce. - agere primas partes jouer le premier rĂŽle. - agere bonum virum jouer le rĂŽle d’honnĂȘte homme. - agit Chaeram, Cic. il joue le rĂŽle de ChĂ©rĂ©as. - agere cum venustate, Cic. avoir un dĂ©bit agrĂ©able. - agere partes misericordiae, Cic. se conduire en homme compatissant. - laetum convivam agit, Hor. il agit en joyeux convive. - agere unum hominem, Sen. ĂȘtre toujours le mĂȘme ne jouer qu'un personnage. - egi illos omnes adulescentes, Cic. Fam. 2, 9 j'ai contrefait mimĂ© toute cette fameuse jeunesse. [st1]16 [-] au passif ĂȘtre en question, ĂȘtre en jeu. - non pecunia agitur, Ter. ce n'est pas d'argent qu'il s'agit. - agitur populi Romani gloria il s’agit de la gloire du peuple romain la gloire du peuple romain est en jeu. - is de quo agitur la personne en question. - magna hereditas agitur il est question d'un important hĂ©ritage. - mea res agitur mon intĂ©rĂȘt est en question, mon intĂ©rĂȘt est en jeu. - id agitur quis occiderit la question est de savoir qui a tuĂ©. - id de quo agitur l'affaire en question. - aguntur bona multorum, Cic. il y va de la fortune de beaucoup de gens. - voir actum; actus * * * ăgo, ĕre, ēgi, actum, tr. - voir l'article ago de Gaffiot. - axim = egerim, Pac. ap. Non. 505, 22; axit = egerit, Paul. Diac. 3, 3; agier = agi,” Cic. Off. 3, 15; agentĆ«m = agentium, Vulc. Gall. Av. Cass. 4, 6. - cf. gr. áŒ„Îł. [st1]1 [-] chasser devant soi, faire marcher, conduire, pousser, amener en parlant des ĂȘtres animĂ©s ou personnifiĂ©s. - jus agendi, Caj. le droit de passage avec un troupeau. - agere captivum prae se, Curt. 7, 6 faire marcher un captif devant soi. - agere agmen, Virg. conduire une troupe. - agere currum conduire un char. - agere capellas, Virg. mener les chĂšvres au pĂąturage. - se agere, Virg. agi, Liv. se transporter, aller. - unde agis te? Plaut. d'oĂč viens-tu? - quo agis te? Plaut. Am. oĂč vas-tu? - ad castra Samnitium perrexit, quo multitudo omnis consternata agebatur, Liv. 10, 29 il marcha vers le camp des Samnites oĂč se dirigeait, Ă©pouvantĂ©e, toute la foule des soldats. - agere carmine quercus, Virg. entraĂźner les chĂȘnes par ses chants. - fluvius vi agens undas, Curt. fleuve qui roule ses eaux avec impĂ©tuositĂ©. - praecipites Germani in amnem aguntur, Tac. H. 5 les Germains sont poussĂ©s et prĂ©cipitĂ©s dans le fleuve. [st1]2 [-] emmener comme capture. - praedam praedas agere, Sall. se retirer avec du butin hommes et bĂ©tail. - agere et ferre emmener et emporter = piller. - res sociorum ferri agique vidit, Liv. il vit livrer au pillage les biens des alliĂ©s. - agunt feruntque cuncta, Tac. fig. ils mĂšnent tout Ă  leur grĂ©. [st1]3 [-] poursuivre, chasser, mettre en fuite. - apros agere, Virg. G. 3, 412 poursuivre des sangliers [Ă  la chasse]. - acerba fata Romanos agunt, Hor. Epo. 7,17 des destins cruels poursuivent les Romains. - agentia verba Lycamben, Hor. Ep. 1, 19, 25 les mots qui harcĂšlent Lycambe. - agere hostem ad naves, Just. poursuivre l'ennemi jusqu'aux vaisseaux. - agere aliquem de fundo, Cic. chasser qqn de sa propriĂ©tĂ©. - agere in fugam mettre en fuite. - lapidibus aliquem agere chasser qqn Ă  coups de pierres. [st1]4 [-] conduire, gouverner, entraĂźner, pousser Ă , contraindre; Ă©mouvoir, agiter, inquiĂ©ter, solliciter, attirer. - Tros Tyriusque mihi nullo discrimine agetur, Virg. En. 1 Troyens ou Tyriens, ils seront traitĂ©s par moi sans distinction. - se agere = se gerere se comporter, se conduire. - tantā mobilitate sese Numidae agunt, Sall. J. 56 tant la conduite des Numides est mobile. - aliquem transvorsum agere, Sall. J. 6, 3 pousser qqn hors du droit chemin. - aliquem praecipitem agere, Cic. entraĂźner qqn Ă  sa perte. - agere in furorem, Quint. rendre furieux. - agere in bellum, Tac. pousser Ă  la guerre. - agere ad omne scelus, Tac. pousser Ă  tous les crimes. - me profari agit, Sil. il me pousse Ă  parler. - agere in mortem pousser Ă  se donner la mort. - deus ultor agebat, Ov. M. 14 un dieu vengeur l'agitait. - diris agam vos, Hor. Epod. 5 je vous poursuivrai de mes imprĂ©cations. - ubi studio agitur aut irā, Curt. dĂšs que la foule est emportĂ©e par l'enthousiasme ou la colĂšre. - seu te discus agit, Hor. ou si le disque t'attire. [st1]5 [-] mouvoir une chose, donner une impulsion, donner une direction, faire avancer, pousser. - fracturae centum libras agentes, Plin. des fragments de roche [remuant la balance]= pesant cent livres. - agere navem, Hor. diriger un vaisseau. - in litus naves agere, Liv. 22, 19 tirer les bateaux sur le rivage. - agere vineas, Caes. faire avancer les mantelets. - cuniculum agere ad aerarium? Cic. Off. 3 conduire faire une galerie jusqu'au TrĂ©sor public. - agere limitem au fig. reculer les limites, gagner du terrain. [st1]6 [-] pousser au-dedans, faire pĂ©nĂ©trer, enfoncer. - agere telum costis, Sil. enfoncer un trait dans la poitrine. - agere fulmen, lancer la foudre. - pluma in cutem radices egerat imas, Ov. M. 2 le plumage avait enfoncĂ© dans la peau de profondes racines. - agere rimas se fendre, se lĂ©zarder, se gercer. [st1]7 [-] pousser au-dehors, faire sortir de soi. - agere frondem, Plin. pousser des feuilles. - scintillas agere, Lucr. 2, 675 lancer des Ă©tincelles. - agere spumas, Cic. Ă©cumer. - agere contagia, Virg. rĂ©pandre la contagion. - animam agere, Cic. rendre l’ñme, expirer. - sudor agitur, Sil. la sueur s'Ă©chappe des pores. [st1]8 [-] passer le temps, ĂȘtre, vivre, sĂ©journer, habiter. - agere vitam passer sa vie, vivre. - decimum annum agere ĂȘtre dans sa dixiĂšme annĂ©e, ĂȘtre ĂągĂ© de neuf ans. - agere pacem vivre en paix, ĂȘtre en paix. - alter agebatur mensis, Ov. le second mois s'Ă©coulait. - securum agere aevum, Hor. mener une vie tranquille. - agere hiberna, Liv. ĂȘtre en quartier d'hiver. - annum ago octogesimum, Cic. je suis dans ma quatre-vingtiĂšme annĂ©e. - Marius apud primos agebat, Sall. Marius Ă©tait Ă  l'avant-garde. - in spe agere, Tac. espĂ©rer. - in omni Africa, quae procul a mari agebat, Sall. J. 89 dans toute l'Afrique, qui Ă©tait Ă©loignĂ©e de la mer. - agere dies festos, Cic. Verr. cĂ©lĂ©brer des jours de fĂȘte. [st1]9 [-] faire, agir, ĂȘtre actif, travailler, ĂȘtre efficace. - agere rem negligenter, Ter. mener une affaire avec nĂ©gligence. - quid agis? = que fais-tu? ou comment vas-tu? - hoc age, Plaut. fais attention. - quid agam? = que dois-je faire? que faire? - aliud agere penser Ă  autre chose, ĂȘtre indiffĂ©rent, ĂȘtre distrait. - nihil agere ne rien faire, n’aboutir Ă  rien. - nihil agis, dolor! quamvis sis molestus, numquam te esse confitebor malum, Cic. Tusc. 2, 25, 61 tu perds ton temps, ĂŽ douleur! Si importune que tu sois, jamais je ne reconnaĂźtrai que tu es un mal. - electum agere faire son choix, choisir. - virtus aliquid agit, Sen. la vertu est active. - id agimus ut + subj. nous travaillons Ă  ceci que, notre but notre objectif est de. - nihil agetur, Dig. il n'y aura rien de fait, l'acte sera nul. - gratias agere remercier. - laudes agere glorifier. - forum agere rendre la justice. - e re sua agere agir selon son propre intĂ©rĂȘt. - rem agere cum aliquo rĂ©gler une affaire avec qqn. [st1]10 [-] agir de telle ou telle façon, traiter qqn bien ou mal. - agere bene aliquo se comporter bien Ă  l’égard de qqn. - male agere, Cic. se conduire mal. - praeclare agere cum aliquo bien agir Ă  l'Ă©gard de qqn. - non pessime cum iis agitur, Cic. impers. ils ne sont pas Ă  plaindre. - bene agi potuisse cum rebus humanis, si... Suet.... que le monde aurait pu ĂȘtre heureux si... - agere pro victoribus se comporter en vainqueurs. - sic par est agere cum civibus, Cic. Off. 2, 83 voilĂ  comment il convient d’agir Ă  l’égard de ses concitoyens. - au pass. impers. secum male actum putat, Cic. Verr. 3, 119 il pense qu’on s’est mal comportĂ© Ă  son Ă©gard. - cum illo quis neget actum esse praeclare? Cic. Lael. 11 qui pourrait dire que la destinĂ©e n’a pas Ă©tĂ© belle pour lui? - optime actum cum eo videlur esse, qui... Cic. Fam. 5, 18, 1 il semble avoir un sort heureux celui qui... - agite ut voltis, Cic. de Or. 2,367 agissez Ă  votre guise. - perge ut agis, Cic. Fam. 10, 12, 5 continue d’agir comme tu fais. - bene agis, cum... jussisti, Liv. 8, 33, 10 tu as raison d’avoir ordonnĂ©. - agere lege agir conformĂ©ment Ă  la loi frapper de la hache. - lictor, in eum primum lege age, Liv. 26, 6, 3 licteur, commence par lui l’application de la loi. - cf. Liv. 26, 15, 9 ; Sen. Contr. 10, 3, 6. [st1]11 [-] administrer, gouverner, gĂ©rer, remplir une charge, s'occuper de, procĂ©der Ă . - agere bellum, Caes. conduire la guerre, avoir la conduite de la guerre. - agere regnum rĂ©gner. - agere triumphum, Cic. Fam. 3, 10 triompher. - agere mensuram, Plin. 15, 3, 4, § 14 mesurer. - agere stationem, Liv. 35, 29 monter la garde. - libera arbitria agere, Liv. 24, 45 [faire des dĂ©cisions libres]= dĂ©cider arbitrairement. - agere consulatum, Quint. 12, 1, 16 ĂȘtre consul, exercer la fonction de consul, exercer le consulat. - vigilias agere, Cic. Verr. faire sentinelle. - censum agere, Liv. faire le recensement. - agere senatum, Suet. Caes. 88 assembler le sĂ©nat. - fiscum agere, Suet. lever l'impĂŽt. [st1]12 [-] rouler dans son esprit, songer Ă . - nescio quid mens mea agat, Ov. H. 12, 212 je ne sais ce qui se passe dans mon esprit. - agere cogitationem parricidalem, Quint. nourrir la pensĂ©e d'un parricide. - agere de intranda Britannia, Tac. Agr. 13 mĂ©diter une descente en Bretagne. [st1]13 [-] parler en public, prononcer un discours, haranguer, plaider; discuter, confĂ©rer, traiter; qqf. rendre un arrĂȘt. - in agendo plus quam in scribendo operam ponere, Cic. s'occuper plus de parler que d'Ă©crire. - quum proxime res agentur, la prochaine fois qu'on plaidera, Ă  la premiĂšre audience. - agere causam plaider. - Agricola juste agebat, Tac. Agricola prononçait avec Ă©quitĂ©. - agere coepit se + inf. Nep il proposa de... - agebatur de condicionibus, Liv. on discutait sur les conditions. - agere de aliqua re traiter une affaire. - agitur ea res in senatu on traite de cette question au sĂ©nat. - agere cum populo s’adresser au peuple, porter une question devant le peuple. - agere cum senatu porter une question devant le sĂ©nat. - nihil ago tecum, Plaut. je n'ai rien Ă  dĂ©mĂȘler avec toi. - sic agere cum meis soleo, voici ce que je dis aux gens de ma maison. - hic de quo agebam, Ter. celui dont je parlais. - bella, quae agimus, Liv. 10 les guerres que nous racontons. - quae tecum, Catilina, sic agit et la voici qui s’adresse directement Ă  toi, Catilina Ă  propos de la patrie. - agere cum aliquo ut... Cic. discuter avec qqn pour que, prier qqn de... - formule de contrat inter bonos bene agier oportet, Cic. Off. 3 il faut que les choses se passent bien entre honnĂȘtes gens. [st1]14 [-] intenter une accusation, accuser. - si quid de se agi vellent, Nep. s'ils voulaient lui faire un procĂšs. - agere aliquem reum, Liv. poursuivre qqn en justice. - agere aliquem adulterii, Quint. accuser qqn d'adultĂšre. [st1]15 [-] reprĂ©senter, exprimer, dĂ©biter comme acteur ou comme orateur, remplir le rĂŽle de, se conduire, agir comme; simuler, se donner les airs de, faire le... - agere fabulam jouer une piĂšce. - agere primas partes jouer le premier rĂŽle. - agere bonum virum jouer le rĂŽle d’honnĂȘte homme. - agit Chaeram, Cic. il joue le rĂŽle de ChĂ©rĂ©as. - agere cum venustate, Cic. avoir un dĂ©bit agrĂ©able. - agere partes misericordiae, Cic. se conduire en homme compatissant. - laetum convivam agit, Hor. il agit en joyeux convive. - agere unum hominem, Sen. ĂȘtre toujours le mĂȘme ne jouer qu'un personnage. - egi illos omnes adulescentes, Cic. Fam. 2, 9 j'ai contrefait mimĂ© toute cette fameuse jeunesse. [st1]16 [-] au passif ĂȘtre en question, ĂȘtre en jeu. - non pecunia agitur, Ter. ce n'est pas d'argent qu'il s'agit. - agitur populi Romani gloria il s’agit de la gloire du peuple romain la gloire du peuple romain est en jeu. - is de quo agitur la personne en question. - magna hereditas agitur il est question d'un important hĂ©ritage. - mea res agitur mon intĂ©rĂȘt est en question, mon intĂ©rĂȘt est en jeu. - id agitur quis occiderit la question est de savoir qui a tuĂ©. - id de quo agitur l'affaire en question. - aguntur bona multorum, Cic. il y va de la fortune de beaucoup de gens. - voir actum; actus * * * Ago, Agis, priore corr. egi, actum, agere. Besongner, Faire quelque chose. \ Hoc age. Terent. Sois du tout attentif Ă  cela, Laisse toutes choses pour entendre Ă  cela, Pren y garde. \ Id agunt, vt viri boni esse videantur. Cic. Ils taschent et mettent peine Ă  estre estimez gents de bien. \ Cum seruo Habiti furti egit. Cic. Il a accusĂ© de larcin le serf d'Habitus. \ Agere iniuriarum cum aliquo. Sub. crimine. Cic. Intenter action en cas d'injures alencontre de quelcun, Agir contre quelcun, etc. \ Agere vineas et turres. Caesar. Poulser devant soy, Approcher, ou mettre pres. \ Hoccine agis, an non? Terent. Entens tu Ă  ce que je te dis, ou non? \ Membris agit atra venena. Virgil. Chasse dehors. \ Agere caudam. Colum. Remuer la queue. \ Est ne ipsus de quo agebam? Terent. N'est ce pas celuy de qui je parloye? \ Agere. Virgil. Gouverner. \ Agere. Virgil. Vexer, Inquieter, Tormenter. \ Agere. Virg. Poursuyvre aucun, Presser, Chasser de pres. \ Agere. Tacit. Vivre. \ Agere inter homines desiit. Tacit. Il est mort. \ Vt ferri agique res suas viderunt. Liuius. Quand ils veirent qu'on ravissoit et qu'on emmenoit tout leur bien. \ Agere aliquem ad aliquid. Plin. Induire, Inciter. \ Agere ad populum. Cic. Traicter et adviser avec le peuple de quelque affaire publique. \ Agere omnia ad praescriptum. Caesar. Faire tout par, ou selon l'ordonnance d'autruy. \ AEtatem agere Athenis. Cicero. Vivre en Athenes, Passer ses jours, Finer ses jours, User sa vie en Athenes. \ Hic fere aetatem egit in literis. Cicero. Il a estudiĂ© presque toute sa vie, ConsumĂ© sa vie Ă  l'estude. \ AEuum cum diis in caelo. Cic. Vivre eternellement. \ AEuum per crimina. Ouid. Vivre en toutes meschancetez. \ Aliquem. Cic. Contrefaire aucun. \ Aliud agere. Cic. Ne point penser ou entendre Ă  ce qu'on dict, Penser ailleurs, Faire des chasteauls en Espaigne. \ Aliud nunc agit. Cic. Il ne s'en soulcie pas Ă  ceste heure. Bud. \ Ambages. Plaut. User d'ambages, Parler ambiguement. \ Ambigue. Corn. Tacit. Tourner autour du pot, Aller en ambageoye. \ Amicum. Plin. Se monstrer vray ami, Faire office d'ami, Faire en bon ami. \ Animam. Ci. Se mourir, Estre Ă  l'article de la mort, Tirer Ă  la fin, Rendre l'esprit. \ Animum. Horat. Tourner, Induire. \ Animo magno et forti rem aliquam agere. Cic. Faire quelque chose hardiement et sans crainte. \ Annum secundum agere, etc. Varro. Estre au deuxiesme an de son aage. \ Anni nonaginta aguntur a Virgilii vatis obitu. Plin. Il y a quatre vingts dix ans que Virgile est mort. \ Apologum. Plaut. Conter une fable. \ Apud aliquos. Cic. Faire une harangue Ă  aucuns. \ Arbitrium alicuius rei. Liu. Faire le maistre de quelque chose, En disposer et ordonner Ă  son plaisir. \ Astute. Matius. Cic. User de finesse, ou astuce, Faire ou dire quelque chose par faintise. \ Agere bellum vt, Bella agenda non puero. Ouid. Faire la guerre. \ Bene mecum agitur. Cicero. Je suis bien, Mon cas va bien, Mon cas se porte bien, Je me tiens bien pour content, Je suis bien heureux, etc. \ Bene cum rebus humanis ageretur. Sueton. Ce seroit un grand bien pour les hommes. \ Bene egissent Athenienses cum Milciade, etc. Valer. Max. Les Atheniens se feussent bien portez envers luy, Ils luy eussent faict grand plaisir, Ils eussent beaucoup faict pour luy, si, etc. \ Blanditiis agitur nihil. Ouid. On ne gaigne rien Ă  flatter. \ Agere canticum. Liu. Danser. \ Captiuos sub curribus. Mart. Mener les prisonniers en triomphe. \ Causam, vel causas. Plin. Advocasser, Plaider une cause. \ Censuram. Senec. Estre rigoreux. \ Censura agitur. Ouid. Agere circum. Virg. Faire tournoyer. \ Ciuem mirificum. Caelius Cic. Se monstrer bon et vray citoyen. \ Coliculum. Columel. Jecter, ou produire une petite tige. \ Communiter aliquid. Cic. Traicter de quelque chose ensemble. \ Consilia. Liu. Tenir conseil, Consulter ensemble. \ Consulem. Plin. iunior. Faire office de Consul. \ Contagia late. Ouid. Jecter bien loing et espardre sa contagion et infection. \ Contentione magna. Liu. Tascher fort et prendre grand peine Ă  faire quelque chose. \ Conuentus. Caesar. Terent. Tenir les estats d'un pais, Tenir les grands jours ou l'eschiquier. \ Agere cum alio re aliqua vt, Plebeio sermone agere cum aliquo. Ci. User de language commun et vulgaire en parlant Ă  luy. \ Agere cum aliquo. Caes. Traicter de quelque chose avec aucun, Luy tenir propos de quelque chose. \ Egit nobiscum, vt, si nobis videretur, adiremus ad eorum senatum. Ci. Il nous teint propos d'aller si bon nous sembloit, etc. \ Agere cum aliquo. Cice. Soliciter un homme Ă  faire quelque chose, et l'en requerir. \ Quid cum illis agas, qui neque ius, etc. Terent. Que ferois tu avec ces gents lĂ  qui, etc. \ Nihil ago tecum. Plau. Je n'ay que faire ne que soulder avec toy. \ Accurate agere cum aliquo, vt. Ci. Le solliciter fort et soigneusement que, etc. \ Familiariter agere cum aliquo. Cic. Dire, ou Parler familierement et priveement Ă  aucun. \ Gladiis. Cic. User de glaives envers aucuns. \ Hortatione. Cic. User d'exhortation. \ Iracunde. Cic. En se courrouceant. \ Leniter. Cic. Doulcement, Gratieusement. \ Praeceptis. Cic. User de commandements, Commander Ă  aucun. \ Precibus. Cic. User de prieres, Prier aucun. \ Prisce. Cic. Le traicter Ă  la mode ou maniere ancienne, Ă  l'antique. \ Remisse. Cic. Non asprement. \ Seuere. Cic. User de severitĂ© envers aucun. \ Simpliciter. Cic. Simplement et rondement. \ Tabellis obsignatis. Cic. Le convaincre par ses lettres mesmes. \ Vehementer. Cic. Asprement. \ Vrbane. Cic. Civilement. \ Agere cum Patribus. Cic. Traicter de quelque chose avec les senateurs. \ Agere cum populo. Cic. Quand un magistrat assembloit le peuple, et traictoit avec euls de quelque affaire publique. \ Agere cuniculos ad aerarium. Cic. Faire une mine, Miner. \ Curam. Liu. Se soulcier de quelque chose. \ Euphrates cursum ad occasum solis agit. Pli. Flue, coule, fait son cours vers Occident. \ Custodiam vrbis. Liu. Garder la ville, Faire le guet sur la ville. \ De caeteris rebus quicquid erit actum, scribam ad te. Cic. Tout ce qui aura estĂ© faict et traictĂ© des autres choses. \ Agere de pace. Liu. Traicter de la paix. \ Agere de re aliqua ad fidem. Liu. Parler de quelque chose en sorte qu'on soit creu. \ De cosilio publico aliquid agere. Cic. Faire quelque chose par conseil et advis commun. \ Agere aliquid de loco superiore. Cic. Estant hault assis en siege judicial, Tenant le siege. \ Agitur de capite, aut fama. Ci. Il est question de la vie, La vie y pend. \ Delectum. Plin. Faire eslite, Discerner. \ Agi desiderio alicuius rei. Liu. Avoir grand desir de quelque chose, La desirer et regretter fort. \ Diem vitae extremum agere. Cic. Estre Ă  son dernier jour, Se mourir. \ Diem festum. Cic. Faire feste, Celebrer, ou solennizer la feste. \ Diem vnum bene agere ex philosophiae praeceptis. Cice. Vivre un jour selon, etc. \ Diris agere aliquem. Horat. Mauldire quelcun, et prier ou souhaiter que mal luy advienne. \ Agentur a nobis omnia diligenter. Cic. Nous ferons toute diligence de cela. \ Agere equum in viam. Liu. Picquer son cheval, et s'en aller. \ Error agit aliquem. Ouid. Erreur le meine. \ Agere ex aequo. Tacit. Avoir pareille authoritĂ© et preeminence. \ Res agitur ex animo. Author ad Heren. A bon escient, et sans faintise. \ Ex diuerso agere. Quintil. Advocasser pour partie adverse. \ Ex fide bona agere. Cic. Intenter une action de bonne foy, Y aller Ă  la bonne foy. \ Agere ex insidiis. Cic. Aller, ou proceder par trahison. \ Ex sponso siue ex sponsu agere. Quod recentiores dixerunt, Agere ex stipulatu. Cic. Convenir sa partie pour raison d'une stipulation. \ Ex syngrapha cum aliquo agere. Cicer. Faire poursuyte d'une debte ou promesse dont il appert par cedule du defendeur. \ Exemplis. Plin. Amener, ou alleguer exemples. \ Experimenta. Plin. Experimenter. \ Agere fabulam, comoediam, tragoediam. Cic. Jouer une farce. \ Fama agit aliquem. Horat. Le bruit le fait estre congneu du monde. \ Folia agere dicitur arbor. Col. Jecter, ou produire ses fueilles. \ Fortuna nostra agitur per aduersas procellas. Ouid. Est agitee. \ Agere forum. Cic. Exercer judicature, Tenir les plaids. \ Frigora agunt venti. Virg. Les vents ameinent la froidure. \ Agere frondem dicitur arbor. Plin. Jecter et produire ses branches et fueilles. \ Agere fugam. Liu. S'enfuir. \ Fundamenta. Cicero. Mettre et jecter ou faire les fondements, Fonder. \ Genialiter agere festum. Ouid. Faire grand chere Ă  la feste. \ Gemmas agere dicitur vitis, aut arbor. Columel. Bourgeonner. \ Agere gestum in scena. Cic. Faire les gestes et mines. \ Grauiter agere aliquid. Horat. Diligemment et habillement. \ Gradus agere praecipites. Valer. Flac. Cheminer fort vistement. \ Gradus agere tacitos. Idem. Marcher, ou cheminer sans dire mot. \ Agere grates, poeticum magis, quam oratorium. Plau. Ci. Liu. Remercier, Rendre graces. \ Gratias. Cic. Remercier, Regracier. \ Gratias alicui apud alium. Cicero, Mirificas apud me tibi gratias egit, prorsus incredibiles. Il t'a grandement remerciĂ©, ou regracie en parlant Ă  moy. \ In aliqua re gratias agere. Cic. Remercier de quelque chose. \ In singulas res agere gratias. Cic. A chascun poinct. \ Dicimus Agere maximas gratias, meritas, incredibiles, singulares, singularibus verbis, et amplissimis. Ex Terentio et Cicerone. Remercier grandement, Regracier haultement. \ Age hoc. Plaut. Entens ici. \ Hoc age. Terent. Bien doncques, fay le. \ Hoc age. Passe oultre. Bud. ex Gellio. \ Hoc agite amabo. Terent. Entendez ici je vous prie. \ Agere hyemem sub tectis. Liu. Passer son yver Ă  couvert. \ Agere ictum. Liu. Donner un coup, Poulser le coup. \ Id agere, vt hoc fiat. Cic. Mettre peine que cela se face. \ Non id agebam. Plin. Je n'y pensoye pas. B. \ Imperium agere. Plin. Conuicto male acti imperii rei militaris. Convaincu d'avoir mal gouvernĂ© et administrĂ© l'office de capitaine et chef de guerre. \ Agere in, pro esse. Virg. Plin. Dies in terra agit, noctes in aqua. De jour il est en terre, de nuict en l'eaue. \ Agere animum in admirationem. Pli. Faire esmerveiller, Ravir en admiration. \ In arma. Liu. Inciter Ă  faire la guerre. \ Agere in crucem. Cic. Crucifier. \ In exilium. Plin. Bannir, Envoyer en exil. \ In fraudem. Virg. Mettre en danger. \ In fugam. Liu. Chasser, Faire fuir, Donner la chasse, Mettre en fuite. \ Redit agricolis labor actus in orbem. Virgil. Les laboureurs sont touts les ans Ă  recommencer leur labeur. \ In bona spe. Tacit. Avoir bonne esperance, Estre en bonne esperance. \ Incuriosius. Tacit. Ne penser point Ă  soy, N'estre point sur ses gardes. \ Inquisitio agitur. Plin. On fait enqueste. \ Iter agere. Ouid. Aller. \ Iudicium agitur. Plin. Quand le juge congnoist d'une matiere. \ Iure summo agere. Cic. Traicter un homme en toute rigueur, Luy faire au pis qu'on peult. \ Agere laudes et grates diis. Liu. Louer et remercier Dieu. \ Legationem apud aliquem. Asconius. Estre ambassadeur envers aucun. \ Agere dicuntur legati suppliciter. Liu. Quand les ambassadeurs font leur harangue en suppliant. \ Lege agere. Cic. Poursuyvre selon la loy. \ Leniter. Cic. Doulcement. \ Lente agere. Liu. Laschement. \ Luxuriam agere. Horat. Reprendre et blasmer prodigalitĂ©. \ Agere mandata. Cic. Faire ce qu'on nous a commande, Mettre en execution ce, etc. \ Agit mecum fortuna secundis rebus. Lucan. Fortune me favorise, me dit, me rit. \ Agitur mensis septimus, aut annus. Terent. C'est ici, ou Voici la septieme annee. \ Mensuram alicuius rei agere. Plin. Reduire Ă  mesure. \ Foras agendus est metus mortis. Lucret. Il fault chasser dehors la crainte de mourir, Il ne fault point craindre la mort. \ Agere pingui Minerua. Cic. Parler grossement et lourdement. \ Morem. Sallust. Avoir et entretenir une coustume. \ Modice agere quippiam. Cic. Tempereement, Modereement. \ Multum agit sexus, aetas, conditio. Quintil. Y sert de beaucoup, y fait beaucoup. \ Non multum egerit. Curius ad Ciceronem. Il ne profictera pas beaucoup. \ Agere ne. Liu. Omnia, ne id fieret, agentibus. Cerchants touts les moyents que cela ne se feist. \ Agere negotium suum. Cic. Se mesler de ses affaires. \ Nihil agere. Cic. Ne faire chose qui vaille, Perdre sa peine, Perdre temps. \ Neque nostrae disputationes quicquam aliud agunt, nisi vt, etc. Nos disputations ne tendent Ă  autre chose, sinon que, etc. \ Noctem inter gaudia agere. Virg. Passer la nuict en joyeusetez. \ Nugas agere. Plaut. Baver. \ Orationem. Cic. Prononcer une oraison, ou faire une harangue. \ Oscitanter. Cic. Negligemment. \ Otia. Virgil. Estre oiseulx. \ Pacem. Sallust. faire la paix. Estre en repos. apud Sillium. \ Partes aliquas, siue aliquem. Cic. Jouer le personnage d'aucun, ou son roulet. \ Primas partes. Terent. Estre le principal personnage d'une farce. \ Partes alicuius vicissim. Terent. Faire l'office de quelcun, ainsi qu'il a faict le nostre, Faire pour aucun comme il a faict pour nous. \ Primas partes in re aliqua. Cic. Estre le principal et plus excellent que les autres. \ Agi dicuntur pecora. Virg. Quand on les meine. \ Agere animalia potum. Varro. Mener ou chasser les bestes Ă  l'abbrevoir, Les mener boire. \ Agere prae se armenta. Liu. Toucher devant soy et mener. \ Agere aliquid per alium. Cic. Faire par un autre. \ Agi per saxa latratibus canum. Ouid. Estre chassĂ© parmi les pierres et rochiers. \ Agere plebem. Liu. Mener le peuple Ă  sa fantasie, ou Troubler et mutiner. \ Poenas alicuius sceleris ab aliquo agere. Liu. Punir aucun pour quelque cas. \ Poenitentiam agere. Plin. iunior. Se repentir, Avoir regret d'avoir faict quelque chose. \ Prae se agere aliquem. Statius. Chasser devant soy. \ Praecipitem ex alto. Caesar. Jecter du hault en bas. \ Praecipitem de fundo. Cic. Jecter violentement hors de sa terre. \ Praecipitem, per metaphoram. Cic. Ruiner. \ Praecipitem eum agunt poenae ciuium. Ci. Les meurtres qu'il a commis luy tormentent l'esprit et la conscience tellement qu'il en est comme furieux et troublĂ© de l'entendement. \ Praedam. Liu. Emmener la proye ou le butin. \ Quercus agere carmine. Virg. Esmouvoir. \ Quid ages? Terent. Non interrogantis, sed metuentis hoc dictum est. Que penses tu faire? Qu'est ce que tu feras? \ Vide quid agas. Ter. Que veuls tu faire? Regarde que tu feras. \ Agamus quod agitur. Cic. Parlons de la matiere subjecte. \ Agere radices deorsum. Colu. Jecter ses racines avant en terre. \ Radices agit vera gloria, per metaphoram. Cic. Prend racines, Est de longue duree. \ Agere remissius cum subjectis. Colum. Ne traicter point rudement ses subjects. \ Alias res agere. Terent. Penser Ă  autre chose, N'entendre point Ă  ce qu'on dict, Penser ailleurs. \ Res alicuius agere. Cic. Faire les affaires d'aucun. \ Retro aliquid agere. Plin. Compter Ă  reculons, ou Ă  rebours. \ Agere reum. Plin. Accuser, mettre sus un crime Ă  quelcun, et le poursuyvre judiciairement. \ Agere rimas. Cic. Se fendre, Se crevasser. \ Scintillas agere. Lucret. Jecter des estincelles, Estinceler. \ Agere se. Cheminer. vt, Quo hinc te agis? Ter. OĂč vas tu d'ici? \ Agere se pro equite Rom. Suet. Se dire et maintenir estre, etc. \ Agit se pro nobili. Il se dit noble. B. \ Agere secretum. Sueton. Estre tout seul. \ Agere aliquid secum. Cic. Faire quelque chose tout seul. \ Agitur Senarus. Sueton. Le senat est assemblĂ©. \ Agere honoratam senectutem. Li. Passer sa vieillesse honorablement. \ Silentium. Ouid. Se taire, Ne sonner mot. \ Spumas. Cic. Jecter escumes, ou Escumer par la bouche. \ Stationem. Tacit. Faire le guet en la guerre, ou autour de la personne du prince. \ Triumphum. Cic. Triompher. \ Triumphum ex aliquo populo agere. Liu. Triompher apres avoir eu victoire de quelque peuple. \ Ventis agi. Ouid. Estre menĂ© ou poulsĂ© des vents. \ Ver agit orbis. Virg. Il est le prin temps. \ Agere versum. Cic. Prononcer un vers avec le geste requis. \ Vi agere. Liu. User de force, Aller par force. \ Vigilias noctu ad aedes sacras. Cic. Faire le guet de nuict. \ Agere vitam ruri. Liu. Vivre Ă©s champs. \ Lachrymis agendum est. Sen. Il fault user de larmes, Il fault plourer. \ Agitur gloria pop. Romani. Cic. Il est question de la gloire et honneur des Romains. \ Agitur magnum ipsius periculum. Plancus Ciceroni. Il est en grand danger. \ Aguntur res Attici. Cic. Il est question des affaires d'Atticus. Selena Gomez en concert Ă  Atlanta le 9 juin 2016 — Robb Cohen Photography &/AP/SIPA Vendredi 8 juillet 2016Incroyablement gaulĂ©e, Emily Ratajkowski hĂ©site rarement Ă  dĂ©voiler ses courbes de rĂȘve. Pour Harper’s Bazaar, la jeune femme s’est une fois encore prĂȘtĂ©e au jeu du shooting dĂ©nudĂ©, sur un cheval cette fois-ci. Le magazine l’a immortalisĂ©e en Godiva, une lady du XIXe qui, selon la lĂ©gende, aurait chevauchĂ© nue dans les rues de Coventry en Angleterre, pour convaincre son mari de faire baisser les impĂŽts locaux qui accablaient les habitants. Une incarnation visuellement rĂ©ussie, mention spĂ©ciale pour le cheval, vachement Gomez embrasse une filleSelena Gomez est vraiment une frappadingue. Sur les rĂ©seaux sociaux, une vidĂ©o de l’ex Ă©gĂ©rie Disney fait actuellement le buzz ». On y dĂ©couvre la jeune femme lors d’une soirĂ©e, embrassant un tout petit bisou Ruby Carr, la pianiste qui assure ses premiĂšres parties. Pas de quoi fouetter un chat, mais ça a suffi pour enflammer » la Toile. Kim Kardashian a un corps trĂšs bizarrePour la Ă©niĂšme fois depuis le dĂ©but de l’annĂ©e, Kimmy a postĂ©sur Instagram un selfie dĂ©voilant ses courbes voluptueuses. Rien d’extraordinaire, si ce n’est sa silhouette Ă©trangement proportionnĂ©e, de quoi agiter ses followers. Poitrine gĂ©nĂ©reuse, taille de guĂȘpe et hanches toutes rondes, il faut reconnaĂźtre que Kim Kardashian semble dĂ©sormais venue d’une autre planĂšte. Mais l’important c’est qu’elle se plaise Ă  elle-mĂȘme, non ?Sophie Tapie tombe le hautDe dos. Sur Twitter, Sophie Tapie, la fille de Bernard, a postĂ© un clichĂ© trĂšs estival, oĂč on la dĂ©couvre avec une amie, toutes les deux topless, les bras grands ouverts, face au soleil. Pas de problĂšmes de traces de maillot. Home / Paper / On m’a obligĂ© Ă  coucher avec un chien et un cheval pour de l’argent » 25 dĂ©cembre 2013 Paper 6,477 Vues On m’a obligĂ© Ă  coucher avec un chien et un cheval pour de l’argent » A l’allure oĂč l’internet fait des dĂ©gĂąts de nos jours dans la couche jeune de la population camerounaise et surtout chez les dĂ©sƓuvrĂ©s, cela montre Ă  quel point l’Etat camerounais s’est montrĂ© impuissant de contrĂŽler ce vaste champ Ă  la fois trĂšs important dans les recherches scientifiques, car dĂ©truisant et mettant en mal l’espoir de plusieurs camerounais. Comme en tĂ©moigne cette triste histoire racontĂ©e au journal Le soir » par une Ă©niĂšme victime qui s’est vue utilisĂ©e et chosifiĂ©e par un prĂ©tendu un homme d’affaire français. C’est au cours de ses multiples randonnĂ©es sur le net que Elvire Axelle Tchamakoua, esthĂ©ticienne de formation, et ĂągĂ©e de 25 ans va tomber sur sa part de blanc » en octobre 2011. Avec ce dernier, la jeune Axelle va communiquer comme tout bonne camerounaise pendant un bon bout de temps via le net. Le blanc en question se nomme Jean Claude Fayard, qui s’est prĂ©sentĂ© Ă  la jeune Axelle comme homme d’affaire faisant dans l’import export et basĂ© Ă  Marseille. C’est cet activitĂ© somme toute trĂšs florissante qui va aiguiser les objectifs d’Axelle. Six mois durant, ils vont Ă©changer et au mois de Mars 2012 monsieur Fayard jean Claude dĂ©cidĂ© de venir au Cameroun accompagnĂ© de son conseiller financer rencontrer sa dulcinĂ©e qui l’attendait Ă  bras ouvert. L’accueil sera faste et grandiose au domicile de la tante d’Elvire au quartier Santa Barbara, Ă  YaoundĂ©. AprĂšs deux jours passĂ©es Ă  Santa Barbara, Jean Claude dĂ©cide de vite faire ce pourquoi il est venu, c’est-a-dire le mariage avec sa nouvelle femme qu’il aime beaucoup. Tous les rites coutumiers, civiles et religieuses seront effectues le week-end du 16 au 18 Mars 2012 Ă  la mairie de Bafing et aussi Ă  la paroisse saint Achille de la mĂȘme ville Ă  l’ouest Cameroun. Le dĂ©part du Cameroun pour la France eut lieu le 21 Mars 2012 par le vol Air France aux environs de 23 heures. De son dĂ©part pour la France, Jean Claude va laisser Ă  ses beaux parents une somme de Fcfa comme argent de poche. Ce que la pauvre camerounaise ignore totalement, c’est que le prĂ©tendu homme d’affaire est en fait un proxĂ©nĂšte rĂ©putĂ© dans l’usage des jeunes filles Ă  des fins commerciales. Une fois en France, Axelle dĂ©posera ses bagages dans la ville de Clermont Ferrand logis de Jean Claude. AprĂšs neuf mois passĂ©s dans cette ville, Jean dĂ©cidera de dĂ©mĂ©nager pour la ville de Lourdes oĂč dit-il, ils devaient rĂ©sider. C’est effectivement dans cette ville qu’Axelle va subir l’un des plus grands traumatismes de sa vie. Quelques jours aprĂšs leur installation Ă  Lourdes, un monsieur va sonner Ă  la porte et il vient de la part de Jean Claude. Ce dernier est en fait un client venu se soulager car ayant versĂ© de l’argent Ă  Jean Claude. A la grande surprise d’Axelle qui va appeler son Ă©poux et ce dernier lui intimera l’ordre de faire » ce que dit le monsieur. Du retour de son boulot, Jean Claude se confiera Ă  Axelle en ces termes sache que tu dois travailler pour me rembourser tout mon pognon que j’ai dĂ©pensĂ© au Cameroun. C’est en tout cas plus de trois mille euros dĂ©pensĂ©s. Et, tu as deux ans pour me le rembourser. ». A ces mots, Axelle va s’écrouler et croira que tout ceci n’est qu’un rĂȘve. Que non ! Rappelons que son passeport Ă  Ă©tĂ© saisi par Jean Claude ainsi que toutes ses affaires personnelles. Interdit aussi de tĂ©lĂ©phoner. Chaque jour donc, elle se verra labourer et malaxer le derriĂšre et mĂȘme le devant par tout genre d’hommes qui allaient mĂȘme sans prĂ©servatifs car ayant versĂ© une somme importante auprĂšs de Jean Claude. Un beau matin, Axelle est surprise de voir dĂ©barquer chez elle un certain monsieur Loiseau suivi d’un chien et accompagnĂ© de Jean Claude. Ce dernier venait se libĂ©rer aprĂšs avoir mis longtemps sans avoir vu une chienne. Axelle Elvire sera ainsi conduite de force dans la chambre afin de coucher avec le chien de monsieur Loiseau. Parait-il dans ce milieu, le prix est triplĂ© quand il s’agit des animaux. La jeune Axelle va regretter amĂšrement le fameux jour oĂč elle rencontra cet homme. AprĂšs ceci, ils s’en iront en laissant la jeune Axelle toute seule. C’est alors qu’elle forcera la porte pour s’en sortir ne sachant oĂč aller. Elle tombera sur un couple de jeunes camerounais, habitant Lourdes, le couple Dongbou qui lui indiquera le chemin de l’ambassade. Une fois lĂ  bas, l’ambassadeur Mbella, aprĂšs avoir Ă©coutĂ© cette derniĂšre, la suivra au lieu de sa souffrance. Jean Claude sera arrĂȘtĂ© mais par manque de preuve, le procĂšs qui s’est dĂ©roulĂ© le 10 AoĂ»t dernier Ă  Paris Ă  dĂ©bouchĂ© sur un non lieu. C’est tout larmoyante, abattue et trĂšs couverte de honte qu’Axelle a rejoint la terre de ses ancĂȘtres le 11 AoĂ»t dernier et conduite directement Ă  l’hĂŽpital dĂ©partemental de Bafang oĂč elle Ă©tait sous soins intensifs. Elle s’est confiĂ©e au journal Le Soir » avant son dĂ©cĂšs survenu le dimanche 18 AoĂ»t 2013. Selon le docteur Ngasseu Paulin, mĂ©decin chef Ă  l’hĂŽpital de Bafang, cette derniĂšre a eu les parties gĂ©nitales totalement endommagĂ©es. Check Also * Ip L\ ' *' WĂ­ ' M *Sr^% S \ ' ~J%"Ă  i>- p>. » /S73 Ă­ -\Ă­r ' ' ’ ÉDITION PORTATIVE DES REVERIES, O u MEMOIRES $UR L'ART DE LA GUERRE , PAR MAURICE COMTE DE SAXE, me DE CVRLANDE ET DE SEMIGALLE, MarĂ©chal gĂ©nĂ©ral des arme'es de s. m. t. c, &c ,&c. Edition revue U corrigĂ©e exaclemem fur le Manuscrit original augmentĂ©e de VAbrĂ©gĂ© de la Vie de r Auteur , & de plusieurs pieces fur l’Art de la Guerre , relatives aujjjiĂȘme de M. le MarĂ©chal de Saxe. Ăź^e tout dirigĂ© par M. de Viols* ancien Officier d’Artillerie» A DRESDE, Aux dĂ©pens de l’Editeur; ^ V* P *! ' kĂŹ X»»s>X .j j f v ” ^ ĂŹ „ ^ > 'HĂš* -3+Ă­ MXDWM Jí₏» 4 »Çí~ dit ? toℱ\X*X*X$ ± - ^□ac3icii=Ev^jt>^za^EraiiriaĂ­^ A MESSIEURS LES OFFICIERS GENERAUX. ]V1essieurs, Cet ouvrage, que j’ai Thon- neur de vous dĂ©dier, ne peut qu ĂȘtre bien reçu , venant d’un Auteur si illustre c’est dans cette confiance que j’ose vous le prĂ©senter. A qui pouvois-je mieux soffrir qu’à vous, Messieurs , puisqu’iĂ­ n’a Ă©tĂ© fait que pour votre usage ? Recevez-le donc aij Ă­v comme un bien qui vous appar- tenoit, que je ne fais que vous restituer, & non comme un hommage que vous rend un vil adulateur dans une Ă©pĂźtre dictĂ©e par la flatterie ou l’intĂ©rĂȘt. Je souhaite , Messieurs,- que mon. zele puisse vous ĂȘtre agrĂ©able. Je suis avec une trĂšs-profonde vĂ©nĂ©ration , MESSIEURS , j Votre trĂšs-humble & trĂšsĂŹ ebĂ©ijfant serviteur * * * V avertissement. X 'Empressement du Public Ă  se procurer les diffĂ©rends Editions de ces MĂ©moires , fait a ff e q connoĂ­tre la bontĂ© de l ou- yrage , & nous a dĂ©terminĂ©s Ă  le reproduirefous une nouvelle forme. La plupart des autres Editions ont Ă©tĂ© faites d’aprĂšs celle qui parut Ă  la Haye en un volume in-folio , publiĂ©e par M. de Bonneville , qui tira une copie du Manuscrit original que M. le MarĂ©chal de S axe avoit donnĂ© Ă  M. le Comte deScĂ nt-Ger- main , dont M. de Bonneville Ă©toit SecrĂ©taire . Aucune de ces Editions ne nous a paru affe^ commode, surtout pour Messieurs les e lles font toutes exĂ©cutĂ©es avec Jl peu de foin , qu il semble qu on aiij vj AVERTISSEMENT. ait ase clĂ© de copier les fautes mĂȘmes d’impression qui avoient Ă©chappĂ© Ă  la vigilance du premier Editeur,fans s’ĂȘtre embarrassĂ© d’imiter la beautĂ© de U exĂ©cution. Cette nouvelle Edition joint Ă  Vavantage d’ĂȘtre portative , celui d' avoir Ă©tĂ© faite fous les yeux de plusieurs connoijfeurs. Au refle elle a Ă©tĂ© revue fur une copie manuscrite que M. le MarĂ©chal de Saxe avoit donnĂ©e sous le sceau du secret Ă  un Officier distinguĂ©, tant par sa naissance que parses exploits militaires, qui a bien voulu nous aider de ses conseils. II s 3 efl fait , ains que nous , un scrupule de toucher au fond des matiĂšres mais il n 'a point hĂ©stĂ© Ă  changer quelques expressions peu Françoises , ou quelques tours de phrases peu intelligibles ! C 3 es encore par son avis que nous avons mis Ă  la tĂȘte de ces. AVERTISSEMENT, vĂŹj MĂ©moires un abrĂ©gĂ© succint de la, vie de M. le MarĂ©chal de Saxe , persuadĂ©s que les Lecteurs seront charmĂ©s de connoitre les principales actions de ce grand Capitaine . Nous avons terminĂ© ces MĂ©moires par des morceaux relatifs aux vĂ»es de M. le MarĂ©chal de Saxe, & qui nous ont Ă©tĂ© envoyĂ©s par des Officiers d'un mĂ©rite connu. Mes» ficurs les Militaires conviendront qu 'il seroit Ă  propos , pour la perfection d’un Art qui f ait les HĂ©ros , que ces idĂ©es fussent mises Ă  exĂ©cution. A u fi nous ne doutons pas que le MinistĂšre , toujours attentif Ă  la gloire de la Nation, n y donne quelque jour tous ses foins. Cette Edition n a pas a la vĂ©ritĂ© l’avantage des figures dont les autres font plus ou moins ornĂ©es. Mais outre qu elles ne nous ont P as paru absolument nĂ©cessaires, viij AVERTISSEMENT. nous y avens suppléé par une ex~ plication claire & prĂ©cise des Ope- rations ; & un Lecteur intelligent les regrettera d’’autant moins , qu il connoĂ­t les variations journaliĂšres qui arrivent dans les diffĂ©rentes manoeuvres d’une armĂ©e . IX ABRÉGÉ DE LA VIE DE M. LE MARÉCHAL DE SAXE. M Auric e , Comte deSaxe, naquit Ă  Dresde le 19 Octobre 1696. II Ă©toit fils naturel de Frederic- Auguste II. Electeur de Saxe, Roi de Pologne, & Grand Duc de Lithuanie, & de la Comtesse Aurore de Konis- marck, d’une des plus illustres Maisons de Suede. Le jeune Comte de Saxe fut Ă©levĂ© avec le mĂȘme soin que le Prince Electoral, & donna dĂšs son enfance des marques dĂ©cidĂ©es de son inclination pour les armes. Au Ă­ortir du berceau il ne lui falloir que des tambours & des tymbales> a v X AbrĂ©gĂ© de la P”te don r le bruit lui plaisoit tant qu’il est faisoit son unique amusement. A mesure qu’il grandiĂ­soit il couroit avec une aviditĂ© singuliĂšre voir faire l’exer- cĂŹce aux troupes, & Ă  peine Ă©toit-il rentrĂ© dans son appartement qu’il faisoit venir des enfans de son Ăąge , avec lesquels il imitoit en petit ce qu’il avoir vĂ» exĂ©cuter en grand. Les armes l’aĂ­- fectoient tellement qu’il ne vouloit entendre parler d’aucune Ă©tude ; on eut bien de la peine mĂȘme Ă  lui faire apprendre Ă  lire & Ă  Ă©crire le cheval & le fleuret l’occupoient entierement. On ne parvenoit Ă  le faire Ă©tudier quelques heures le matin qu’en lui promettant qu’il monteroit Ă  cheval l’a- prĂšs-midi. II aimoit Ă  avoir des François auprĂšs de lui, & c’est pour cette raison que la Langue Françoise fut la seule Langue Ă©trangĂšre qu’il voulut bien apprendre par principes. Le Comte de Saxe suivit ensuite l'Electeur son pere dans toutes ses expĂ©ditions militaires ; il se trouva au siĂšge de Lille en 1708 , Ă  l’ñge de 12 ans , en qualitĂ© d’Aide Major GĂ©nĂ©ral du Comte de Schullembourg, GĂ©nĂ©- de M. de Saxe. xj rai des troupes Saxonnes, & monta plusieurs fois Ă  la tranchĂ©e tant de la Jille que de la Citadelle fous les yeux Ă  Roi son pere , qui dĂšs-lors conçut de grandes idĂ©es du jeune Prince. II ne marqua pas moins d'intrĂ©piditĂ© au Ă­ĂŹege de Tournay qui se fit l’annĂ©e sui- J an te , oĂč il manqua pĂ©rir ‱ plusieurs Ăźois ; mais oĂč il se fit plus admirer Ă  cet Ăąge-lĂ  , ce fut Ă  la Bataille de Mal- plaquet le 11 Septembre de la mĂȘme annĂ©e, oĂč il fit des prodiges de valeur; ĂȘc loin d’ĂȘtre rebutĂ© par 1 horrible carnage de ce combat, il dit le soir , qu’2/ doit content de fa journĂ©e. La Campagne de 17x0 ne lui sut pas moins glorieuse ; les GĂ©nĂ©raux Marlborough & Eugene firent publiquement son Ă©loge. Il suivit en 1711 le Roi de Pologne Ă  Stratsund , oĂč il passa la riviĂšre Ă  la fiage Ă  la vue des ennemis, le piĂ­lolet Ă  la main; il vit pĂ©rir Ă  ses cotĂ©s, pendant ce passage, trois Officiers & plus de vingt soldats fans en paroĂźtre plus dmu. , L e retour Ă  Dresde, le Roi qui avoir tte tĂ©moin de son courage & de sa a v] jdj AbrĂ©gĂ© de la VĂźe capacitĂ© lui fit lever un RĂ©giment c?Ă© Cavalerie le Comte de Saxe n’eut d’autre occupation tout l’hyver que de faire exĂ©cuter par son RĂ©giment les nouvelles Ă©volutions qu’il avoit imaginĂ©es, & le mena l’annĂ©e suivante contre les SuĂ©dois. II se trouva en 1712 Ă  la sanglante Bataille de Gudel- bush, oĂč son RĂ©giment qu’il avoit ramenĂ© trois fois Ă  la charge, souffrit considĂ©rablement. AprĂšs cette Campagne Madame de Konismark fa mere lui fit Ă©pouser la jeune Comtesse de Loben , Demoiselle riche & belle , qui avoit le nom de VtBoire. M. le Comte de Saxe a dit depuis ,. que ce nom avoit autant contribuĂ© Ă  le dĂ©cider pour la Comtesse de Loben, que fa beautĂ© & ses gros revenus. II eut de ce mariage un fils qui mourut fort jeune nĂ©anmoins tous les avantages qu’il avoit trouvĂ©s dans cet Ă©tablissement, ne furent point capables de le retenir dans les liens du mariage ; il le fit dissoudre ; il promit cependant Ă  la Comtesse de ne jamais se remarier , & il lui tint parole. La Comtesse n’en fit pas de mĂȘme ; de M. de Saxe. x elle se remaria avec un Officier Saxon, dont elle eut trois enfans, 6 c avec qui elle vĂ©cut en trĂšs-bonne intelligence. Cette Princesse ne consentit Ă  la dissolution de son mariage qu’avec beaucoup de rĂ©pugnance car elle aimoit tendrement le Comte de Saxe ; celui- ci s’est repenti plusieurs fois d’avoir fait cette dĂ©marche. Le Comte de Saxe continua Ă  se distinguer dans la guerre contre les SuĂ©dois ; il se trouva au mois de DĂ©cembre 171 s au siĂšge deStratsund oĂč Charles XII. Ă©toit renfermĂ©. Le dĂ©sir de voir ce HĂ©ros le faisoit s’exposer un des premiers Ă  toutes les sorties des assiĂ©gĂ©s j & Ă  la prise d’un ouvrage Ă  cornes, il eut la satisfaction de le voir au milieu de ses Grenadiers la maniĂ©rĂ© dont ce fameux Guerrier se com- portoit, fit concevoir au Comte de Saxe une grande vĂ©nĂ©ration, que ce Seigneur a toujours conservĂ©e depuis pour fa mĂ©moire. Peu de tems aprĂšs ayant obtenu k permission d’aller servir en Hongrie contre les Turcs, il arriva au camp de Belgrade le 2 Juillet 1717 , oĂč le xĂŹv AbrĂ©gĂ© de la P~le Prince Eugene lui fit l’accueil le plus gracieux. 11 ne fe paĂ­sa aucune action oĂč notre jeune HĂ©ros ne signalĂąt son courage , & prit beaucoup de goĂ»t pour les MĂ©chaniques. Il refusa en 1733 le commandement de l’armĂ©e Polonnoise , que le Roi son frerelui offrit; il aima mieux le signaler fur l e Rhin sous les ordres du MarĂ©chal de Berwick, surtout aux lignes d El- lingen & au siĂšge de PhiliĂ­bourg , aprĂšs lequel il fut fait Lieutenant General le premier AoĂ»t ĂŻ734. La guerre s’étant rallumĂ©e aprĂšs la mort de l’Empereur Charles VI. le Comte de Saxe fut de 1 armĂ©e de BohĂȘme , & prit d’assaut la Ville de Prague le 26 Septembre 1741 , puis Lgra & Ellebogen il leva ensuite un RĂ©giment de Hullans , & ramena 1 armee de M. le MarĂ©chal de Broglio * ur le Rhin } oĂč il Ă©tablit diffĂ©rend xviĂŻj AbrĂ©gĂ© de la ĂŻ r ie postes, & s’empara des lignes de LaV"- terbourg. M. le Comte de Saxe fut fait MarĂ©chal de France le 26 Mars 1744; & commanda en chef un Corps d’ar- mĂ©e en Flandres. II observa si exactement les ennemis qui Ă©toient supĂ©rieurs en nombre, & fit de si belles manƓuvres qu’il les rĂ©duisit dans l’in- naction , & qu’ils n’oferent rien. Cette Campagne de Flandres lui fit beaucoup d'honneur , & passa en France pour un chef-d’Ɠuvre de l’Art militaire. II gagna fous les ordres du Roi la fameuse Bataille de Fontenoy, le 11 Mai 1745 , oĂč quoique malade & languissant, il donna ses ordres avec une prĂ©sence d’esprit, une vigilance, un courage , & une capacitĂ© qui le firent admirer de toute farinĂ©e. Cette Victoire sut suivie de la prise de Tournay, dont les François fai- sĂŽient le siĂšge , ainsi que de Gand , de Bruges , d’Oudenarde, d’Ostende, d’Atss, Sec. & dans le temps que l’on croyoit la Campagne finie, M. le MarĂ©chal de Saxe se rendit maĂźtre ds Bruxelles le 28 FĂ©vrier 1746. de M. de Saxe. xix La Campagne suivante fut auflĂŹ trĂšs- glorieuse au Comte de Saxe. II gagna la Bataille de Raucoux le 11 Octobre *74d. Sa MajestĂ© pour le rĂ©compenser d’une suite si constante de ses services , le dĂ©clara MarĂ©chal GĂ©nĂ©ral de ses Camps & ArmĂ©es le 12 Janvier I 747* Tant de succĂšs firent trembler les Hollandois ; ils crurent .pouvoir en arrĂȘter le cours par la crĂ©ation d’un Stadhouder, & ils Ă©lurent le 4 Mai suivant le Prince Guillaume de Nassau rn'ais cette Election n’empĂȘcha pas la supĂ©rioritĂ© des armĂ©es Françoises ; le MarĂ©chal fit entrer des troupes en Zelande, gagna la Bataille de Law- feldt le 2 Juillet suivant, approuvai siĂšge de Berg-op-Zoom, dont M. de Lowendalh se rendit maĂźtre , & prit la Ville de Maestrich le 7 Mai 1748» Tant de succĂšs forcerent les ennemis de la France Ă  demander la paix, laquelle fut conclue Ă  Aix-la-Chapelle I e 18 Octobre de la mĂȘme annĂ©e J 748. Le Maréçhal de Saxe couvert de XX AbrĂ©gĂ© de la Vie , gloire, & n’ayant plus rien Ă  faire pour aflurer l'immcrtalitĂ© de ses succĂšs, fixa son sĂ©jour Ă  Chambord, Maison Royale que Sa MajestĂ© lui avoir donnĂ©e. II y fit venir son RĂ©giment de Hullans, & y entretint un haras de chevaux sauvages, plus propres pour les troupes lĂ©geres que ceux dont nous nous servons. Quelque temps aprĂšs il fit un voyage Ă  Berlin , oĂč le Roi de Prusse lui fit un accueil des plus favorable , & passa plusieurs nuits Ă  s’entretenir avec lui. De retour Ă  Paris il projetta rĂ©tablissement d’une Colonie dans l’Iste de Tabaco ; mais F Angleterre & la Hollande s’étant opposĂ©es Ă  cette Ă©tablissement , le MarĂ©chal ne pensa plus qu’à jouir paisiblement de quelques annĂ©es, dont une foible santĂ© devoir bientĂŽt terminer le cours. Enfin, comblĂ© de biens & d’honneurs, & jouissant de la plus haute rĂ©putation, il mourut Ă  Chambort aprĂšs neuf jours de maladie, le 30 Novembre 1750, AgĂ© de y 4 ans. II n’est pas possible d’exprimer ici de M. de Saxe. xxj combien toute la France sut sensible Ă  la perte de ce grand homme ; ce fut un deuil universel son corps fut transportĂ© avec pompe Ă  Strasbourg, sc dĂ©posĂ© dans le Temple neuf de Saint Thomas , oĂč Sa MajestĂ© fait Ă©lever un magnifique MausolĂ©e d’aprĂšs le modelĂ© du cĂ©lĂ©brĂ© Pigal, Sculpteur. Peu de temps avant fa mort ce grand Capitaine, pensant Ă  la gloire dont il avoit joui, se tourna vers son MĂ©decin , 8e lui dit, M. Senac , j’ai fait un beau songe il avoir Ă©tĂ© Ă©levĂ©, 8t il mourut dans la Religion LuthĂ©rienne ; ce qui fit dire Ă  une Princefle vertueuse ĂȘc Catholique, quĂč/ Ă©toit bien fĂącheux cpĂŻon ne pĂ»t dire un De ProfUNDIS four un homme qui avoit fait chanter tant de Te Deum. H y avoit quelque tems qu’il avoit composĂ© son TraitĂ© sur la Guerre, intitulĂ© mes RĂȘveries. II le lĂ©gua Ă  M. le Comte de Frise son neveu ; celui-ci cn donna deux copies , l’une Ă  M. le Comte de Saint-Germain, & l’autre u M. le Duc de .... L’un Sc l’autre jaloux de laisser Ă  la Nation des mĂ©-. Sftcij AbrĂ©gĂ© de la Fte moires intĂ©retĂ­ans pour fa gloire, en ont procurĂ© volontiers l’impreffion, comme le seul moyen de les rendr publics. On ne peut douter que le MarĂ©chal de Saxe n’ait Ă©tĂ© un grand Guerrier, & un habile GĂ©nĂ©ral la supĂ©rioritĂ© de son gĂ©nie, l’étendue de ses connoissances dans l’Art militaire, le courage & l’intrĂ©piditĂ© qu’il a feit voir dans toutes les occasions , la victoire de Fontenoy, la conquĂȘte des principales Villes de la Flandre Autrichienne , & d’une partie du Brabant ; la prise de Bruxelles & de Ma es- tricht, fa prudence , fa capacitĂ©, .& une expĂ©rience consommĂ©e dans toutes les parties de la guerre , & dans les siĂšges de plus de seize places qu’il conduisit avec vigueur , au milieu de l’hy ver & des eaux ; fa belle Campagne de 1744, oii il tint les ennemis en Ă©chec & dans l’inaction, quoiqu’infĂ­ni- ment infĂ©rieur en hommes ; & enfin, une fuite constante de glorieux succĂšs depuis qu’il fut mis Ă  la tĂȘte des armĂ©es de France , transmettront sa mĂ©- de M. de Saxe. xxitj Ă­ĂŻioire Ă  la postĂ©ritĂ© la plus reculĂ©e , & le feront toujours placer parmi les grands GĂ©nĂ©raux. Heureux s’il eĂ»t pĂ» dompter ^inclination qu’il eut toute fa vie pour le sexe, avec autant de facilitĂ© qu’il domptoit ses ennemis ! Cette passion fut pour ce grand homme une chaĂźne de douleurs, & ne contribua pas peu Ă  abrĂ©ger ses jours. DISCOURS DISCOURS PRELIMINAIRE. S J la plupart de ceux qui ont Ă©crit sur la science militaire eussent fait cette rĂ©flexion , qu’il ne sufiSt pas d avoir de la thĂ©orie, mais qu'il faut encore beaucoup d’expĂ©- ri ence pour ĂȘtre en droit de donner des prĂ©ceptes , l'on ne v erroit pas tant de mauvais livres . L' art de la guerre ejĂź de tous , celui qui demande le plus de pratique & dĂ© application , il n appartient qii Ă  ces guerriers qui joignent a l’intelligence & Ă  d esprit , une expĂ©rience consommĂ©e , de nous en donner une saine thĂ©orie. Qu ils J on t rares ces grands hommes ! & qu Ă» y a peu d'ouvrages sortis de eurs plumes ! Au contraire , que 2 } DISCOURS d’auteurs prĂ©somptueux J & cornĂ©lien de ces compilateurs dont lafotte vanitĂ© a enfantĂ© une infinitĂ© de volumes, qid , depuis quelques annĂ©es , ont accablĂ© le Public de tout ce que la stupiditĂ© & la pĂ©danterie militaire ont jamais produit ! Les uns ont prĂ©tendu prescrire des rĂšgles pour f aire mouvoir des annĂ©es, pendant qu ils ignoroient les principes de P art,fur lesquels ils nous ont dĂ©bitĂ© mille absurditĂ©s & mille folies qui ne mentent pas Vattention des gens sensĂ©s. Les autres ont pillĂ© & rapf'o- diĂ© des ouvrages , qu ils ont disent- ils rendus moins prolixes L plus intelligibles j mais qui dans la vĂ©ritĂ© font toujours refilĂ©s les mĂȘmes , & oĂč don n apperçoit d'autre changement que des titres pompeux , des observations aufifii ridicules que. dĂ©pourvues de sens, des citations tirĂ©es de Moyse & des prophĂštes, & plusieurs autres semblables rhiseres . PRELIMINAIRE. z Ces messieurs veulent fans doute fe faire une rĂ©putation parleurs Ă©crits. Ces petits auteurs fe croiroient-ils grands hommes ? Que fçait-on ? fous ombre de cette fausse modestie quilsfont paroĂźtre dans leurs prĂ©faces & dans leurs Ă©pures , peut-ĂȘtre leur vanitĂ©va-t-elle jusqu Ă  s’imaginer qu on les croira dignes de commander les armĂ©es. Que des militaires lisent les ouvrages d’un ConĂ h,d'un Turen- ne, d’un MontĂ©cuculĂŹ^ d’un EugĂšne j ils y trouveront de futile ; mais Ăą quoi bon ceux d'un guerrier qui ne s ’efl point signalĂ©, & qui n’ a pas donnĂ© des preuves de fa capacitĂ© i ? Malheureusement pour nous , ces grands hommes ont peu Ă©crit furies talens quilspoffĂ©doient , &, des mĂ©moires quils nous ont laissĂ©s , Ă  peine formeroit-on deux in-quarto ; mais ils disent cependant A ij 4 DISCOURS beaucoup , bien dijfĂ©rens en cela de certains ouvrages volumineux qui ne disent rien. Peu de gens ont feu ce que c’é- toit que les Reveries de feu M. le MarĂ©chal de Saxe { * j Von a cru que ce titre n annoncoit que des projets chimĂ©riques , & des innovations ridicules& des ennemis jaloux de la gloire & de la mĂ©moire de ce grand homme , n ont pas manquĂ© d’appuyer fur la mauvaise opinion que l’on s’en Ă©toit formĂ©e. Ce n efl pas feulement pour fatisr faire la-curiositĂ© du Public , que j’ai f ait imprimer cet ouvrage; mais encore pour remplir les vues de son ili Luflre auteur, qui ne Va fans doute Ă©crit que pour en faire part aux militaires. Ceux qui font pourvus de * II disoit qus toutes les actions de la vie n’étoient que des rĂȘves ; & c’eĂ­t appa^ remment pourquoi il a donnĂ© Ă  cet ouvrage le titre de Reve&ies. PRELIMINAIRE. 5 bon sens , & qui ont de V expĂ©rien- Ce j verront s’d contient des choses ridicules. Ily a des idĂ©es quiparoi- tront peut-ĂȘtre telles Ă  certains officiers qui , quoique novices Ă  laguer- re 3 y occupent les premiers grades , lux quels ils n ont Ă©tĂ© Ă©levĂ©s que par la faveur ou V intĂ©rĂȘt , qui leĂ»r ont tenu heu de mĂ©rite & de capacitĂ© y mais on fera peu de cas de la façon de penser de ces messieurs ce nefi P as Ă  la dĂ©cision d’un goujas * qu on s*en rapportera fur les beautĂ©s ou les dĂ©fauts de U architecture d un palais y ce fera fans doute au. jugement des grands maĂźtres & des connoiffieurs. Je crois devoir avertir ici les lecteurs, que , pour bien comprendre les idĂ©es de Vauteur , il ejl nĂ©cessaire qu ils lisent avec attention Vouvrage d’un bout Ă  Vautre , au * Un goujas est un manoeuvre qui porte h mortier aux maçons, A iij 6 DISCOURS, lieu de sauter les chapitres indiffĂ©remment , comme laplupart ont coutume de faire. II y en aura qui trouveront fans doute bien des fautes dans le Jlyle> oĂč il y a beaucoup de rĂ©pĂ©titions , des mots & des termes qu on appelle usĂ©s mais il ne s’a- gitpoĂŹntici d* une piĂšce d’éloquence ; & Ion ne sçauroit rĂ©peter ajse^sou- vent 3 ni avec trop desmplicitĂ© , les choses que l’on veut bien faire entendre , surtout lorsqu ’il ejl que lion de matiĂšres sĂ©rieuses & inflruclives. AVANT - PROPOS* -L a guerre est une science couverte de tĂ©nĂšbres-, dans l’obscurkĂ© descelles on ne peut marcher d un pas assurĂ© la routine & les prĂ©jugĂ©s, fuite naturelle de l’ignorance, font la base Ă e cet art. Toutes ĂŹes sciences ont des principes Se des rĂšgles * ,1a guerre feule n’en a point. Les grands capitaines qui en ont Ă©crit ne nous en ont point donnĂ©. II faut ĂȘtre consommĂ© pour les entendre ; Se il est ĂŹmpofĂ­lble de fe former le jugement fur les historiens qui ne parlent de la guerre que selon qu’elle fe peint Ă  leur imagination. Quant aux capitaines qui en ont Ă©crit, ils ont plus * La guerre a des rĂšgles dans les parties de dctails ; mais elle n’en a point dans les sublimes. Aiv ge,pA'-s3ĂŹ>^>-.=g 8 A FA N T -PROPOS. songĂ© Ă  plaire qu’à instruire ; parce que la mĂ©chanique de la guerre est d’une nature seche &c ennuyeuse. Les livres qui nous donnent des principes ne font qu’une fortune mĂ©diocre, & ne peuvent avoir leur mĂ©rite que lorsque le temps a tout effacĂ©. Ceux qui traitent de la guerre en historiens n’ont pas le mĂ©me fort ; ils font recherchĂ©s par les curieux, & conservĂ©s dans les bibliothĂšques. C’est ce qui fait que nous n’a- vons qu’une idĂ©e confuse de la discipline des Grecs & des Romains. Gustave-Adolphe a créé une mĂ©thode que ses disciples ont suivie, & Ăźls opt fait tous de grandes choses. Depuis ce temps-lĂ  nous avons dĂ©rogĂ© successivement, parce que l’on n’avoit appris que par routine de-lĂ  vient la confusion des usages, oĂč chacun a augmentĂ© ou retranchĂ©. Ces usages font cependant respectĂ©s, Ă  cause de leur illustre origine. Mais quand on lit AvA NT- PROPOS. 9 JMontĂ©cuculi , qui Ă©toit contemporain, ĂŽc qui est le seul GĂ©nĂ©ral qu. soit entrĂ© dans quelque dĂ©tail , 1 on s’apperçoit trĂšs - bien que nous nous sommes dĂ©ja plus Ă©cartĂ©s de la me " thode dĂš Gustave - Adolphe , qu’il ns s’étoit Ă©loignĂ© de celle des Romains. II n 5 y a donc plus que des usages dont les principes nous font inconnus. J’approuve la noble hardiesse d u Chevalier de Follaid, qui a Ă©tĂ© le seul qui ait osĂ© franchir les bornes des prĂ©juges. Rien n'est fi pitoyable que d’en etre 1 esclave c’est encore une fuite de l’igno- rance , ĂŽc rien ne la prouve tant. Mais il va trop loin il avance une opinion qui en dĂ©termine le succĂšs , fans faire attention que ce succĂšs dĂ©pend d une infinitĂ© de circonstances que la prudence humaine ne fçauroit prĂ©voir. II suppose toujours les hommes braves , fans faire attention que la valeur des troupes est journaliĂšre, que rien n’est si varia- io AVANT- P ROP OS. ble, & que la vraie habiletĂ© d’un GĂ©nĂ©ral consiste Ă  sçavoir s’en garantir, par les dispositions, par les positions & par ces traits de lumiĂšre qui caractĂ©risent les grands capitaines. Peut-ĂȘtre s’est-il rĂ©servĂ© cette matiĂšre, qui est immense; peut-ĂȘtre aussi n’ya-t-il passait attention. C’est pourtant de toutes les parties de la guerre la plus nĂ©cessaire Ă  Ă©tudier. Telles troupes seront infailliblement battues dans des retranchemens, qui, en attaquant, auroient Ă©tĂ© victorieuses peu de gens en donnent une bonne raison ; elle est dans le cƓur des humains, & on doit l’y chercher. Personne n’a traitĂ© cette matiĂšre , qui est la plus considĂ©rable dans le mĂ©tier de la guerre ,1a plus sçavante, la plus profonde, &sans laquelle on ne peut se flatter que des faveurs de la fortune, qui quelquefois est bien inconstante. Je vais rapporter un fait entre mille autres, pour persuader mon opinion sur l'imbĂ©cillitĂ© du cƓur humain. ArANT-P ROFOS u A U bataille de Friedlingen , l’infan- Ăźerie Françoise , aprĂšs avoir repoussĂ© celle des ImpĂ©riaux avec une valeur incomparable , aprĂšs savoir enfoncĂ©e plusieurs fois , Sc savoir poursuivie au travers d’un bois jusques dans une plai- ne qui Ă©toĂŹt au-delĂ , quelqu’un s’avi- sa de dire que sonĂ©toit coupĂ© il parut deux escadrons François peut-ĂȘtre ; toute cette infanterie victorieuse s’enfuit dans un dĂ©sordre affreux, sans que personne l’attaquĂąt ni la suivĂźt. Elle repas- lu le bois, Sc ne s’arrtta que par de-la fo champ de bataille. Le marĂ©chal - de FtllƓts Sc les GĂ©nĂ©raux firent de vains efforts pour ramener le soldat. La bataille etoit cependant gagnĂ©e, Ôc la cavalerie Françoise avoit dĂ©fait slmpĂ©rĂŹa- le de façon' que l’on ne voyoit plus d’enn'emis. C’étoit pourtant les mĂȘmes hommes qui venoient de vaincre, dont tĂ­ne terreur panique avoit troublĂ© leS sens, Sc qui avoit perdu contenance au A vj IX AFANT-PROPOS. point de ne pouvĂČir la reprendre. C’est de M. le marĂ©chal de Villars que je tiens ce fait il me l’a racontĂ© Ă  Vaux- villars, en me montrant les plans des batailles qu’il a donnĂ©es Qui voudroit chercher de pareils exemples, en trou- yeroit quantitĂ© chez toutes les nations» Celui-ci prouve aĂ­Tez la variĂ©tĂ© du cƓur humain , & le cas qu’on en doit faire» Mais, avant que de passer Ă  des parties fi Ă©levĂ©es, il faut examiner les moindres , je veux dire les principes de l’art» Quoique ceux qui s’occupent des dĂ©tails passent pour des gens bornĂ©s , iL me paroĂźt pourtant que cette partie est essentielle j parce qu’elle est le fondement du mĂ©tier , & qu’il est impossible de faire aucun Ă©difice , ni d’établir aucune mĂ©thode, fans en fçavoir les principes. Je me servirai ici d’une comparaison» Tel homme a du goĂ»t pour l’ar- çhitecture, & íçait dessiner ;il feratrĂšs- hien le plan & le dessein d’un palais fi AVANT-PROFO S. iZ t'cs-le lui exĂ©cuter ;s’il ne sçait la coupe des pierres, & s’il ne sçait asseoir les son- demens de ledifice, tout s’écroulera bientĂŽt. II en est de mĂȘme d’un GĂ©nĂ©ral qu* ne connoĂźr point les principes de l’art, ni comment ses troupes doivent etre composĂ©es ; ce qui doit servir comme de base Ă  tout ce qui se fait Ă  la guerre. Lhs principaux succĂšs que les Romains ont toujours eus avec de petites arme es contre des multitudes de barba- res , ne doivent s’attribuer Ă  autre cho- & qu’àl’excellente composition de leurs troupes. Ce n’est pas que jĂ© prĂ©tende } pour cela, qu’un homme d’esprit ne puisse se tirer d’affaire , quand il se trou- Veroit commander une armĂ©e de Tar- tares. II est plus aisĂ© de prendre les gens comme ils font, que de les former comme ils doivent ĂȘtre; & l’on ne dispose pas des opinions, des prĂ©jugĂ©s 8e des volontĂ©s. Ă­4 AVANT- P R OPO S. Je commencerai par la mĂ©thode ds lever des troupes, celle de les habiller f celle de les entretenir, celle de les for' mer, & celle de combattre. II seroit hardi de dire que toutes les mĂ©thodes que l’on emploie Ă  prĂ©sent ne valent rien ; car c’est faire un sacrilĂšge que d’attaquer les usages , moins grand cependant que trelui d’établir des nouveautĂ©s. Je dĂ©clare donc que je tacherai seulement de faire voir les abus dans lesquels nous sommes tombĂ©s» . K “yy r? ' .5 II _ ... Ă  „ [I ^ jf, livre premier» Des parties de dĂ©tails. CHAPITRE PREMIER. De la maniĂšre de lever des troupes , de celle de les habiller, de les entretenir , de les payer , de les exercer , & de les former pour le combat . article premier. De la maniĂ©rĂ© de lever les troupes, O N leve les troupes par engagement avec capitulation , fans capitulation,, par force quelquefois , & le plus fou- vent par supercherie, 16 - MĂ©mo r s e s. Quand on fait des recrues avec CĂĄ* pitulation j il' est injuste & inhumain de ns la pas tenir ; parce que ces hommes croient libres lorsqu’ils ont contractĂ© rengagement qui les lie ; Òc il est con-, tre toutes les loix divines & humaines » de ne leur pas tenir ce qu’on leur a promis. On n’en fait cependant rien ; qu’en arĂ­iye-t-il ? Ces gens dĂ©sertent peut- on z avec justice, leur faire leur procĂšs ? On a violĂ© la bonne foi qui rend les conditions Ă©gales. Si on ne fait point d’actes de sĂ©vĂ©ritĂ©, on perd la discipline militaire; & , fi on en fait, on commet, des actions odieuses. II se trouve cependant plusieurs soldats, au commeii- cement d’une Campagne, dont le temps de servir est fini les capitaines, quiveu- lent ĂȘtre complets , les entraĂźnent pan force de-lĂ  on tombe dans le cas que e viens de dire. Les levĂ©es qui se font par supercherie font tout aussi odieuses ; on naet de MĂ©moires. 17 l’argent dans la poche d’un homme, & on lui dit qu’il est soldat. Celles qui se fontpar force le sont encore plus j c’eft une dĂ©solation publique, dont le bourgeois & l’habitant ne se sauvent qu’à force d’argent >, & dont la cause est toujours un moyen affreux. Ne vaudroit-il pas mieux Ă©tablir, par une loi, que tout homme , de quelr que condition qu’iĂŹ fĂ»t, seroit obligĂ© de servir son prince & sa patrie pendant Ă q ans? Cette loi ne sçauroit ĂȘtre dĂ©sapprouvĂ©e ; paree qu’il est naturel & juste que les citoyens s’emploient pour la dĂ©fense de l’État. En les choisiflant entre vingt 8c trente ans, il ne rĂ©sulte- roit aucun inconvĂ©nient. Ce sont les annĂ©es du libertinage, oh la Jeunesse va chercher fortune , court le pays , & e st de peu de soulagement Ă  ses parens. Ce ne seroit pas une dĂ©solation publique ; parce que l’on seroit sĂ»r que, les ssmq annĂ©es rĂ©volues, on seroit congĂ©- i S MĂ©moires. diĂ©. Cette mĂ©thode -de lever des troupes seroit un fonds inĂ©puisable de belles & bonnes recrues, qui ne seroient pa§ sujettes Ă  dĂ©serter. L’on se seroit mĂȘme, par la suite , un honneur & un devoir de remplir sa tĂąche. Mais, pour y parvenir, il faudroit n’cn excepter aucune condition, ĂȘtre sĂ©vĂšre fur ce point, & s’attacher Ă  faire exĂ©cuter cette loi, par prĂ©fĂ©rence aux nobLs & aux riches. Personne n’enmurmureroit. Alors ceux qui auroient servi leur temps verroient avec mĂ©pris ceux qui rĂ©pugneroient Ă  ' cette loi, & insensiblement on se seroit un honneur de servir le pauvre bourgeois seroit consolĂ© par l’exemple du riche ; & celui-ci n’oseroit se plaindre, voyant servir le noble. La guerre est un mĂ©tier honorable. Combien de princes ont portĂ© le mousquet ! & Ă  combien d’officiers n’ai-je pas vu le reprendre, aprĂšs une rĂ©forme j plutĂŽt que de vivre dans une condition vile ! Ce n’est donc MĂ©moires. ' 19 que la mollesse qui feroitparoĂźtre Ă  quelqu un cette loi dure. Quel spectacle nous prĂ©sentent aujourd’hui les nations ? On voit quelques hommes riches, oisifs & voluptueux, qui font leur bonheur aux dĂ©pens d’une multitude qui flatte leurs passions, ĂŽc qui ne peut subsister qu’en leur prĂ©parant sans cesse de nouvelles voluptĂ©s. Cet assemblage d’hommes oppresseurs & opprimĂ©s forme ce qu’on appelle 'la sociĂ©tĂ© ; ĂŽc cette sociĂ©tĂ© rassemble ce qu’elle a de plus vil & de plus mĂ©prisable, & en fait ses soldats. Ce n’est pas- avec de pareilles mƓurs, ni avec de pareils bras, que les Romains ont vaincu, l’univers. MĂąis toutes les choses ont un bon & un mauvais cĂŽtĂ©. II est certain qu’iĂź n’y arien de si avantageux pour la bontĂ© des troupes, que d’obliger les provinces Ă  fournir les recrues ; mais il en rĂ©sulte un grand inconvĂ©nient, qui est 20 MĂ©moire s. que les officiers n’ont aucun foin de leurs soldats. J’ai vu presque toujours pĂ©rir chez les ImpĂ©riaux une grande moitiĂ© des recrues, quelquefois les trois quarts cela vient du peu d’attention que les officiers font Ă  la conservation du soldat. S’il tombe malade j ils 3e laissent pĂ©rir faute de secours,, parce qu il en conte pour le soigner. Il y a un remede Ă  cet abus, qui est biĂšn simple ; e’est de faire payer les recrues aux officiers. II faut que les provinces les fournissent ; mais les officiers dis-je, doivent les payer & cet argent' doit retomber dans la caisse militaire ; ce qui ne laide pas que de faire un obipt, & tend Ă  la conservation. Car supposĂ© qu’il saille vingt mille recrues dans une armĂ©e , & que le capitaine soit obligĂ© de payer cinquante livres par chacune H en reviendra un million dans l'Ă©par- gne militaire , & il s’en faudra bien qu K. £État y perde tant d’hommes. MĂ©moires 2Ăź Cette maniĂšre de lever des troupes est trĂšs-bonne dans des États bien peuplĂ©s , comme est la France, Se qui peuvent se passer d’étrangers. Il y a des puissances , il est vrai, qui font obligĂ©es de recruter chez toutes les nations mais ne pourroient - elles pas aussi former une milice nationale fur pied? Et ces puissances, qui font dans la nĂ©cessitĂ© de former la plus grande partie de leurs armĂ©es d’étrĂĄngers, ne font- elles pas bien plus obligĂ©es Ă  tenir la capitulation qu’elles ont faite a ces recrues Ă©trangĂšres, qu’à leurs propres sujets? Ce feroit, assurĂ©ment, le moyen d en trouver facilement. ARTICLE SECOND. De Ă­habillcmcnt. N otre habillement est trĂ©s- coĂ»teux, & trĂšs-incommode ^ le soldat 22 MĂ©moire s. n’est ni chaussĂ© , ni vĂȘtu, ni couvert. L’amour du coup d’Ɠii l’emporte sur Jes Ă©gards que l’on doit Ă  la santĂ©, qui est un des grands points auquel il faut faire attention. En campagne, les cheveux font un ornement trĂšs-fale pour le soldat ; He quand la saison pluvieuse est une fois arrivĂ©e , fa tĂȘte ne se sĂšche plus. Son habit ne le couvre point. A l’é- gard des pieds, il n’en est pas question ; les bas-, les souliers & les pieds pourrissent ensemble , parce que le soldat n’a pas de quoi changer ; &, quand il Tau. roit, cela ne lui servĂŹroit de rien, parce qu’un moment aprĂšs il seroit dans le mĂȘme Ă©tat. Ge pauvre soldat est donc bientĂŽt envoyĂ© Ă  l’hĂŽpital. Les guĂȘtres blanches ne font propres que pour un jour de parade , & le ruinent en blanchissage cette chaussure est trĂšs-incommode, trĂšs - mal - faine 9 de nulle utilitĂ©, & trĂšs-coĂ»teuse. Le MemOĂŻRES. 2 z. chapeau perd bientĂŽt sa forme & sa grĂące il ne sçauroit rĂ©sister aux fatigues & aux pluies d’une campagne, il est bientĂŽt percĂ© ; &, dĂšs que le soldat est couchĂ©, il lui tombe de la tĂȘte ; cet homme , accablĂ© de lassitude , s’endort a la pluie Le au serein , la tĂȘte nue ; S c le lendemain il a la fiĂšvre. Je voudrois que le soldat eĂ»t les cheveux courts ; & qu’il eĂ»t une petite perruque de peau d’agneau d’Es- P a gne, de couleur grisaille ou noire, qu’il mettroit lors des mauvais temps. Cette perruque imite les cheveux naiĂ­- sans au point de s’y tromper, Ôt coeffe trĂšs-bien , quand la coupe en est bien faite ; elle coĂ»te environ vingt fols, & on n’en volt pas la fin. Cela est trĂšs- chaud, garantit des rhumes & des fluxions , 8c a tout-Ă -fait bonne grĂące» Au lieu de chapeau, je leur voudrois des casques Ă  la Romaine ; ils ne pĂšsent pas plus, ne font point du tout incom- 24 M H M O I H E S. modes, garantissent du coup de sabre , & font un ornement. Je voudrois qu’il fĂ»t vĂȘtu de maniĂšre qu’il eĂ»t une veste un peu ample , avec une petite veste de dessous en forme de gillet *, un manteau Ă  la Turque a-vec un capuchon * * . Ces manteaux couvrent bien , & ne contiennent que deux aulnes & demie de drap , pesent peu , & coĂ»tent peu. Ils mettent la tĂȘte & le col du soldat Ă  couvert de la pluie &4u vent; & , lorsqu’il est couchĂ© , il est conservĂ© & a le corps sec ; parce habillement ne colle point, & le soldat le seche Ă  l’air, dĂšs qu’il fait un moment de beau temps. Il n’en est pas de mĂȘme d’un habit ; car dĂšs qu’il est mouillĂ©, le soldat en * Presque toute la cavalerie Allemande est habillĂ©e de mĂȘme. A la vĂ©ritĂ© , Ă quoĂ­scrcĂ  un habit ce que nous appelions les pans ou les plis» lorsque l’on a un manteau pour se garantir du froid & dt L\ pluie? ** Ces manteaux ne doiycntpas passer le haut da gras de la jambe. ressent X MĂ©moires. 2 5* ressent l’humiditĂ© jusqu’à la peau , & il faĂ»t qu’il lui seclie sur le corps. L on ne doit donc pas ĂȘtre Ă©tonnĂ© de voir tant de maladies dans une armĂ©e ; les plus robustes y rĂ©sistent le plus longtemps mais Ă  la fi n il faut qu’ilssuc- combent. Si l’on ajoute Ă  ce que je viens de dire , le service que sont obligĂ©s de faire çeux qui se portent encore bien , pour ceux qui sont malades - morts, ou blessĂ©s , pu qui ont dĂ©sertĂ© ; on ne doit pas ĂȘtre Ă©tonnĂ© devoir, Ă  la fin d’une campagne , des bataillons rĂ©duits Ă  cent hommes. Voil a comme les plus petites choses influent fur les plu§ grandes. Mais je reviens Ă  mes manteaux. Comme ils contiennent peu d’étoffe , & qu’ils font lĂ©gers > ils peuvent se rouler & s’atta- cher le long de la giberne fur le dos ; ce qui ne fait point du tout un vilain effet > St le soldat lorsqu’ìl est sous les B 26 MĂ©moires, armes, & qu’il fait beau, a toujours l’air ingambe & leste. Ces manteaux peuvent durer trois Ă  quatre ans ainsi Thabillement seroit moins coĂ»teux, plus sain , & pour le moins auffi parant. Quant Ă  la chaussure , je voudrois que les soldats eussent des souliers d’un cuir dĂ©liĂ© , avec des talons bas ; ce qui chausse parfaitement biep , & fait marcher de meilleure grĂące ; parce que les talons bas font porter la pointe du pied en dehors, tendre le jarret, ĂŽc effacer par consĂ©quent les Ă©paules. II faut qu’ils soient chauffĂ©s Ă  nud fur le pied, & graissĂ©s avec du suif ou de la graisse. Les damerets trouveront cela bien Ă©tranger mais l’expĂ©rience fait voir que tous les vieux soldats-François en usent ainsi, parce qu’avec cette prĂ©caution ils ne s’écorchent jamais les pieds dans les marches ; & l’humiditĂ© ne les pĂ©nĂštre pas si aisĂ©ment, parce qu’elle ne prend pas fur la graisse ; le MĂ©moires. zj cuir du soulier ne se racornit point, & ne sçauroit blesser. Les Allemands, qui font porter Ă  leur infanterie des bas de laine , ont toujours une quantitĂ© d’estropiĂ©s, parce qu’il leur vient des ampoules, des loups, & toutes sortes de maladies aux pieds & aux jambes, la laine envenimant la peau d’ailleurs-, ces bas se percent par les bouts, restent humides, & pourrissent avec les pieds. A ces escarpins, il faut ajouter des guĂȘtres d’un cuir dĂ©liĂ©, chaussĂ©es aussi Ă  nud fur la jambe. Les culottes doivent ĂȘtre de peau, lesquelles arrĂȘteront les guĂȘtres avec des boutons au-dessus du genouil ; moyennant quoi, l’on Ă©vite les jarretiĂšres ; ce qui n’est pas une petite affaire. Les soldats en ont jusqu’à trois, l’une fur j’autre ; une pour tenir le bas, l’autre pour fermer la culotte, & la troisiĂšme pour arrĂȘter les guĂȘtres ; ce qui est un vrai martyre , & leur gĂąte le nerf. 28 MĂ©moires. A cette chaussure, il faut ajoutes des sandales ou galoches, semelĂ©es de bois de l’épaisseur d’un pouce ce qui empĂȘche les pieds de se mouiller dans les boues ni Ă  la rosĂ©e, & surtout lorsque le soldat est en faction *. Dans les temps secs, pour les combats & pour la parade , on les leur fe- roit quitter au premier de novembre on leur donneroit de gros bas de laine, qu’ils chausseroient par dessus les souliers & la guĂȘtre, lesquels seroient aussi arrĂȘtĂ©s par le haut. Ces bas seroient semelĂ©s d’un cuir mince, qui remontĂąt un peu fur les cĂŽtĂ©s & fur le bout du pied, pour ĂȘtre ensuite chaussĂ©s dans les sandales. * Beaucoup de soldats François font eux-mĂȘmes $e ces galoches, en iiyver, avec leurs vieux souliers, MĂ©moires. 2 - ARTICLE TROISIEME. De Ventretien des troupes. I L est avantageux , pour 1s bon ordre , pour le mĂ©nage , & pour la santĂ© , de faire faire ordinaire aux troupes le soldat ne devient point libertin, me joue pas son prĂȘt, & est trĂšs-bien nourri. Mais cela ne laisse pas que d'a- voir ses inconvĂ©niens ; parce que le soldat se tue , aprĂšs une marche, Ă  aller chercher du bois , de l’eau , &c. il devient maraudeur ; il est toujours sale & mal-propre ; son habillement se perd Ă  porter, d’un camp Ă  l’autre , toutes les choses nĂ©cessaires Ă  son mĂ©nage; & sa santĂ© s’altĂšre par toutes les fatigues que cela lui cause. Mais aussi il y a un remĂšde Ă  ces inconvĂ©niens. Comme je dispose mes troupes en centuries, je voudrois qu’il B iij Z c> MĂ©moires. y eĂ»t Ă  chacune un vivandier, avec quatre chariots attelĂ©s de deux bƓufs chacun ; qu’il y eĂ»t une grande marmite , pour faire la soupe Ă  toute la centurie , & que l’on donnĂąt Ă  chaque soldat fa portion, Ă  midi, en soupe avec du bouilli, & le soir en rĂŽti, dans une Ă©cuelle de bois Ă  chacun. Ce se toit aux officiers Ă  voir qu’on ne les trompĂąt point, & qu’ils n’eussent pas Ă  se plaindre. Le gain qu’il seroit permis aux vivandiers de faire, seroit sur la boisson , le fromage, le tabac , les peaux qui lui resteroient des bestiaux qu’ils auroient tuĂ©s , &c. Les vivandiers prendroient les bestiaux aux vivres; &, lorfqu’on se trouveroit dans un lieu oĂč il y auroip des lĂ©gumes, l’on yenverroit avec ordre. Cela paroĂźt d’abord un peu difficile Ă  arranger ; mais, avec un peu d’at- tention, tout le monde doit y trouver MĂ©moires. 31 son compte. .Lorsque les soldats iroienc en dĂ©tachement, ils prendroient pour un ou deux jours de rĂŽti avec eux; cela ne fait point d’embarras. II faut plus de bois, d’eau & de chaudrons, poux faire la soupe Ă  cent hommes,qu’il n’en fau- droit pour mille, de la façon dont je le propose ; & la soupe n’est jamais si bonne. D’ailleurs, les soldats mangent toutes sortes de choses mal-saines, qui les font tomber malades, comme du cochon , du fruit qui n’est pas mĂ»r ; & i’officierne sçauroity avoir l’Ɠil, comme il feroit Ă  une seule marmite oĂč il y en auroit toujours un prĂ©sent, Ă  chaque repas, pour voir si les soldats n’ont pas lieu de se plaindre. Lorsqu’il y auroit des marches forcĂ©es, ou que les Ă©quipages ne pourroient pas joindre, on distribueroit des bestiaux aux troupes , & les soldats feroient des broches de bois pour rĂŽtir leur viande ; cela ne fait point d’embarras, & ne dure B iv H 2 M E M O I R,E S. que quelques jours. Que l’on balance notre mĂ©thode avec celle-lĂ , & l’on verra quelle est la meilleure. Les Turcs en usent ainsi, & sont parfaitement bien nourris auffi distingue-t-on bien leurs cadavres, aprĂšs les batailles, d’avec ceux des troupes Allemandes, qui font baves & dĂ©charnĂ©s. Cela a auffi un autre avantage, dans certains cas on mĂ©nage la bourse du maĂźtre , en leur donnant leur prĂȘt en entier, & en leur vendant des vivres. II y a des pays, comme la Pologne & l’Allemagne, qui fourmillent de bestiaux lorsqu’on demande aux habitans des contributions, pour qu’ils puiflent les soutenir , on prend moitiĂ© en vivres, moitiĂ© en argent , & on vend les vivres aux troupes ainsi la paye du soldat fait une navette continuelle, &c il se trouve qu’on a de l’argent & des contributions de reste. Il en rĂ©sulte encore une grande utilitĂ© , lorsqu’on a Ă©tĂ© obligĂ© de faire des MĂ©moires* zz magasins, & qu’il est temps de les consommer. On y envoye des troupes; fur quoi il y a toujours beaucoup moins de perte pour le maĂźtre, fans que les soldats aient lieu de s’en plaindre. Ir ne faut jamais donner de pain aux soldats en campagne , mais les accoutumer au biscuit ; parce qu’il se conserve cinquante ans & plus dans les magasins , & qu’un soldat en emporte aisĂ©ment avec lui pour sept ou huit jours il est sain il n’y a qu’à s’informer'Ă  des officiers qui aient servi chez les VĂ©nitiens , pour sçavoir le cas qu’on en doit faire. Celui des Moscovites , qu’ils nomment foukari , est le meilleur de tous, parce qu’il ne s’émiette pas ii est quartĂ©, de la grosseur d’une noisette; & il ne faut pas tant de chariots pour le transporter, qu’il en faut pour le pain- Les pourvoyeurs des vivres font accroire , tant qu’ils peuvent, que le pain vaut mieux pour le soldat ; mais B v 34 M e m o t r e y; ceĂŹa est faux , & ce n’est que pour avoir occasion de friponner, qu’ils cherchent Ă  le persuader. IĂŹs ne cuisent leur pain qu’à moitiĂ©, & y mĂȘlent toutes fortes- de choses mal-saines , qui, avec la quantitĂ© d’eau qu’il contient, augmentent du double le poids» & le volume- Outre cela, ils ont un train de boulangers » de valets, de chariots & de. chevaux, fur quoi ils gagnent beaucoup. Tout ce train est embarrassant dans une armĂ©e ; il leur faut des quartiers , des moulins & des dĂ©tachemens pour les garder. Enfin , l’on ne fçau- roit croire les voleries qui se commettent ; les troubles qui naissent de toutes ces choses , les maladies qui rĂ©sultent du mauvais pain , les fatigues que cela cause aux troupes , dans quel embarras ceĂŹa jette un GĂ©nĂ©ral, & quelles en font les suites. La certitude dans laquelle l’ennemi est presque toujours de ce que vous allez faire par MĂ©moires. 3 y ì’arrangement de vos fours & de vos cuissons, me suffira pour n’en pas dire davantage. Si je voulois m’amufer Ă  prouver tout ce que j’avance , par des faits, je n’aurois pas sitĂŽt fini; mais je fuis persuadĂ© que l’on Ă©prouve beaucoup de mauvais succĂšs, dont on attribue la cause Ă  autre chose, qui proviennent cependant de celle-lĂ . Il faut mĂȘme accoutumer quelquefois les soldats Ă  se passer de biscuit, & leur distribuer du grain , qu’il faut leur apprendre Ă  cuire sur des palettes de fer, aprĂšs savoir broyĂ© & rĂ©duit en pĂąte. M. le marĂ©chal de Turenne dit quelque chose Ă  cet Ă©gard, dans ses' mĂ©moires ; & j’ai oui dire Ă  de grands» capitaines que, quand mĂȘme roient du pain , ils en laisseroient quelquefois manquer aux troupes, afin de les accoutumer Ă  sçavoir s’en passer,- J’ai fait des campagnes de dix-huit mois; avec des troupes qui y Ă©toient accou- z6 MĂ©moires. tumĂ©es, fans que j’aie entendu murmĂč- rer j’en ai fait plusieurs autres avec des troupes qui n’étoient point accoutumĂ©es Ă  se passer de pain; dĂšs qu’il man- quoit un jour , tout Ă©toit perdu cela faisoit que l’on ne pouvoit faire un pas en avant, ni aucune marche hardie. Pour la viande , on est toujours Ă  portĂ©e d’en avoir ; parce que les bestiaux suivent par-tout, & le transport n’en coĂ»te rien. Je ne sçais pas mĂȘme comment on peut en manquer. Que l’on compte qu’un bƓuf pĂšse cinq cent livres , qu’on donne une demi-livre de viande Ă  chaque homme, alors un bƓuf nourrira mille soldats cinquante mille hommes consommeront donc cinquante bƓufs par jour. SupposĂ© que la campagne dure deux cens jours, cela ne fait jamais que dix mille bƓufs, qui suivent & pĂąturent par-tout ; l’on en fait diffĂ©rens dĂ©pĂŽts, qu’on fait avancer Ă  mesure^ qu’on en a besoin. s MĂ©moires, ^7 Je ne dois pas passer ici sous silence un usage Ă©tabli chez les Romains, par lequel ils-prĂ©yenoicnt les maladies & les mortalitĂ©s , qui se mettent dans les armĂ©es par les cbangemens de climats» On doit aussi attribuer Ă  cet usage, une partie des prodigieux succĂšs qu’íls ont eus. Un grand tiers des armĂ©es Allemandes pĂ©rit en arrivant en Italie , & en Hongrie. En 1718, presque en sortant des quartiers , nous entrĂąmes au nombre de cinquante mille hommes dans le camp de Belgrade * il est fur une hauteur , l'air y est sain , l’eau de source y est bonne, & nous avions abondance de toutes choses le jour de la bataille, qui Ă©toit le 18 AoĂ»t, il ne" se trouva que vingt-deux mille com- battans fous les armes tout le reste Ă©toit mort, ou hors d’état d’agir. Je pourrois citer de pareils Ă©vĂ©nenaens * * M. le marĂ©chal fit cette campagne comme to- lontaire, Z 8 MeiĂŹĂ­oires. chez d’autres nations c'est le chafigĂ©- ment de climat qui en est la cause. L’on ne volt point de ces exemples chez les Romains , tant que le vinaigre ne leur manqua pas mais dĂšs que Yacetum leur manquoit, ils Ă©toient sujets aux mĂȘmes accidens que nos troupes le font Ă  prĂ©sent. C’est un fait auquel, peut- tre, peu de personnes ont fait attention, & qui cependant est d’une grande consĂ©quence pour les conquĂ©rans & pour les succĂšs. Quant Ă  la maniĂ©rĂ© de s’en servir , les Romains faisoient distribuer le vinaigre par ordre chaque soldat avoit sa portion , qui lui servoit plusieurs jours, & il en versoit quelques Routes dans l’eau qu’il buvoit. Je laisse aux mĂ©decins Ă  pĂ©nĂ©trer les causes d’un effet si salutaire ce que je rapporte est usait bien MEMOIRES. Z- ARTICLE QUATRIÈME, De la paye. S a ns entrer dans Le dĂ©tail des diffĂ©ren tes payes, je dirai seulement que la paye doit ĂȘtre sorte il vaut mieux avoir un- petit nombre de troupes bien entretenues & bien disciplinĂ©es, que d’en avoir beaucoup qui ne le soient pas ce ne font pas les grandes armĂ©es qui gagnent les batailles , ce font les bonnes. L’éco- nomie ne peutĂȘtre poussĂ©e qu’à un certain point; elle a ses bornes , aprĂšs quoi elle dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© en lĂ©sine. Si vous ne donnez pas des appointemens honnĂȘtes aux officiers, vous n’aurez que des gens riches qui servent par libertinage , ou des misĂ©rables dont le courage est abbatu. Je fais peu de cas de la plupart des premiers ; parce qu’ils ne tiennent pas aĂč mai-ĂȘtre, ni Ă  la ri- 4o MĂ©moires. gueur de la discipline ; leurs propos font toujours sĂ©ditieux, & ce ne sont que de francs libertins. Les seconds font si abbattus, que l’on n’en sçauroit attendre grahde vertu leur ambition est bornĂ©e ; parce que l’objet qu’ils ont devant eux ne les intĂ©resse guĂšres 7 je veux dire l’avancement; &, misĂ©r rables pour misĂ©rables, ils aiment autant rester ce qu’ils font ; surtout lorsque le grade leur devient Ă  charge. L’eĂ­pĂ©rance fait tout endurer & tout entreprendre aux hommes ; si vous la leur ĂŽtez, ou qu’elle soit trop Ă©loignĂ©e , vous leur ĂŽtez l’amĂ©. II faut que le capitaine soit mieux que le lieutenant ; ainsi de tous les grades. II faut que le pauvre gentilhomme regarde comme une fortune trĂšs-considĂ©rable , & non- comme une charge d’avoir un rĂ©giment; & qu’il soit moralement fur de parvenir par ses aĂ©lions & ses services. Lorsque toutes ces choses sont bien com- MĂ©moires. 41 passĂ©es , vous pouvez contenir vos troupes dans la discipline la plus austĂšre. II n’y a de vraiement bons officiers que les pauvres gentilshommes qui n’ont que la cape & l’épĂ©e ; mais il faut qu’ils puissent vivre honnĂȘtement de leur emploi. L’homme qui se voue Ă  la guerre doit la regarder comme un ordre dans lequel il entre ; il ne doit avoir ni connoĂźtre â–ș d’autre domicile que fa troupe, & doit se tenir honorĂ© de son emploi. Un jeune homme de naissance regarde comme un mĂ©pris que la cour fait de lui, si elle ne lui confie pas un rĂ©giment Ă  sage de dix-huit ou vingt ans. Cela ĂŽte toute Ă©mulation au reste des officiers , Sc Ă  toute la pauvre Noblesse , qui est presque dans la certitude de ne pouvoir jamais avoir de rĂ©giment, & par consĂ©quent les postes les plus considĂ©rables, dont la gloire puisse la dĂ©dommager des peines Sc dessoufĂ­ran- 42 M E M O I K E $. ces d’une vie laborieuse, qu’elle sacrifie avec confiance Ă  un avenir flatteur, & Ă  la renommĂ©e. Je ne prĂ©tends pas, pour cela, que l’on ne puisse marquer quelque prĂ©fĂ©rence Ă  des Princes j Ou autres personnes d’un rang illustre ; mais il saut que cette marque de prĂ©fĂ©rence soit justifiĂ©e par un mĂ©rite distinguĂ©. Alors on peut leur faire la grĂące de leur permettre d’acheter un rĂ©giment d’un pauvre gentilhomme que les infirmitĂ©s ou Page mettent hors d’état desservir; & c’est une rĂ©compense pour ce pauvre gentilhomme , ou cet officier de fortune. Mais ce seigneunriche ne doit pas, pour cela, ĂȘtre en droit de revendre fa troupe Ă  un autre on lui a sait assez de grĂące en lui permettant de Tacheter; & elle doit redevenir le prix des services & de la vertu. ARTICLE CINQUIÈME. De l’exercice. CZj 5 e s t une chose nĂ©cessaire que l’exercice ou maniement des armes, pour dĂ©gager le soldat, & le rendre adroit mais on ne doit pas y mettre toute son attention. C’est mĂȘme de toutes les parties de la guerre, celle Ă  laquelle il en faut faire le moins; fi l’on en excepte celle d’éviter les mouve- mens qui font dangereux , comme de faire porter le fusil fur le bras gauche,' & de faire tirer par pelotons; ce qui a souvent causĂ© des dĂ©faites honteuses. Apke’s cette attention, le principal de l’exercice font les jambes, & non pas les bras. C’est dans les jambes qu’est tout le secret des manƓuvres, des combats; & c’est aux jambes qu’il faut s’appliquer. Quiconque fait autrement ^‱4 MĂ©moire s en faisant feu de temps en temps, jusqu’à ce qu’il soit arrivĂ© dans les intervalles des bataillons, lesquels doivent dĂ©jĂ  ĂȘtre en mouvement. Selon cette disposition, le capitaine des armĂ©s Ă  la lĂ©gere doit avoir arrangĂ© ses gens , de maniĂ©rĂ© qu’ils se placent par dix MĂ©moires. 87 tĂźans Ăźes intervalles des bataillons. Les rĂ©gimens pendant ce temps-lĂ , doivent avoir doublĂ© les rangs , en faisant un mouvement en avant, pour se mettre sur huit de hauteur. II doit y avoir , Ă  trente pas derriere chaque rĂ©giment, deux troupes de cavalerie, de trente maĂźtres chacune. Le tout marchant en avant d’un pas lĂ©ger, comme on le suppose , l’enne- mi doit en ĂȘtre dĂ©contenancĂ©. Que fe- ra-t-il ? Rompra-t-il ses bataillons, pour prendre ces centuries par les flancs ?II ne le peut, ni ne l’ose ; parce que les intervalles ne sont que de dix pas, & qu’ilssont occupĂ©s parles armĂ©s Ă  la lĂ©gere ; outre cela, les armes de longueur s'y croisent. Comment rĂ©- fistera-t-il donc n’étant qu’à quatre de hauteur ,- aprĂšs avoir Ă©tĂ© harcelĂ© par les armĂ©s Ă  la lĂ©gere , s’il rencontre des gens tous frais, qui, fur le mĂȘme front, se trouvent Ă  huit, ĂŽc quV viennent ra- s§ MĂŻmoire j; pidement sur lui, qui doit ĂȘtre emKar-» rafle d’aiileurs par un grand flottement y & qui Ă  peine Ă  se mouvoir ? II-y a apparence qu’il sera battu &, dans le moment qu’il lĂąche le pied, il est perdu fans ressource ; car les armĂ©s Ă  la lĂ©gere, se mettant Ă  ses trousses avec les deux troupes de cavalerie, ils en doivent faire une furieuse destruction. Ces foi- .xante-dix cavaliers, & ces soixante-dix armĂ©s Ă  la lĂ©gere, doivent dĂ©truire un bataillon qui fuit, en un moment, 6c avant qu’il ait eusse temps de faire cent p^s. Les centuries doivent toujours demeurer en ordre, pour recueillir leur cavalerie & leurs armĂ©s Ă  la lĂ©gere ; elles doivent ĂȘtre prĂȘtes Ă  recommencer une nouvelle charge- Je ne puis ni’empĂȘcher de me flatter & de croire que, de toutes, les dispositions , c’est la meilleure 8c la plus belle pour un jour de combat. Mais, me dira-t-on, on lĂąchera,de MĂ©moires. 89 la cavalerie sur vçs armĂ©s Ă  la lĂ©gere. On ne l’oĂ­eroit. Mais tant mieux, si cela arrive. Ne sont-ils pas Ă  mĂȘme de l'e retirer ? Et cette cavalerie peut-elle subsister entre moi & l'ennemi ? Tirera- t-il sur ces soixante-dix hommes Ă©parpillĂ©s le long du front de mon rĂ©giment? Ceseroit tirer sur une poignĂ©e de puces. Ah ! les ennemis feront la mĂȘme chose, & auront auffi des armĂ©s Ă  la lĂ©gere. VoilĂ  donc ce qui prouve- roit la bontĂ© de mon systĂšme , si cela les incommode au point qu’ils soient obligĂ©s de m’imiter mais ce ne fera qu’aprĂšs savoir bien appris Ă  leur dĂ©pens , & aprĂšs avoir Ă©tĂ© bien Ă©trillĂ©s pendant deux ou trois campagnes , qu’ils s’en aviseront ; & ils n’opposeront que de nouveaux armĂ©s Ă  la lĂ©gere aux miens qui seront bien exercĂ©s Ă  cette manƓuvre. Mais par oĂč fe- ront-ils retirer ces armĂ©s Ă  la lĂ©gere pu ces grenadiers ? Sera-ce fur les aĂŻ- ÂŁo MĂŻmoieh; les, en faisant un mouvement tout le long de leur front, oh il n’y a point ^'intervalles f Je dois avant que dĂ©finir ce chapitre, faire un petit calcul du feu de mes armĂ©s Ă  la lĂ©gere. Supposons qu’ils commencent Ă  tirer de trois cens pas de distance, qui est celle Ă  laquelle ils font exercĂ©s ils pourront donc tirer l'efpace du temps qu’il faut Ă  l’ennemi pour faire ces trois cens pas ; & il leur faudra toujours six Ă  sept minutes. Or un armĂ© Ă  la lĂ©gere peut tirer six coups par minute ; mais mettons qu’il n'en tire que quatre. Chacun aura donc tirĂ© trente coups, avant que le bataillon ennemi ait fait les trois cent pas. De-lĂ , il est clair que chaque bataillon aura essuyĂ© , avant le choc, deux mille coupspourle moins ; & de qui ? De gens qui passent leur vie Ă  tirer d’une plus grande distance au but, qui ne font point serrĂ©s, qui tirent Ă  l’aife & ne font point contraints par le MĂ©moires. pi ĂŻommandement de faire feu, ni par l’at- titude gĂȘnante qu’on leur fait tenir dans ĂŹes rangs , oĂč ils se poussent, s’empĂȘ- chent de voir & d’ajuster leur coup. Je tiens qu’un coup tirĂ© par un armĂ© Ă  la lĂ©gere, ainsi exercĂ© , en vaut bien dix tirĂ©s par un autre. Et si l’ennemi est en front de bandiere , il essuiera plus de quatre Ă  cinq mille coups de fusils par bataillon, avant que nous nous soyons abordĂ©s. Qu’on ne croye pas que trois cens pas soient une trop grande distance un fusil Ă  secret porte quatre cens pas de but en blanc; & si vous l’élevez Ă  vingt ou vingt-cinq degrĂ©s, il portera au-delĂ  de mille pas. A cela, je joins le feu des armes que j’ai nommĂ©es amuscttes. J’ai dĂ©ja dit qu’il ne failoit que deux ou trois soldats pour en mener une & la servir; Ă  quoi je destine les capitaines d’armes, avec des soldats que l’on prendra dans char que centurie. §2 M E M O I R fe Si Ces amusettes doivent Te mener est avant, avec les armĂ©s Ă  la lĂ©gere, un jour de combat. Comme elles tirent au- de-lĂ  de trois mille pas, elles doivent causer un furieux dommage Ă  l'ennemĂź lorsqu’il se forme , soit au sortir d’un bois, d’un dĂ©filĂ© ou d’un village, quand il marche efi colonne, & qu’i-1 se met en bataille ; ce qui prend du temps. Or, ces amusettes peuvent tirer au-delĂ  de deux cens coups par heure. J’en mets une par centurie on peut y joindre celles de la seconde ligne, & les rassembler toutes fur une hauteur l’effet qu’elles produiront sera considĂ©rable. Les capitaines d’armes doivent ĂȘtre exercĂ©s Ă  tirer avec l’amusette elle est infiniment plus juste que le canon ; & tire plus loin. Comme il y en a quatre par rĂ©giment, il y en aura seize par lĂ©gion ces seize machines rassemblĂ©es un jour de comb at, feront taire dans un, moment une batterie ennemie» MĂ©moires. 5*5 ‱ "Les nombres pairs, Sc ĂŹa racine quarrĂ©e , doivent ĂȘtre un principe fur lequel il faut tabler pour la composition des corps de mon infanterie, & dont on ne doit jamais s’écarter ainsi il faut quatre centuries par rĂ©giment, quatre manipules ou pelotons par centurie , & quatre rĂ©gimens par lĂ©gion. A l’égard de mes piques, si quelqu’un trouve que , dans les endroits inĂ©gaux, escarpĂ©s, dans les pays de montagnes, ejles soient inutiles, je lui dirai qu’en ce cas on en est quitte pour les poser Ă  terre ; mes soldats ayant leurs fusils en Ă©charpe, alors ils s’en serviront. On me dira encore que cela est incommode Ă  porter ; mais je ne ferai point de cas de cette objection insensĂ©e. Le soldat n’est-il pas obligĂ© de porter des bĂątops de tentes ? II n’y a qu’à faire faire les tentes de façon que les piques puissent servir de bĂątons, en y attachant un cordon par le milieu. Qu’imr porte que le haut de la pique passe la 5>4 MĂ©moires, tente i Au contraire, cela fera un trĂšs- bel effet ; & mĂȘme un ornement dans un camp. Ces piques, avec leur fer, nepefent que cinq livres, & ne fouettent pas comme les autres, parce qu’el- les font creuses les piques dont on fe senroit ci-devant pefoient jusqu’à dix- sept livres, & Ă©toienttrĂšs-incommĂłdes Ă  manier. Je soutiens qu’on peut tirer de grands services d’un tel corps, surtout si le GĂ©nĂ©ral lĂ©gionnaire est un homme intelligent. Lorsque le GĂ©nĂ©ral de famĂ©e aura besoin d’occuper un poste , de barrer l’ennemi dans ses projets, enfin, en cent diffĂ©rens cas qui fe trouvent Ă  la guerre , il n’a qu’à ordonner aune tellefĂ©giĂłnde marcher comme elle a tout ce qu’illui faut pour fe fortifier, elle peut, en peu de temps, se mettre hors d’infulte ; 8c, en quatre Ă  cinq jours, elle doit ĂȘtre en Ă©tat de soutenir un siĂšge , ĂŽc d’arreter une ar- MĂ©e ennemie* MĂ©moires. Le projet de fortifications que j e donnerai çi-aprĂšs en dĂ©montrera la possibilitĂ©. Cette disposition de l’infanterie me paroĂźt d'autant plus convenable, qu’elle est juste dans toutes ses parties ; & la rĂ©putation de la premiere, seconde ou troisiĂšme lĂ©gion , fera impression furies autres, & mĂȘme chez l’enne- mi. Un corps pareil fait cause commune de sa rĂ©putation; il sera toujours Ă©mu. du dĂ©sir d’égaler ou de surpasser celle d’un autre. Les actions d’un corps qui a un nom stable s’oublient bien moins que celles de ceux qui portent le nom de leurs officiers ; parce que ces noms changent, & que les actions s’oublient avec eux. D’ailleurs, il est dans le cƓur de f homme de s’intĂ©resser moins aux choses qui regardent moins son semblable, qu’à celles qui lui font pe» formelles, dĂšs qu’on s’en fait une honneur or cet honneur est bien plus aiĂ­ I §6 MĂ©moires. Ă  faire naĂźtre dans un corps qui porte son nom avec lui, que dans un autre qui porte celui du colonel j lequel bien souvent n’est pas aimĂ©. Bien des gens ne sçavent pas pourquoi tous les rĂ©gimens qui portent les noms de provinces en France ont toujours si bien fait; ils disent pour toute raison c*est l’esprit du corps. Ce n’en est pas une ; je viens de dire la vĂ©ritable. VoilĂ  comme les choses qui font le plus de consĂ©quence roulent sur un point imperceptible. D’ailleurs, ces lĂ©gions font une espece de patrie militaire, oĂč Ăźes prĂ©jugĂ©s des diffĂ©rentes nations se trouvent confondus ce qui est un j grand point pour un monarque, pour un conquĂ©rant ; car , partout oĂč il trouve des hommes , il trouve des soir j dats. Ceux qui croyent que les lĂ©gions i -Romaines Ă©toient toutes composĂ©es stç Romains de R,pme mĂȘme » se trompent MĂ©moires. pent fort ; elles l’étoient de toutes les Nations mais leur pied , leur discipline , & leur mĂ©thode de combattre , Ă©toient meilleures que celles de leurs ennemis ; c’est pourquoi ils les ont tous vaincus ; & ce n’est que lorsque la discipline a dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© chez les Romains, MhmoĂŹkes. ßÎß ble, & Ă  ne jamais se dĂ©bander. Elle ne doit faire d’autre service , dans une armĂ©e , que celui des grandes gardes ; jamais d’efcortes, jamais de dĂ©tache- mens Ă©loignĂ©s , ni de courses ; & il faut la regarder comme la grosse artillerie , qui ne marche qu’avec farinĂ©e ; auĂ­tĂź ne doit-elle servir que dans les combats. Elle doit ĂȘtre montĂ©e fur des chevaux forts & Ă©pais les chevaux Allemands font les meilleurs ils ne doivent jamais ĂȘtre au-dessous de cinq pieds deux pouces. Les cavaliers doivent ĂȘtre armĂ©s de toutes pieces; & le premier rang doit avoir des lances, pendues Ă  une courroie mince au pommeau de la selle. Ils doivent avoir une bonne Ă©pĂ©e , roide , Ă  trois quarts, longue de quatre pieds ; une carabine ; point de pistolets ils ne fervent qu’à faire du poids ; des Ă©triers en chapelets ; point E iij / 102 MEMOIRES, de selle , mais un arçon avec deux bĂątĂźmes rembourrĂ©es, une peau de mouton noire par-dessus , qui sert de housse & de couverture, laquelle croise sur le poitrail. Pour cette cavalerie , il saut des hommes choisis, de cinq pieds six Ă  sept pouces, Ă©lancĂ©s, & point ventrus. A l’égard des dragons, il en faut su moins le double ; mais les rĂ©gimens doivent ĂȘtre composĂ©s de mĂȘme, pour le nombre ^ & doivent avoir des chevaux qui ne soient pas au-dessus de quatre pieds huit pouces, ni au-dessous de quatre pieds six. L’exercice de ces dragons doit ĂȘtre rempli de cĂ©lĂ©ritĂ© ; ils doivent sçavoir celui de l'infanterie en perfection. Leurs armes doivent ĂȘtre le fusil, l’épĂ©e , & la lance ; & ces lances doivent leur servir de piques , lorsqu’ils mettent pied Ă  terre. Leurs selles & siamois seront comme ceux de la cavalerie. Les hommes dpi- MemoĂ­res. Ï03 vent ĂȘtre petits, d’e la taille de cinq pieds Ă  cinq pieds un pouce , pas au- dessus de deux. Ils se formeront par escadron Ă  trois de hauteur, ainsi que la cavalerie, & devront marcher de mĂȘme. Lorsqu’ils mettent pied Ă  terre il faut qu’ils soient Ă  rangs ouverts, qu’ils fassent tous Ă  droite par demi- quart de rang ; ce qui forme un escadron de huit files. Ils sortent par ces files, aprĂšs avoir occupĂ© leurs chevaux, & se forment oĂč. l’escadron faisoit front les hommes de la droite de ces huit files restent Ă  cheval, ainsi que ceux de la gauche. VoilĂ , Ă  peu prĂšs, les manƓuvres qu’il faut leur apprendre , ainsi que je l’expliquerai plus au long i-aprĂšs. Le troisiĂšme rang doit sçavoir voltiger , escarmoucher & toujours se rallier Ă  l’escadron par les intervalles mais les premier 6c second rangs doi~ E iy 104 MĂ©moires. vent ĂȘtre inĂ©branlables, & aussi solides que de la grosse cavalerie. Leurs fusils doivent ĂȘtre passĂ©s en Ă©charpe. Ce font ces dragons qui doivent faire petit service de FarinĂ©e, courir les quartiers , faire les escortes , & aller Ă  la guerre. VoilĂ , en gĂ©nĂ©ral, ce qui concerne la cavalerie. II est maintenant Ă  propos d’entrer dans un plus grand dĂ©tail. ARTICLE SECOND. Des armures de la cavalerie. J E ne sçais pourquoi on a quittĂ© les armures j car rien iFest si beau, ni si avantageux. L’on dira peut-ĂȘtre que c’est l’usage de la poudre qui les a abolis mais point du tout ; car , du temps de Henri IV, & depuis, jus- qu’en l’annĂ©e i 66 j, on en a portĂ© - & il y avoit dĂ©ja bien longtemps que la MĂ©moires'. 10/ poudre Ă©toit en usage mais vous verrez que c’est la chere commoditĂ© quĂ­ les a fait quitter. Il est certain qu’un escadron tous nud, comme on est Ă  prĂ©sent, n’au- roit pas beau jeu contre des gens armĂ©s de toutes pieces car par oĂč prendroit- on ces hommes pour les percer ? II n’y' a donc d’autre ressource que de tirer- C’est un avantage trĂšs-grand de mettre la cavalerie dans cette nĂ©cessitĂ© ; & Cette idĂ©e mĂ©rite d’ĂȘtre examinĂ©e. J’ai fait faire une armure entiere de feuilles de tĂŽle minces , appliquĂ©es fur un buffle trĂšs - fort, & elle ne pesois pas plus de trente livres. Cette armure est Ă  l’épreuve de l’epĂ©e & de la pique je ne puis avancer qu’elle garantisse du coup de feu , surtout de celui qu’on nomme le coup de la baraque ; mais je puis assurer que tous les coups mal chargĂ©s , tous ceux qui font Ă©ventĂ©s- vu Ă©branlĂ©s par le mouvement du che- E v 1 06 MĂ©moires. val, ne percent point, non plus que tous ceux qui viennent de biais. Mais laiĂ­sons-lĂ  le feu celui de la cavalerie n’est pas fort redoutable ; & j’ai toujours oui dire que celle qui s’avisoit de tirer Ă©toit battue. Si cela est, il faut donc tĂącher de l’obliger Ă  tirer. On ne le peut plus aisĂ©ment, qu’en donnant des armures lĂ©geres, comme celles que je propose ; parce que ces hommes se trouvant invulnĂ©rables Ă  l’épĂ©e , il faudra que l’ennemi prenne le parti de tirer. Qu’arrivera-t-il, s’il tire f DĂšs que la cavalerie , ainsi armĂ©e , aura essuyĂ© ce feu , elle se jettera Ă  corps perdu fur son ennemi; parce qu’elle n’a plus rien Ă  craindre , & qu’elle dĂ©sirera se venger du pĂ©ril qu’elle a couru. Que feront ces hommes , pour ainsi dire tout nuds, contre d’aulres qui seront invul nĂ© rĂąbles ? Car, pour peu qu’un homme se remue, je dĂ©fie qu’on le tue. S’il y ayoit seulement deux rĂ©gimens comme MemoikĂȘsi cens livres quelquefois ‱ l’on reste la nuit dehors 3 & il est impossible que lat Evj IZ2 M E M O I R 1 s cavalerie ne s’abysme Ă  ne faire que ce mĂ©tier-lĂ . Si vous. marchez dans des chemins creux ou dans des dĂ©filĂ©s , qu’une trousse se rompe, qu’elle tombe , qu’un cheval s’abatte, voilĂ  toute, la cavalerie, arrĂȘtĂ©e. Cela arrive cepen» dant. Ă  tout moment. Les autres chevaux ,. qui ne peuvent supporter, leurs, charges, s’inquiettent, ils toupillent. & se heurtent ; voilĂ  tout aussi-tĂŽt vingt, trousses Ă  bas. Quand il pleut, les chevaux enfoncent,.glissent & s’abattent les trousses traĂźnent dans les boues, le. dessus n’est bon qu’à jetter ; de façon qu’iĂŻ y a toujours un grand tiers- de perte. C’est une misere, en vĂ©ritĂ© iL vaudroit mieux ne rien donner aux chevaux , que de le leur faire payer si cher.. De la maniĂ©rĂ© que je propose de fourager, il n’y a point de perte ni d’embarras y l’on n’estropie point les chevaux x & l’on ap orte plus de fou- JVÏ E M- O I R ËY. 13 3 rage au camp. A quoi l’on peut ajouter le dĂ©sordre qui arrive , lorsque le eamp est Ă©loignĂ©, & que les fourageurs font attaquĂ©s; alors toutes les trousses se perdent. Mais le plus grand mat arrive dans la dĂ©route ; car les fourageurs s’enfuient toujours, & alors Dieu fçait quelle confusion il-y a. S’ils trouvent un pont, un guĂ© ou un dĂ©filĂ©, vous les verrez fe prĂ©cipiter par mit liers, fans aucune considĂ©ration, comme de s bĂȘtes effarouchĂ©es la peur leur trouble tellement les sens , qu’ils fe noient & s’écrasent les uns les autres. Suivant ma mĂ©thode , cela ne peut pas arriver ; & bien certainement L’en- nemi., averti de votre disposition, ne vous attaquera pas ; parce qu’il seroit certain de livrer, un grand combat de cavalerie, oĂč il ne, trouveroit pas fou avantage , Ă  moins qu’il ne vienne avec toute son armĂ©e or cela fe íçait, & ne, ÂŁe fait pas avec la mĂȘme facilitĂ© qu’au- 134 MĂ©moires; roit un parti de cavalerie de s’embus- quer pour donner dans vos fourages. ARTICLE SIXIÈME, Des fourages au sec. C ette forte de fourage commence au mois de septembre. Pour le faire en sĂ»retĂ© , il faut pousser des partis en avant, & mettre de l'infanterie dans les villages ; les gardes de cavalerie doivent ĂȘtre au dehors, & l’escorte au centre , pour se porter dans l’endroit qui seroit attaquĂ©. Lorsque le fourage est fait, on rassemble toutes les escortes , qui font l’arriere garde. Si l’on craint pour les flancs, on envoie des dĂ©tachemens qui les cĂŽtoient, & occupent les passages, les gorges & les hauteurs, &c. Les cavaliers battent une partie de leur fourage , s’il est en grain z ils cou- MĂ©moires.; 13/ petit la paille par la moitiĂ©, & mettent le tout dans le sac. II n’y a point de perte, comme avec les trousses , oit tout le grain se rĂ©pand par les chemins. ARTICLE SEPTIE’ME. Des tentes & de la maniĂ©rĂ© de camper - de la cavalerie , J’A i dit que les lances dĂ©voient servir de bĂątons de tentes il est aisĂ© de voir que toute une centurie ou escadron est Ă  couvert sous une pareille tente, tant les hommes que les chevaux. II est d’une consĂ©quence infinie pour la cavalerie que les chevaux soient Ă  couvert & chaudement, sur-tout en automne, lorss que les nuits deviennent fraĂźches ; ce qui. est encore une des grandes raisons pour laquelle la cavalerie se fond Ă  vue d’Ɠil ,, Úí devient Ă  rien pendant cette saison.. M E S O I R ĂŻ S. Les chevaux, dis-je, seront sĂšchement & chaudement sous ces tentes , snr-tout si les cavaliers mettent quelques branchages 1 Ă  l’entour , & y ba^ laient le fumier; ce qui formera une muraille autour de la tente. Avec ces prĂ©cautions, les chevaux s’entretien- drĂŽnt avec la moitiĂ© moins de nourriture , & par consĂ©quent ne seront pas si fatiguĂ©s Ă  aller chercher !e fourage. Par la mĂȘme raison, farinĂ©e subsistera plus longtemps dans un pays, & elle tiendra la campagne bien plus longtemps que Pennemi, qui n’aura pas ces moyens ; ce qui me paroi t d’une assez grande consĂ©quence, pour qu’on y fasse une sĂ©rieuse attention. II est certain que la plus grande partie du fourage se perd en fumier , parce que , lorsqu’il pleut, le cheval, en trĂ©pignant', fait de la boue sous lui ‱ le cavalier, pour le soulager , lui fait une nouvelle Ăźitiere ; mais, dans un moment, elle est rĂ©duite en- MĂ©moires. 137 boue. Le cheval ne peut pas se coucher dans l’eau, ĂŹl reste les quatre pieds & la tĂȘte ensemble , se morfond, la colique le prend, & le voilĂ  aufĂ­i-tĂŽt mort que malade. Sous ces tentes, on ne lui fait point de litiere, parce qu’il y fait sec z & par consĂ©quent, on Ă©pargne au moins la moitiĂ© du fourage. Or, si l'on fait cette Ă©pargne , il n’en faut plus apporter que la moitiĂ©. Ainsi vous mĂ©nagez votre cavalerie, & vous subsistez plus longtemps dans un pays. Si toutes ces choses font bien combinĂ©es 8c bien pesĂ©es, l’on concevra aisĂ©ment que ce que je propose est bon car , si l’on compare ma façon de soulager avec celle qui est usitĂ©e , les acci- dens qui arrivent, la perte qu’on fait fur le fourage en lui-mĂȘme , la fatigue, le temps que je subsiste, & la maniĂ©rĂ© -dont je me conserve, je crois que l’on . en fera bien convaincu. i%8 MĂŻmoishs, On me demandera peut-ĂȘtre, comment porter avec soi ces grandes tentes ? Avec des chevaux de bĂąt. D’ail- leurs, on peut les faire de façon qu’el- les se dĂ©montent par pieces & par morceaux , & on peut en donner un Ă  chaque cavalier. Elles contiennent prĂšs de cinquante aunes de toile moins qu'il n’en faut pour les tentes d’un escadron de cent trente hommes, suivant qu’on les fait aujourd’hui. Cela paroĂźtra extraordinaire ; mais ceux qui seront curieux n’auront qu’à calculer. ARTICLE HUITIE’ME. Des partis ou dĂ©tachemens de la cavalerie lĂ©ger e. L e pays oĂč l’on fait la guerre doit dĂ©cider de futilitĂ© & du succĂšs des partis. Rarement les grands partis de cavalerie aboutissent Ă  quelque choie de M E M O I R E S. I Z9 bon, Ă  moins que ce ne soit pour faire quelqu’expĂ©dition prompte & vigoureuse , pour enlever un convoi, surprendre un poste, soutenir des partis d’infanterie que vous aurez poussĂ©s en avant pour couvrir votre marche ; alors ils font de grande utilitĂ©. Car, supposĂ© que l’ennemi ait dessein d’attaquer votre arriere-garde ou vos Ă©quipages avec quelques dĂ©tachemens considĂ©rables, il ne Tosera , si vous avez poussĂ© un gros parti la veille de votre marche du cĂŽtĂ© opposĂ© ; parce qu’il craindra de se mettre entre ce qu’il veut attaquer & ce dĂ©tachement, qu’il sçaura bien sĂ»rement ĂȘtre sorti, sans sçavoir positivement quelle route il tient, ni dans quel endroit il est. Les troupes de ces dĂ©tachemens doivent toujours ĂȘtre de cinquante hommes , & le dĂ©tachement toujours fort. II faut un homme habile & nourri Ă  la guerre pour le conduire ; ĂŽc c’est Í4 patience. MĂ©moires. *43 CHAPITRE QUATRIÈME. DĂŹJJertation sur la grande manƓuvre. J E suis persuadĂ© que toute troupe qui n’est point soutenue est une troupe battue , & que les principes que nous a donnĂ©s lĂ -deflus M. de MontecuculĂŹ, dans ses mĂ©moires, font certains. II dit qu’il faut toujours soutenir l’insanterie Svec de la cavalerie , Sc celle-ci avec de l’insanterie. Nous n’en saisons cependant rien ; nous mettons fur les ailes toute la cavalerie , qui n’est soutenue ^ue par de la cavalerie ; Sc dans le cen- tre toute l’infanterie , soutenue par de ^infanterie. Eb,comment soutenue f De ^inq Ă  six cens pas de distance. Par cette pofition feule vos troupes font intimidĂ©es, fans en sçavoir la raison ; car tout homme quj ne yoit rien derriere lui pour ,1e soutenir Sc le secourir,est Ă  demi battu j 144 MĂ©moires.' & c’est ce qui fait que souvent la secon* de ligne lĂąche le pied, pendant que la premiere combat j’ai vĂ» cela plus d’une fois, &, je pense, bien d’autres que moi l'ont vĂ» auĂ­si ; mais personne n’en a peut-ĂȘtre cherchĂ© la raison ; elle est dans le cƓur humain. Voici ce que dit l’illustre Montecuculi Ă  ce sujet dans Ă­Ăšs mĂ©moires. -> Dans les armĂ©es anciennes , cha- » que rĂ©giment d’infanterie contenoit » une certaine quantitĂ© de cavalerie » & d’artillerie de ces cavaliers , les j -> uns avoient des cuirasses, & les au- ! » tres Ă©toient plus lĂ©gĂšrement armĂ©s. j -> Pourquoi mĂȘler ensemble plusieurs sortes d’armes dans un mĂȘme corps , *> sinon pour faire voir l’extrĂȘme besoin y qu’elies ont l’une de l’autre , & les » secours qu’elles peuvent se donner rĂ©- -> ciproquement ? Dans les ordonnait- » ces modernes, oĂč toute l’infanterie » se met ordinairement au centre de la bataille , MĂ©moires; 14 f » bataille , & la cavalerie sur les ailes » qui s’étendent Ă  plusieurs milliers de » pas ; en bonne foi, quels secours ces » deux corps peuvent-ils recevoir l’un » de l’autre f II est clair que les ailes » Ă©tant battues , l’infanterie , qui de- » meure abandonnĂ©e, est dĂ©couverte » par les flancs, & ne peut manquer » d’ĂȘtre dĂ©faite, au moins Ă  coups de » canon, si ce n’est autrement, comme » il arriva aux bataillons SuĂ©dois en » 1634. Les SuĂ©dois s’apperçurent de » la faute, quand leur cavalerie eut Ă©tĂ© » chassĂ©e du champ de bataille j 8 c , s> pour y remĂ©dier, ils mirent des pelo- 3» tons de mousquetaires entre les efca- » drons. Mais le remede n’étoit pas » suffisant ; parce que les escadrons *> Ă©tant rompus, il falloir que les pelo- » tons fussent passĂ©s au fil de l’épĂ©e ; -> ce qu’ils Ă©prouvĂšrent, parce qu’ils 30 n’avoient point auprĂšs d’eux de corps ? oh s e Ă©tirer, ni de piquiers qui Les G 14 6 MĂ©moires, » soutinĂ­fenti Eh , comment auroieht» » ils pu recourir Ă  leur infanterie st Ă©loi- » gnĂ©e d’eux ? » C’est pourquoi je mets de petites troupes de cavalerie Ă  trente pas der-» riere mon infanterie, S c des bataillons quarrĂ©s , fraisĂ©s de piques , entre mes deux ailes de cavalerie, derriere lesquels elle puisse se rallier, au cas qu’elle soit battue ou repoussĂ©e. * Il est certain que ma cavalerie de la seconde ligne ne s’enfuira pas , tant qu’elle verra ces bataillons quarrĂ©s devant elle j & fa contenance rassur rera celle de la premiere ligne. Mes * On poiirroit objecter que fa propre cavalerie , venant Ă  ĂȘtre repoussĂ©e par IVnnemi, se culbu- feroit en dĂ©sordre Ă­ur cep bataillons quarrĂ©s. Mais on doit observer que M. le marĂ©chal ne propose ces bataillons qu’à moins qu’ils ne soient fraisĂ©s de piques , avec lesquelles on peut rĂ©sister au choc. Au reste, les intervalles qui font entre les bataillons quarrĂ©s font fi considĂ©rables , qu’il n’cst pas vraisemblable que Cette cavalerie , quelqu’épou- vantĂ©e qu’elle soit , aille se jetter sur ces bataillons > lesquels on pourroit encore couvrir de chevaux de frise roulans. M E M O I R 2 S. bataillons quarrĂ©s se dĂ©fendront bien , parce qu’ils espĂ©reront un prompt secours de la cavalerie , qui, Ă  la faveur de leur feu & de leprs piques, repa- roĂźtra dans Pinstant , & voudra rĂ©parer en quelque façon la honte de fa dĂ©faite outre cela, ces bataillons couvrent les flancs de votre infanterie. In y en a qui veulent mettre de petites troupes d’infanterie dans les intervalles de la cavalerie ; cela ne vaut rien. La faiblesse de cet ordre intimide feule des troupes d’infanterie ; parce que ces pauvres misĂ©rables sentent qu’ils font perdus, fi la cavalerie qui s’est flattĂ©e de leur secours , dĂšs qu’elĂźe fait un mouvement un peu brusque ce qui est de son essence , ne le voyant plus, est toute dĂ©concertĂ©e. Si votre aile de cavalerie est battue , PennemĂź vous prend tout Ă  Passe en flanc, & cela dans le moment, D’autres gardent Piissantene avec Gij MĂ©moires. {les escadrons de cavalerie ; cela ne vaut rien du tout, parce que, quand l’in- fanterie ennemie vient vous attaquer , elle tire Ă©galement fur ces escadrons, comme fur l’infanterie j il y a des chevaux de tuĂ©s, la confusion se met bientĂŽt partout, ces troupes de cavalerie lĂąchent le pied il n’en faut pas davantage pour faire tourner la tĂȘte Ă  l’infan- terie, Sc la faire fuir auĂ­fi. Que feront ces escadrons ainsi plar çés ? S’abandonneront-ils fur l’infan- terie ennemie ? Ou bien resteront - ils comme des termes, combattant de pied ferme, l’épĂ©e Ă  la main , contre des gens qui viennent les attaquer avec la bayonnette > Se Ă  grands coups de fusil dans le nez? Veut-on qu’ils s’abandon- nent fur cette infanterie f S’ils font repoussĂ©s , comme il y a grande apparence , ils fe renverseront fur l’infanterie, & la mettront en dĂ©sordre ; parce qu’ils retrouveront difficilement leur poste j MĂ©moires; & les intervalles Ă©tant petits, ferons assurĂ©ment bouchĂ©s. Car il faut remarquer un inconvĂ©nient considĂ©rable dans lequel on tombe avec les bataillons for- Ă­nĂ©s selon l’usage reçu lorsque les files se brouillent, soit par le mouvement , par le canon, ou par le doublement de s rangs , tout est en confusion ; personne n’est plus Ă  son poste ; les divisions', leur ordre & leur nombre ne se trouvent plus; &il n’y a personne quĂź puisse dĂ©mĂȘler cette fusĂ©e. II n’en est pas de mĂȘme avec mes centuries elles suivent chacune leur enseigne, & restent en troupe ; on les met facilement en ordre ; &, quand elles n’y seroient pas , le mal ne feroit pas grand, pendant qu’elles font guidĂ©es par les enseignes , lesquelles s’alignent fur celle de la lĂ©gion les officiers rajustent les rangs ; ce qui ne se fait pas de mĂȘme dans un bataillon. C’est un des grands dĂ©fauts de la colonne du chevalier de G iij i ye MĂ©moires. FollarĂą. Ceci me donne occafion d’en parler. De la Colonne. Bien que j’estime infiniment M. le chevalier Follard , & que je fasse grand cas de ses ouvrages , je ne puis toutefois me ranger Ă  son avis fur les colonnes. Cette idĂ©e m’avoit d’abord sĂ©duit elle est belle, & paroi t dangereuse pour ì’ennemi ; mais l’exĂ©cution m’en a fait revenir. II faut que j’en fasse l’analyse , pour en faire connoĂźtre les dĂ©fauts c’est une affaire de calcul bien aisĂ©. II faut un pied sc demi, ou dix - huit pouces de distance , Ă  un homme , quand il est en bataille. Les flancs de la colonne deviennent front or , de quelque façon qu’on veuille la faire cette colonne, ses flancs seront toujours composĂ©s, pour le moins, de quarante files de profondeur fur vingt-quatre rangs d’épaisseur. II faut, pour fa longueur, soixante Memoises. ÏJ’i pieds , Ă­orfqu’elie fait face j dĂšs qu’ellĂ© marche 3 il lui en faut cent vingt, ce qui est le double de la distance qu’elle vient d’occuper ; parce qu’un homme ne fçau- foit marcher fur dix-huit pouces , Ă  moins de piĂ©tonner , & qu'il lui faut trois pieds pour marcher de forte que, quand la tĂȘte de cette colonne marchera, la queue demeurera & , lorsque la tĂȘte sera arrĂȘtĂ©e , la queue marchera encore l’efpace de soixante pieds ; ce qui fera dans les flans de votre colonne des vuides trĂšs- dangereux. Si on la fait plus longue , le dĂ©faut augmente toujours Ă  proportion de fa longueur ainsi une colonne de deux cent quarante files auroit,pour fa position naturelle, trois cent soixante pieds de longueur ; &, pour pouvoir marcher, il lui en faudroit sept cent vingt. Que vous arrive-t-il, quand vous avez percĂ© ? Vous faites Ă  gauche &>Ă  droite avee vos deux flancs, qui de- Ăź$ĂČ. MĂ©moires. viennent faces ,. pour prendre en flanc l’ennemi que vous avez percĂ©, mais vous vous trouvez Ă  files ouvertes , parcs que vous occupez justement une fois plus de terrein que vous ne devez ; ainĂ­ĂŹ il fe fait des trouĂ©es considĂ©rables, surtout fi vous avez fait ce mouvement brusquement, ce qui doit ĂȘtre le propre de la colonne. Le chevalier se trompe fort de croire qu’elle soit aisĂ©e Ă  remuer c’est le corps le plus lourd que je connoiste , sur-tout quand il est Ă  vingt-quatre d’é- paisseur. S’il arrive que les files se brouillent une fois, soit par la marche, l’inĂ©- galitĂ© du terrein, ou par le canon qui doit y faire un furieux dĂ©sordre, il n’y a tĂȘte d’homme qui puisse venir Ă  bout de la remettre en ordre. Cette colonne devient alors une masse de soldats qui n’ont plus ni rangs, ni ordre, & oĂč tout est confondu. . Je crois son] poids de peu de consĂ©- MĂ©moires. ipz qĂčence quoiqu’en dise M. le cheva_ lier, les hommes ne se poussent pas ainsi les uns les autres de l’épaule ; bailleurs , ils ne sçauroient le faire , puis- qu’ils ont trois pieds de distance de l’un Ă  l’autre , lorsqu’ils marchent. Dans la retraite , je la trouve meilleure que les bataillons quartĂ©s ; non qu’elle marche plus vĂźte , mais parcs qu’elle coule par-tout fans s’arrĂȘter ; 8c que, s’il arrivoit qu’on la perçùt avec de la cavalerie, on n’en seroit pas plus- avancĂ©, parcs que l’on recevroit des- coups de fusil par derriere , & que la troupe seroit bientĂŽt rejointe & refermĂ©e, Mais, pour cela , deux bataillons 1 „ dos Ă  dos suffisent; je veux dire, qu! marchent en contre - marche , faisant front, quand il le faut, Ă  droite & Ă  gau-" che. Cette retraite ne peut se faire que trĂ©s-lentemerit, parcs qu’il faut sauver' la queue , qui, sans cela, Ă­eroit bientĂŽt sĂ©parĂ©e du corps, Ă  cause des trois G- v i;'4 MĂ©moires; pieds qu’il faut au soldat pour marcher. Mais de croire que ce corps soit lĂ©ger , & qu’il se remue aisĂ©ment, c’est de quoi je suis bien revenu. Je le crois mĂȘme dangereux Ă  vingt-quatre & Ă  seize d’épailseur, Ă  cause du dĂ©sordre qui s’y met quand on a Ă  le former. II ne faut jamais faire la colonne que de deux bataillons d’épaisseur, Ă  quatre de hauteur chacun ; ce qui ne dĂ©range pas l’ordre naturel des bataillons. Ce que je viens de dire a u sujet des trois pieds de distance qu’il faut Ă  un homme pour marcher, dĂ©termine la raison du danger qu’il y a Ă  faire des mauve mens en contre-marche ; c’est-Ă - dire, de changer son front en flanc mouvement dont l’ennemi profite toujours , parce qu’il lui crĂšve les yeux. Si vous le faites a portĂ©e de lui, pour regagner un intervalle , vous ĂȘtes perdu z car votre bataillon, occupera le MĂ©moires. iyy -double du terrein qu’il occupoit, & il .lui faudra le double de temps pour se remettre comme il doit ĂȘtre J parce que , supposĂ© que votre bataillon contienne six cens hommes, il occupera un . terrein de deux cent vingt-cinq pieds si l’on fait un mouvement Ă  droite , votre soldat de la droite aura fait deux cent vingt-cinq pieds avant que celui de la gauche ait encore bougĂ© ; sc, quand celui de la droite fera arrĂȘtĂ© , votre soldat de la gauche aura encore deux cent vingt-cinq pieds de distance Ă  faire, avant que le bataillon puisse ĂȘtre en ordre, & faire face j ce qui fait .ensemble le temps qu’il faut pour faire quatre cent cinquante pieds , ou cent quatre-vingt pas. Si donc l’ennemi se .trouve Ă  cent pas de vous , & qu’il vous prenne au pied levĂ© , il s’en faudra le temps nĂ©cessaire pour faire quatre-vingt pas, que vous ne soyez en ‱ordre» i $6 MĂ©moires; Plus vous avez de troupes qui otĂŻt ce mouvement Ă  faire, & plus il est dangereux ; car, st vous avez seulement quatre bataillons, vous ĂȘtes dans le mĂȘme danger, l’ennemĂ­ fĂ»t-il Ă  huit cens pas de vous. Cela est gĂ©omĂ©trique , aĂŹirsi que bien d’autres choses Ă  la guerre. Le taSf ou la cadence peut seul remĂ©dier Ă  ces dĂ©fauts, qui dĂ©cident de tout dans les combats; & je me fuis exprĂšs Ă©tendu fur cette matiĂšre , pour faire voir l’ïgnorance de nos militaires, & la consĂ©quence du taéÏ car ils conviendront de tous ces dĂ©fauts, fans savoir d’autre remede que de marcher lentement. On ne sçauroit faire charger un bataillon Ă  quatre de hauteur seulement, que l’on ne tombe dans le cas que je viens de dire. A moins que l’on ne marche comme des fourmis, on arrivera toujours fur l’ennemĂŹ Ă  rang» M E M O I K E s; ĂŻj '7 ouverts quel dĂ©faut Ă©norme ! C’est-lĂ  la source de la tirerie ; parce que , pour charger autrement , il faut marcher vĂźte , & ensemble ; & qu’on ne le peut., puisqu’en ne fcauroit marcher fur dix» huit pouces, fans le tact. Il est impossible aussi que les Romains & les MacĂ©doniens aient pĂ» combattre fans 1e tact ou la cadence , parce qu'ils Ă©toient fur un ordre ferrĂ© &- profond» Tout le monde en a parlĂ© ; mais personne n’en a pĂ©nĂ©trĂ© , ce me semble, le secret. J’ai souvent Ă©tĂ© surpris qu’on ne s’appliquĂąt pas Ă  attaquer , par colonne, l’ennemi dans les marches. II est constant qu’une grande armĂ©e occupe toujours trois ou quatre fois plus de terrein dans la marche , qu’il ne lui err faut pour fe ranger, quoique I on fasse marcher furplusieurs colonnet. Si donc vous pouvez ĂȘtre averti de quel cĂŽtĂ© l’ennemi marche, que vous sçachiez; ĂŻ$$ MĂ©mo i se s. ì’heure de son dĂ©part, quand il seroĂ­t Ă  Ă­ix lieues de vous , vous arriverez toujours Ă  temps pour l’attaquer ; car fa tĂȘte fera arrivĂ©e au camp qu’il veut occuper, avant que son arriere-garde soit sortie de celui qu’il quitte. ‱ Il est impossible de pouvoir rallier des troupes fur une pareille distance , qu’il ne s’y fasse de grands vuides, & une confusion horrible. J’ai cependant vu faire ce mouvement bien souvent, sans que l’ennemi ait songĂ© Ă  profiter de l’avantage que lui fournissoit l’occasion ; & j’ai crĂ» qu’on l’avoit enchantĂ©. Il y auroit un beau chapitre Ă  faire sur ce que je viens de dire. Car combien de diverses situations ne produit pas une telle marche ? En combien d’endroits ne peut-on pas l’attaquer, fans rien risquer ? Combien de fois une armĂ©e qui marche n’est-elle pas sĂ©parĂ©e par des ravins ; des riviĂšres, des ruis- MĂ©moires, ipp seaux, &c ? Combien de situations ne vous mettent-elles pas Ă  couvert d’une partie de cette armĂ©e qui marche ? Combien de fois n’ĂȘtes-vous pas en Ă©tat, quoiqu’infĂ©rieur , d’en sĂ©parer une partie Ă  votre choix , & de tenir le reste en Ă©chec avec un petit nombre de troupes ? Mais toutes ces choses font aussi, diverses que les situations qui les produisent. II ne s’agit que d’avoir de l’in- telligence, connoĂźtreleterrein, & oser; car vous ne risquez rien , ces affaires- lĂ  n’étant jamais dĂ©cisives pour vous ; mais elles peuvent l’ĂȘtre pour 1*ennemi.. Ce font les tĂȘtes de vos colonnes qui attaquent Ă  mesure qu’elles arrivent, lesquelles font soutenues par d’autres troupes qui les suivent cela fait disposition de foi-mĂȘme, & vous donnez fur des corps qui ne font point disposĂ©s ni soutenus. Voila Ă  quoi la colonne peut ĂȘtre bonne mais je m’apperçois que je vais Ï6Ă» M E M O I R Ë 5. Ăąu-delĂ  des premiers principes de l’aft* & il n’est pas encore temps de passer Ă  des parties si Ă©levĂ©es. CHAPITRE CINQUIEME. Des armes Ă  feu , & de la mĂ©thode de tirer. J’ai dĂ©ja dit que la maniĂ©rĂ© de faire tirer par commandement , gĂȘnoit le soldat & ĂŽtoit au feu tout son effet, je veux dire la justesse ; & qu’il est dangereux de tirer, quand on a affĂ»te Ă  de l’infanterie, oĂč l’on peut s’aborder parce qu’il faut s'atrĂȘter pour tirer, & qu’infailliblement vous vous faites battre , si vous tirez contre des gens qui marchent Ă  vous avec cĂ©lĂ©ritĂ© - parce que votre troupe , qui fe flattoit que ce feu alloit exterminer l’ennemi, voyant le peu d’effet qu’il aura produit, vous abandonnera certainement. Ainsi il ne faut point tirer fur l’ennemi que l'on peut aborder ; mais bien derriĂšre MĂ©moires. i6Ăź 3es haies , lorsqu’un fossĂ© , une riviĂšre, un ravin Òc autres choses semblables vous sĂ©parent de lui alors il faut sça- Voir tirer, & faire un feu si terrible , que rien ne puisse y rĂ©sister. Je m’y prends ainsi. J’ai dĂ©ja dit ĂłP devant, que je voulois que tous mes soldats eussent des fusils avec un dĂ© Ă  secret; ils tirent plus loin, & se chargent plus vĂźte ; le coup en est plus net & plus violent. Dans l’émotion que cause le combat, les soldats, tout de mĂȘme, ne bourrent pas la moitiĂ© du temps, & font sujets Ă  mettre la cartouche dans le canon, fans l’ouvrir ; ce qui rend beaucoup d’armes inutiles. Je veux donc que les cartouches soient de carton, plus grosses que le calibre du fusil, afin que les soldats ne puissent pas , par distraction , les y faire entrer; qu’elles soient fermĂ©es avec un parchemin collĂ© dessus, afin qu’ils puissent aisĂ©ment les dĂ©coĂ«sser avec les Iffi qÂŁ Ji jjr j^ ****** in ****** ÂŁJ r r jr ^ ^r'T'^ LIVRE SECOND. Des parties sublimes . CHAPITRE PREMIER. De la fortification , attaque & dĂ©fense des places. J E m’étonne toujours comment on ne revient pas de l’abus de fortifier les villes. Ce propos paroĂźtra extraordinaire , & je dois le justifier. Examinons premierement l’utilitĂ© d’une forteresse. Elle sert Ă  couvrir un pays ; Ă  obliger Pennemi Ă  l’attaquer avant que de passer outre ; Ă  s’y retirer avec des troupes , pour les y mettre Ă  couvert, y former des magasins, &; y mettre en MĂ©moires. 185 sĂ»retĂ© , pendant l’hyver, de TartiUe- rie , des munitions , &c. Si l’on examine bien ces choses , on trouvera qu’il est avantageux que les forteresses soient placĂ©es aux con- fluens des riviĂšres ; parce que, pour les investir, il faut partager les armĂ©es en trois corps diffĂ©rens, qu’on peut en battre un avant qu’il soit secouru des deux autres , qu’avant l’investissement on a toujours deux cĂŽtĂ©s libres , & qu’il est impossible que l’ennemi forme cet investissement dans un jour ; qu’il faut l’attirail de trois ponts ^ & que l’on a les hazards pour foi, je veux dire les orages Sc les inondations qui arrivent ordinairement l’étĂ©. Outre qu’en occupant de tels postes, on est maĂźtre du pays ,1’étant des riviĂšres ; on empĂȘche le cours de celles-ci , Sc l’on a la facilitĂ© de ravitailler aisĂ©ment les forteresses, d’y former des magasins, d’y transporter des muni' 186 MĂ©moires. tions & toutes les choses nĂ©cessaires Ă  la guerre. Au dĂ©faut des riviĂšres , on trouve des endroits fortifiĂ©s par la nature , qu’il est prefqu’impossible rĂ©investir, & qu’on ne peut attaquer que d’un seul cĂŽtĂ© ; qui, avec peu de dĂ©pense , pourroient se rendre , pour ainsi dire, imprenables ; car je compte la nature infiniment plus forte que Fart. Pourquoi donc n’en pas profiter f Peu de Villes ont Ă©tĂ© fondĂ©es Ă  ces fins ; le nĂ©goce a causĂ© leur augmentation, & le hasard a choisi leur situation. Ces villes, par la succession des temps, se sont accrues, les bourgeois les ont enceintes de murailles , pour se dĂ©fendre contre les courses des ennemis, & pour se garantir des troubles intestins qui agitent les Etats. Jusques-lĂ  tout est dictĂ© par la raison ; les bourgeois les ont fortifiĂ©es pour leur conservation, ils les ont dĂ©fendues mais pourquoi MĂ©moires. i 8^ les princes se sont-ils avisĂ©s de les fortifier ? Ils pourroient avoir eu en cela quelqu’apparence de raison, du temps que la chrĂ©tientĂ© vivoit dans la barbarie , que l’on dĂ©vaĂ­ĂŹoit les pays mais Ă  prĂ©sent que l’on sait la guerre avec plus de modĂ©ration, parce que le vainqueur mĂȘme y trouve son avantage > qu’a-t-on Ă  craindre f Est-ce qu’une ville qui fera enceinte d’une bonne muraille , & d’un boulevard oĂč l’on mettra trois ou quatre cens hommes de garnison, joints Ă  la bourgeoisie , avec quelques pieces de canon de fer, ne fera pas aussi bien en sĂ»retĂ© , que s’il y avoit plusieurs milliers d’hommes ? Car je soutiens que ceux-ci ne se dĂ©fendront pas plus longtemps que ces quatre cens hommes, & que la capitulation pour le bourgeois ne fera pas meilleure. Outre cela , quand l’enne- mi aura pris cette ville , qu’en fera- t-il ? La fortifiera-t-iĂŹ f Je pense que *88 M EMOI RE Sinon ; ainsi il se contentera d’une contribution & passera outre , peut-ĂȘtre mĂȘme ne l’affiĂ©gera-t-il pas, parce qu’il ne sçauroit la Conserver de se bavarder d’y laisser une petite garnison, c’est ce qu’il ne fera jamais ; & d’y en mettre une grosse, il le fera encore moins , parce qu’elle ne seroit pas en sĂ»retĂ©. Une raison plus forte encore me persuade que les villes fortifiĂ©es font de mauvaise dĂ©fense \ c’est que , supposĂ© que l’on fasse des magasins de vivres pour trois mois de garnison, dĂšs qu’une ville est investie , il n’y en a pas pour huit jours ; parce qu’on n’a pas comptĂ© fur dix, vingt ou trente mille bouches qu’il faut nourrir, par la raison que la plupart des habitans de la campagne s’y rĂ©fugient avec leurs effets , & augmentent le nombre des bourgeois. Les richesses d’un prince ne dĂ©tendent pas Ă  faire de pareils magasins pour tout un pays dans toutes les places MĂ©moires. i8p qui sont en risque d’ĂȘtre attaquĂ©es , non plus qu a les renouveller tous les ans ; Sc quand il auroit la pierre philo- sophale, il ne le pourroit pas, parcs qu’il mettroit la famine dans ses Etats. J’entends dire Ă  quelqu’un Je mettrai Ă  la porte les bourgeois qui ne pourront faire leur provision. C’est une dĂ©solation pire que celle que peut causer l’ennemi car çombien y en a-t-tl dans une ville qui ne vivent qu’au jour la journĂ©e ? Outre cela , est-on certain que l’on fera investi f Mais si cela est, l’ennemi verra-t-il tranquillement la retraite de ce peuple ? II le rechassera dans la ville. Qu’est-ce que fera mom- sieurle gouverneur? LaĂ­ssera-t-ilmourir de faim ces misĂ©rables? Pourra-t-il justifier cette conduite devant son souverain ? Que sera-t-il donc ? II faudra qu’il leur fasse part de son magasin , & qu’il se rende au bout de huit ou quinze jours. Car } supposĂ© qu’il y ait dan§ uns ĂŻ $o MĂ©moires. yille cinq mille hommes de garnison, qu’il y ait outre cela trente mille douches , que les magasins soient pour trois mois ; les trente - cinq mille bouches mangeront en un jour ce que les autres auroient mangĂ© en huit ou neuf ; ainsi la place ne peut tenir qu’environ dix Ă  douze jours. Mettons qu’elle en tienne vingt ce n’est pas la peine de'l’atta- quer ; elle est obligĂ©e de se rendre d’elle-mĂȘme , & tous les millions que l’on a employĂ©s pour la fortifier font perdus. Il me semble, que ce que je Viens de dire doit bien persuader des dĂ©fauts irrĂ©mĂ©diables des villes /fortifiĂ©es, & qu’il est plus avantageux Ă  un souverain d’établir ses places d’armes dans des endroits aidĂ©s de la nature & propres Ă  couvrir un pays, que de fortifier des villes avec des dĂ©penses immenses, ou d’augmenter leurs fortifications, IlĂ­audroitau contraire, aprĂšs MĂ©moires, 191 en avoir Ă©tabli d’autres, les raser toutes jusqu’aux remparts. Du moins ne faudroit-il plus songer Ă  en fortifier &ç \ employer tant d’argent inutilement,. Quoique ce que je dis lĂ  soit fondĂ© sur la raison , je sçais bien que per- ĂČnne ne s’en avisera , tant l’usage est me belle chose , & tant il a de puis- Ă nce sur les hommes. Une place cornue celle que je suppose , peut tenir plusieurs mois de tranchĂ©e & mĂȘme des annĂ©es ; parce que la bourgeoisie ne l’embarrasse pas, & que , lorsqu’il y a des vivres, on sçait combien le siĂšge doit durer. Les siĂšges que l’on a faits en Bra^ bant n’auroient pas eu des succĂšs si rapides , si les gouverneurs n’avoient calculĂ© le temps de leur rĂ©sistance avec celui de la durĂ©e de leurs vivres ; c’est pourquoi ils dĂ©siroient autant que l’en^ nemi que la brĂšche fĂ»t bientĂŽt prĂȘte , pour pouvoir se rendre honorablement z r§2 MĂ©moires. & malgrĂ© cette bonne volontĂ© mutuelle, j’ai vu plusieurs gouverneurs ĂȘtre obligĂ©s de le faire, fans avoir eu l'honneur de sortir par la brĂšche. J’ai remarquĂ© dans les siĂšges que, dĂšs le commencement, l’on garnit beaucoup le chemin couvert, que l’on y fait un grand feu de mousqueterie, & que ce feu ne fait pas un grand dommage. Cela ne vaut absolument rien, parce qu’on fatigue les troupes de façon qu’on les excede. Le soldat, que l’on sait tirer toute la nuit, s’ennuie ; son fusil se casse ou se dĂ©mantibule ; il passe le lendemain une partie du jour Ă  le nettoyer, Ă  le rajuster & Ă  faire des cartouches. Enfin cela lui emporte tout le repos qu’il devroit prendre - chose qui est d’une consĂ©quence infinie , & qui entraĂźne aprĂšs foi, si l’on n’y fait attention , des maladies & un dĂ©goĂ»t auxquels la bonne volontĂ© ne dĂ©siste pas. C’çst cependant fur la fin d’un MĂ©moires. d’un siĂšge oĂ» il faut marquer plus de vigueur ; parce que c’est alors qu’il est question de coups de main, & que plus vous faites voir d’activitĂ©, plus l’enne- mi se dĂ©goĂ»te ; d’autant que les maladies se mettent dans son camp , que les sourages & les vivres lui manquent, & ensin que tout concourt Ă  fa ruine ; ce qui dĂ©courage & officiers & soldats si avec cela ils sentent que la rĂ©sistance devient plus forte & qu’elle augmente Ă  mesure qu’ils se flattent de la voir diminuer , ils ne sçavent plus ou ils en font, & se dĂ©goĂ»tent totalement. C’est pourquoi il faut toujours rĂ©server les meilleures troupes pour les coups de main , ne leur pas seulement permettre de mettre le nez sur le rempart, & sur-tout ne les point faire veiller ; mais, dĂšs qu’elles ont fait leur expĂ©dition , les renvoyer Ă  leur quartier. Pour revenir au feu du chemin couvert ou des remparts fur les travailleurs pendant la nuit, ce n’est que da I i5>4 MĂ©moires. bruit ; car les soldats , pour ne point se donner la peine de bourrer, parce que cela les fatigue - prennent la poudre Ă  poignĂ©e , la jettent dans le fusil, mettent une baie par-deĂ­sus, puis tirent. OĂč tirent-ils ? En Pair; parce qu’à force de tirer, PĂ©paule leur devient douloureuse ; & comme , dans l’obscuritĂ©, l’cĂ­ficier ne peut les voir, ils passent le bout du fusil sur la palissade , & la baie va oĂč elle peut. Il vaut beaucoup mieux placer, vers la fin du jour, plusieu/s batteries de çanons Ă  barbettes, soit dans les chemins couverts, soit sur les remparts , les aligner avec de la craie pour les faire tirer dans les environs oĂč l’on croit qu’ìl en est besoin pendant toute la nuit, puis les ĂŽter Ă  la pointe du jour. Ce feu fera bien plus meurtrier que celui de la mousqueterie, parce qu’il percera gabions & fascines les baies Ă©tant grosses comme des noix , balaieront continuellement toute la lar- M EMOlRESf 1$f geur dĂ© la tranchĂ©e, & iront par bonds & ricochets bien loin au-delĂ  de leur portĂ©e. Le canon de 1-ennemi ne sçau- roit les faire taire pendant la nuit, & cela tue comme mouches les travailleurs & ceux qui fervent les batteries. Enfin , pour servir douze pieces de carton ainsi disposĂ©es, il rte faut que trente-six soldats & douze canoniers; & je me persuade qu’ils feront plus de masque mille hommes Ă  qui l'on auroie fait passer la nuit dans le chemin couvert. Pendant ce temps, vos troupes se reposent tranquillement, & sont le lendemain en Ă©tat de relever les postes , ou d'ĂȘtre employĂ©es au travail. ‱ Que l'on ne m’objeĂ©te pas que cela consume beaucoup de poudre ; les soldats en gaspillent plus pendant la nuit qu’ils n’en tirent au reste on n’a qu’à tirer ayec moins de pieces ; il en rĂ©sultera-toujours un avantage considĂ©rable , en ce que vos troupes seront moins fatiguĂ©es , & que par consĂ©quent vous lij i $6 MĂ©moires. aurez moins de malades car rien ne cause tant de maladies que les veilles. Je dois dire ici un seul mot en passant sur nos ouvrages de fortifications, qui est que tous les anciens ne valent rien, & les modernes pas beaucoup plus j ainsi que je le ferai connoĂźtre Ă  la fin du second chapitre. Le roi de Pologne * a formĂ© un systĂšme de fortifications qui est admirable mais parc? qu’on ne fait pas les places comme on les souhaiteroit, & qu’il faut s’en servir comme elles font, il faudroitau moins tĂącher de remĂ©dier aux dĂ©fauts les plus absurdes. -Tous les ouvrages dĂ©tachĂ©s, par exemple , font escarpĂ©s Ă  la gorge mauvais systĂšme. Pour y remĂ©dier , il faut y pratiquer des rampes pour pouvoir les r’attaquer par derriere l’épĂ©e Ă  la main car quand les ennemis s’y font logĂ©s, leur logement contient peu de monde , parce que les couvreurs 6c ‱* Auguste II. pcfe de l’iureur, MĂ©moires. Ipz travailleurs font obligĂ©s de fe retirer. Or, fi vous pouvez venir Ă  eux & les attaquer en plus grand nombre, indubitablement vous les chasserez ; & avant qu’ils aient commandĂ© un nouvel assaut & de nouveaux travailleurs, leur logement fera comblĂ©. Vous le pouvez en toute sĂ»retĂ©, parce que vous n’ĂȘtes pas vĂ» de leur canon, ni du feu de leur tranchĂ©e ; il faut donc qu’ils donnent un nouvel assaut, oĂč vous leur tuez une infinitĂ© de monde , parce qu’ils font obligĂ©s de venir en force. Quand leur logement est fait de nouveau , & que leurs couvreurs font retirĂ©s , vous recommencez. Rien n’est si meurtrier & ne dĂ©sole tant l’aĂ­fiĂ©geant, & l’avantage est toujours du cĂŽtĂ© des assiĂ©gĂ©s. Tout ouvrage escarpĂ© par la gorge est un ouvrage perdu, lorsqu’il est une fois emportĂ© ; par la raison qu’on ne sçauroit y aller, que l’ennemi y est en sĂ»retĂ© , &c que vous ne pouvez l’y Iiij i des bestiaux , des Vivres, en un mot, tout ce qui regarde la subsistance & toutes les choses nĂ©cessaires aux armĂ©es. Et si l’on veut y joindre les avantages que la nature nous donne ou nous offre Ă  chaque pas , on conCevra aisĂ©ment que l'on fera des postes de trĂšs-grande importance , surtout si l’on y ajoute des ouvrages avancĂ©s. Car plus les places font grandes & les ouvrages Ă©tendus, plus il saut de monde pour en faire le siĂšge; telles font Lille, Bruxelles, Metz, &c. oĂč il faut des armĂ©es de cent mille hommes pour les investir mais aussi il faut considĂ©rablement de monde pour les dĂ©fendre. J’ai trouvĂ© moyen , par des tours, de supplĂ©er Ă  ce dĂ©faut qu’ont les petites places d’ĂȘtre investies avec peu de monde ; & par ce mĂȘme moyen il ne fa u droit pas moins que cent mille L iij 2.^6 Me m o r r e s. hommes pour l’investissement d’un fofĂ­ tel que celui que je viens de projetter. Ces tours avancĂ©es valent infiniment mieux que les redoutes que plusieurs emploient pour rendre une place spacieuse. Ces redoutes sont bientĂŽt prises, Ă  moins qu’on ne veuille risquer d’y perdre son canon & ses troupes d’ailleurs, il faut beaucoup de monde pour les garder ; ce qui fatigue votre garnison, Sc l’affoiblit extrĂȘmement. Je place ces tours Ă  deux mille pas de mes ouvrages ; parce que , de-lĂ , je puis les battre avec mon canon, lorsque l’ennemi s’en est- emparĂ©. Elles doivent ĂȘtre construites de briques , de façon qu’il n’y ait qu’une simple mu- Ă­ raille du cĂŽtĂ© de la place ; c’est-Ă -dire, qu’il faut partager la tour par son diamĂštre , que la moitiĂ© qui est du cĂŽtĂ© de la campagne soit pleine, & que celle j qui est du cĂŽtĂ© de la place soit vuide. Il y a j du centre du corps de ma M E M O I K E S. 247 place jusqu’à ces tours, trois mille pas de rayon ; ce qui fait, par consĂ©quent, dix-huit mille & quelques pas de circonfĂ©rence ainsi il me faudra trente- six de ces tours pour faire l’enceinte , en les plaçant Ă  cinq cens pas de distance l’une de l’autre j & il faudra les joindre par un bon sosie. Rien ne pourra pasier entre deux ; parce que les coups de feu y croisent ; & que , si l’on vou- loit y pasier en poussant des boyaux , l’on seroit vu Le plongĂ© ainsi il faudra que l’ennemi Ă©tablisse des batteries, & qu’il ouvre la tranchĂ©e , pour des dĂ©truire. J’établirai fur ces tours quatre Ă  cinq de ces armes que - j’appelle ama- settes l’ennemi ne viendra pas fe camper Ă  leur portĂ©e j &, s’il le fait, je lui ferai bientĂŽt lever son camp. II faudra donc qu’il aille camper Ă  quatre mille pas de mes tours. Ajoutez quatre mille pas de rayon aux trois que font mes ouvrages, cela fera quatorze mille pas de diamĂštre, & par consĂ©quent qua- Liv 248 MĂ©moires. rante-deux mille de circonfĂ©rence, & d’avantage. Je veux qu’un bataillon , ou un escadron , occupe cent pas de distance il faudroit quatre cent vingt bataillons pour occuper la circonval- lation , & autant pour la contrevalla- tion ; ce qui feroit huit cent quarante bataillons cela est monstrueux. II faut cependant garder ces lignes ; & l’on conçoit aisĂ©ment que les travaux ne se feront pas fort tranquillement. Que l’on ne croie pas qu’en menant du canon Ă  barbette , on dĂ©truise ces tours fi facilement; il faut absolument ouvrir la tranchĂ©e , & y Ă©tablir des batteries ; & il pourroit se faire que l’on tireroit plus de huit jours , avant que, - - 18-0-0 Largeur R - - 2-0-0 J Profondeur - - 1 - 4- 0 J 1586-4,-0 1 375-0-0 ^201It- 4 - 3 > 60-0-0 En quarante heures trois quarts, quatre cens travailleurs & deux cens rĂ©galeurs feront le front d’un peligĂŽ- ne ; ainsi quatre mille huit cens feront les lunettes , le chemin couvert, & le glacis de huit poligĂŽnes, en quarante heures trois quarts. Suivant le calcul ci-dessus, quatre mille huit cens hommes construiront un poligĂŽne en quatorze heures & de^ MĂ©moires. 255 mie ; &, par consĂ©quent, le fort entier en onze Ă  douze jours de dix heures chacun. Bien que tous ces calculs soient rĂ©els, on ne doit cependant pas y compter pour la pratique je ne les ai faits que pour donner une idĂ©e de la chose ; mais, en y ajoutant le double > ou le triple du temps , on ne fçauroit assurĂ©ment s’y mĂ©prendre. La meilleure façon d’employer les travailleurs, est de les faire travailler par quart ; c’est-Ă -dire, de les faire relever toutes les deux heures & demie alors le travail va vĂźte , & toutes ler troupes font employĂ©es fans ĂȘtre fatiguĂ©es. Le soldat qui ne travaille que trois heures par jour , fait fa tĂąche de bon cƓur , & on peut mĂȘme le presser. Mais on doit travailler au son du tambour , & des instrumens de guerre en cadence. C’est ainsi que les LacĂ©- dĂ©moniens, fous Lyfandre , avec un dĂ©tachement de trois mille hommes 3 2y6 MĂ©moires. dĂ©truisirent le PyrĂ©e, au son de la flĂ»te , en six heures de temps. II nous est mĂȘme restĂ© quelque chose de cette mĂ©thode de travailler ; & il n’y a que peu d’annĂ©es que l’on fit faire aux forçats des galĂšres de Marseille un grand remuement de dĂ©combres mĂȘlĂ©es de poutres Ă©normes, en cadence, & au son du tambourin. Ir faut, autant qu’il se peut, jetter les terres Ă  la pelle, de berme en berme , ou de relais en relais. Le brouĂ«t- tage a plusieurs inconvĂ©niens i°. La dĂ©pense des brouettes, leur entretien , & 1’embarras de les transporter 2 ". Les rampes douces qu’il faut pratiquer pour rouler les terres ; ce qui allonge considĂ©rablement la marche, qui n’est jamais Ă©gale & fans embarras ; parce que le plus fort est obligĂ© de se rĂ©gler sur le plus Ă­oible. Le soldat peut facilement jetter sa pelletĂ©e de terre de huit pieds de profondeur ; & , lorsqu’il se trouve plus bas, il faut lui faire porter MĂ©moires. 277 la terre Ă  la hotte. Les pionniers laisseront, en fouillant, des banquettes 011 des dames , pour que les hotteurs piaillent se reposer pendant qu’on les charge ; aprĂšs quoi , ils partent, & vont les dĂ©charger aux endroits qui leur font indiquĂ©s. II faut que la hotte ait environ trois pieds de hauteur ; qu’elle soit Ă©troite par le bas; & qu’elle contienne deux pieds cubes , qui ne feront gueres plus que le poids de cent cinquante livres, qu’un homme peut porter. D’ailleurs, celui qui porte ne se fatigue pas tant que celui qui poulie une brouette dont la charge fera de moitiĂ© moins pesante. Le soldat renverse facilement sa hotte, en se penchant de cĂŽtĂ© ; parce qu’elle est de la forme d’un cĂŽne renversĂ©. Mais, comme je l’ai dĂ©ja dit, il faut que tout cela se fasse en cadence, & au son de quel- qu’instrument. Il est absolument nĂ©cessaire de faire travailler le soldat. Qu’on lise, dans 2/8 M E M 0 I R Ê S 269 rence de plus de cent bataillons fur les deux armĂ©es ; car le prince Eugene fut obligĂ© de jetter du monde dans toutes les places voisines. Le marĂ©chal de Villars, voyant que les alliĂ©s ne pou- Voient plus faire de siĂšges, tous les magasins Ă©tant pris, tira des garnisons Voisines plus de cinquante bataillons , qui grossirent tellement son armĂ©e, que le prince Eugene , n’ofant plus tenir la campagne , fut obligĂ© de jetter dans le Quefnoi tout son canon, qui y fut pris. Lorsque les villes font situĂ©es au confluent des riviĂšres , il est toujours possible Ă  une armĂ©e qui vient au secours des aĂ­siĂ©gĂ©s, de rompre les ponts qui fervent Ă  la communication de celle des aĂ­siĂ©geans z moyennant quoi, cette armĂ©e sĂ©parĂ©e , l’on en battra une partie, & l’autre-ne sera gueres mieux traitĂ©e voilĂ  donc le siĂšge levĂ©. Ceux qui viennent au secours d’une place assiĂ©gĂ©e ne craignent rien d’attaquer 27o MĂ©moire s. une contrevallation ; parce que l’aĂ­Tie- geant n’oseroit sortir de son poste, Ă  cause de la supĂ©rioritĂ© qu’iltrouveroit, & de la grandeur du terrein, qui va toujours en s’élargissant , lorsqu'on avance. L’obligation de rester derriere ses retranchemens le rend timide, & donne au contraire de l’audace Ă  celui qui attaque, parce qu’il ne craint rien ; ce qui fait plus des trois quarts du gain d’une affaire. A l’égard du passage de riviĂšres de vive force, je crois qu’il n’est gueres possible de l’empĂȘcher ; surtout lors- qu’il est soutenu d'un grand feu d’ar- tillerie, qui donne le temps Ă  la tĂȘte de se retrancher, & de faire un ouvrage pour couvrir le pont. Il n’y a rien Ă  faire pendant le jour ; mais, pendant la nuit, on peut attaquer cet ouvrage &, s’il se trouve que ce soit dans le temps que l’armĂ©e ennemie commence Ă  passer , la confusion se mettra partout , & ceux qui seront dĂ©ja passĂ©s MĂ©moires. _ 271 font perdus. Mais il faut y aller en force & 3 Ă­i vous passez la nuit, vous trouverez le lendemain toute FarmĂ©e passĂ©e alors ce n’est plus une affaire de dĂ©tail, mais bien gĂ©nĂ©rale, que des raisons d’Etat ne permettent pas toujours de bazarder. Il y a , au reste , quantitĂ© de ruses pour le passage des riviĂšres, que chacun emploie , dans Foccasion , selon qu’il est plus ou moins habile & ingĂ©nieux. L’affaire de Denain me fait ressouvenir d’une chose qu’il faut que je conte ici en passant. Le combat fini , la cavalerie Françoise mit pied Ă  terre. Le marĂ©chal de Villars passant le long de la ligne, comme il Ă©toit toujours gai, parlant Ă  des soldats d’un rĂ©giment qui Ă©toit fur fa droite , il leur dit Eh bien , mes en f ans, nous les avons battus. Quelques-uns se mirent Ă  crier vive le roi, Ă  jetter leurs chapeaux, en l’air, & Ă  tirer ; la cavalerie s’en mĂȘla M iv 2^2 M E M O I R E S. cela effraya tellement les chevaux qu’ils s’arracherent des mains des cavaliers , & s’enfuirent tous. S’il y avoir eu quatre hommes qui eussent couru devant eux, ils les auroient menĂ©s Ă  ì’ennemi. Cela fit un dĂ©sordre & un dommage considĂ©rable il y eut beaucoup de monde blessĂ©, & quantitĂ© d'armes perdues. J’ai voulu raconter ce fait, afin de dire ce que c’est que de donner le haraux ; il n’y a que peu de partisans qui le sçachent. Donner le harattx , est une maniĂ©rĂ© d’enlever les chevaux de la cavalerie Ă  la pĂąture ou au fou rage , qui est trĂšs-plaisante. On se mĂȘle, dĂ©guisĂ©, Ă  cheval, parmi les fourageurs ou les pĂątureurs, du cĂŽtĂ© que l’on veut fuir. On commence Ă  tirer quelques coups ceux qui doivent serrer la queue y rĂ©pondent Ă jJ’autre extrĂ©mitĂ© de la pĂąture ou du fourage puis l’on se met de toute part Ă  courir vers l’endroit oĂč l’on Yeut amener les chevaux, en criant MĂ©moires. ' 27^ & en tirant tous les chevaux se mettent Ă  fuir de ce cĂŽtĂ©-lĂ  , couplĂ©s ou non couplĂ©s , arrachent les piquets , jettent Ă  bas leurs cavaliers & les trousses ; &, fussent-ils cent mille, on les amene ainsi plusieurs lieues, en courant. On entre dans un endroit entourĂ© de haies ou de sosies, oĂč l’on s’arrĂȘte fans faire de bruit ; puis les chevaux se laissent prendre tranquillement. C’eĂ­l un tour qui dĂ©sole l’ennemi. Je l ai vĂ» jouer une fois mais, comme toutes les bonnes choses s’oublient, je pense que l’on n’y songe plus Ă  prĂ©sent. CHAPITRE SIXIÈME. Des diffĂ©rentes situations , -pour camper les armĂ©es & pour combattre. U N GĂ©nĂ©ral habile doit sçavoir profiter de toutes les diffĂ©rentes situations que la nature lui prĂ©sente je veux dire des plaines, des montagnes , des ra- M y 274 MĂ©moires. vins, des chemins creux, des chaĂźne? d’étangs, des riviĂšres, des ruisseaux , des bois, & d’une infinitĂ© d’autres choses qui lui font d’une utilitĂ© merveilleuse , lorsque la nature l’a douĂ© de sens commun. Mais, comme ces choses, qui changent si fort la situation & la question , nes’apperçoivent, comme l’on dit, que lorsqu’on a le nez sur l’enfant, & qu’a- lors il est trop tard , je vais entrer dans quelque raisonnement. Supposons donc un terrein coupĂ© par un ruisseau & des Ă©tangs *. Si une armĂ©e venoit m’attaquer, je mettrois toute mon infanterie fur une ligne, pour masquer les Ă©tangs. DĂšs que l’ennemi seroit Ă  portĂ©e, je les dĂ©masqueras, en faisant passer, par les intervalles ou digues, mon infanterie pour former une seconde ligne ; * Il est toujours facile de former des Ă©tangs avec un ruisseau , en arrĂȘtant son cours, de distance en distance, par des digues ; & en le dĂ©tournant , lorsque les Ă©tangs font pleins. MĂ©moires. 275 & je serois pafl'er ma cavalerie, qui se prĂ©senteroit, pour tenir en Ă©chec l’aĂźle gauche de l’ennemi ce mouvement seul le dĂ©concerte. S’ilfaisoitmined’at- taquer cette aĂźle de cavalerie, je lui serois passer les intervalles, & y laisse- rois des postes d’inĂ­anterie pour la garder. Cette manƓuvre auroit engagĂ© l’ennemi en avant, & il n’auroit plus le temps de se jetter sur la droite ; parce pie, sitĂŽt que ma cavalerie est arrivĂ©e Ă  ma droite, j’attaque en mĂȘme temps- tout ce qui se trouve entre le ruisseau & moi , c’est-Ă -dire, l’aĂźle droite de l’ennemi ; & il y a quelqu’apparence que j’y mettrois de la confusion. Cette droite Ă©tant battue , le reste seroit bientĂŽt pris en tĂȘte & en queue par mes deux ailes de cavalerie, & en flanc par toute mon infanterie. Si l’ennemi faisoit le moindre mouvement pour prĂ©senter le front Ă  mon infanterie , elle prĂȘteroit le flanc Ă  mes petites troupes; M vj ' 276 MĂ©moires. qui sont sur les digues, & Ă  ma cavale-' rie de la droite. Ce seul mouvement, qu’il seroit obligĂ© de faire, le mettroit en dĂ©sordre. Selon cet ordre, je suppose l’ennemi une fois plus fort que moi. Mais l’on me dira votre cavalerie de la droite court risque d’ĂȘtre Ă©crasĂ©e. Tant mieux; parce que , plus l’ennemi fera occupĂ© de l’objet qu’il a devant lui, & plus il s’enfournera je lui tomberai fur le dos ; &c d’ailleurs ma cavalerie auroit bien du malheur , fi elle. ne se retiroit sur les chaussĂ©es des Ă©tangs , oĂč l’ennemi n’oseroit assurĂ©ment la poursuivre. Venons Ă  une autre supposition. L’ e n n e m 1 vient m’attaquer. J’ai trois bonnes redoutes Ă  trois cens pas du front de mon armĂ©e, garnies chacune de deux bataillons, & de ce qu’il faut pour se dĂ©fendre. J’ai de la cavalerie dĂ©tachĂ©e , en embuscade ; & deux batteries dont le feu flanque , & croise dans la plaine, J’ai de plus Memoihes. 277 deux bataillons dans deux petites redoutes pour couvrir les batteries. Je veux que l’ennemi soit une sois plus fort que moi ; comment m’atta- quera-t-il dans ce poste ? Viendra-t-Ă­l en front de bandiere ? II ne le peut, fans se rompre ; parce qu’il faut auparavant qu’il emporte les redoutes cette opĂ©ration le met en dĂ©sordre ; mes deux batteries des flancs l'incommodent ; & il ne peut passer outre , & laisser ces redoutes derriere lui. S’il les fait attaquer par des dĂ©tachemens, j’en ferai pour les soutenir, & 1a partie ne sera pas Ă©gale ; parce que mon canon le prend en Ă©charpe. S’il avance, avec tout son corps d’armĂ©e, jusqifa ces redoutes , je fais le signal pour faire avancer, Ă  toutes jambes, ma cavalerie , qui est embusquĂ©e derriere quelque bois, par exemple, & qui lui tombera- fur le dos ; je m’ébranlerai en, mĂȘme temps , & l’attaquerai. EmbarrassĂ© de ces redoutes, un peu en dĂ©- 278 MĂ©moires» Ă­'ordre 6e pris en queue , il y a apparence que j’en aurai bon marchĂ©. Ceci est bon, Iorsqu’on íçait que i’ennemi est dans la volontĂ© , ou dans la nĂ©cessitĂ© de vous attaquer ; car il faut bien se garder de vouloir jamais ce qu’il veut c’est un principe Ă  la guerre, exceptĂ© dans des cas extraordinaires qui, rĂ©admettent point de rĂ©glĂ©s. Mais, lorsqu’on a des raisons pour l’attaquer, on ne sçauroit traĂźner la situation aprĂšs foi ; . il faut faire ses dispositions selon que cette situation se prĂ©sente ; & ne le point attaquer, si elle ne vous est point avantageuse. J’appelle_ avantageuse, lorsque vos flancs sont bien couverts ; que vous pouvez attaquer, avec la plus grande partie de vos troupes,, la moindre, partie des siennes; que vous pouvez l’amuser 6e le tenir en panne, quand une petite riviere le sĂ©pare, un marais , ou autre chose enfin. Alors vous pouvez hardiment l’attaquer avec des troupes beaucoup infĂ©rieures en MĂ©moires. 279 ombre ; car vous risquez peu. Suppose’ qu’il soit Ă  cheval sur une riviere , & que je marche pour l’atta- quer, je ferai ainsi ma disposition. Je tiendrai, avec ma droite, sa gauche en panne ; & je ferai tous mes efforts, avec ma gauche , pour culbuter fa droite. Je la percerai, selon toute apparence , le long de la riviere ; parce qu’il faut supposer que le fort emportera le foible. Si donc je perce l’enne- mi, il est battu ; parce que toute sa gauche , oĂč est le fort de ses troupes » ne peut plus venir Ă  son secours , qui, au contraire, se voyant prise en tĂȘte & en flanc, se retirera sans doute. Passons Ă  une autre supposition. Qu’il y ait entre deux armĂ©es un ruisseau , & qu’il soit guĂ©able, comme il s’en trouve partout. On se campe ordinairement sur les bords de ces ruisseaux ; tant pour se mettre un peu Ă  couvert, que pour la commoditĂ© de Peau. Les choses Ă©tant donc ainsi dis- 28a MĂ©moires. posĂ©es, en arrivant vers le soir, je me campe devant l’ennemi. Comme il n’aura pas envie de se commettre Ă  un combat douteux, il ne passera certainement pas le ruisseau pour m’atta- quer la nuit, & ne quittera pas l’avan- tage de son poste je crois, au contraire , qu’il s’occupera toute la nuit Ă  faire fa disposition pour la dĂ©fense de son ruisseau. De mon cĂŽtĂ© , je ne laisserai qu’une simple ligne lĂ©gĂšrement garnie devant lui ; je marcherai toute la nuit avec le reste de mes troupes, 6c me mettrai fur fa gauche A devant lui. Je n’ai rien Ă  craindre , en faisant ce mouvement ; car certainement il ne passera pas le ruifleau , ni ne le dĂ©garnira pas fur de simples soupçons. Le jour arrivant, il me volt dans une position des plus favorables. Quelque mouvement qu’il fasse, il ne peut que lui causer du dĂ©sordre ; & je serai sur lui, avant qu’il ait pĂ» former son ordre de bataille ? si toutefois il en veut for- MĂ©moires. 281 mer un ; car sa grande attention sera toujours fur son ruisseau , que je ferai attaquer en mĂȘme temps. 11 enverra fur fa gauche quelques brigades , qui arriveront en dĂ©tail, & feront battues de mĂȘme ; parce qu’elles donneront dans un corps d’armĂ©e en ordre j &il fera battu avant qu’il ait pĂ»-se persuader que ce fĂ»t la vĂ©ritable attaque & quand son habiletĂ© irok Ă  s’en apper- cevoir, il n’est plus le maĂźtre d’y remĂ©dier , quelque chose qu’il fasse; sans parler de la crainte qui se mettra dans ses troupes. Passons encore Ă  une autre supposition. Que ParmĂ©e ennemie soit rĂ©pandue , en diffĂ©rens corps , tout le long d’une grosse riviere , fur une grande distance, pour couvrir une province» comme il arrive souvent. Je me rĂ©pandrai de mĂȘme. Ordinairement les grandes riviĂšres ont des plaines des deux cĂŽtĂ©s , lesquelles font bornĂ©es par des Montagnes d’oĂč coulent de petites- MĂ©moires. riviĂšres ou des ruisseaux , quelquefois assez considĂ©rables, qui vont se jetter dans la grosse riviere. Or, il faut tĂącher , par le moyen de votre ruisseau, de construire un pont, fans que l’en- nemi s’en apperçoive car c’est toujours la grande difficultĂ© au passage des riviĂšres. Vous construirez donc votre pont tout le long du ruifleau , & vous. le ferez couler dans l’endroit de la riviere oĂč le ruisseau se jette, & oĂč vous ferez un passage de vive force ; ce qui vous rĂ©ussira , surtout st vous faites deux fausses attaques, en mĂȘm,e temps, en deux endroits Ă©galement Ă©loignĂ©s de votre pont. L’ennemi isolera dĂ©garnir nulle part. Les GĂ©nĂ©raux n’exĂ©cu- teront pas les ordres qu'ils recevront ; parce qu’ils se verront attaquĂ©s, &, que chacun croira l’attaque vĂ©ritable ils supposeront mĂȘme, avec raison, que le GĂ©nĂ©ral n’en sçauroit ĂȘtre informĂ©. Pendant tout ce temps-lĂ  , l’essort se fait au centre, entre la petite riviere MĂ©moires. 28Z & la montagne d’ou elle coule. II faudra d'abord s’emparer des hauteurs alors l’ennemi voit son armĂ©e sĂ©parĂ©e en deux. 11 ne peut se flatter d’arriver en mĂȘme temps des deux cĂŽtĂ©s pour vous attaquer ; s’il le faisoit, il seroit bientĂŽt massacrĂ©. Cela le meuroit d'au- tant plus en dĂ©sordre , que vous vous feriez emparĂ© de ses dĂ©pĂŽts , fans avoir que peu risquĂ© car votre paflage a rĂ©ussis ou non ; ce qui ne sçauroit jamais ĂȘtre bien cher pour vous, surtout si vous avez bien pris vos prĂ©cautions, & que votre disposition ait Ă©tĂ© bien faite. Si une fois vous avez pris poste , & que votre pont soit fait, ce qui sera l’afFaire de quatre heures, il en faut quatre autres pour passer trente mille hommes ; & j’en donne vingt-quatre Ă  l’ennemi avant qu’il sçache Ă  quoi s’en tenir, & vingt-quatre autres avant qu’il ait rassemblĂ© une de ses moitiĂ©s, & qu’il soit arrivĂ© oĂč il faut. Et avec quoi arrivera- t - il sur une riviĂšre que je suppose 284 MĂ©moire § . bonne ? Sans quoi je ne prĂ©tends paĂą entreprendre de ces sortes de passages. II fera donc bridĂ©, d’un cĂŽtĂ© par la montagne , & de l’autre par la riviere. Toutes les grandes riviĂšres que j’ai vues produisent quantitĂ© de situations oĂč des passages pareils font pra- tiquables les mĂ©diocres de mĂȘme , mais rarement elles font aussi bonnes ; parce que les plaines & les montagnes qui les environnent ne font pas fi avantageuses , & que les ruisseaux ne font pas si considĂ©rables. Enfin , je repete qu’il ne faut que du discernement , pour fçavoir profiter de mille fortes de situations qui fe prĂ©sentent Ă  nous ; fans quoi un GĂ©nĂ©ral ne peut fe flatter de faire de grandes choses, mĂȘme avec les plus nombreuses armĂ©es. Je ne veux pas finir cĂ© chapitre, fans parler de l’affaire de Malplaquet. Si, au lieu de mettre les troupes Fran- çoifes dans de mauvais retranchemens , on eĂ»tfunplement fait des abattis des MĂ©moires. 285 trois bois vis-Ă -vis de la trouĂ©e, & que l’on eĂ»t placĂ© dans ces trouĂ©es trois ou quatre redoutes, ie crois que les choses auroient tournĂ© bien diffĂ©remment. Qu’auroient fait les alliĂ©s ? Au- roient-ils attaquĂ© ces redoutes soutenues de plusieurs brigades ? Je pense qu’ils s’en seroient mal trouvĂ©s ; ils y auroient perdu une infinitĂ© de monde , & ils ne les auroient certainement pas emportĂ©es. C’est le propre de la nation Françoise d’attaquer. Mais, lorsqu’un GĂ©nĂ©ral se mĂ©fie du grand ordre qu’il faut observer dans les batailles,& de l’exacte discipline des troupes, il doit faire naĂźtre les occasions de combattre en dĂ©tail , & faire attaquer par brigades ; assurĂ©ment il s’en trouvera bien. Le premier choc des François ejĂŹ terrible 3 mais il faut sçavoir le renouvelles par d’habiles dispositions c’est l’affai- re du GĂ©nĂ©ral. Rien n’y est si propre que ces redoutes vous y enyoyez toy* 286 MĂ©moires. jours des troupes nouvelles, pour attaquer celles de l’ennemi qui attaquent. Rien ne lui cause tant de distraction , Sc ne le rend si craintif car, tandis qu’il attaque , il craint toujours d’ĂȘtre pris par ses flancs ; & vos troupes y vont de meilleur cƓur, parce qu’elles sentent que leur retraite est assurĂ©e, Sc que l’ennemi n’oseroit les suivre Ă  travers ces redoutes. C’est dans cette occasion oĂč vous pouvez tirer les plus grands avantages dse l'impĂ©tuositĂ© de vos troupes mais les mettre derriere des retranchemens, c’est les faire battre , ou au moins leur ĂŽter les moyens de vaincre. Que seroit-il arrivĂ© Ă  Malplaquet , si monsieur le marĂ©chal de FĂŹllars eĂ»t pris la plus grande partie de son armĂ©e , Sc eĂ»t Ă©tĂ© attaquer une moitiĂ© de celle des alliĂ©s, qui avoient eu l’im- prudence de se mettre de maniĂ©rĂ© qu’ils croient sĂ©parĂ©s par un bois", fans pouvoir se communiquer ? Les derriĂšres MĂ©moires. 287 & les flancs de l’armĂ©e Françoise au- roient Ă©tĂ© Ă  couvert. II y a plus d’habiletĂ© qu’on ne pense Ă  faire de mauvaises dispositions ; parce qu’il faut sçavoir les chailger en bonnes dans l’instant. Rien n’étonne plus l’ennemi il a comptĂ© fur quelque chose , s’est arrangĂ© en consĂ©quence ; Lc , dans le moment qu’il attaque , il ne tient plus rien. Je le dis encore , & je le repete , rien ne dĂ©concerte tant l’ennemi , & ne l’engage plus Ă  faire des sautes. S’il ne change pas fa disposition , il est battu ; & , s’il la change en prĂ©sence de son ennemi, il Test en- core. 81 le MarĂ©chal de Villars eĂ»t abandonnĂ© son retranchement Ă  l’approche des alliĂ©s , en se mettant dans l’ordre que je propose , il me semble qu’une contre-marche adroite faisoit l’aflĂ ire. tzo yftP* s88 MĂ©moires. CHAPITRE SEPTIÈME. Des retranchemens & des lignes . J E ne suis ni pour l’un ni pour l’autre 'de ces ouvrages j & je crois toujours entendre parler des murailles de, la Chine , quand on me parle de lignes. Les bonnes font celles que la nature a faites , & les bons retranchemens font ĂŹes bonnes dispositions &Pgxacte discipline des troupes. Je n’ai presque jamais oui dire qu’il y ait eu des lignes ou des retranchemens attaquĂ©s, qui n’aient pas Ă©tĂ© forcĂ©s. S x l’on est infĂ©rieur en nombre, on ne tiendra pas derriere des retranche- chemens, oĂč Pennemi porte toutes ses forces en deux ou trois endroits Ă­i l’on est Ă©gal, on n’y tiendra pas non plus si l’on est supĂ©rieur, on n’en a pas besoin. Pourquoi donc fe donner la peine d’en faire MĂ©moires. 289 L A certitude dans laquelle est l’ennemi que vous n’en sortirez pas, le rend audacieux j il ruse devant vous , & hazarde des mouvemens de cĂŽtĂ©, qu’il n’oseroit faire Ă­i vous n’étiez pas retranchĂ©. Cette audace gagne & officiers Sc soldats ; parce que l’homme craint toujours plus les suites du danger, que le danger mĂȘme. J’en donne- rois une quantitĂ© de preuves. Suppose’ qu’une colonne attaque un retranchement, Sc que la tĂȘte soit fur le bord du fossĂ© ; s’il paroĂ­t, Ă  cent pas de-lĂ  , une poignĂ©e de gens hors du retranchement, il est certain que la tĂȘte de cette colonne s’arrĂȘtera, ou ne fera pas suivie. Pourquoi cela? J’en trouve la cauĂ­e dans le cƓur humain. Que dix hommes mettent le pied fur un retranchement, tout ce qui est derriĂšre fuira, & les bataillons entiers i’aban- donneront. Qu’ils y voient entrer une troupe de cavalerie, Ă  une demi-lĂźeue d’eux, tout se mettra Ă  fuir, N 3$o MĂ©moires. Lors donc que l’on est obligĂ© de dĂ©fendre des retranchemens , il faut bien fe garder de mettre les bataillons tout contre le parapet ; par ce que , si l’ennemi a une fois le pied dessus, ce qui est derriere se sauvera. Cela vient de ce que la tĂȘte tourne toujours aux hommes, lorĂ­qu’il leur arrive des choses auxquelles ils ne^s’attendent point, Cette rĂ©glĂ© est gĂ©nĂ©rale -Ă  la guerre ; elle dĂ©cide de toutes les batailles & de toutes ' les affaires. C’est ce que Rappelle le cƓur humain ; je ne pense pas que personne se soit jamais avisĂ© de chercher la raison de la plupart des mauvais succĂšs j & c’est ce qui, m’a faíç Composer cet ouvrage. Quand donc vous mettez vos trou» pe$ derriere un parapet, elles esperent, par Içur feu , empĂȘcher que l'ennem! jne passe le fossĂ© & n’y monte si cela arrive malgrĂ© ce feu, les voilĂ  perdues; $a tĂȘte leur tourne , & elles fuient. II yaudroit mieux y mettre un seul rang M E M O I K E S. 291 de soldats, avec des armes de longueur ; parce que ces hommes se proposeroiect de repousser Ă  coups de piques ceux qui voudroient monter fur le parapet. Certainement ils exĂ©cuteront leur projet ; parce qu’ils se le seront proposĂ©, & qu’ils attendront l’ennemi lĂ . Si, avec cela , vous mettez des troupes d’infanterie Ă  trente pas du retranchement , ces troupes verront qu’elles font placĂ©es ainsi , pour charger l’en- nemi Ă  mesure qu’il entre 5c qu’il veut se former ; elles ne seront point Ă©tonnĂ©es de le voir entrer, parce qu’elles s’y attendent ; & elles le chargeront vigoureusement au lieu que, si elles avoient Ă©tĂ© placĂ©es toutes contre le retranchement, elles auroient pris la fuite. VoilĂ  comme un rien change tout Ă  la guerre, & comme les foibles mot> tels ne se menent que par l’opinion. A cela, il faut ajouter la misere de notre maniĂ©rĂ© de se former pour dĂ©fendre des retranchemens. Nous met- .Nij a_p2 ^ MĂ©moires; tons nos bataillons Ă  quatre-hommes de hauteur, que nous plaçons contre le parapet. Ainsi j il n’y a que le premier rang qui puisse tirer avec quelque succĂšs , parce qu’il est fur la banquette. Si l’on fait monter les autres rangs Ă  mesure que le premier aura tirĂ©, les coups ne porteront pas ; parce que les soldats fe pressent, & qu’ils ne visent fur aucun objet. Outre cela, cette mar n oeuvre met les bataillons en une te» rible confusion ; & Fennemi vous y trouve , lorfqu’il arrive fur le parapet. Ces bataillons vous font donc totalet ment inutiles , pour le repousser du haut en bas du parapet, Ă  mesure qu'il s’y montre ; parce que vous ne fçarn- riez l’atteindre avec vos fusils armĂ©s de baĂŻonnettes, & que vous n avez pas d’arroes de longueur. Vcs soldats rer muent fans cesse dans les bataillons ; pu plutĂŽt tous vos bataillons remuent, en confusion, comme des fourmis dans une fourmilsiere. .Chacun ne songe qu’à M EMOI II E S. 293 tirer; &, Ă  mesure que ì’ennemi monte sur le parapet, vos bataillons s’en Ă©loignent. Je ferois une autre disposition que celle-lĂ , si j’avois Ă  dĂ©fendre des retran- chemens. La voici. Je mets des centuries tout le long du parapet, en deux rangs ; c’est-Ă - dire , un rang armĂ© de fusils fur la banquette , & le deuxiĂšme rang armĂ© de piques au pied de la banquette , avec les officiers & bas officiers. Ensuite, je fais doubler le premier rang qui est fur la banquette , par les armĂ©s Ă  lalĂ©gere. Ainsi, il se trouve cent hommes environ au premier rang par centurie, Sc cinquante au second, sans les officiers. Comme j’éleve mon parapet de six pieds, l’ennemi, qui ordinairement se met sur la berme pour tirer par-dessus le parapet, ne sçauroit se servir de cet avantage L il est donc obligĂ© de grimper dessus ; alors mon second rang armĂ© de piques le culbutera bientĂŽt. Les N iij 2^4 MĂ©moires. officiers & bas officiers qui font au fĂ©cond rang, avec des armes de longueur , font attention aux mouvemens des soldats , les animent, & leur font allonger des coups de piques du pied de la banquette - car il fe trouve toujours derriere , de cinq en cinq hommes, un officier ou bas officier. Mais il faut bien imprimer aux soldats, qu’ils ne doivent point croire que leur feu arrĂȘtera J’ennemi ; que le haut du parapet est le lieu oĂ  ils doivent combattre, afin qu’ils ne soient point effrayĂ©s de le voir se jettes dans le fossĂ©. Car l’ennemi aura pris ne ferme rĂ©solution d’essuyer le feu , & il l’essuiera ; vous devez vous y attendre. S’il s’avise de vouloir occuper la berme du retranchement, comme cela arrive assez souvent, pour vous chasser de la banquette , vous pouvez l’atteindre avec vos armes de longueur, & jetter Ă  bas homme par homme , Ă  mesure qu’il se dĂ©couvre ; &, s'il entre enfin , Lc qu’il veuille commencer Ă  MĂ©moires. 299 se formes, vous le chargez en dĂ©tail par centuries. Ces centuries ne Ă­Ăšront point Ă©tonnĂ©es de le voir, parce qu’elles s’y attendent ; & elles le chargeront vigoureusement. Voila ce qui regarde la dĂ©fense des retranchemens. Mais on doit toujours avoir diffĂ©rentes rĂ©serves, pour les porter dans les endroits oĂč l’on voit que l’ennemi a le plus de troupes ; ce qu’il n’est pas toujours aisĂ© de voir car, s’il est habile , vous n’en verrez rien. II faut donc placer ces rĂ©serves le plus Ă  portĂ©e , & le plus avantageusement que l’on pourra ; ce que la situation du terrein doit dĂ©cider, tant dehors que dedans les retranchemens. Vous ne devez pas craindre que l’ennemi vous attaque dans des endroits oĂč le terrein est uni Ă  une grande distance ; parce qu’il ne voudra pas faire voir le gros de ses troupes dans ces endroits ; il n’y fera qu’à un bataillon de hauteur. Mais, s’il y a une colline, un vallon » Niv 2$6 MĂ©moires; ou la moindre chose par oĂč il puisse venir Ă  couvert, c’est-lĂ  oĂč il fera tous ses efforts ; parce qu’il espĂ©rera que vous ne verrez pas fa manƓuvre Sc la quantitĂ© de troupes qu’il y porte. Si vous pouvez pratiquer des passages dans vos retranchemens, & que vous failliez sortir Ă  propos une troupe ou deux , dans le moment que la tĂȘte des colonnes est arrivĂ©e fur le bord du fossĂ© , elle s’arrĂȘtera infailliblement, quand mĂȘme elle auroit forcĂ© le retranchement , & qu’il y en auroit dĂ©ja une partie d’entrĂ©e ; parce que ces colonnes , qui n’ont pas comptĂ© lĂ -dessus, craindront pour leurs stancs & leurs derriĂšres ; & il y a apparence qu’elles s’enfuiront , mĂȘme fans scavoir pourquoi. Voici deux exemples, entre mille autres , qui autorisent mes idĂ©es, Sc ‱que je vais donner par prĂ©fĂ©rence. . Au siĂšge d’Amiens par les Gaulois, CĂ©sar , voulant secourir cette place, se MĂ©moires. 297 rendit avec son armĂ©e, qui n’étoit que de sept mille hommes, le long d’un ruisseau oĂč il se retrancha Ă  son arrivĂ©e avec tant de prĂ©cipitation, que les Barbares, persuadĂ©s que CĂ©sar les craignoit, attaquĂšrent ses retranche- mens qu’il ne Ă­'ongeoit point du tout Ă  dĂ©fendre. Car , au contraire , dans le temps que les Gaulois travailloient Ă  combler le fossĂ© & Ă  s’emparer du parapet , il sortit avec ses cohortes, & les surprit tellement, qu’ils prirent tous la fuite, fans qu’un seul se fĂ»t mis en dĂ©fense. Au siĂšge d’AlĂ©sie par les Romains, les Gaulois beaucoup supĂ©rieurs en nombre vinrent les attaquer dans leurs lignes. CĂ©sar ordonna Ă  ses troupes d’en sortir , au lieu de les dĂ©fendre j & de se jetter sur l’ennemi d’un cĂŽtĂ© , pendant qu’il l’attaqueroit de l’autre ce qui rĂ©ussit encore avec tant de succĂšs, que les Barbares y firent une perte considĂ©rable , fans compter plus de vingt Nv 298 MĂ©moires. mille hommes qui furent faits prisonniers avec leur GĂ©nĂ©ral. Sx l’on veut considĂ©rer la maniĂ©rĂ© dont je range mes troupes , on concevra aisĂ©ment qu’elles doivent se remuer avec plus de facilitĂ© que les longs bataillons. Car Ă  quoi peuvent servir plusieurs bataillons fur quatre de hauteur, les uns devant les autres ? Ils font lourds Ă  remuer ; tout les embarrasse, le terrein, le doublement &, si le premier est culbutĂ© , il se renverse sur le second. Mais supposons qu’ils ne se rompent pas, il faudra toujours au second bataillon un long espace de temps avant qu’il puisse attaquer ; parce qu’il faut que celui qui a Ă©tĂ© rompu se soit rangĂ©, ce qui est long car il faut qu’il s’étende entre l’ennemi & le bataillon qui le soutient ; & , si l’ennemi n’a la bontĂ© de se tenir les bras croisĂ©s, il vous renversera certainement ce bataillon sur l’autre, & celui-lĂ  sur le troisiĂšme. Car , lorsqu’il aura renversĂ© le MĂ©moires. 299 premier, il n’a qu’à pousser brusquement en avant ; sussent-ils trente, il les renversera tous les uns fur les autres. Voila cependant ce qu'on appelle attaquer en colonne par bataillons quelle, misere ! Mon ordonnance est bien diffĂ©rente. En effet, que le premier bataillon soit renversĂ© , celui qui le suit charge dans Tinstant; cela va coup fur coup je fuis Ă  huit de hauteur , & n'ai aucun embarras Ă  craindre; mon choc est rude, & ma marche rapide je ne crains point la confusion , & je dĂ©borde toujours l’ennemi, quoi- qu’en mĂȘme nombre. C’est , en vĂ©ritĂ©, une misere que l’ordre sur lequel nous combattons ; & je ne conçois pas Ă  quoi les GĂ©nĂ©raux ont pense de ne savoir pas changĂ©. Ce que je propose n’est point une nouveautĂ© ; c’est Tordre des Fvomains avec cet ordre , ils ont vaincu toutes, les nations. Les Grecs Ă©toient trĂšs- habiĂŹes dans T art de la guerre, & trĂš&- 300 MĂ©moires. bien disciplinĂ©s j cependant leur grande phalange n’a jamais pu tenir contre ces petites troupes disposĂ©es en Ă©chiquier. Aussi Polybe donne-t-il la prĂ©fĂ©rence Ă  l’ordre des Romains. Que feroient donc nos bataillons, qui n’ont ni corps ni ame, contre ce mĂȘme ordre ? Qu’on place ces centuries de telle maniĂ©rĂ© que l’on voudra , dans la plaine, dans des pays coupĂ©s ; qu’on les faste sortir d’une gorge ou de quelqu’endroit que ce soit ; & qu’on voie avec quelle cĂ©lĂ©ritĂ© elles se rangeront. On peut les faire courir Ă  toutes-jambes pour s’em- parer d’un dĂ©filĂ© , d’une haie, d’une hauteur ; &, dans l’instant que les drapeaux seront arrivĂ©s , elles seront alignĂ©es & formĂ©es. C’est ce qui est impossible avec de longs bataillons ; car, pour se mettre comme il faut, & pour bien marcher, ils ont besoin d’un ter- rein fait exprĂšs & d’un temps considĂ©rable. Cela m’a fait pitiĂ© Ă  voir, & m’a souvent donnĂ© le cochemar. M E M O I K E S. 30 ÂŁ J E rĂ­avals point lĂą Polybe en son entier ; lorsque j’achevai cet ouvrage. Voici ce que fy trouve sur iaphalange des Grecs , O fur l'orare de combattre des Romains. JesuisfiattĂ©d’a- voir pensĂ© comme lui, qui Ă©toit contemporain de Scipion , d’Annibal & de Philippe; & qui 9 pendant le cours des guerres que ces grands hommes ont soutenues , s’est trouvĂ© dans les diffĂ©rentes armĂ©es , & y a eu des commande- mens distinguĂ©s. Un auteurs illustre ne peut que justifier mes idĂ©es. C’ est P oly b e quiparle. x D ans mon sixiĂšme livre, f ai pro~ x mis de saisir la premiĂšre occasion qui x se prĂ©senteroit de comparer ensemble -r les armes des MacĂ©doniens & celles x des Romains , l’ordre de bataille des x uns & des autres ; 8c de marquer en r quoi l’un est supĂ©rieur ou infĂ©rieur Ă  x l’autre. L’action que je viens de ra- x conter me l’ostre, cette occasion ; il » faut que je tienne ma parole. x Autke fois rordonnance des Ma- x cĂ©doniens surpaffoit celle des Asiati- x ques & des Grecs. C’est un fait que » les victoires qu’elle a produites ne » nous permettent pas de rĂ©voquer en 502 MĂ©moires. » doute & il n’étoit pas d’ordonnance -> en Afrique & en Europe , qui ne le » cĂ©dĂąt Ă  celle des Romains. Aujour- 30 d’hui que ces diffĂ©rens ordres de ba- 30 taille se sont trouvĂ©s opposĂ©s les uns 30 aux autres, il est bon de rechercher 30 en quoi ils diffĂšrent, & pourquoi 30 l’avantage est du cĂŽtĂ© des Romains. 3o Apparemment que , quand on fera 30 bien instruit fur cette matiĂšre, on ne 30 s’avisera plus de rapporter le succĂšs » des Ă©venemens Ă  la fortune, & qu’on os ne louera pas les vainqueurs fans con- 30 noissance de cause , comme ont cou- 30 tume de faire les personnes non Ă©clai- 33 rĂ©es ; mais qu’on s’accoutumera en-' 30 fin Ă  les louer par principe & par 33 raison. 33 Je ne crois pas devoir avertir qu’il - ne faut pas juger de ces deux manie- 30 res de se ranger , par les combats 30 qu’Annibal a livrĂ©s aux Romains, Sc 33 par les victoires qu’il a gagnĂ©es fur o» eux. Ce n’est, ni par la façon de s’ar- MĂ©moires. 505. » mer, ni par celle de se ranger, qu’An> x nibal a vaincu ; c’est par les ruses, -> & par fa dextĂ©ritĂ©. Nous savons fait » voir clairement dans le rĂ©cit que nous » avons donnĂ© de ses combats. Si l’on x en veut d’autres preuves, qu’on jette x les yeux fur le succĂšs de la guerre, x DĂšs que les troupes Romaines eurent x Ă  leur tĂȘte un GĂ©nĂ©ral d’égale force, x elles furent victorieuses. Qu’on en x croie Annibal, Annibal lui-mĂȘme, x qui, auffi-tĂŽt aprĂšs la premiere ba- x taille, abandonna l’armure Cartha- x ginoise ; & qui, ayant fait prendre x Ă  ses troupes celle des Romains , n’a x jamais discontinuĂ© de s’en servir, x Pyrrhus fit encore plus ; car il ne se x contenta pas de prendre les armures, x il employa les troupes mĂȘmes d’Italie x dans les combats qu’il donna auxRo- x mains. II rangeoit alternativement x une de leurs compagnies & une co- » horte en forme de phalange. Encore ce mĂ©lange ne lui servit-il de rien 304 MĂ©moires. » pour vaincre tous les avantages qu’iĂ­ » 1 remportĂ©s ont toujours Ă©tĂ© trĂšs- » Ă©quivoques. II Ă©toit nĂ©cessaire que -> je prĂ©vinsse ainsi mes lecteurs , afin » qu’il ne se prĂ©sentĂąt rien ĂĄ leur esprit » qui parĂ»t peu conforme Ă  ce que je -> dois dire dans la fuite. Je viens donc Ă  la comparaison des deux diffĂ©rens -> ordres de bataille. » C’ E s T une chose constante, Sc 30 qui peut se justifier par mille erv- » droits > que , tant que la phalange se » maintient dans son Ă©tai propre Sc na~ 30 turel, rien ne peut lui rĂ©sister de front, 30 ni soutenir la violence de son choc. 30 Dans cette ordonnance , on donne 30 aux soldats en armes trois pieds de 30 terrein. La sarisse Ă©toit longue de oo seize coudĂ©es ; depuis, elle a Ă©tĂ© rac- 30 courcie de deux, pour la rendre plus » commode Sc aprĂšs ce retranche- 30 ment, il reste , depuis l'en droit oĂč le soldat la tient, jusqu’au bout qui 30 passe derriĂšre lui, Sc qui sert comme » MĂ©moires. z 05 de contre-poids Ă  l’autre bout, qua- » tre coudĂ©es & par consĂ©quent, si » la sarifle est poussĂ©e des deux mains » contre l’ennemi, elle s’étend de dix » coudĂ©es devant le soldat qui lapous- » se. Ainsi, quand la phalange est dans » son Ă©tat propre, & que le soldat qui est Ă  cĂŽtĂ© ou par derriere joint son » voisin autant qu’il le doit, les saisisses des second, troisiĂšme & quatriĂšme » rangs s’ayancent au-delĂ  du premier » plus que celles du cinquiĂšme, qui ne » les dĂ©borde que de deux coudĂ©es. » Or * comme la phalange est rangĂ©e » fur seize de profondeur , on peut ai- * sĂšment se figurer quel est le choc, le * poids & la force de cette ordonnance. * Il est vrai cependant qu’au-delĂ  du * cinquiĂšme rang les saisisses ne font * d’ucun usage pour le combat auíßÏ * ne les allonge-t-on pas en avant; * mais on les appuie fur les Ă©paules du * ran g prĂ©cĂ©dent la pointe en haut ; * afin que, pressĂ©es les unes contre les -3 o 6 MĂ©moires. - autres, elles rompent l’impĂ©tuositĂ© -> des traits qui passent au-delĂ  des pre- » miers rangs, veut qu’il se remue commodĂ©ment. » Chaque Romain , combattant » contre une phalange, a donc deux -> hommes & dix sarisses Ă  forcer or , » quand on en vient aux mains, il ne les » peut forcer, ni en coupant, ni en » rompant ; & les rangs qui le suivent » ne lui sont, pour cela , d’aucun se- - cours. La violence du choc lui leroit - Ă©galement inutile, &c son Ă©pĂ©e ne -> feroit nul effet. -> J’ai donc eu raison de dire que la » phalange , tant qu’elle se conserve » dans son Ă©tat propre & naturel, est -> invincible de front ; & que nulle au- » tre ordonnance n’en peut soutenir l’es- » set. D’oĂč vient donc les Romains » sont-ils victorieux ? Pourquoi la pha- -> lange est-elle vaincue ? C’est que , -> dans la guerre, le temps & lĂ© lieu » des combats varient en une infinitĂ© » de maniĂ©rĂ©s, & que la phalange n’est » propre que dans un temps & d’une zo8 MĂ©moires. -, seule façon. Qand il s’agit d’une ac- » tion dĂ©cisive , si l’ennemi est forcĂ© -> d’avoir affaire Ă  la phalange dans un » temps ou dans un terrein qui lui soient - convenables, nous savons dĂ©jĂ  dit, » il y a apparence que tout l’avantage » fera du cĂŽtĂ© de la phalange mais, 11 l'on peut Ă©viter l’un & l'autre , com- -, me il est aisĂ© de le faire, qu’y a-t-il de -> si redoutable dans cette ordonnance ? -> Que pour tirer parti d’une phalange, » il soit nĂ©cessaire de lui trouver un ter-, -> rein plat, dĂ©couvert, uni, sans fof- -, sĂ©s , fans fondriĂšres , fans gorges, - fans Ă©minences, fans riviĂšres ; c’est -> une chose avouĂ©e de tout le monde. - D’un autre cĂŽtĂ© , l'on ne disconvient -, pas qu’il est impossible , ou du moins -, trĂšs-rare, de rencontrer un terrein de -, vingt stades ou plus, qui n’offre quel- »ques-uns de ces obstacles. Quel x> usage ferez-vous de votre phalange , -, si votre ennemi, au lieu de venir Ă  » vous dans cet heureux terrein, fe rĂ©- MĂ©moires. zo- λ pand dans le pays, ravage les villes, » & fait le dĂ©gĂąt dans les terres de vos » alliĂ©s ? Ce corps restant dans le poste o» qui }ui est avantageux, non seulement oo ne sera d’aucun secours Ă  vos amis, v il ne pourra se conserver lui-mĂȘme. v L’ennemi, maĂźtre de la campagne, o° sans trouver personne qui lui rĂ©siste, » lui enlevera ses convois , de quel- oo qu’endroit qu’ils viennent. S’il quitte v son poste pour entreprendre quelque -> chcse, ses forces lui manquent, & il oo devient le jouet de ses ennemis. Ac~ » cordons encore qu’on ira l'attaquer oo fur son terrein mais st l’ennemi ne oo prĂ©sente pas Ă  la phalange toute son r> armĂ©e en mĂȘme temps , & qu’au mo- * ment du combat il l Ă©vite en se reti* -o rant, qu’arrivera-t-il de votre ordon-» oo nance ? II est facile d’en juger par la oo manƓuvre que font aujourd’hui les » Romains. Car nous ne nous fondons » pas icj fur de simples raifonnemens , » pais fur des faits qui font ençorg tout 3 io MĂ©moires. » rĂ©cens. Les Romains rĂ©emploient pas a> toutes leurs troupes pour faire un 33 front Ă©gal Ă  celui de la phalange ; mais 35 ils en mettent une partie en rĂ©serve , 3> & n’oppofent que l’autre aux enne- 3> mis alors, soit que la phalange rom- 35 pe la ligne qu’elle a en tĂȘte, ou qu’el- » le soit elle-mĂȘme enfoncĂ©e, elle sort 35 de la disposition qui lui est propre ; » jqu’elle poursuive des fuiards, ou » qu’elle fuie devant ceux qui la prĂȘt- 33 sent, elle perd toute la force car, 30 dans l’un & l’autre cas , il fe fait des 35 intervalles que la rĂ©serve saisit pour 35 attaquer, non de front, mais en flanc, 35 & par les derriĂšres. 5o En gĂ©nĂ©ral, puisqu’il est facile d’é- 3> virer le temps & toutes les autres cir- 30 constances qui donnent l’avantage Ă  3o la phalange, & qu’il ne lui est pas 3o possible d’éviter toutes celles qui lui 35 sont contraires, n’en est-ce pas assez 3o pour vous faire concevoir combien sa cette ordonnance est au-dessous de MĂ©moires. zn » celle des Romains ? Ajoutons que -> ceux qui rangent en phalange te trou- » vent dans le cas dĂ©marcher par toutes » sortes d’endroits , de camper , de » s’emparer des postes avantageux , » d’assiĂ©ger , d’ĂȘtre assiĂ©gĂ©s ; de tomber » fur la marche des ennemis ? lorsqu ils -> ne s’y attendent pas car tous ces ac-i » cidens font partie de la guerre ; sou- » vent la victoire en dĂ©pend , quelque» » fois du moins ils y contribuent beau- -> coup. Or 3 dans toutes ces occasions, -> il est difficile d’employer b phalange, -> ou on l’emploieroit inutilement ; par- - ce qu’elle ne peut alors combattre, -> ni par cohorte, ni d’hornme Ă  homme » au lieu que ^ordonnance Romaine , » dansces rencontres mĂȘmes, ne souffre » aucun embarras. Tout lieu , tout -> temps lui convient l'ennsmi ne la » surprend jamais , de quelque part ?» qu’elje se prĂ©sente. Le soldat Romain » est toujours prĂȘt Ă  combattre, soit v avcç l’armĂ©e entiers, soit avec quel- MĂ©moire s. -> qu’une de ses parties, soit par çom- » pagnie, soit d’homme Ă  homme. » Avec un ordre de bataille dont 30 toutes les parties agissent avec tant de 33 facilitĂ©, doit-on ĂȘtre surpris que les 3o Romains , pour l’ordinaire, viennent 30 plus aisĂ©ment Ă  bout de leurs entre- 30 prises, que ceux qui combattent dans 30 un autre ? Au reste , je me fuis obligĂ© 30 de traiter au long cette matiĂšre ; parce 30 qu’aujourd’hui la plupart des Grecs 30 s’imaginent que c’est une espĂšce de » prodige que les MacĂ©doniens aient » Ă©tĂ© vaincus & que d’autres ignorent » comment & pourquoi l’ordonnance 30 Romaine est supĂ©rieure Ă  la pha-, 33 lange 30. 1 CHAPITRE MĂ©moires. Si 3 CHAPITRE HUITIE’ME. De l'attaque des retranchemens. L Orsqu’on yeut attaquer un retranchement, il faut toujours tĂącher de s’étendre le plus que l’on peut, pour donner de l’inquiĂ©tude par-tout Ă  l’enne- mi ; afin qu’il ne dĂ©garnisse aucun endroit , pour porter des troupes dans ceux qu’onveut attaquer, quand mĂȘme il le verroit, & ce font autant de troupes inutiles. Alors tous les bataillons qui font pour faire montre doivent ĂȘtre Ă  quatre de hauteur, & marcher en ligne tout le reste de la manƓuvre doit fe faire derriere ceux-lĂ  ; & c’est ce qui s’appelie masquer l’attaque. Cette partie de l’art militaire dĂ©pend de ii- magination un GĂ©nĂ©ral peut broder ĂŹĂ -destus tant qu’il lui plaĂźt. Tout est bon car la certitude oĂč il est de n’ĂȘ- kre point attaquĂ©, lui permet de faire ce O I 314 MĂ©moires.' qu’il juge Ă  propos ; & il peut profiter 4 tous les vallons, ravins, hayes , Sc de raille autres choses ; tout lui rĂ©ussira. En faisant charger par centuries, l’on n’a point de confusion Ă  craindre chaque centurion se fera une affaire particuliĂšre de l’honneur de son drapeau; & il est impossible que , dans le nombre , il n’y ait des hommes qui cherchent Ă  risquer de sacrifier leur vie pour se distinguer ; parce que cela se voit par les drapeaux qui sont reconnoiffables $ç remarquables, chacun en particulier. En approchant du retranchement, on doit envoyer en avant des armĂ©s Ă  fa lĂ©gere, pour attirer le feu on doit les soutenir par d’autres troupes. Enfin, lorsqu’on voit la tiraillerie en train, ses centuries doivent arriver & donner avec furie. Si les premiĂšres font repoussĂ©es , les autres doivent leur succĂ©der , avant qu’elles aient eu le temps de fuir ; Sc la force Sc le nombre surmontent les obstacles, En mĂȘme temps* U r M O I k L 5. zry les centuries Ă  quatre de hauteur doivent arriver , si vous ĂȘtes entrĂ© par plusieurs endroits Ă  la-fois. Les bataillons ennemis qui font entre deux, Sc qui voient avancer la ligne , s’enfuient. Cette ligne se met sur le parapet ; ensuite l’on se forme , ĂŽt l’ennemi, pendant ce temps-lĂ  fe retire ; parce qu’ii s’imagine avoir fait tout ce qu’il voit faire. Il y a encore une autre maniĂ©rĂ© d’at- taquer des retranchemens, toute diffĂ©rente de celle-ci, Se qui est bien aussi bonne ; mais il faut que le terrein le permette , & il faut le connoĂźtre parfaitement. Lorfqu’il y a des ravins ou des fonds proche du retranchement, oĂ  l’on peut faire couler des troupes pendant la marche, fans que l’ennemi s’en apperçoive , alors on marche Ă  lui par plusieurs colonnes, Ă  grande distance l’un de l’autre. II attache toute son attention sur ces colonnes , dispose ses troupes, Sc dĂ©garnit son retranchement. O ij 5i 6 MĂ©moires. jLors donc que ces colonnes attaquent ; tout court Ă  elles ; puis, tout d’un coup, les troupes qui Ă­e sont cachĂ©es paraissent, &c donnent dans les endroits du retranchement que l'on a abandonnĂ©s. Ceux qui s’opposent aux attaques des colonnes, voyant cela , se dĂ©concertent la tĂȘte leur tourne, parce qu’ils ne se sont point attendus Ă  cela. Ils quittent donc ces attaques , sous prĂ©texte de courir Ă  la dĂ©fense du retranchement attaquĂ© par les autres ; inais la peur les fait fuir. La dĂ©fense des retranchemens est yne partie de la guerre bien difficile ; parce que c’est une manƓuvre qui intimide &c ĂŽte le courage aux troupes ; & quoique j’aie dit ce qui me paroit de mieux Ă  faire Ă  ce sujet, & qu’il me semT ble que ce soit, de toutes les maniĂ©rĂ©s de dĂ©fendre des retranchemens, la meilleure , cependant je n’en fais pas grand ça§ ; &, tant qu’il dĂ©pendra de moi, je Ă­;e ferai point d’ayis qu’on en faste usa-? MĂ©moires; 317 ge. Les redoutes font mes ouvrages favoris ; 6c 11 faut que j’en parle. CHAPITRE NEUVIE’ME, Ă­es redoutes , & de leur excellence dans les ordres de batailles. ĂŻ l me reste Ă  justifier , par des faits J la bontĂ© de mon opinion fur les redoutes. Avant la bataille de Pultavva , les armĂ©es de Charles XII, roi de,Suede 3 avoient toujours Ă©tĂ© victorieuses. La supĂ©rioritĂ© qu’elles avoient fur celles des Moscovites est prefqu’incroyable l’on a vu souvent dix Ă  douze mille SuĂ©dois forcer des retranchemens gardĂ©s par cinquante j soixante & quatre vingt mille Moscovites, qu’ils ont dĂ©faits 6c taillĂ©s en piĂšces. Les SuĂ©dois ne s’in- formoient jamais du nombre des Russes , mais seulement du lieu oĂ  ils Ă©toient. Oiij Zi8 Memoibe s, Le Pia-re, le plus grand homme de son siĂ©cle , rĂ©sista , avec une patience Ă©gale Ă  la grandeur de son gĂ©nie, aux mauvais succĂšs de cette guerre , & ne cessoit de donner des combats pour aguerrir ses troupes. Dans le cours de ses adversitĂ©s, le roi de SuĂ©de mit le siĂ©gĂ© devant Pulta- ‱wa. Le Czar tint un conseil de guerre , oĂč les avis furent long-tems partagĂ©s. Les uns vouloient qu’on investĂźt le roi de Suede avec l’armĂ©e Moscovite ; qu’on fĂźt un grand retranchement pourl’obli- ger Ă  se rendre d’autres GĂ©nĂ©raux vouloient qu’on brĂ»lĂąt tout lĂ© pays Ă  cent lieues Ă  la ronde , pour affamer le roi de SuĂ©de & son armĂ©e ; cet avis n’é- toit pas le plus mauvais, & le Czar y inclinoit d ? autres, GĂ©nĂ©raux dirent qu’il Ă©toit toujours Ă  temps d’en venir Ă  cet expĂ©dient ; mais qu’il falloit auparavant bazarder encore une bataille; parcs que Pultawa & fa garnison courroient risque d’ĂȘtre emportĂ©s par l’opiniĂątretĂ© MĂ©moires. 319 3u roi de SuĂ©de , qui y trouveroit un grand magasin & de quoi subsister, pour passer le dĂ©sert qu'on prĂ©tendoit faire Ă  Pentour de lui. On s’arrĂȘta Ă  cette opinion. Alors le Czar, ayant pris la parole , dit Puisque nous nous dĂ©terminons Ă  combattre le roi de SuĂ©de , il faut convenir de la maniĂ©rĂ© , & cboisir la meilleure. Les SuĂ©dois font impĂ©tueux j bien disciplinĂ©s 3 bien exercĂ©s, & adroits nos troupes ne manquent pas de fermetĂ© ; mais elles ne possĂšdent pas ces avantages il faut donc Rappliquer Ă  rendre ceux des SuĂ©dois inutiles. Ils ont souvent forcĂ© nos retran- chemens ; en rase campagne- nous avons toujours Ă©tĂ© battus , par Part & la facilitĂ© avec lesquels ils manƓuvrent il faut donc rompre cette manƓuvre, & la rendre inutile. Pour cela , je fuis d’a- vĂŹs de m’approcher du roi de SuĂ©de ; de faire Ă©lever, fur le front de notre infanterie, plusieurs redoutes, dont les fossĂ©s seront profonds j les faire fraiser O iv H 22 MĂ©moire?. & paliĂ­sader, 6e les garnir d’infanterie ; cela ne demande que quelques heures de travail & nous attendrons l’ennemi derriere ces redoutes. II faudra qu’il le rompe pour les attaquer il y perdra du monde, fera aĂ­Foibli & en dĂ©sordre, lorsqu’il nous attaquera. Car il n’est pas douteux qu’il ne leve le íßége, pour venir Ă  nous, dĂšs qu’il nou? verra Ă  portĂ©e de lui; II faut donc marcher de maniĂ©rĂ© que nous arrivions, vers la fin du jour, en fa prĂ©sence, afin qu’il remette au lendemain Ă  nous attaquer ; & pendant la nuit nous Ă©lĂšverons ces redoutes. Ainsi parla le souverain des Russes, 6c tout le conseil approuva cette disposition. li’on donna les ordres pour la marche, pour les outils, les fascines, les chevaux de frise, &c ; & le 8 Juillet 170P, le Czar arriva, vers la fin du jour, en prĂ©sence du roi de SuĂ©de. Ce prince, quoique blessĂ©, ne manqua pas de dĂ©clarer Ă  ses GĂ©nĂ©raux qu’il vouloir attaquer le lendemain l’armĂ©e MĂ©moires, Z2r Ă­es Moscovites. On fit des dispositions, l’on s’arrangea, & l’on se mit en marche un peu avant le jour. Le Czar avoir Ă©tabli sept redoutes fur le front de son infanterie elles Ă©toient construites avec foin. II y avoir deux bataillons dans chacune j & toute l’infanterie Moscovite Ă©toit derriere , ayant sa cavalerie sur les ailes. II Ă©toit donc impossible d’aller Ă  l’infanterie Moscovite, sans prendre ces redoutes ; parce qu’cn ne pouvoit les laisser derriere foi j ni passer entre deux, fans courir risque d’ĂȘtre abysmĂ© par le feu. Le roi de SuĂ©de & ses GĂ©nĂ©raux , qui ne sçavoient rien de cette disposition , ne virent de quoi il Ă©toit question que lors- qu’ils eurent le nez dessus. Mais, comme la machine avoir Ă©tĂ© mise en mou- -vement, il fut impossible de l’arrĂȘter , 6c de s’en dĂ©dire. La cavalerie SuĂ©doise renversa d’a- bord celle des Moscovites,& s’empor- ta mĂȘme trop loin j mais l’infanterie fut O y ^22 MĂ©moires. arrĂȘtĂ©e par ces redoutes. Les SuĂ©dois les attaquĂšrent, & y trouvĂšrent une grande rĂ©sistance. II n’y a point d'homme de guerre qui. ne fçache que , pour emporter une bonne redoute, il ne taille une disposition entiere ; que l’on emploie plusieurs Bataillons , pour l’atta- quer de plusieurs cĂŽtĂ©s Ă  la fois, & que, bien souvent, l’on s’y caste le nez. Les SuĂ©dois en prirent cependant trois, non fans une grande perte, & furent repoussĂ©s aux autres avec grand carnage. II n’étoit pas possible que toute 1 infanterie SuĂ©doise ne sĂ»t rompue, en attaquant cea redoutes ; pendant que celle des Moscovites, rangĂ©e en ordre , re- gardoit de deux cens pas ce spectacle fort tranquillement. Le roi & les GĂ©nĂ©raux SuĂ©dois virent le pĂ©ril oĂ  ils Ă©toient ; mais i’inae- tion des Moscovites leur laissa entrevoir sespĂ©rance de se retirer; II n’y avoit pas moyen de pouvoir le faire en ordre ? cartout Ă©toit rompu, attaquoit inutile- M E M 0 Ăź B Ê S. ment,ou se laissoit tuer; & se retirer,Ă©toit le seul parti que l’on pĂ»t prendre. On retira donc les troupes qui s’étoient emparĂ©es des redoutes, 6c celles qui se lailsoient abysmer auprĂšs des autres. Il n’y avoir pas moyen, dis-je, de les former Ă  portĂ©e du feu qui sortoit de ces redoutes ainsi le tout se retira mĂȘlĂ©,- & en dĂ©sordre. Sur ces entrefaites , le Czar fit appeller ses GĂ©nĂ©raux, & leur demanda ce qu’il convenoit de faire. Monsieur Allart , un des moins anciens , lans donner le temps aux autres de dire leur avis, adressant la parole Ă  son maĂźtre, lui dit Si votre MajestĂ© n’attaque pas les SuĂ©dois dans ce moment , il n’en fera plus temps aprĂšs. Sur le champ, la ligne s’ébranla , 6c marcha en bon ordre Ă  travers les intervalles des redoutes, qu'on laissa garnies pour favoriser la retraite, en cas d’évĂ©nement. A peine les SuĂ©dois s’étoient ils arrĂȘtĂ©s pour se former'& pour se mettre O vj 524 MĂ©moires. en ordre, qu’ils virent les Moscovites iur leurs talons le dĂ©sordre se mit parmi eux , & la confusion fut gĂ©nĂ©rale. Cependant ils ne fuirent pas encore ; ils firent mĂȘme un effort de valeur, en retournant comme pour charger mais ü’ordre , PĂąme des batailles, n’y Ă©tant pas, ils furent dissipĂ©s fans rĂ©sistance. Les Moscovites, qui n’étoient pas accoutumĂ©s Ă  vaincre, n’oserent les suivre ; & les SuĂ©dois se retirerent en dĂ©sordre , jusqu’au BoristhĂ©ne , oĂč ils furent tous faits prisonniers. VoilĂ  comme on peut, par d’habiles dispositions, se rendre la fortune favorable. Si celle-ci a fait vaincre les Moscovites, qui n’étoient point encore aguerris, & durant le cours de leurs adversitĂ©s, quel succĂšs n’en peut-on pas espĂ©rer chez une nation bien disciplinĂ©e, & dont le propre est d’attaquer ? Car , que l’on soit sur la dĂ©fensive dans cette disposition , l’on conserve en plein l’avantage attachĂ© Ă  ceux qui attaquent ; parce qu’on fait M EMOIRÉS. Z2^ charger PennemĂŹ par des brigades que l’on fait avancer Ă  mesure que ces redoutes font attaquĂ©es. Ce choc se renouvelle souvent, & toujours avec de nouvelles troupes elles en attendent l’ordre avec imp atience , &, le font vigoureusement; parce qu’elles font vĂ»es & soutenues , & sur-tout qu’elles ne craignent pas pour leur retraite. La terreur , qui s’empare quelquefois des armĂ©es, n’est point ici Ă  craindre ; & vous vous rendez , pour ainsi, dire > le maĂźtre du moment favorable qui se trouve dans les batailles ; je veux dire celui oĂč Pennemi se dĂ©concerte. Quel avantage , quand on peut Pattendre, ce moment, avec aĂ­surance ! Les Moscovites n’ont pas profitĂ© de tout ce que cette disposition leur offroit d’avantageux car ils ont tranquillement laissĂ© prendre trois de ces redoutes Ă  leur barbe, fans les secourir ; ce qui devoir dĂ©courager ceux qui les dĂ©fendoient j intimider leurs troupes 3 16 MĂ©moires; & augmenter l’audacedes SuĂ©dois. On peut donc dire , avec apparence de vĂ©ritĂ©, que cette disposition seule a vaincu les SuĂ©dois, fans que les troupes Moscovites aient beaucoup contribuĂ© Ă  la victoire. Ces redoutas font d’autant plus avantageuses, qu’il faut peu de temps pour les construire, & qu’ellessont propres Ă  une infinitĂ© de circonstances, oĂč une feule suffit souvent pour arrĂȘter toute une armĂ©e dans un terrein resserrĂ© ; peur empĂȘcher qu’on ne vous trou. ble dans une marche critique ; pour ap- puier une de vos ailes ; pour partager un terrein en deux ; pour occuper un grand terrein , lorfqu’on n’a pas assez de troupes, &c. Calcul du temps, b de ce qu’il faut pour construire une redoute . Excavation du fossĂ©-144' il faudra Avec les rĂ©galeurs- -288 hommes. Pour les fascines-500 Pour les piquets- zoo Pour les palissades - -400 1488 Quatorze cens quatre-vingt-huit hommes fĂ©rent une redoute en cinq heures de temps. MĂ©moires» Z2? CHAPITRE DIXIEME. Des espions & des guides. O N ne sçauroit trop faire attention sux espions 8e aux guides. M. de Mon- tecucttli dit qu’ils servent comme les yeux de la tĂȘte , 8e qu’ils font auflĂŹ nĂ©cessaires Ă  un GĂ©nĂ©ral. II a raison on ne sçauroit trop employer d’argent pour les avoir bons. Ces gens doivent ĂȘtre choisis dans les pays oĂč l’on fait la guerre. II fautvles prendre intelligens 8e adroits j en disperser par-tout cher les officiers gĂ©nĂ©raux, chez les vivandiers , 8e sur-tout chez les pourvoyeurs des vivres ; parce que les approvision- nemens , les dĂ©pĂŽts 8e les cuisions font juger des desseins de l'ennemi. Il faut que ces espions ne fe con- noissent pas les uns les autres ; 8e il en faut de plusieurs ordres les. uns propres Ă  fe faufiler dans les compagnies, Z 28 MEMOIRE Si d’autres courant l’armĂ©e pour acheter & pour vendre. Ceux-ci doivent con- noĂźtfe chacun un de leurs compagnons du premier ordre, pour en recevoir ce qu’ils doivent aller porter au GĂ©nĂ©ral qui les paie. II faut charger de ce dĂ©tail quelqu’un qui soit fidele & intelligent j lui faire rendre compte tous les jours, & ĂȘtre sĂ»r qu’il ne puisse pas ĂȘtre corrompu. Je ne m'Ă©tendrai pas plus au long fur cette matiĂšre , qui, au reste , est un dĂ©tail qui dĂ©pend de plusieurs circonstances , desquelles un GĂ©nĂ©ral peut profiter par fa prudence & par ses intrigues. CHAPITRE ONZIÈME. Des indices . I l y a des indices Ă  la guerre qu’il est nĂ©cessaire d’étudier , & fur lesquels on peut juger-avec une espece de certitude. MEMOIRES. Z 29 La conooiffance qu’on a de l’enne-* mi &c de ses usages y contribue beaucoup ii y en a de communs Ă  toutes les nations. Par exemple , lorsque , dans un siĂšge , vous voyez vers le soir, Ă  sho- tison & fur des hauteurs, des gens attroupĂ©s & dĂ©sƓuvrĂ©s qui regardent vers la ville , vous devez ĂȘtre sĂ»r qu’il y aura une attaque considĂ©rable ; parcs que, dans les difFĂ©rens corps, il s’est fait des dĂ©tachemens ; ce qui est cause que toute l’armĂ©e sçait qu’il y aura une attaque, &c que les dĂ©sƓuvrĂ©s choisissent les endroits Ă©minens, vers la fin' du jour, pour pouvoir regarder Ă  leur aise. Quand on entend beaucoup tirer dans le camp des ennemis, & que l’on est campĂ© Ă  fa portĂ©e, l’on doit s’atten- dre Ă  avoir le lendemain une affaire ; parce que les soldats nettoyent & dĂ©chargent leurs armes. On peut juger, par la poussiĂšre, s’il '530 MĂ©moires; se fait un grand mouvement dans farinĂ©e ennemie ; ce qui n’arrive jamais fans quelques raisons. La poussiĂšre des fourageurs n’est pas de mĂȘme que celle des colonnes ; mais il faut sçavoir s’y connoĂźtre. On juge aussi, Ă  la lueur des armes > quand le soleil donne dessus , de quel cĂŽtĂ© se sait le mouvement. Si les rayons sont perpendiculaires ,1’ennemi marche Ă  vous ; s’ils sont variĂ©s & peu frĂ©quens, il se retire ; s’ils vont de la droite Ă  la gauche, il marche vers fa gauche ; s’ils -vont, au contraire , de la gauche Ă  la droite , il marche vers fa droite. S’il y a beaucoup de poussiĂšre dans son camp, qu’il n’ait pas fait de fourage , & que cette poussiĂšre soit gĂ©nĂ©rale, il renvoie ses vivandiers 8e ses Ă©quipages ; 8e vous devez vous assurerqu’il marchera bientĂŽt. Cela vous donne le temps de faire vos dispositions, pour l’attaquer dans fa marche z parce que vous devez sçavoir s’il peut venir Ă  vous, si c’est son MĂ©moires. zzr intention, & de quel cĂŽtĂ© il doit marcher vous en jugez par fa position , fes dĂ©pĂŽts, fes approvisionnemens, par le tĂȘrrein , Se enfin-par toute fa contenance. Quelquefois il a fes fours fur fa droite, ou fur fa gauche. Si vous pouvez fçavoir le temps & la quantitĂ© de fa cuisson , & qu’une petite riviere vous couvre , vous pouvez faire un mouvement de cĂŽtĂ© ; puis, vous revenez brusquement sur vos pas , Òc vous envoyez dix Ă  douze mille hommes pour attaquer ces fours ; vous les soutenez par toute votre armĂ©e qui arrive Ă  mesure j & f expĂ©dition doit ĂȘtre faite avant qu’il ait pĂ» y remĂ©dier ; parce que vous avez toujours quelques heures fur lui avant qu’il soit averti de votre mouvement ; outre qu’il fe passe encore un temps de l’avertissement Ă  la certitude qu’il voudra toujours avoir avant que de s’ébranler; de maniĂ©rĂ© qu’il recevra la nouvelle de l’attaque § 3 2 MĂ©moires; de son dĂ©pĂŽt, avant qu’il ait otdonrte son mouvement. Ir, y a une infinitĂ© de pareilles ruseS Ă  la guerre , qu’on peut employer sans trop se commettre, dont les suites font d’une auĂ­fi grande consĂ©quence que ‱celles d’une victoire çomplette, Sc qu! obligent quelquefois l’ennĂ«mi Ă  venir vous attaquer Ă  son dĂ©savantage > ou Ă  se retirer honteusement, quoique supĂ©rieur en nombre z Sc vous n’avez 3 dis-je ,que peu ou point risquĂ©. CHAPITRE DOUZIE’ME. Des qualitĂ©s que doit avoir un GĂ©nĂ©ral d’armĂ©e. J E me forme une idĂ©e du GĂ©nĂ©ral ' d’armĂ©e qui n’est point chimĂ©rique ; j’ai vu de s hommes tels que je vais les peindre. La premiere de toutes les qualitĂ©s est la valeur, fans laquelle je fais peu de cas des autres, parce qu’elles MEMOIRES. 333 deviennent inutiles. La seconde est l’^sprit -, un GĂ©nĂ©ral doit ĂȘtre coura* geux &c fertile en expĂ©diens. La troL siĂ©me est la santĂ©. Ir faut avoir le talent des promptes & heureuses ressources, l’art de pĂ©nĂ©trer les hommes, & de leur ĂȘtre impĂ©nĂ©trable , la capacitĂ© de se prĂȘter Ă  tout , l’activitĂ© jointe Ă  l’intelligence, FhabiletĂ© de faire en tout un choix convenable, & la justesse du discerne., ment. Un GĂ©nĂ©ral doit ĂȘtre doux, & n’a-^ voir aucune espece d’humeur ; ne sça» voir ce que c’est que la haine ; punir sans misĂ©ricorde , & sur-tout ceux qui lui sont les plus chers ; mais jamais ne se fĂącher ; ĂȘtre toujours affligĂ© de se voir dans la nĂ©cessitĂ© de suivre , Ă  la rigueur, les rĂ©glĂ©s de la discipline militaire , & avoir toujours devant les yeux Fexemple de Mml'tus s s’îter dc FidĂ©e que c’est lui qui punit, & se per* suader Ă  Jui-mĂȘine , & aux autres , qu’i 534 Me moi re, s. ne fait qu’administrer les loix militaires. Avec ces qualitĂ©s, il se fera aimer,' craindre , 6c sans doute obĂ©ir. Les parties d’un GĂ©nĂ©ral font infinies sart de sçavoir faire subsister une armĂ©e , de la mĂ©nager ; celui de se placer de façon qu’il ne puisse ĂȘtre obligĂ© de combattre que lorsqu’il le veut ; de choisir ses postes ; de ranger ses troupes en une infinitĂ© de maniĂ©rĂ©s ; enfin, de profiter du moment favorable qui fe trouve dans les batailles , ĂŽc qui dĂ©cide de leur succĂšs toutes ces choses font immenses, & auffi variĂ©esr que les lieux & les hasards qui les produisent. Pour les voir, il faut qu’un GĂ©nĂ©ral d’armĂ©e ne soit-occupĂ© de rien un jour d’affaire. L’examen des lieux, 6c celui de son arrangement pour ses troupes , doivent ĂȘtre prompts comme le vol d’une aigle- Sa disposition doit ĂȘtre courte & simple ; il doit se contenter dç dire L& prmiere ligne attaqmra , U MĂ©moires. 335- seconde soutiendra ; ou , tel corps attaquera , & tel soutiendra. Il faudroit que les GĂ©nĂ©raux qui font fous lui fuĂ­fent bien bornĂ©s, s’ils ne fçavoient pas exĂ©cuter cet ordre ĂŽc faire la manƓuvre qui convient, chacun Ă  fa division. Ainsi le GĂ©nĂ©ral ne doit pas s’en occuper , ni s’en embarrasser car , s’il veut faire le sergent de bataille & ĂȘtre par-tout, il sera prĂ©cisĂ©ment comme la mouche de la fable , qui croyoit faire marcher un coche. Il faut donc qu’un jour d’affaire un GĂ©nĂ©ral d’armĂ©e ne fasse rien il en verra mieux, fe conservera le jugement plus libre , & sera plus en Ă©tat de profiter des situations oĂč fe trouve l’enne- mi pendant la durĂ©e du combat ; 6c, quand il verra fa belle, il devra baisser la main , pour fe porter Ă  toutes jambes dans l’endroit dĂ©fectueux, prendre les premieres troupes qu’il trouvera Ă  portĂ©e , les faire avancer rapidement, & payer de fa personne ç’est C ç quj Zz6 Memoikes; gagne les batailles, & les dĂ©cide. Je ne dis point oĂč, ni comment cela doit se faire ; parce que la variĂ©tĂ© des lieux & celle des dispositions que le combat produit, doivent le dĂ©montrer le tout est de le voir, & de fçavoir en profiter; M. le Prince EugĂšne possĂ©doit, dans la grande perfection, cette partie, qui est la plus sublime du mĂ©tier, & qui prouve le plus un grand gĂ©nie je me fiais fait une application d’étudier ce grand homme ; &c , fur ce point, j’oĂ­e croire que je l’ai pĂ©nĂ©trĂ©. Bien des GĂ©nĂ©raux en chef ne font occupĂ©s, un jour d’affaire, que de faire marcher les troupes bien droites, de voir si elles conservent bien leurs distances , de rĂ©pondre aux questions que les aides de camp leur viennent faire » d’en envoyer par-tout, & de courir eux-mĂȘmes fans cesse enfin , ils veulent tout faire ; moyennant quoi, ils ne ÂŁont rien. Je les regarde comme des gens Ă  qui la tĂȘte tourne , ĂȘc qui ne yoienç MEMOIRES. 537 Voient plus rien , qui ne íçavent faire que ce qu’ils ont fait toute leur vie , je veux dire mener des troupes mĂ©thodiquement. D’oĂč vient cela ? C’est que trĂšs-peu de gens s’occupent des grandes parties de la guerre ; que les officiers passent leur vie Ă  faire exercer des troupes, Sc croient que l’art militaire consiste dans cette partie feule lorsqu’ils parviennent au commandement des armĂ©es , ils y font tout neufs; Sc faute de fçavoir faire ce qu’ilfaut, ils ne font que ce qu’ils fçavent. L’une de ces parties est mĂ©thodique J je veux dire la discipline, Sc la maniĂ©rĂ© de combattre ; Sc ì’autre est sublime. Aussi ne faut-il point choisir, pour celle-ci, des hommes ordinaires pour l’administrer. ' . Si un homme n’est pas nĂ© avec les talens de la guerre, Sc que ces talens ne soient pas perfectionnĂ©s, il ne fera jamais qu’un GĂ©nĂ©ral mĂ©diocre. Ii en est de mĂȘme de tous ies talens il faut ÂŁ MĂ©moires; ĂȘtre nĂ© avec celui de la peinture, pour ĂȘtre un excellent peintre ; avec celu 1 de la musique, pour en composer de bonne , &c. Toutes les choses qui visent au sublime sont de mĂȘme c’est pourquoi l’on volt si rarement des gens qui excellent dans une science , qu’il se passe des siĂ©cles fans en produire. Inapplication rectifie les idĂ©es , mais elle ne donne jamais l’ame ; c’est l’ouvrage de Ja nature. J’ai vu de fort bons colonels devenir de trĂšs-mauvais GĂ©nĂ©raux. J’en ai connu d’autres qui Ă©toient grands preneurs de villes, excellens pour manƓuvrer dans une armĂ©e', qui, Ă  les ĂŽter de-lĂ , n’étoient pas capables de mener mille chevaux Ă  la guerre, Ă  qui la tĂȘte tournoit totalement, & qui ne sçavoient prendre aucun parti. Si un pareil homme vient Ă  commander une armĂ©e , il cherchera Ă  se sauver par les dispositions ; parce qu’il n’aura point d’au- Çres ressources, Pour les faire mieujĂź MĂ©moires. Comprendre, il embrouillera la tĂȘte Ă  toute son armĂ©e Ă  force d Ă©critures. La moindre circonstance changeant tout Ă  la guerre , il voudra changer fa disposition , mettra tout dans une confusion horrible, & infailliblement il fe fera battre. On doit, une fois pour toutes , Ă©tablir une maniĂ©rĂ© de combattre, que les troupes doivent fçavoir, ainsi que les GĂ©nĂ©raux qui les menent. Ce font des rĂ©glĂ©s gĂ©nĂ©rales ; comme , qu’il faut garder ses distances dans la marche ; que , lorsque l’on charge, il saut lĂ© faire vigoureusement ; que , s’il fe fait des trouĂ©es dans la premiere ligne, c’est Ă  la seconde Ă  les boucher. II ne faut point d’écritures pour cela c’est l’A, B, C des troupes ; rien n’est si aisĂ© ; & le GĂ©nĂ©ral ne doit pas y donner toute son attention, comme la plupart le sont. Mais ce dont il doit bien s’occuper, c’est d’óbferver la contenance de l’en- tiemi } le? mouvemens qu’il fait, oĂč i] Pif 54° . MĂ©moires. porte des troupes; de chercher Ă  lui don* jjer du soupçon dans un endroit, pour lui faire faire quelque fausse dĂ©marche; le dĂ©concerter ; de profiter des momens, & de sçavoir porter le coup de la mort oh il faut. Mais, pour tout cela, on doit se conserver le jugement libre, &n’ĂȘtre point occupĂ© des petites choses. Je ne fuis cependant point pour Jes batailles, fur-tout au commencement d’une guerre ; & je fuis persuadĂ© qu’un habile GĂ©nĂ©ral pourroit la faire toute sa vie s sans s’y voir obligĂ© rien ne rĂ©duit tant l’ennemi que cette mĂ©thode, & n’avance plus les affaires. II faut donner de frĂ©quens combats, & fondre , pour ainsi dire , l’ennemi petit Ă  petit ; aprĂšs quoi, il est obligĂ© de se cacher, ' Je ne prĂ©tends point dire, pour cela,’ qu’on n’attaque pas l’ennemi, quand pn trouve l’ de J’écrafer, ĂŽc qu’on ne profite pas des fausses dĂ©mar* ches qu’il peyt faire mais je veux dirç Memoikes. 341 que l’on peut faire la guerre, sans rien donner au hazard; & c’est le plus haut point de perfection & d’habiletĂ© d’un GĂ©nĂ©ral. Mais, quand on fait tant que de donner bataille , il faut fçavoir tirer profit de la victoire; & fur-tout ne point se contenter d’avoir gagnĂ© un champ de bataille , comme on fait ordinairement. On suit rĂ©guliĂšrement les paroles d’un proverbe qui dit , qu’il faut faire un pont d’or Ă  ì’ennemi. Cela est faux ; au contraire faut le pousser , & le poursuivre Ă  toute outrance toute cette retraite , qui paroĂźt fi belle , se convertira bientĂŽt en dĂ©route. Dix mille hommes dĂ©tachĂ©s dĂ©truiront une armĂ©e de cent mille qui fuit rien n’inse pire tant la terreur, & ne cause tant de dommage Ă  l’ennemi, duquel on se dĂ©fait souvent pour une bonne fois. Mais bien des GĂ©nĂ©raux ne se soucient pas de finir la guerre sitĂŽt. Si je voulois citer des exemples 3 Piij Z4-2 MĂ©moires; pour appuier ce que je viens de dire; j en trouverois une infinitĂ© ; mais je me contenterai de rapporter celui-ci. A la bataille de RamillĂŹes , comme l’armĂ©e Françoise se retiroit, en trĂšs- bon ordre, fur un plateau assez Ă©troit bordĂ© des deux cĂŽtĂ©s de profonds ravins-, la cavalerie des alliĂ©s la suivoit Ă  petit pas, comme Ă  un exercice ; sc l’armĂ©e Françoise marchoit auĂ­fi fort doucement sur vingt lignes, & plus peut-ĂȘtre, parce que le terrein Ă©toiç Ă©troit. Un escadron Anglois s’approcha de deux bataillons François, & se mit Ă  tirailler ces deux bataillons, croyant qu’ils alloient ĂȘtre attaquĂ©s, firent volte face , & firent une dĂ©charge fur cet escadron. Qu’arriva-t-il? Toutes les troupes Françoises lĂąchĂšrent pied au bruit de ce feu ; la cavalerie s’enfuit Ă  toutes jambes, & toute l’infanterie se prĂ©cipita dans les deux ravins avec une confusion horrible ; de façon que, dans un moment, le terrein fut libre j sc l'on ne vit plus personne, MĂ©moires» 543 Que l’on vienne me vantes , aprĂšs cela , le bon ordre des retraites, ĂŽe la prudence de ceux qui font un pont d’oe Ă  l’ennemi, aprĂšs qu’ils l’ont dĂ©fait en bataille je dirai qu’ils servent mal leutf maĂźtre. Je ne dis pas qu’il faille s’aban- donner, avec toutes ses troupes , pour suivre l’ennemi. Mais il faut dĂ©tacher des corps, & leur ordonner de pousser, tant que le jour durera, en bon ordre. Car, lorsque l’ennerai fuit une fois, on le chasseroit avec des vessies. Si le corps que vous envoyez se met Ă  escaĂŽronner &c Ă  marcher avec prĂ©caution, c’est-Ă -dire, qu’il fasse la manƓuvre , ce n’est pas la peine de l’envoyer* IIfaut qu’il attaque, pousse & poursuive sans cesse. Toutes les manƓuvres font bonnes alors ; les sages seules ne valent rien. Ainsi je ne parlerai pas ici de retraites dans un chapitre particulier ; & je finirai en disant qu’elles dĂ©pendent $n tout de la capacitĂ© des GĂ©nĂ©raux, Piv J 44 MĂ©moires. des diffĂ©rentes circonstances, & des situations. Au reste, ii n’y a de belie retraite que lorsqu’elle se sait devant un ennemi qui agit mollement car, s’il poursuit Ă  toute outrance, elle se convertira bientĂŽt en dĂ©route. *-*-*-& ĂȘ Ê 34; 'J'Ă­f" ^ ’lj' IjJ* l^i i^Ă­> ijc Ă­^4 , 4>Ă­4' 'L »4-4-444> Ii7 'M"i*'Ăź"Ăź-i' jG RÉFLEXIONS Sur la propagation de l’espece humaine * . AĂźke’s avoir traitĂ© d’un art qui nous instruit , avec mĂ©thode, Ă  la destruction du genre humain , je vais tĂącher de faire connoĂźtre les moyens aux- *} Mon intention tFĂ©toit pas d’sbord do mettra ces rĂ©flexions au jour mais je m’y fuis dĂ©terminĂ© , afin de faire connoĂźtre que ce ne font pas des sottises ni des infamies , comme certaines personnes ont voulu le persuader quoiqu’elles ne les enflent jamais lues, & qu’elles n’cn ont amais rien Içû que par oui-dire. On,verra, au contraire, que tout ce que Fauteur dit Ă  ce sujet est Ă  bonne intention ; puisqu'il croyoit que ce seroit un moyen de peupler le monde , en dĂ©truisant la dĂ©bauche &le libertinage; mais, s’il s’est trompĂ©, doit-on regarder cette erreur comme un crime ? Je pense , & jc crois que tout le monde pensera de mĂȘme, .que M. le MarĂ©chal de Saxe Ă©toit plus grand GĂ©nĂ©ral que grand LĂ©giste, & que ces mariages limitĂ©s qu'il propose , 'au lieu de faire un bien , feroient au contraire un dĂ©sordre afh'eux dans la sociĂ©tĂ©. Car, combien d’enfans fans biens,fans Ă©ducation t pĂ©riioient de misere , lorsqu’ils seroiens- Pv 34 6 RĂ©flexions. quels on pourroit avoir recours, pour en faciliter la propagation. Il n’y a sortes de choses dont on ne s’avise, lorsqu’on n’a rien Ă  faire on abandonnĂ©s par le caprice d’un pĂšre , ou d’une mere ! Ne vaudroit-il pas mieux que la terre ne fĂ»t habitĂ©e que par peu d’hommes qui fussent Ă  leur aise , que d’ùtre peuplĂ©e d’une multitude de misĂ©rables & de vagabonds, qui nous retraceroient les ravages de ces nations barbares qui innonderent & dĂ©solĂšrent toute l’Europe Ăź Cette libertĂ© de fe marier & de fe quitter feroit, d’ailleurs, de bien petite consĂ©quence pour la propagation. Qu’y gagneroit-on ! Rien ; linon que l’on feroit, par arrĂȘts autentiques, ce que l’on fait dĂ©ja tacitement. Si le nombre des hommes diminue , n’en attribuons point la cause aux liens du mariage malheureusement aujourd’hui l’on n’est rien moins qu’efclave de la foi conjugale; & , lorsque les Ă©poux ne s’accotnmodent plus, chacun cherche de son cĂŽtĂ© ; moyennant quoi, peu de chose se perd. Il y a eu autrefois des maladies Ă©pidĂ©miques, comme la peste, lalepre & la ladrerie, qui ont fait des ravages affreux ; & ce mal, que nous appelions vĂ©nĂ©rien , n’a fait que remplacer d’autres maladies qui nous font inconnues Ă  prĂ©sent. Toutes ces miferes humaines n’ont pas tant fait de ravages dans le monde, que ce mal contagieux qui rĂ©gnĂ© aujourd’hui, je veux dire , le luxe & la mollejje , qui font cette maladie contraire Ă  la propagation. Autrefois ‱" elle n’étoit connue que dans les palais des Grands, maintenant elle gagne jusques dans les hameaux. C’est elle qui multiplie nos besoins, & qui fait que les enfans deviennent Ă  charge aux peres & aux me- res ; parce qti’il leur coure beaucoup de les Ă©lever , & de les entretenir. Nous ne sommes plus dans ces temps heureux, oĂč la /implicite & la frugalitĂ© n’é- toient pas une honte aujourd’hui le fils d’un manant est Ă©levĂ© avec plus de faste & de dĂ©licatesse que RĂ©flexions; 347 rĂ©flĂ©chit sur les plus Ă©lev Ă©es, ainsi que fur les moindres. La diminution extraordinaire dans le monde, depuis Jules CĂ©sar, a souvent attirĂ© mon attention. II est certain que les peuples innombrables qui habitoient l’Asie, la Grece, la Scythie , la Germanie, les le fils de son prince. Que l’on examine la prodigieuse quantitĂ© de personnes mariĂ©es & non mariĂ©es qui vivent dans le cĂ©libat. & qui renoncent aux loix du mariage, fous prĂ©texte de la rĂ©pugnance qu’elles ont de Iaider des enfans pauvres ; & l’on verra que c’est une des causes qui contribuent le plus Ă  la dĂ©population. Mais, aĂŻ, reste, si l’on fait rĂ©flexion combien Mute la nature est sujette Ă  des rĂ©volutions , l’on fera portĂ© Ă  .roire que , dans le cours des temps , il se rencontre des siéçles qui font les uns plus, les autres moins propres Ă  la propagation. Les productions de la terre ne sont-elles pas variĂ©es ? Et ne remarquons-nous pas des annĂ©es abondantes & stĂ©riles ; S’ilya des influences qui causent la stĂ©rilitĂ© de la terre, n’est-il pas vraisemblable qu’il y en a qui agissent Ă©galement furies animaux! N’en doutons pas ; puisque nous voyons des climats bien plus favorables Ă  la propagation les uns que les autres , comme la province de Kianshi, Ă  la Chine, cĂčles femmes font si fĂ©condes, qu’elles font toujours enceintes , & mettent trois Ă  quatre enfans au monde Ă  la fois. Cetre fĂ©conditĂ© peuple le pays d’une si grande multitude d’habitans, que son abondance Sc fa fertilitĂ© ne peuvent les nourrir, quoique la rĂ©colte s’y fasse deux Ă  trois fois TannĂ©e enserre que la plupart font obligĂ©s d’aller chercher fortune ailleurs , Si de vivre errans dans les diffĂ©rons Etat d’Afie, '348 RĂ©flexions. Gaules , l’Italie & l’Afrique , ont disparu Ă  mesure que la religion ChrĂ©tienne s’est Ă©tendue en Europe , Lc la MahomĂ©tane dans les autres parties da Monde. Cette diminution va toujours en augmentant. II y a environ soixante ans que M. de Vauban fit le dĂ©nombrement des habitans qui Ă©toient eu France ; il s’en trouva vingt millipns il s’en faut bien que ce nombre y soit Ă  prĂ©sent. Je suis persuadĂ© que l’on sera y n jour obligĂ© de faire quelque changement dans la religion Ă  cet Ă©gard car, fi l’on considĂ©rĂ© combien les usages qui y font Ă©tablis font contraires Ă  la propagation , l’on ne fera point Ă©tonnĂ© de cette diminution. Le mariage y est opposĂ© , ainsi que l’éducation. Les plus belles annĂ©es se passent dans l’attente d’un mari; la nature cependant ne perd point ses droits, & la Jeunesse fait des choses qui dĂ©truisent les parties de la gĂ©nĂ©ration. La coquetterie, la dĂ©bau- REFLEXIONS. tĂźie Raccompagnent partout ; & la rĂ©putation de passer pour vierge ne contribue pas peu Ă  la diminution de l’efpece» Il faut ajouter Ă  cela, que telle femme qui ne fait point d’enfant avec le mari qu’elĂźe a, en Ă­eroit avec un autre ; parce que souvent les dĂ©goĂ»ts s’en mĂȘlent , le mari & la femme ne font que languir ensemble ; & tout le systĂšme en gĂ©nĂ©ral est contraire aux loix de la nature. Selon la sainte Ă©criture, le premier commandement que Dieu fit Ă  l’homme est Croisez, & multipliez, de tous, c’est celui auqueĂŹ on fait le moins d’attention. Si l'on refuse Ă  la nature ce qu 7 elle demande , la facultĂ© d'engendrer se perd ; & de cent femmes qui fe livrent au manĂšge des filles, Ă  peine y en a- t-il dix capables de gĂ©nĂ©ration. Combien donc de femmes inutiles dans ua Etat, & peu propres Ă  remplir les devoirs pour lesquels Fauteur de la na- 5/0 RĂ©flexions. ture les a créées ! Qu’on examine par s tout, dans les villes & Ă  h campagne, si l’on ne trouvera pas dix filles, contre une femme, en Ă©tat d’avoir des en- fans. U n LĂ©gislateur qui formeroit un systĂšme sur la propagation , en faisant des loix sages, dĂ©truiroit la dĂ©bauche ; parce qu’elle n’est point dans la nature , & qu’elle ne tire son origine que des loix qui sont opposĂ©es Ă  la propagation. Ce LĂ©gislateur formeroit les fondemens d’une monarchie redoutable Ă  toute la terre. Pour cela, il fau- droit Ă©tablir , par l’éducation, que la stĂ©rilitĂ© vient de la dĂ©bauche, & y attacher de la honte dĂšs l’ñge de quinze ans ; que plus une femme auroit d’en- fans, plus fa situation seroit heureuse ; ce qui pourroit se Ă­airp, en ordonnant que le dixiĂšme jour, soit du revenu des enfans, ou de l’ouvrage de leurs mains, seroit consacrĂ© Ă  la mere ; alors cette mere emploieroit toute son indus- RĂ©flexions. 3 $$ trie Ă  les Ă©lever, pour se faire, par leur nombre, un avenir heureux. II Ă­audroit aussi faire une ordonnance, par laquelle chaque mere qui auroit une sois prĂ©sentĂ© au magistrat dix en- fans vivans , auroit ioo Ă©cus de pension ; celle qui en auroit prĂ©sentĂ© quinze , yoo ; & celle qui en prĂ©senteroic vingt, 1000. Cette perspective , pour des gens du commun, feroit qu’ils em- ploieroient toute leur industrie Ă  les bien Ă©lever, & s’en feroient, dĂšs leur jeunesse, un point capital ; les meres ne prĂȘcberoient autre chose Ă  leurs filles. On pourroit m’objecter que les peres craindroient de se charger de trop d’enfans. Mais je rĂ©ponds Ă  cela qu’ils coĂ»tent peu tant qu’ils font petits ; & l’on a toujours remarquĂ© que plus un artisan ou un paysan a d’enfans , mieux vont ses affaires ; parce que , dĂšs sage de dix-sept ans, il les emploie Ă  quelque chose, 35*2 RĂ©flexions. Mais, pour parvenir plus efficacement Ă  bien peupler, il faudroit Ă©tablir, parlesloix, qu’aucun mariage, Ă  l’avenir, ne se feroit que pour cinq annĂ©es ; & qu’il ne pourroit se renouveler sans dispense, s’il n’étoit nĂ© aucun enfant pendant ce temps mais aussi, que les mĂȘmes Ă©poux qui au- roient renouvelle leur mariage jusqu’à trois fois, & qui auroient eu des en- fans, seroient insĂ©parables, & devroient vivre ensemble le reste de leur vie. Tous les ThĂ©ologiens du Monde ne íçauroient prouver l'impiĂ©tĂ© de ce systĂšme , parce que le mariage n’est Ă©tabli que pour la population. Si la religion ChrĂ©tienne est contraire Ă  la propagation , en rendant les mariages'indissolubles, & en ne permettant qu’une feule femme, la MahomĂ©tane ne l’est pas moins, qui en accorde la pluralitĂ© car, dans ce grand nombre de femmes enfermĂ©es , une feule ordinairement s’empare du cƓur ZyZ de son maĂźtre ; & les autres, qui deviennent ses servantes , restent inutiles. ,Tous les hommes exercent un pouvoir tyrannique fur ce sexe charmant ; parce que ce sont eux qui ont fait les loix, & que ces loix leur sont commodes. Les Turcs les enferment, & nous les tyrannisons par les prĂ©jugĂ©s. VoilĂ  d’oĂč vient la faussetĂ© dans les femmes; parce qu’elles font continuellement contraintes de dĂ©guiser ce qu’elles pensent , tout notre systĂšme Ă  leur Ă©gard h’étant point dans la nature. Si les femmes Ă©toient en droit de se choisir des maris selon leur inclination, & pour un temps limitĂ© , on ne leur verroit point faire de choses contraires Ă  la nature, ni de celles oĂč elles courent risque de la vie ; le temps des amours viendroit, & ce temps seroit tout employĂ© Ă  l’amour ; l’on ne verroit point de dĂ©bauche, parce que les hommes , ni les femmes n’y auroient point recours pour satisfaire aux loix de ĂŹa z 54 RĂ©flexions; nature, qui est sage ; & cette facilitĂ© de se marier & de se quitter seroit que tout le monde se marieroit. On arrĂȘte- roit par-lĂ  les progrĂšs continuels du mal contagieux qui insecte toute la terre, & qui altĂ©rĂ© de jour en jour l’es- pece des hommes. Pour ĂȘtre certain de cette vĂ©ritĂ©, il n’y a qu’à considĂ©rer la diffĂ©rence entre les peuples oĂč ce mal a commencĂ© Ă  faire ses premiers progrĂšs, & ceux oĂč il est moins connu. Voyons, par un calcul raisonnĂ©, la diffĂ©rence du plus ou du moins que cela apporteroit Ă  la propagation. Lossque les femmes ne produisent qu’une fille chacune , que nous nommerons femme , une femme n’aura produit , Ă  la dixiĂšme gĂ©nĂ©ration, qu’une femme Ă  l’Etat. Nous voulons prendre six gĂ©nĂ©rations chacune de 30 ansj ce qui fera 180 ans. REFLEXIONS. SSl Si une femme en produit deux ta premĂŹere .. a Lis r fĂ©condes .... 4 Les 4 troisiĂšmes .... S Les 8 quatriĂšmes . ‱ . iS Les 16 cinquiĂšmes . . zr Les 31 sixiĂšmes .... 64 femmes en 180 ans. Ainsi la diffĂ©rence fera de 1 d 6^, Ji elles en font deux au lieu i’une. Si elles en produisent en trente ans ; trois > qui est un nombre tout commun & tout ordinaire pour celles qui Ă­e mettent Ă  en faire; 6c que, parmi celles- lĂ , il s’en trouve qui passent ce nombre de beaucoup je suppose que toutes les femmes agissent de bonne foi, par principe de religion , par leur intĂ©rĂȘt » ou selon les loix de la nature La premiere . ‱ »... 8 La troisiĂšme ‱ ‱...‱ 9 La neuviĂšme ...... 27 La vingt - septiĂšme ‱‱. 81 La quatre-vingt-uniĂšme. 163 La centsoixante-troĂŹjiĂȘm ^.^.%9 femmestn X80 an*i En y ajoutant autant d'hom- mes > cela feroit ... 978 Par consĂ©quent . 91*6 57800 978000 Dix femmes Cent . . Mille . > Cent mille ......... 9/800000 Va millioa 97800900e RĂ©flexions. Ainsi, un million de femmes, qui est Ă  peu prĂšs la dixiĂšme partie de celles qu’il y a en France, auront produit en cent quatre-vingts ans, neuf cent soixante - dix - huit millions d’ames , lors- qu’elles auront fait chacune six enfans. Ce nombre est Ă©norme ; lors mĂȘme qu’on en retrancheroit les trois quarts 3 U seroit prodigieux. FIN, Ă AĂȘ-O-MGO-KKGAGGGO TABLE P ES CHAPITRE S. LIVRE PREMIER. Des parties de dĂ©tails. C Hapjtre Premier. De la maniĂ©rĂ© Ă e lever des troupes, de celle de les habiller, de les entretenir , de les payer , de les exercer , & de les fermer pour le combat , pag. iy Article Premier. De la maniĂ©rĂ© de lever les troupes , ibid. Art. II. De l'habillement , z i Art. III. DeientretĂŹen des troupes, 29 Art. IV. De la paye, 59 Art. V. De r exercice , Art. VI. De la maniĂ©rĂ© de former les troupes pour le combat, 44, CHAP. II. De la lĂ©gion, 6 3 Chap. III. De la cavalerie. De fe$ armures & de ses armes, Du pied de la cavalerie. Comment elle doit fe for-. TABLE mer , combattre.& marcher. D^ mou* vemens. Des fourages au verd & ait sec. Des pĂątures. Des tentes, & de la maniĂ©rĂ© de camper. Des partis ou dĂ©- tachemens , 9 8 Article Premier. je la cavalerie en gĂ©nĂ©ral, ibid. ART. II. Des armures de la cavalerie, 104 Art. III. Des armes du cavalier , & de rharnachement du cheval , m Art. IV. Dapied de la cavalerie. Comment elle doit se former , combattre & marcher, 120 Art. V. Des fourages au verd , & des pĂątures y 130 Art. VI. Des fourages aufec, 134 Art. VII. Des tentes ,& de la maniĂ©rĂ© de camper de la cavalerie , 135 Art. VIII. Des parties ou dĂ©tachemens de la cavalerie lĂ©gere , 138 Chap. IV. Dissertation fur la grande manƓuvre , 143 Chap. V. Des armes Ăą feu , & de la mĂ©thode de tirer, 160 Chap. VI. Des drapeaux ou enseignes , 16s CHAP. VII. Del’artillerie & du charoir, 169 Chap, VIII, De la discipline militaire, 17 5 . DES CHAPITRES. LIVRE SECOND, Des parties sublimes. C Hapitre Premier. De la fortification , attaque & dĂ©fense des places, pag. 184 Chap. II. RĂ©flexions fur la guerre en gĂ©nĂ©rai, zoo Description de la Pologne, & projet de guerre pour une pnijfance qui fc trouverait dans le cas de la faire Ă  cette RĂ©publique , 210 Calcul du temps qtiĂŹl faudra Ă  quarante mille huit cens hoĂ­iimes, pour construire unfort,suivant mon fyftĂšme , 2 j r Chap. III. De la guerre dans les mon* tagnes , 259 Chap. IV. Des pays coupĂ©s } remplis de haies & de f0fiĂ©s, z61 CHAP. V. Des passages de riviĂšres , 264 ChAP. VI. Des diffĂ©rentes situations, pour camper les armĂ©es & pour corn* battre , 27 ; Chap. VII. Des retranchement & des lignes, 288 Chap. VIII. jje /’attaque des retran - çhçmens, 3 1 j TABLE DES CHAPITRES. Chap. IX. Des redoutes, & de leur excellence dans les ordres de batailles t 3i7 Chap. X. Des espions & des guides , 327 Chap. XI. Des indices, 3 Chap. XIL Des qualitĂ©s que doit avoir un GĂ©nĂ©ral d'armĂ©e , 332, RĂ©flexions fur la propagation de Ă­efpect humaine, 3 4 J FiĂ­i de la Table des Chapitres. AMUSE MENS SERIEUX? A MESSIEURS LES MILITAIRES» Pourservir de suite aux MĂ©moire4 prĂ©cĂ©dent. I L E S Ecrits suĂŹvans fartent de la plume dlOfficiers d'une expĂ©rience consommĂ©e ; ils tendent Ă  la perfection dit grand Art de la guerre, & on ne peut que fçavoir grĂ© Ă  l’Editeur de les avoir placĂ©s ici en forme de supplĂ©ment Ă  un ouvrage compose pour la mĂȘme fin } çr universellement eslimĂ©. i RÉFLEXIONS SUR LA LECTURE, AdressĂ©es Ă  Monsieur De ***** La LeBure eft particuliĂšrement nĂ©cejfairt aux Militaires, Les Militaires doivent ĂȘtre plus injlruits &* ' plus vertueux que les hommes des autres Etats. E S exhortations Ă  la vertu font nĂ©cese JL —i faires ; mais le fruit n’en est pas certain r Elles y disposent le cƓur, & la lecture qui nous prĂ©sente Ă  chaque pas des exemples de vertu , & qui nous en fait voir les rĂ©compenses , & la gloire immortelle qui la fuit, le persuade & l’entraĂ­ne. Les couleurs avec lesquelles on peint les vices, peuvent bien frapper ^imagination & disposer le cƓur Ă  ses fuir ; mais la lecture qui nous met devant les yeux les exemples des monstrueuses actions des hommes vicieux, & l’exccration. Ă©ternelle quelles leur ont at- a jj Ăźv REFLEXIONS tirĂ©e , porte dans le cƓur l’horreur du vice J Sf le dĂ©termine Ă  l’éviter. L’ignorance & les fausses dĂ©marches caractĂ©risent la jeunesse de Fhomme. Les chan- gemens heureux qu’on voit en lui Ă  mesure qu’il viellit, font les fruits de l’expĂ©rience ; on consulte un vieillard on lui confie les affaires importantes ; cependant ce vieillard n’avoit » Ă©tant jeune, aucune considĂ©ration. Pourquoi ï’àge lui en donne-t-elle ? C’est fans doute parce qu’ayant vĂ©cu longtems, il a vĂ» beaucoup d’exemples de vertus & de vices. L’expĂ©rience donne effectivement quelques leçons de conduite ; mais ces leçons font bornĂ©es & toujours d’une rĂ©glĂ© peu sure c’est le hazard qui les donne. Qui se borne Ă  ces leçons , court risque de ne savoir que peu de chose , ou de sçavoir pe qu’il doit faire, quand l’ñge lui ĂŽte le pouvoir d’agir. La lecture supplie Ă  l’áge ; elle fait acquĂ©rir en peu de tems ce que bien des annĂ©es ne peuvent jamais procurer, & donne aux jeune? gens des connoiĂ­lances prĂ©fĂ©rables Ă  l’expĂ©rience des vieillards. C’est par la lecture que nous pouvons faire revivre les hommes illustres de tous les siĂ©cles » converser avec eux, Ă©couter leurs leçons, examiner leurs dĂ©marches. Ce font des mqt SURLALECTURE. f ZĂ©lĂ©s qui nous montrent ce que nous devons ĂȘtre j & des guides qui nous tracent le chemin de la vertus La lecture Ă©tant donc utile aux liommĂ«s , examinons Ă  quel Ă©tat elle est le plus nĂ©cessaire. Le Laboureur, & tous les hommes occupĂ©s dans les campagnes Ă  la culture des terres » ont peu besoin de lecture. Ils naiĂ­ĂŻĂšnt dans le sein d’une sociĂ©tĂ© d’hommes assez Ă©clairĂ©s par la simple religion, pour suivre les Joix innocentes de la Nature & de í’honnĂ©te homme; & le travail pĂ©nible qu’ils commencent en naillĂ nt, pour ne le quitter qu’en mourant, ne laide aucune prise Ă  l’oisivetĂ© & Ă  rambinon pour corrompre leurs mƓurs quelques lectures, cependant, peuvent les rendre plus habiles dans Tagnculture & supplĂ©er Ă  l’ex- pĂ©rience. La lecture n’est pas efßÚntielle aux Artistes; l’habitude peut conduire leurs bras ils peuvent, en rĂ©pĂ©tant toujours le mĂȘme travail, parvenir Ă  le faire, ou mieux, ou plus promptement ; & la perfection qu’ils remarquent clans les ouvrages des autres, peut leur faire naĂźtre le dĂ©sir d’y atteindre, & leur servir de leçon. La lecture cependant de quelques TraitĂ©s relatifs Ă  leurs Arts , & celle de la aiij v; REFLEXIONS vie & cĂźes ouvrages des Artistes cĂ©lĂ©brĂ©s ne peut que leur ĂȘtre trĂšs-avantageufe, soit pour les perfectionner, soit pour exciter en eux le dĂ©sir de se distinguer. Le NĂ©gociant doit Rappliquer Ă  un genre de lecture aster Ă©tendue ; il risque une dĂ©cadence subite , s’il n’est qu’ambitieux de s’en- richir & s’il ne sçait que compter ; il doit connoĂźtre les pays qui l’environnent, les hommes qui les habitent , & s’en attirer la confiance ; il doit Ă©tudier les Ă©venemens, apprendre Ă  les prĂ©voir & .Ă  trouver des ressources Ă  ceux qu’il n’a pas prĂ©vus ; il doit avoir une connoistance sĂ»re de toutes les productions de la Nature & de l’Art, & des usages que les hommes en font, suivant les saisons & les climats qu’ils habitent. La lecture donne au Commerçant toutes ces connoisiances que l’expĂ©rience & les voyages ne donnent qu’im- parfaitement , trop lentement & toujours avec des risques infinis. L’état le plus opulent & le plus fastueux semble n’avoir pas besoin de beaucoup de lecture. Le Financier ignorant, grossier & peu instruit, accumule des richesses & parvient au rang des Nobles. S’il lisoit cependant, il pourroit devenir plus humain , & acquĂ©rir ce qui lui manque , potjr mĂ©riter la con- SUR LA LECTURE. vĂŻj fidĂ©ration & Pestime des honnĂȘtes gens. Le Magistrat est coupable, s’il ne lit pas. L’étude des Loix doit faire fa principale occupation , & il ne doit pas nĂ©gliger plusieurs lectures. C’est le moyen de fe former le jugement, &de sentir la noblesse, la dignitĂ©, les risques & les devoirs de son emploi. L’homme d’Eglife fe fortifie dans Ă­Ăą religion par la lecture ; elle le met en Ă©tat de la maintenir & de l’étendre. Ce ne peut ĂȘtre P expĂ©rience , ce font la lecture & les mĂ©ditations qui font que l’hom- me d’Etat est digne de soutenir le thrĂłne , de procurer le bonheur des peuples, & de rendre les Rois capables de regner avec grandeur & justice. On conviendra Ă­ĂĄns peine qu’il y a des lectures utiles, & qu’il y en a mĂȘme d’indil- penfables pour les Ă©tats dont je viens de parler ; mais il n’en est pas de mĂȘme pour PĂ©tĂąt Militaire. Le plus grand nombre pense, que les personnes qui embraíßÚnt le parti des armes n’ont pas besoin de lecture ; plusieurs Militaires montrent aster par leur inapplication qu’ils en font persuadĂ©s. Cependant j’o/e dire que la lecture est particuliĂšrement nĂ©- cestaire au Militaire ; que de tous les Ă©tats, c’est celui oĂč l'on en doit faire le plus grand viij REFLEXIONS & le plus universel usage. DĂ©veloppons cette vĂ©ritĂ© que vous connoissez si bien , & que tant le personnes semblent mĂ©connoĂźtre. L’Art de la guerre est le plus grand ; il est devenu le plus nĂ©cessaire. C’est ce grand Art qui fonde les ThrĂłnes & les soutient, qui forme & dĂ©truit les Empires, & qui peut changer la face de la terre. Cet Art pratiquĂ© par des hommes vertueux conserve les biens, protĂšge les Arts, les Sciences & le Commerce ; il veille Ă  la conservation de la libertĂ© & de la vie, & fait regner l’abondance & la tranquillitĂ© dans les lieux oĂč fans ce mĂȘme Ait regneroient le trouble , la misere & toutes les horreurs des crimes & de l’inhumanitĂ© mais cet Art si grand , si noble & si nĂ©cessaire, est le plus difficile. L’homme vraiment militaire doit ĂȘtre GĂ©ographe & connoĂ­tre les parties de cette science les plus Ă©tendues & les plus dĂ©taillĂ©es; il doit ĂȘtre bon MathĂ©maticien. La science des langues , l’éloquence , l’étude de l’homme, la politique la plus profonde & tous les exercices du corps lui font nĂ©cessaires ; il doit possĂ©der sart de ranger les hommes dans une situation assez solide pour attaquer ou pour se dĂ©fendre, & de conformer cet arrangement aux obstacles que prĂ©sente le hazard f qui va- SUR LA LECTURE. Ă­x rient jusqu’à l’infini ; il faut qu’il sçache l’art de vaincre Ă  chaque pas les obstacles imprĂ©vus que la Nature lui oppose, & de rendre inutiles tous ceux que l’Art, secondĂ© de la Nature & de la force, peut imaginer pour Far- rĂȘter & pour le dĂ©truire. Qu’on lise quelques Histoires militaires, & l’on verra que suivant les occasions, les hommes de guerre ont pratiquĂ© avec succĂšs l’une ou Fa titre de ces con- noiflĂąnces, & que c’est Ă  ces connoiĂ­ĂŻĂ nces employĂ©es Ă  propos, qu’est dĂ» le gain d’une bataille, le succĂšs d’une campagne , la rĂ©ussite d’une guerre, & quelquefois le salut du ThrĂłne '& de plusieurs milliers d’hommes. Ces connoissances immenses qui font nĂ©cessaires Ă  f homme de guerre, & le talent prĂ©cieux de sçavoir s’en servir Ă  propos , ne lui suffisent pas ; il faut qu’il rĂ©unisse les vertus de tous les Ă©tats, & il en est plusieurs d’une pratique bien noble , mais bien difficile, qui caractĂ©risent le vrai Militaire, & le HĂ©ros, Sc fans lesquelles les connoiĂ­ĂŻĂ nces les plus Ă©tendues lui deviennent inutiles. Un Militaire doit posseder au plus haut degrĂ© , la justice , la grandeur d’ame , l’hu- manitĂ©, la force, FintrĂ©piditĂ© , l’audace & la prudence; il doit ĂȘtre heureux fans orgueil , Sc malheureux avec dignitĂ© ; il ne doit faire sv X REFLEXIONS tjue changer de vertu, quand la fortune change de face ; il doit renoncer aux douceurs de la vie , & s’accoutumer aux travaux les plus durs ; il doit ĂȘtre enfin assez vertueux pour entraĂźner par la force de l’exemple des milliers d’hommes Ă  la pratique des vertus les plus Ă©minentes, & ĂȘtre toujours prĂȘt Ă  sacrifier pour le service de son Roi & de Ă­Ă  pairie , fa fortune , sa santĂ© & fa vie. Tous ceux qui par la lecture ont acquis quelque connoissancedes affaires du monde, & des grands hommes qui y ont paru , & qui l’ont servi, conviendront fans difficultĂ© que je n’ai rien outrĂ© , & que tout est vrai dans Ăźe tableau que je viens de faire des connoif- sances immenses qu’un Militaire doit avoir , & des vertus qu’il doit pratiquer. Examinons a prĂ©sent Ci les exemples, les prĂ©ceptes A les exhortations peuvent les lui procurer. Lm Militaire doit ĂȘtre certain , autant qu’il est donnĂ© aux hommes del’ĂȘtre, que faction qu’il va faire est bonne ; il ne lui faut jamais d’incertitude ; ses fautes peuvent ĂȘtre terribles; elles peuvent interresser le genre hu- \ main. Quelle expĂ©rience peut avoir un Militaire , & quelle connoissance utile peut-elle lui donner ? Si longtems qu’il vieillisss dans les armĂ©es, il verra chaque jour quelque chofe SUR LA LECTURE. xj 2 e nouveau ; il sçaura ce qu’il a vĂ» faire jus- qu’à aujourd'hui mais il ne sçaura pas ce qu’il doit faire demain les Ă©venemens de la guerre dĂ©pendent de tant de circonstances diffĂ©rentes, & font si prodigieusement variĂ©s , qu’il faut la rĂ©volution de plusieurs siĂ©cles pour ramener Ă  peu prĂšs les semblables. Je ne sçais fur quoi est fondĂ© cette considĂ©ration & cette confiance de prĂ©fĂ©rence qu’on a pour un vieux Militaire qui n’a que l’expĂ©rience. 11 fçait, & il raconte ce qu’il a fait; mais ce qu’on va faire est nouveau pour lui, il ne peut proposer que des incertitudes. Ne devroit-on pas plutĂŽt donner cette confiance Ă  un jeune Militaire, qui a la vigueur du corps, & qui Ă  l’amour naissant de la gloire, joint la lecture des Histoires militaires il a vĂ» tout ce qui s’est passĂ© dans tous les siĂ©cles ; il a conversĂ© avec tous les HĂ©ros ; il connoĂźt leurs grandes actions; il a remarquĂ© leurs fautes. Ces con- noissances ne font-elles pas infiniment au- deflus de celles que donne la simple expĂ©rience de 50 ou 60 annĂ©es ? La vieillesse dans le Militaire ne me semble devoir ĂȘtre considĂ©rĂ©e que dans le simple soldat ; il ne doit qu’obĂ©ir & soutenir les fatigues ; il en acquiert l’habitude en vieillissant. Ces rĂ©flexions fur l’expĂ©nençe des anciens L vjr xij REFLEXIONS Officiers font nouvelles ; elles font totaĂźe* nient opposĂ©es au prĂ©jugĂ© mais je pense qu’iĂ­ est utile c!e le dĂ©truire, & pour ne rien oublier de ce qui peut y contribuer, je vais joindre quelques exemples Ă  mes rĂ©flexions. Lucius Lucullus, qui triompha du Grand Mithridate & du Roi Tigrane son gendre, n’avoit que peu ou point de pratique de la guerre , quand on lui donna le commandement des troupes pour aller Ă  cette expĂ©dition. 11 apprit cependant la maniĂ©rĂ© de la taire, en lisant feulement les Histoires dans ion voyage en Asie. Voyez Monarch. Eccl. de Pineda. Tamerlan , Roi des Parthes, devant combattre contre Bajazet Empereur des Otto-, mans, fe fit lire les actions de ses prĂ©dĂ©cesseurs , afin que ce souvenir le soutĂźnt dans le combat, oĂč Bajazet fut fait prisonnier. Lorsque l’Empereur SĂ©vere tenoit conseil fur quelques expĂ©ditions militaires, il y ap- pelloit les jterfonnes qui avoient une grande eonnoiflance de l’histoire , cherchant celles qui fqavoient ce qu’en pareil cas les anciens GĂ©nĂ©raux avoient fait. Au siĂšge de Berg-op-zoom un Officier du RĂ©giment que vous commandiez, saifoit avec distinction le service d’IngĂ©nieur» Plusieurs SUR tA LECTURE. xĂŻi} anciens Officiers le consultoient, & M. le MarĂ©chal de Lowendhal l’appelloit Ă  ses conseils de guerre cependant e'Ă©toit le premier liĂšge oĂč cet Officier sc trouvoit ; il n’avoit aucune expĂ©rience. L’expĂ©rience ne pouvant donc rien apprendre Ă  un Militaire, ou du moins fort peu de chose ; examinons les connoissances que. les prĂ©ceptes & les leçons peuvent lui donner. J’ai fait voir les connoissances qu’un Militaire doit avoir ; elles font si immenses que la vie la plus longue ne scffit pas pour les acquĂ©rir par la voye ordinaire des prĂ©ceptes» Supposons cependant que par leur moyen il puiĂ­Ăźe devenir MathĂ©maticien, GĂ©ographe > Orateur, apprendre les langues, & tous les exercices d u corps, il lui restera Ă  acquĂ©rir les connoissances les plus essentielles, dont aucun prĂ©cepte ne peut rinĂŽruire, la con- ßÏoissance de l’homme, la politique, & la tactique , cette science que personne 'enseigne, & j'ose dire ne peut enseigner. Si donc par cette supposition, que je regarde comme trop sorte, il acquiert tomes les connoissances que les prĂ©ceptes & les leçons peuvent enseigner, le rendront-elles grand homme de guerre Ăź Non il fera avec toutes ees *Ăźv REFLEXIONS Ă­ciences beaucoup de fautes, & peut-ĂȘtre pĂźuĂ­ que d’autres, parcs qu’il aura plus de confiance toutes ces connoiĂ­fimces, toutes ces sciences ne font rien Ă  la guerre, s’il n’ac- quiert pas celle de fçavoir les pratiquer Ă  propos. Cette science fait valoir toutes les autres. Eh i qui peut lui donner cette science ? C’est la lecture ; il ne peut y avoir d’autre maĂźtre. Si quelqu’un doute encore de cette vĂ©ritĂ©, qui vous est si connue, & si cĂ© que je dis pour en convaincre ne suffit pas, qu’on lise dans Plutarque les vies des hommes illustres, & l’on verra qu’ils Ă©toient instruits dans l’hise toire qu’on mĂ©dite les vies de ces hommes fi fort Ă©levĂ©s au-destiis des autres hommes , tels qu’Alexandre, Annibal, Scipion, CĂ©sar, Maurice de Saxe, on verra que les plus grands Capitaines doivent leurs Ă©lĂ©vations Ă  la lecture. Nous venons de voir que InexpĂ©rience & les prĂ©ceptes ordinaires des sciences ne suffisent pas pour former & instruire l’homme de guerre ; examinons si les exhortations aux vernis militaires peuvent ĂȘtre assez puissantes pour le dĂ©terminer Ă  les pratiquer, & les lui faire pratiquer Ă  propos. Dans chaque Ă©tat on peut fçavoir les ver- SUR LA LECTURE. xv tus qu’on a Ă  pratiquer, n’y ayant que certaines vertus qui y font eĂ­lĂšntielles. II est possible de fixer un plan d’exhortation pour celles qui y font propres; mais dans l’état militaire, il n’en est pas de mĂȘme. Toutes les vertus lui Ă©tant nĂ©cessaires, ce plan d’exhortation devient immense 8c bien difficile. L’immensitĂ© du plan d’exhortation aux vertus militaires le rend difficile; mais la pratique de ces vertus est st dĂ©pendante des occasions & des Ă©venemens, & par consĂ©quent fi variĂ© que je le crois impossible. En effet » la douceur & la fermetĂ© , la modĂ©ration & la sĂ©vĂ©ritĂ©, la libĂ©ralitĂ© & la prĂ©voyance, la force, l’intrĂ©piditĂ© & la prudence, & presque toutes les vertus ceíßÚnt de porter ce beau nom, & peuvent mcme devenir des vices Ă  la guerre , fi on les pratique mal-Ă -propos. Qui peut donc donner des exhortations aller fortes, allez lumineuses, pour montrer ces vertus dans les tĂ©nĂšbres du hazard & de l’a- venir f II ne faut point s’attendre Ă  les recevoir des hommes avec qui nous vivons ; elles ne peuvent ĂȘtre donnĂ©es que par les hommes de tous les siĂ©cles rĂ©unis, c’est-Ă -dire parla lecture de l’Histoire. Non-feulement l’immensitĂ© du plan d’exhortation aux vertus militaires le rend ira- kvj REFLEXIONS possible ; mais les vertus propres Ă  l’état mĂź-* liĂ­axres font d’une pratique si difficile , qus l’exhortation. ne peut suffire pour y porter les hommes. Quelle exhortation est astĂȘz forte pour arracher du sein de l'opulence & des voluptĂ©s qui raccompagnent, un homme qui en sent toutes les douceurs , pour le faire vivre au milieu des inquiĂ©tudes, des fatigues & des. travaux ; pour le dĂ©terminer Ă  quitter fa patrie , Ă  souffrir les intempĂ©ries des faisons & des climats, & les douleurs de la faim & de la soif ? Quelle exhortation peut i’assermir dans cette constante vertu qui le retient dans cette vie dure & terrible, pour assurer le repos & la tranquillitĂ© des autres hommes ? Quelle exhortation enfin aster puissante peut le dĂ©terminer Ă  souffrir Volontairement la mort pour assurer la vie & le bonheur des hommes dont il a entrepris la dĂ©fense ? La vue de ces hommes grands & gĂ©nĂ©reux , du bien qu’ils ont fait, de la gloire immortelle qu’ ils se sont acquise , est la feule exhortation qui puisse nous faire aimer & pratiquer leurs vertus ; & c’est la lecture qui nous montre les grands hommes & leur gloire, & les grands Ă©venemens de tous les siĂ©cles. Ce feroit un travail trĂšs-indifferent que d’a- SUR LA LECTURE. xvi 'jroĂŹf seulement prouvĂ© que la lecture est nĂ©cessaire dans tous les Ă©tats ; d’autres l’ont fait avant moi ; tout le monde en est persuadĂ© z mais avoir prouvĂ© qu’eiie est particuliĂšrement & indiĂ­pensablement nĂ©cessaire Ă  l’état militaire ; qu’un Militaire doit ĂȘtre plus fçavant, plus instruit, plus vertueux que tous les autres hommes, c’est , je crois, un travail intĂ©ressant , puilque personne ne l’a encore fait ; & utile , puisque preĂ­que tout le monde pense qu’un Militaire peut ĂȘtre inappliquĂ©, ignorant , & vicieux , & bien remplir les devoirs de son Ă©tat. Ce prĂ©jugĂ© n'est que trop fort ; ne voit-Ăłn pas souvent des peres faire entrer dans le plan d’éducation de leurs ensans destinĂ©s au fer- . vice, beaucoup de vices, peu de vertus, & une parfaite ignorance ? N’y a-t-il pas un grand nombre de Militaires Ă­gnorans & vicieux par Ă©ducation & par principes, & qui restent toujours tels, parce qu’ils se persuadent qu’à cause de leur Ă©tat il leur convient de F ĂȘtre ? LETTRES. xvĂ­ij LETTRES De M. le Comte de Perigord & de AÍ. de AĂ­opinot, sur la nĂ©cessitĂ© d’a - nimer l'amour de la gloire & d’exciter VĂ©mulation dam les troupes Françoises. On propose dam ces lettres des moyens faciles d’y rĂ©ussir, & le Plan de l'histoire du RĂ©giment de Normandie, Au ChĂąteau de C halais .... ; J L y a Iongtems que je n’ai entendu parler de vous, Monsieur, comment vont vos ouvrages ? Seront-ils bientĂŽt imprimĂ©s ? Avez- vous fini avec M. le Marquis de BrezĂ© ? Comment va la curiositĂ© ? J'ai eu de quoi satisfaire la mienne dans le voyage que je viens de faire Ă  Bagnieres & Ă  Bareges. Perigueux est surtout rempli de restes de la magnificence des Romains ; mais ces restes commencent Ă  ĂȘtre trop dĂ©labrĂ©s. Viendrez-vous cet hyver Ă  Paris? Si vous n’y venez pas, longez que je compte aller au RĂ©giment ce prin- tems passer un mois , & que vous m’avez promis de ne point demander de congĂ© pour cs LETTRES. xĂŻx mois car il est bien agrĂ©able de s’entretenir de son mĂ©tier avec quelqu’un qui a banni les prĂ©jugĂ©s de í’ufage & de la routine , pourn’é- coĂ»ter que ce que la raison dĂ©montre en ap-i profondistĂąnt les choses. Vous trouverez le RĂ©giment marchant Ă  la Prussienne & quelques autres usages de cette nation. L’igno- rance a beaucoup murmurĂ©, comme vous croyez bien mais cela ne m’a fait d’autre impression que de me confirmer dans ]a persĂ©vĂ©rance , en faisant exĂ©cuter ponctuellement ce que j’avois ordonnĂ©. Je compte toujours que vous veillerez Ă  la traduction ces rĂ©gle- mens Prussiens car il doit y avoir des choies bien excellentes, Ă  en juger par les particularitĂ©s qui sont venues juĂ­qu’à nous. Adieu , Monsieur, je ne vous rĂ©itĂ©rĂ© point ici les assurances de mes sentimens, parce qu’ils vous sont connus , & qu’ils seront toujours les mĂȘmes. Talieyrand, Comte dePerigord, LETTRES Ă  A Reims , le .... * MONSIEUR, J’Aime mon mĂ©tier, & l’estime particuliĂšre que vous- voulez bien accorder mon goĂ»t, est pour moi un motif de le bien faire, presqu’auĂ­ĂŻĂŹ puissant que la noble Ă©mulation de se distinguer dans une carriĂšre qui n’a que la gloire pour but. Je viens d’envoyef Ă  M. le Marquis de BrezĂ© les reglemens nouveaux concernant le service des troupes en marche , & je travaille Ă  plusieurs autres conformĂ©ment au plan qu’il m’a laissĂ© pendant son sĂ©jour chez moi. Comme ce travail est difficile & fatiguant, je me dĂ©lasse quelquefois avec BrantĂŽme il dit de bonnes choses fur le militaire il parle quelquefois du RĂ©giment de Normandie, & toujours avantageusement. Cette lecture m’a fait naĂźtre une idĂ©e. Voulcz-vous bien que je vous la communique ? BrantĂŽme, l’IngĂ©nieur de campagne, & plusieurs autres auteurs, rapportent par occasion les actions des RĂ©giment; ils nomment mĂȘme les Officiers qui fe font distinguĂ©s, qui LETTRES. xx f nt Ă©tĂ© tuĂ©s , qui ont rendu des Ă­Ăšrvices particuliers ; us pourroit-on pas tirer de ces auteurs des matĂ©riaux pour construire Fhif- toire particuliĂšre de chaque RĂ©giment ? Dans le petit nombre de Campagnes qus j'ai eu Fa vanta gĂź de faire avec le RĂ©giment de Normandie , j’ai remarquĂ© plusieurs actions dignes d’étre transmises Ă  la postĂ©ritĂ©. Les principales font Les Ă­Ăšrvices de M. le Marquis de TalĂ­ey— ra n d fous le MarĂ©chal de Saxe, & fa mort glorieuse au siĂšge de Tournay ; la promotion de M. de Salancy au grade de Brigadier fur le ehamp de bataille Ă  Fontenoy. La vĂŽtre au grade de Colonel, a Ă©tĂ© accompagnĂ©e de circonstances bien belles; FaffĂ ire de Meslefournit aussi des faits honorables pour le RĂ©giment & pour quelques-uns de Ă­es Officiers particuliers ; le siĂšge de Bruxelles que le RĂ©giment a fait, est digne aussi de quelques remarques. Le siĂšge de Berg-op-Zoom est, je crois , F Ă©poque la plus glorieuse pour le RĂ©giment ; tout le corps y a fait continuellement des prodiges. La nuit de l’attaque du chemin couvert a Ă©tĂ© signalĂ©e par Faction la plus honorable Ă  la nation, & je ne íçais si les Romains peu- veut en citer une plus belle l’honneur, la bravoure, Famour de h patrie, l’hustanjtĂ© sxij LETTRES, y ont paru dans toute kur puretĂ©. Vous sentez sans doute, que ces Ă©loges tombent fur ces jeunes officiers, qui, voyant les ennemis pour la premiere fois, & pour la premiere fois pa- roissant terribles Ă  des troupes aguerries & accoutumĂ©es Ă  vaincre, coururent en qualitĂ© de Volontaires aux travaux glorieux de cette nuit affreuse. Ils s’y employerent en vrais officiers , & ils aidĂšrent de leur mieux Ă  vaincre; faction tirant Ă  se fin, & Ă©tant auffi dĂ©cidĂ©e que celles de cette espĂšce peuvent l’ĂȘtre, ils se choisirent au milieu du feu, des pĂ©rils & de ĂŻa mort, une occupation qui rĂ©unit tous les scn- timens qui honorent l'homme. Tous les soldats prĂ©posĂ©s pour transporter les blessĂ©s fur des brancards, Ă©tant tuĂ©s ou blessĂ©s , les blessĂ©s restoient exposĂ©s au feu des deux partis ; ils pĂ©rissaient ou faute de secours, ou par de nouveaux coups. Ces jeunes officiers bravant mille pĂ©rils’, vont retirer leurs camarades du sein de la mort ; quelques-uns d'eux dans cet office gĂ©nĂ©reux, font atteints des coups de rennemi, & leur mort glorieuse semble donner un nouveau zĂ©lĂ© au reste de cette jeune Troupe. Tous les blessĂ©s font par elle enlevĂ©s, elle rassemble des brancards, elle en imagine, elle en fabrique fur le champ , elle se charge de ces nobles fardeaux , & conservant Ă  Ă­a i L E T T R E St xxiij nation ses anciens officiers, elle lui fait con- noĂźtre qií’elle en nourrit de capables de suivre leurs traces, & de les remplacer. Passez-moi mon enthousiasme ; faction est si belle qu’il est difficile de ne pas s’échauffer en rĂ©crivant. La gloire que le RĂ©giment s’est acquise au jour de l’assaut, n’est pas d'un prix si prĂ©cieux, mais elle est plus Ă©clatante» Toute l’Europe sçait que le RĂ©giment de Normandie ayant Ă  Ă­Ă  tĂȘte son Colonel, monta le premier Ă  Passant ; mais elle ignore le dĂ©tail des belles actions que plusieurs officiers firent dans cette occasion & pendant tout le siĂšge. Moi, qui, comme vous sçavez, faisoit Ă  ce siĂšge le service d’officier dans votre RĂ©giment, celui d’ofi- ficier major & d’ingĂ©nieur, moi qui avois presque fixĂ© mon domicile dans la tranchĂ©e , j'en puis citer plusieurs. Pourquoi ne parieroit-on pas austi de tous nos soldats Ă©levĂ©s par leur valeur au grade d’officiers t Je vois enfin d’un coup d’Ɠil bon nombre de faits capables de composer l’histoire du RĂ©giment de Normandie , & dignes d'ĂȘtre Ă©crits. Pour Tordre de ce travail, voilĂ  Ă  peu prĂšs le plan qu’il faudroit suivre. .i° ? La crĂ©ation du RĂ©giment? xxĂźv LETTRES. 2°. La fuite de ses Colonels depuis Ă­a crĂ©ation 3 avec la vie ou TWoire militaire de chacun d’eux. 3°. Suivre le RĂ©giment dans toutes les Cam>- pagnes, dĂ©tailler toutes les actions oit il s’est trouvĂ©, les services qu’ii y a rendus en corps, & les faits distinguĂ©s de chaque officier particulier, II scroit indifpenfablement nĂ©cessaire pour faciliter ce travail, d’avoir l’agrĂ©ment du Ministre. de la guerre , & la communication des rĂ©gistres qui font dans Ă­es bureaux. On y trouveroit la fuite des Colonels, leurs services, leur Ă©lĂ©vation aux diffĂ©rens grades, leurs rĂ©compenses, & presque de quoi composer leur histoire militaire. On y trouveroit la marche du RĂ©giment depuis fa crĂ©ation , & par consĂ©quent les actions oĂč il se seroit trouvĂ©, les Ă©tats des gratifications , pensions & autres grĂąces & distinctions accordĂ©es aux officiers, & le sujet qui y auroit donnĂ© lieu. Que je fois placĂ© Ă  Versailles, & libre de fouiller dans les rĂ©gistres & armoires des bureaux de la guerre , ce travail pour le rĂ©giment fera bientĂŽt fait. La croix de Tordre militaire de S. Louis, pe donne de bien rĂ©el que la gloire de la porter?. » LETTRES. xxf ter cette gloire n’est que personnelle, & meurt avec celui qui en jouit cependant que de belles actions n’occalĂŹonne-t-elle pas! Combien ne retient-elle pas d’officiers au service ; c’est l’objet principal de l’ambition de .presque tous les militaires. L’homme ne se contente pas de jouir de la gloire tant qu’il vit ; il porte ce sentiment Ă©levĂ© plus loin , il aspire Ă  en jouir aprĂšs Ă­Ă  mort, & c’est une forte preuve de l'immortalitĂ© de son essence. II est bien agrĂ©able de vivre glorieusement mais c’est le comble de la satisfaction de pouvoir transmettre sa gloire Ă  la postĂ©ritĂ© , & d'ĂȘtre assurĂ© de s’immortaliser dans la mĂ©moire des siĂ©cles Ă  venir. C’est cette gloire immortelle que l’exĂ©cu- Ă­ion du travail que je propose , assure aux officiers qui se distingueront ; & c’est cette mĂȘme gloire qui a fait tous les grand» hommes que nous connoissons encore chez les Romains, les Grecs & les autres Nations. Les François qui font aussi avides de la vraie gloire que l’étoient ces peuples, sĂ»rs de mĂȘme qu’eux des moyens d’en jouir, nesepor- teront-ils pas aussi aux actions qui peuvent Ja procurer ? Ces rĂ©flexions seules prouvent fortement !i b KXV] I, E T T R E S. bontĂ© Je l’ouvrage Jont il est ici question , & dĂ©montre assez qu’il ne peut porter que beaucoup d’émulation dans le cƓur des officier s François qui l’pnt naturellement Ă©levĂ©. Je puis dire d’ailleurs que cet ouvrage deviendra un des beaux monumens du siĂ©cle de Louis XV ; il honorera par son exĂ©cution tous les sujets qui auront bien servi FEtat ; il transmettra au Royaume des registres dans lesquels il verra les vraies sources oĂč il faĂșt trouver ses dĂ©fenseurs & ses soutiens ; il donnera Ă  la postĂ©ritĂ© une preuve Ă  jamais subsistante de l’élĂ©vation des sentimens d’un Roi, qui, en comblant du bien le plus prĂ©cieux ceux qui Font bien servi, trouve en mĂȘme tems les moyens d’assermir les fondemens du Royaume, en y perpĂ©tuant la gloire de bien faire. Toutes les Nations s’élevent, se soutiennent & s’aggrandissentpar les armes, & leur histoire est un composĂ© de faits militaires mĂȘlĂ©s de quelque politique. PreĂ­qu’aucun Militaire n’a Ă©tĂ© Historien, & presque tous le? Historiens ont Ă©crit du fond d’un cabinet, d’oii ils ne font jamais sortis } des histoires composĂ©es de diffĂ©rens dĂ©tails d’armement, de mouvemens d’armĂ©e , d’attaques & de dĂ©fenses de places, d’actions, de combats & au- ptcpfiĂŻhĂš militaires^ ' LETTRES, xxvĂźj Toutes ces choses se dĂ©crivent mal par des gens qui ne connoissent pas & qui n’ont pas pratiquĂ© l’art de la guerre si grand & si difficile ; aussi la plĂ­ipart des Historiens font trĂšs- imparfaits ; ils nĂ©gligent les faits , les descriptions les plus intĂ©ressantes & qui honorent ls plus la Nation pour laquelle ils Ă©crivent ; ils ignorent mĂȘme jufqu’aux termes dont ils doivent se servir; ils les emploient toujours au hazard qui les sert souvent bien mal, Voltaire mĂȘme, l’historien & l’homme cĂ©lĂ©brĂ© de nos jours, n’est pas exempt de ces fautes il se Ă­ert quelquefois de termes dĂ©placĂ©s & laiĂ­Ăźe trop Ă  dĂ©sirer dans ses dĂ©tails militaires , qui font cependant la base de l’ouvrage historique. Les histoires de chaque rĂ©giment n’étant composĂ©es que par des Militaires , seront exemptes de ces dĂ©fauts ; ayant le sceau de l’approbation des GĂ©nĂ©raux & des principaux Officiers tĂ©moins des faits , elles seront toujours vraies , & passant dans le cabinet d’un Voltaire, elles deviendront l’histoire fidelle de la Nation, & un monument Ă  jamais utile & prĂ©cieux. Le projet que vous avez m’a enchantĂ© par les consĂ©quences dont il doit ĂȘtre ; car l’ému- laticn, chose si peu connue & si nĂ©cessaire e bij xxvHj LETTRES. France en Ă­Ăšroit une suite non-sĂȘulement dans le rĂ©giment , mais mĂȘme dans toutes les au- tres troupes. Si lorsque vous aurez, fini vos autres travaux /vous voulez entreprendre un ouvrage aussi louable, je me fais fort de vous obtenir la permission de fouiller dans tout le Bureau de la guerre. Je n’ai jamais lĂ» ì’hiĂ­V toire du rĂ©giment d’Eu, qui a Ă©tĂ© le rĂ©giment deTuvenne, faite par un Officier de ce corps ; il n’y auroit point de mal que vous la lussiez avant que d’entreprendre celle du rĂ©giment, afin de voir si la conduite de cet ouvrage est bonne, & en tirer celle qui vous paroitroit convenable. Je vous remets encore Ă  Besançon pour vous parler de tout cela ; une lettrs ne peut contenir tout ce qu’il y auroit Ă  dire, & l’on s’explique toujours plus clairement lorfqu’on se parle. Je vais faire chercher cette histoire du rĂ©giment d’Eu , afin de vous la faire lire lors de votre arrivĂ©e ici, au cas que vous n’ayez pas pĂș la trouver. Je vous fournirai le fameux siĂšge de Grave, oĂč le rĂ©giment de Normandie s’est tant distinguĂ© ; çe livre est si rare que j’ai Ă©tĂ© trois ans Ă  le trouver , quoique je l’aye fait chercher .en Hollande. J’ai encore un autre livre fort rare, oĂč est dĂ©crite l’astaire de Chiary, & par consĂ©quent ouest f Ă©loge du rĂ©giment enfin, ja L Ë T Ăź R E S. XxĂźs chercherai de mon cĂŽtĂ© tout ce qui pourra ĂȘtre utile Ă  ce projet, & je ne sçaurois trop vous louer de votre amour pour l’étude Sc pour votre mĂ©tier ; c’est le seul moyen de passer agrĂ©ablement cet instant qu'on appelle la vie ; car l’étude fortifie la jeunesse & fait les charmes de l’áge avancĂ© , dit Voltaire , si je ne me trompe. Ma santĂ©, quoique meilleure, n’est pas encore bien bonne. Je me fuis dĂ©terminĂ© Ă  aller cette annĂ©e au rĂ©giment voir les progrĂšs qu’il aura fait dans les instructions du major BienastĂŹfe. Le rĂ©giment d’infanterie de Nassau est aussi Ă  Besançon nous verrons lĂ  un Ă©chantillon des divins Prussiens. Adieu , Monsieur, au plaisir de vous voir ; je me flatte que vous n’ignorez point la sincĂ©ritĂ© de ma façon de penser pour vous, &c. Talliyrand , Comte de Perigord. MEMOIRE SUR LÏNFANTERIE» o u Proposition d’AcadĂ©mie militaire dans les principales garnisons du Royaume , pour servir de suite Ă sĂ©tablisiement de l’Ecole Royale Militaire. Par M. DE Mopinot , ancien Capitaine d’Infanterie, Capitaine au premier Regtment de Cavalerie de Monseigneur le Dauphin , & IngĂ©nieur k la fuite des armĂ©es . AVIS. "T'A 1 vu ce MĂ©moire entre les mains I de plusieurs Officiers gĂ©nĂ©raux , qui rn’ont tous paru en faire grand cas un d'eux a bien voulu ni en donner une copie que f ai multipliĂ©e autant de fois que jen ai trouvĂ© l'occafon , & toutes les personnes Ă  qui f en ai procurĂ© la leElure en ont fait Ă©loge en effet , cet ouvrage efl traitĂ© avec tout le gĂ©nie dlun Militaire expĂ©rimentĂ© ; les rĂ©flexions fur chaque partie de la guerre font Ă©galement savantes , judicieuses & inflruElives ; & le bien qui doit suivre de iexĂ©cution des AcadĂ©mies proposĂ©es, ejl appuyĂ© fur des raifonnemens & des exemples f solides , qiton ne peut douter de leur utilitĂ© , Cet excellent ouvrage efl fans doute parvenu au MinĂŹflre de la guerre mais la quantitĂ© immense qu il en reçoit fous ce titre depuis quelques annces , lui en rend Eexamen impossible ; celui-ci efl cependant trop intĂ©ressant pour eire nĂ©gligĂ© ; & le seul ĂŹnoyen de le tirer de cette multitude , qui lĂ©sait oublier , efĂŹ de l’imprimer C efl cette voje qu'on devroit pren- xxxh dre pour tous les bons ouvrages qui ont pour objet des propositions utiles Ă  l'Etat; ils font par ce moyen mis au grand jour , tout le monde peut les examiner , & la, Critique peut les perfeEHonner. Je donne au travail de l’Auteur des louanges , parce qui il en mĂ©rite mais je m puis m'empecher de blĂąmer son efpece de Philosophie , qui VempĂȘche de publier des ouvrages utiles Ă  F Etat il ejl beau . fans doute, de mĂ©riter des louanges Ó" d’éviter de les entendre mais il e/l encore , & plus beau & plus grand, de rapporter tontes ses aciions au bien public ; ce motif ejl trop- gĂ©nĂ©reux pour ne les pas justifier ; qtĂ©tl me serve ici , puisque c'ejl lui qui ma portĂ© Ă  faire imprimer ce MĂ©moire & a nommer son Auteur. J'ai placĂ© les RĂ©flexions fur l’état militaire Ăą la fuite de ce MĂ©moire , parce qu elles ont le meme objet, qui ejl de contribuer au succĂšs de VĂ©tablissement de F Ecole Royale Militaire ; j'aurois souhaitĂ© connoitre F Auteur pour le nommer ? garce que tout ce qu'il dit caractĂ©rise im Sujet , & un Officier d un mĂ©rite k devoir ĂȘtre connu &' distinguĂ©. xxxtf MEMOIRE Sur Vinfanterie , ou proportion d’AcadĂ©mie Militaire dans les principales garnisons du Royaume ,pour servir de suite Ă  rĂ©tablissement de U Ecole Royale & Militaire. L 'Affection du Roi pour ses Sujets quĂŻ cnt eu part Ă  la gloire de ses armes, les tĂ©moignages particuliers qu’il veut bien leur donner de fa satisfaction , en accordant la noblesse Ă  ceux que leurs services & leurs grades ont rendus dignes d’un honneur que la Nature leur avoir refusĂ©, ouvrent une carriĂšre brillante oĂč toute la Jeunesse Françoise va s’empresser de courir. Elle est naturellement portĂ©e Ă  l'arnour de son Roi ; la gloire attachĂ©e Ă  le servir, est le seul objet qui la guide ; sĂ»re d’obtenir, cette gloire , ensuivant son inclination , que ne doit-on pas en attendre ? La Noblesse Françoise conduite par les seuls principes de Fhoaneur, a toujours çon- b vj XXXV MEMOIRE, Ă­ribuĂ© par ses glorieux services Ă  soutenir A perpĂ©tuer la splendeur du Royaume. De cette prĂ©cieuse-portion du peuple François, pinceurs, aprĂšs avoir consommĂ© leurs biens Ă  la dĂ©fense & Ă  Taggrandiflement de la Nation-, se trouvoient rĂ©duits Ă  laisser leurs enfans fans Ă©ducation. Ils avoient la douleur de prĂ©voir l’avilissement de leurs noms , dans une postĂ©ritĂ© hors d’état d’en soutenir le lustre. L’établissement de l’Ecole Royale Militaire reconnoĂ­t les enfans de ces Nobles guerriers; cette Ecole les rassemble , elle prend foin de leur Ă©ducation, elle les instruit des sciences militaires, elle les place dans les armĂ©es, & ne les perd plus de vue. Quelle gloire pour ce rĂ©gnĂ© ! Que de HĂ©ros pour le soutien & l’honneur du Royaume ! La distinction que le premier de ces Ă©ta- blissemens attache Ă  TĂ©tĂąt militaire , pour les sciences qui en dĂ©pendent, que le fĂ©cond rend nĂ©cessaire Ă  tous ceux qui embrassent le parti des armes, ne peuvent manquer de remplir les armĂ©es d’Ofticiers en'Ă©tat d’en soutenir & d’en augmenter la gloire. Les fruits prĂ©cieux qui doivent nĂ©cessairement Ă©clore de ces Ă©tablissemens si beaux & si dignes de notre RĂ©gnĂ© , ne sçauroĂ­ent ĂȘtre conservĂ©s avec trop d’attention ; ils peuvent MÉMOIRE; xxxvĂŻ} dĂ©gĂ©nĂ©rer rĂ©tablissement d’une AcadĂ©mie Militaire dans les principales garnisons du Royaume , est un moyen sĂ»r de les conserver.' L’exercice continuel est nĂ©cessaire aux troupes ; l’oisivetĂ©, merĂȘ de tous les vices; n’épargne ni l’officier , ni le soldat. Les Histoires nous fournissent quantitĂ© d’exemples de ses funestes effets. Tant que les Romains ont exercĂ© leurs armĂ©es en paix., comme en guerre, ils ont Ă©tĂ© les maĂźtres du Monde, ils ont portĂ© leur nom & leurs conquĂȘtes par tout l’Univers, & l’ont embelli mais si-tĂŽtqu’ils fe font laissĂ©s entamer par la molessĂ«, ils ont vĂ» en peu TannĂ©es Ă©crouler leur nom, leur fortune, leurs conquĂȘtes, & leur RĂ©publique , & toutes ces belles possessions passer avec leur gloire 8C leur bonheur dans des mains Ă©trangĂšres. Que font nos troupes dans les garnisons ? Elles montent une garde de loin en loin, elles s’exercent quelquefois au maniement des armes & aux Ă©volutions ; le relie du tems est perdu dans une molle indolence, qui ne peut qu’énerver la force & la valeur. L’oisivetĂ©, la vie douce & voluptueuse ont leurs appas Ă  stage de dix - huit ans il est difficile de s’en dĂ©fendre ; on peut y ĂȘtre sensible , & se laisser entraĂźner Ă  leurs douceurs, L xxxviij MEMOIRE, jeune Noblesse sortant des Ecoles Militaires pour entrer dans des RĂ©gimens, oĂč elle ne trouve prefqu’aucune occupation fixe, ne ris- que-t-elle pas de perdre en peu de teins les fruits de l'Ă©ducation militaire qu’elle y aura reçus ? Quelques rĂ©flexions fur les Ecoles de Cadets gentilshommes confirmeront ces craintes. Le soldat, qui passe tout le teins que dure la paix dans une perpĂ©tuelle oisivetĂ©, & par une fuite naturelle dans les dĂ©bauches, ne peut plus soutenir les travaux militaires, quand la guerre l'oblige de reparoĂźtre en campagne, N’a-t-on pas vĂ­i, aprĂšs une paix de quelques annĂ©es, une armĂ©e des plus brillantes pĂ©rir de maladie dans les premieres campagnes ĂŹ Ce Projet RĂ©tablissement d’une AcadĂ©mie Militaire dans les principales garnisons du Royaume, est formĂ© fur la nouvelle crĂ©ation de l’Ecole Royale Militaire, & il en est une fuite ; il assure le fruit de l’éducation que la Noblesse y doit recevoir ; il tient Fofficier & le soldat occupĂ©s de leur profession ; il les entretient, les exerce & les endurcit aux travaux guerriers ; il les rend enfin plus redoutables dans la guerre , en les employant utilement pour le bien du Royaume pendantls paix. MEMOIRE. xxxĂźs Si ce Projet paroĂźt devoir ĂȘtre utile , la dĂ©pense qu’en occasionnerait l’exĂ©cution, ne doit point arrĂȘter. Je donnerai par un MĂ©moire particulier les moyens de tirer des fonds, pour l’entretien non-seulement de ces AcadĂ©mies projettĂ©es, mais aussi pour celui de l’Ecole Royale Militaire le peuple ls payera volontiers, & fans se plaindre que ses charges en soient augmentĂ©es. ÇrĂ©ation & formation des Officiers J Sergens & Soldats deftĂŹnĂ©s aux tra~ vaux des AcadĂ©mies Militaires. II faudrait choisir dans chaque RĂ©giment» particuliĂšrement, dans le nombre des Capitaines , Lieutenans & Lieutenans en second rĂ©formĂ©s, deux Capitaines, un Lieutenan? & un Lieutenant en second , & les crĂ©er Officiers des travailleurs du RĂ©giment. Dans les RĂ©gimens, ou dans le nombre des Officiers rĂ©formĂ©s , il ne s’en trouve point actuellement en Ă©tat de remplir ces places t il en ferait choisi & envoyĂ© aux Ecoles Royales de MathĂ©matiques Ă  la Fere , Besançon , Mets, Strasbourg & Grenoble , qui aprçs y avoir fait un cours de ThĂ©orie & de Pratique » & y avoir Ă©tĂ© examinĂ©s > feraient en Ă©tat dsr St M t M 0 Ă­ R Ê; femplir dignement ces places de forte qu’efl une annĂ©e ou dix-hun mois, elles seroient occupĂ©es par des sujets capables. Ces places d’Ofstciers des travailleurs Ă­ĂȘ- roient par la fuite remplies par les jeunes Gentilshommes qui fortiroient de l’Ecole Royale Militaire. II faudroit choisir trois Sergens par bataillon les plus intelligens, & de prĂ©fĂ©rence ceux qui ont suivi les IngĂ©nieurs dans les travaux des'siĂ©ges, & les crĂ©er Sergens des travailleurs du RĂ©giment. On pourroit dans rĂ©tablissement former quelques Sergens dans les Ecoles d’ártillerie. Le Capitaine des travailleurs, du consentement des Commandasls des corps , choiĂ­Ăź- roit quatre soldats par compagnie factionnaire , qui fussent robustes & en Ă©tat de bien travailler , & qui fçussent quelques mĂ©tiers propres Ă  la guerre pour Ă­ervir dans les exercices militaires que je vais proposer, & en mĂȘme te ms pour ĂȘtre instruits de toutes les manƓuvres de cette profeffion , oĂč il faut joindre Fadresse Ă  la force. Ces soldats Ă­e- roient créés soldats travailleurs, & ouvriers des RĂ©gimens. Chaque Capitaine auroit attention dans ses recrues d’enrĂłler de prĂ©fĂ©rence gens sçachant quelques mĂ©tiers utiles MEMOIRE. sulj Ă  la guerre , comme charrons, charpentiers» Ă­nenuisiers, bateliers, forgerons, maçons , scieurs de long. Cette attention ne rendroit pas les recrues plus co u tentes, puiĂ­qu’actuel- lement il fe trouve des soldats de ces proses-. lions dans toutes- les Compagnies , & que la haute paye qu’ils auroient, en engageroit beaucoup Ă  s’enrĂŽler. II ne faudroit en tems de paix qu’une lĂ©- gere augmentation de paye, &aucune exemption fixe de service. Les Commandans des places & ceux des RĂ©gimens rĂ©gleroient, suivant les circonstances & les travaux , l’e- xemptĂźon de service qu’il conviendroit d’ac- corder. Mais en tems de guerre, les troupes de cette crĂ©ation Ă©tant presque toujours occupĂ©es , comme je le ferai voir, Ă  des travaux utiles, pĂ©nibles, & pĂ©rilleux, il conviendroit d’exempter les Sergens attachĂ©s aux Officiers des travailleurs d’une partie du service, & de leur donner une paye plus forte ; cette distinction donneroit Ă  tous les Sergens une Ă©mulation fructueuse pour le service, ils fe- roient beaucoup plus d’attention Ă  tous les travaux , & Ă  toutes les manƓuvres. Chacun d’eux tĂącheron de les bien apprendre pour pouvoir, Ă  la premiĂšre occasion , obtenir *Ă»j M E M O I R E. une place plus distinguĂ©e & plus lucrative II feroit aulfi Ă  propos en tems de guerre 'd’exempter les quatre soldats travailleurs d’une partie du service, & de leur donner une paye plus Forte pour les raisons que je viens de dire; outre cela, il faudroit que dans les quatre soldats par compagnie, il y eut deux payes diffĂ©rentes, & qu’on put mettre le soldat qui a la haute paye Ă  la petite , & celui qui a petite Ă  la haute, afin que ces punitions & ces rĂ©compenses continíßÚnt ks uns, Sc donnassent de TĂ©mulation aux autres. II feroit encore nĂ©cessaire d’ajouter aux uniformes des Officiers, Sergens & soldats de cette crĂ©ation, une marque distinctive & uniforme dans tous les RĂ©gimens. II resteroit Ă  changer quelque chose dans l’artnement & Ă©qffipement des soldats de cette crcat'on, en forte qu’ils en fussent moins embarrassĂ©s , & qu’ils porter les outils convenables Ă  leurs occupations. MEMOIRE. JvLÌlj Exercices que les Officiers des travailleurs fer oient faire aux soldats travailleurs & ouvriers. Dans toutes les places de guerre , on trou- ve du terrein inutile > oĂč l’on peut manƓuvrer. II y a dans les arsenaux du canon, des mortiers, Sc toutes les choses nĂ©cessaires pour le service, & pour lesdiffĂ©rens exercices militaires. Exercice de Pyrotechnie. Les Officiers des travailleurs des RĂ©gi- mens choisiroient dans le nombre de leurs Soldats deux ou trois hommes par bataillon , en qui ils rĂ©connoĂźtroient de la disposition , Ă  qui ils apprendroient la pratique de toutes les parties de la Pyrotechnie utiles Ă  la guerre. Ils les instruiroient de l’uĂ­Ă ge qu’on peut faire du souffre, du camphre, du borax , de la poudre , de l’huile de pĂ©trĂ©ol » & de toutes les huiles ou graisses attachantes , pĂ©nĂ©trantes, & corrosives , & d’autres matiĂšres aisĂ©es Ă  s’enflammer. Us leur apprendroient la composition des machines qu’on a imaginĂ©es jusqu’ici, tant pour arranger ou enfermer les diffĂ©rens feux d’artifices, Ă­iiivant l’uĂ­Ăąge auquel on les destine, que pour les j ester. JĂ­iĂźv M E M O I R Ë. 'Exercice MĂ©canique. ÍIs exerceroient leurs soldats travailleurs & ouvriers Ă  remuer des fardeaux, & Ă  bien Ă­ĂȘ servir des leviers, Ă  mettre une piece de Canon fur son affĂ»t, Ă  la relever, Ă  la faire parvenir au haut d’une montagne escarpĂ©e, & enfin Ă  la pratique de toutes les parties , & de tous les instrumens de MĂ©canique utiles Ă  la guerre. Exercice du canon & du mortierU Ils leur apprendroĂŹent la forme & la conÂŁ truction des plattes-formes, & des diffĂ©rentes batteries dĂš canon & de bombes ; les prĂ©cautions Ă  prendre pour les construire lorĂ­-i qu’on est exposĂ© au feu de l’ennemi, & tous les moyens de leur donner la soliditĂ© , la sĂ»retĂ©, & tout le bon ester possible. Us leur apprendroient l’usage de tous les ustenciles servants au canon & au mortier , ainsi que toutes les façons de les charger , de les pointer , & de les tirer. Enfin , il y auroit dans les garnisons un exercice du canon & du mortier, qui se rĂ©gleroitsur celui des Ecoles d’artillerie, MEMOIRE, Exercice de la sappe, xvf IIs leur apprendroient l’usege des outils servants au travail des sappes , la façon ds placer le mantelet ou gabion farci, suivant les endroits d’oĂč vient le feu , comment il faut poser les gabions, les emplir, & Ă­Ăš ga» rantir du danger de l’entre-deux. Us les inĂ­r truiroient enfin de la conduite que doivent tenir les bons fappeurs , tant pour se couvrir du feu de l’ennemi, que pour bien conduire une tĂȘte de Ă­Ă ppe & la perfectionner. Exercice de la mine. Us leur apprendroient l’usage de tous les outils servants aux Mineurs , le travail & les dimensions des galeries des mines,& de leurs chambres ; comment on doit placer la poudre dans les chambres ; comment on doit placer & conduire le saucisson ; comment H faut fermer & boucher les chambres & galeries des mines, & les prĂ©cautions qu’on peut prendre dans toutes les circonstances pour jassiirer leur rĂ©ussie. Ils leur apprendroient aussi les moyens de .dĂ©couvrir si le Mineur ennemi travaille dese Ki?, dessous, ou Ă  cĂŽtĂ© ; çeux de le prĂ©vepix fctvj MEMOIRE. Sc de le tuer , ou de lui faire abandonner soit travail, & enfin toutes les ruses & les chicanes de cette guerre souterraine. Exercice d’attaque & de dĂ©fense par retranchement , & de id manoeuvre & consintEHon des ponts. Suivant la nature du pays oĂč Ă­eroĂŹt la garnison , ils ĂŹeur feroient construire & jetter des ponts, Sc de tems en tems exĂ©cuter quelques- uns des rctranehemens ou Ă©paulemens qu’on pratique , soit pour l’attaque ou la dĂ©fense des places , soit pour le passage ou la dĂ©fense des postes, ponts, montagnes, dĂ©filĂ©s, villages ou maisons. Les soldats ouvriers feroient en mĂȘme tems exercĂ©s & occupĂ©s Ă  la construction, & Ă  l’ufage de toutes les choses nĂ©cessaires pour ces travaux militaires. Les Commandans des places , conjointement avec ceux des RĂ©gimens, rĂ©gleroient conformĂ©ment au service de la place Tordre de ces exercices & travaux militaires ; ils or- donneroient les dĂ©tachemens ou piquets de soldats que les RĂ©gimens devroient fournir dans quelques-uns de ces travaux ils com- manderoient le nombre d’Officiers de la ga'r- rdfon qu’ils jugeroient Ă  propos pour ĂȘtre prĂ©- fctis Ă  çes exercices & travaux militaires, M E M O I R E. OCCUPATIONS Des Officiers des travailleurs , & des Soldats travailleurs & ouvriers , & leur utilitĂ© dans toutes les circonstances de la guerre ou de La paix , Leur utilitĂ© dans l’attaque des Places. ConflruRĂŹon des ponts pour la communication des quartiers . I les quartiers d’une armĂ©e, qui forme le O siĂšge d’une place, font sĂ©parĂ©s par des riviĂšres, il faut faire des ponts pour communiquer. II faut que ces ponts soient construits promptement , solidement, & qu’il y en ait trois ou quatre Ă  chaque passage. Les ponts de batteaux se construisent promptement ; mais ils font trĂšs-siijets Ă  ĂȘtre emportĂ©s par le courant des eaux ; & cet accident peut causer la perte d’une partie de l’armĂ©e, K obliger Ă  lever Ă­e siĂšge. Les exemples n’en ^avĂŹĂŹj MEMOIRE, Ă­ĂČnt pas rares, & nous en avons un bien mĂ©morable dans le siĂšge de Valenciennes en ÏÍ56 j que les MarĂ©chaux de Turenne & de la FertĂ©-Sennectere furent obligĂ©s de lever, & oĂč ce dernier demeura prisonnier par un Ă©venement de cette nature , avec une perte de plusieurs milliers d’hommes. Les ponts fur des chevalets font plus sĂ»rs & plus fermes mais pour les construire promptement & solidement, il saut beaucoup d’ouvriers & de personnes pour les observer, & les diriger. La quantitĂ© d’Officiers des travailleurs & d’ rĂ©pandus dans les armĂ©es par c? projet, procure donc la construction prompte & solide des ponts de communication. Ligna de circonvallation & de contrevallation. II est trĂšs-fouvent nĂ©cestĂąire que les lignes de circonvallation & de contrevallation soient faites promptement, & toujours essentiel d’observer le talus des fossĂ©s, & leur profondeur ; de recouper le talus intĂ©rieur, & de le fasciner, afin de soutenir les terres de derriĂšre fur un talus moindre que celui de devant , & que le soldat puisse joindre le para.» pet pfii faire feu par-deĂ­lĂčs, Le MEMOIRE. xlÎx Le soin de ces ouvrages par rapport aux mesures & façons qu’Il faut leur donner, est l’af- faire des Officiers gĂ©nĂ©raux , chacun Ă  son quartier, & celle des IngĂ©nieurs ; ces ouvrages fe font par les paysans, les soldats, & ler cavaliers. Les lignes font toujours d’une trĂšs- grande Ă©tendue , la circonvallation des petites places a au moins cinq lieues de circuit. II est prefqu’impoffible que les Officiers gĂ©nĂ©raux, & les IngĂ©nieurs qui fe trouvent ordinairement dans les armĂ©es, puissent suffire pour bien faire exĂ©cuter, & prompte-, rnent, des travaux auĂ­G considĂ©rables ; mais la quantitĂ© d’Officiers de travailleurs , de Ă­Ăšr- gens , & de travailleurs expĂ©rimentĂ©s que ce projet introduit dans les troupes , Ă©tant distribuĂ©e dans l'Ă©tendue des lignes, en procure la construction solide, & semblable Ă  celle des lignes des Princes d’Orange, Maurice & FrĂ©dĂ©ric Henri , qui, par leur application Ă  les bien faire, les rendoient si bonnes qu’cm ne les a jamais forcĂ©es, quo jqu’elles ayent Ă©tĂ© souvent attaquĂ©es. II y a dĂ©plus ici cet avantage, qu'on pourroit les faire en bien moins de tems que ces Princes, qui y employoient des mois entiers. c t MEMOIRE. PrĂ©paratif da parc d'artillerie. Quelques dĂ©tachemens de soldats travailleurs & ouvriers des RĂ©gimens seroient employĂ©s au parc pour y aider les soldats d’ar- tiilerie Ă  former le parc & le magasin Ă  poudre , Ă  monter les pieces fur les affĂ»ts, Ă  prĂ©parer les plattes-sormes du canon & des mortiers, Ă  ranger les bombes, boulets, grenades , & les outils, & Ă  radouber ce qui en auroit besoin. Ce travail se sait pour l’ordinaire par des soldats pris au hazard dans ParmĂ©e, qui, par leur peu d’expĂ©rience, ou fervent souvent ĂźrĂšs-peu , ou mettent de la confusion dans l’arrangement des diffĂ©rentes munitions, ou s’estropient ; ce qui n’arriveroit sĂ»rement point fi ee travail Ă©toit fait par les soldats travailleurs des RĂ©gimens qui seroient exercĂ©s Ă  çes manoeuvres. Parc d'artillerie. II y a une Compagnie d’ouvriers de soixante hommes par chaque bataillon de Royal Artillerie , qui est employĂ©e dans le parc d’ar- pllerie Ă  construire les portiĂšres, les fron- tespH de mste, les blindes, les Ă©tayes, les MEMOIRE. i j Lois, les planches pour les mines, pour les descentes de fossĂ©s & autres parties des tranchĂ©es , & Ă  radouber tout ce qui est endommagĂ©. Ceux qui se font trouves Ă  des siĂšges considĂ©rables conviendront, qu’une Compagnie d’ouvriers de soixante hommes f Ă  la supposer mĂȘme toujours complette ne peut suffire Ă  la multiplicitĂ© de ces travaux ; & il est d’ex- pĂ©rience que souvent la petite quantitĂ© d’ou- vriers qu’il y a d’ordinaire dans les parcs , a retardĂ© les travaux , 8c a obligĂ© de se passer pendant quelque tems des choses nĂ©cessaires, ce qui cause toujours la perte de quelques hommes. En employant donc des dĂ©tachement de soldats ouvriers des RĂ©giment dans le parc d’artillerie , on se procure l’abondance & le prompt service de tous ces ouvrages si nĂ©cessaires pour l’avancement & la sĂ»retĂ© des travaux des siĂšges. Artificiers . Le Roi n’entretient dans ses armĂ©es que cinq artificiers, un pour chaque bataillon de Royal ArtiĂ­lerie. Tout le monde conviendra que ce nombre n’est pas suffisant, puisque l'artisicier d’un bataillon d’artillerie employĂ© Ă  un siĂšge peut cij iĂŹj MEMOIRE, manquer dĂšs le commencement d’une Campagne , comme il est arrivĂ© au dernier siĂšge de l’Ecluse j oĂč le sieur Benoist artificier fui emportĂ© d’un coup de canon , allant voir TeflĂšt de ses feux d’artifice. II est difficile, & on est toujours trĂšs-longtems Ă  remplacer un homme, dont le travail demande de la science, Kr beaucoup d’expĂ©ricnce. Les soldats artificiers des RĂ©gimens, instruits par les Officiers des travailleurs, levei- roient cet inconvĂ©nient d’ailleurs, les tranchĂ©es seroient toujours abondamment fournies des feux d’artifice nĂ©cessaires pour l’atr laque des places, & ces feux seroient d’un effet plus sĂ»r , puisque tous les soldats qui tra- vaiileroient fous l’arfificier , seroient eux- mĂȘmes artificiers. Gabions f Les gabions doivent ĂȘtre de deux pieds & demi de haut, fur autant de diamĂštre, afin de les rendre plus maniables. Le diamĂštre du haut & du bas doit ĂȘtre Ă©gal, afin qu’il y ait moins d’ouverture entre deux gabions ; ils doivent ĂȘtre de bonne assiette, afin qu’ils soient plus vite posĂ©s. Les gabions Ă­Ăš font indiffĂ©remment par tous les soldats de l’armĂ©e ? gui n’ayant pe» M E M O I R E. liĂŹ; sonne pour les observer dans ce travail, les construisent suivant leur caprice , & presque toujours fort mal. Les Officiers des travailleurs des RĂ©gimensy chacun dans le leur , instruiroient les soldats ces dimensions qu’il convient de donner aux gabions ; ils en feroient une exacte revue, Sc meuroient au rebut tout ce qui seroit dĂ©fectueux , sans souffrir qu’il en fĂ»t portĂ© aucun Ă  la tranchĂ©e qui ne fĂ»t rĂ©guliĂšrement fait. Cette attention Ă©pargneroit les frais d’uti bon tiers de gabions, qui se trouvent si mauvais qu’on n'en peut faire aucun usage ; Ă©tant construits rĂ©guliĂšrement, de bonne assiette & Ă©gaux , ils feroient bien plus vĂźte posĂ©s, consĂ©quemment il pĂ©riroit bien moins de sapeurs & de travailleurs, puifqu’ils feroient moins longtems exposĂ©s. Saucissons. Les Officiers d’artillerie prĂ©venus avec raison du mauvais travail des soldats ‱> lorsqu’ils n’ont personne pour les diriger , veulent que les saucissons soient faits en leur prĂ©sence. La plĂ»part les font faire fur le terrein destinĂ© Ă  la batterie. Les mouvemens pour amasser les fascines pour faire ces saucissons, & le tems employĂ© Ă  la façon» laissent le soldat ex- c iij ßív MEMOIRE. posĂ© ĂŹl en pĂ©rit toujours pendant ce travail. Les Officiers des travailleurs les feroient faire rĂ©guliĂšrementchacun dans leur RĂ©giment; le service de Partillerie n’en iroitque beaucoup plus vite, & ce travail se faisant hors de la portĂ©e des coups, il n’y pĂ©riroit personne. TranchĂ©e. On remarque dans tous les siĂšges que les travailleurs de jour , dont ont fournit toujours un grand nombre , ne travaillent jamais plus de deux heures, & quelquefois point du tout; que comme on les tient dans les travaux les plus avancĂ©s, il en pĂ©rit toujours beaucoup les bras croisĂ©s ; que malgrĂ© ce nombre de travailleurs les ouvertures, & les Ă©boulemens qui se font Ă  la tranchĂ©e presque Ă  chaque instant, restent longtems fans ĂȘtre rĂ©parĂ©s. Les IngĂ©nieurs attentifs Ă  avancer les travaux , & souvent excĂ©dĂ©s de fatigue, font comme forcĂ©s de nĂ©gliger ce qui reste derriĂšre ; ils perfectionnent' les travaux, mais le dĂ©faut d’entretien les rend en peu de jours bien dĂ©fectueux. C’est cependant de ces travaux entretenus en Ă©tat de bonne dĂ©fense que dĂ©pend la sĂ»retĂ© de la tranchĂ©e , & la vie de bien des hommes. MÉMOIRE. tv Les Officiers des travailleurs marchant Ă  la tranchĂ©e avec leurs RĂ©gimens , feroient par leurs soldats travailleurs rĂ©parer dans l'instant les dĂ©gradations qui arriveroient par le canon, les bombes & les mines , & entretenir en Ă©tai de bonne dĂ©fense les parallĂšles, & tout le terrein qu’occuperoient leurs RĂ©gimens. Par ce service des Officiers des travailleurs des RĂ©gimens , on Ă©pargnĂšrent au moins moitiĂ© des travailleurs de jour. Le soldat se- roit moins fatiguĂ© , l’Officier ne marcheroit pas si souvent aux travailleurs, la tranchĂ©e seroit toujours en bon Ă©tat. Sappe. II n’y a presque point de Capitaine , qui ne regrette quelques braves soldats pĂ©ris en faisant le service de sappeurs volontaires. Ce service est un vĂ©ritable mĂ©tier qui exige un apprentissage. Tout soldat qui, conduit paf la bravoure ou l’appas du gain , voudra s’en dispenser , est presqu’assurĂ© de pĂ©rir, L’expĂ©rience de l’incapacitĂ© des sappeurs volontaires a Ă©tĂ© cause qu’on n ! a presque point poussĂ© pendant le jour les travaux du siĂšge de Berg-op-Zcom, que je prends ici pour exemple , comme un des plus fameux. Moi-mĂȘme q y faisois le service d’IngĂ©- c iv -*' Ă­vj MEMOIRE, nieur, j’ai Ă©tĂ© obligĂ© plusieurs fois de ceĂ­ĂŹĂšr Ăźe travail de jour, tous mesĂ­Ăąppeurs Ă©tant tuĂ©s, ou blessĂ©s, parce qu’ils ne sçavoient pas leur mĂ©tier. On a Ă©tĂ© obligĂ© de poser Ă  sappe volante pendant la nuit dans les endroits les plus dangereux, pour gagner le tems qu’on t toit obligĂ© de perdre le jour faute de bons Ă­Ăąppeurs. Les soldats travailleurs des RĂ©giment, exercĂ©s & instruits par leurs Officiers de la façon & des prĂ©cautions qu’il convient de prendre pour bien condpire une tĂȘte de sappe , four- niroient une source inĂ©puisable de bons sap- peurs. Par-lĂ  on seroit en Ă©tat de pousser plusieurs tĂȘtes de sappe, qui marcheroient jour & nuit, sans que les sappeurs fusiĂȘnt trop fatiguĂ©s. Par- lĂ  , les siĂšges deviendroient bien moins meurtriers & moins longs. Artillerie. Les RĂ©giment fournissent tous les jours dans les siĂšges Ă  l’artillerie, tant pour la corffi truction des batteries, que pour leur service journalier, un grand nombre de travailleurs ; il en pĂ©rit toujours beaucoup. Tous les Officiers d’artillerie , avec qui j’ai conversĂ© Ă  ce sujet, m’ont dit avoir remarquĂ©, que pra- M E M O I R E, rvij portion du nombre, observĂ©e, il pĂ©riĂ­foit au moins un tiers de travailleurs, plus que de soldats d’artillerie , parce que les travailleurs ne sçavent point les prĂ©cautions qu’on peut & qu’on doit prendre dans ces travaux, & qu’ils n’y sont point exercĂ©s ; qu’outre cette perte, & par les mĂȘmes raisons, six travailleurs ne rendoient pas un aussi bon service que deux soldats d’artillesie. On ne fourniroit Ă  l’artillerie que les soldats travailleurs de la crĂ©ation que je propose qui Ă©tant exercĂ©s par les Officiers des travailleurs des RĂ©gimens, Ă  toutes les manƓuvres de l’artillerie, lui rendroient le mĂȘme service que leurs propres soldats, & avec les mĂȘmes prĂ©cautions. De-lĂ , l’artillerie dans les siĂšges seroit mieux servie ; on fourniroit moins de travailleurs , & il ne pĂ©riroit pas tant de soldats. Mines „ Les Mineurs sont aussi obligĂ©s de se servie dans leurs travaux d’aides, ou de travailleurs- qu’on tire indiffĂ©remment fur toute l’infanterie. On leur fourniroit de mĂȘme des soldats- travailleurs exercĂ©s aux travaux d-es mines par leurs Officiers, par les mĂȘmes raisons, & avec les mĂȘmes avantages qu’à l’article prĂ©cĂ©dente MEMOIRE. iviĂŹj Attaque du chemin couvert de vive force . Le signal pour l’attaque du chemin couvert Ă©tant donnĂ©, les troupes commandĂ©es passent brusquement par-dessus le parapet de la place d’armes de la tranchĂ©e , marchent Ă  grands pas au chemin couvert qu’elles enveloppent de tous cĂŽtĂ©s, entrent ou Ă­autent dedans pour tailler en pieces tout ce qui Ă­Ăš rencontre , & en chaĂ­Ăźer l'ennemi. Les IngĂ©nieurs, aprĂšs avoir reconnu & s’ĂȘtre distribuĂ© entr’eux une certaine Ă©tendue de terrein Ă  chacun , suivent ces troupes avec un nombre de travailleurs qu’ils Ă©tablistĂšnt promptement fur le haut du parapet du chemin couvert pour y faire le logement. La place de son cĂŽtĂ© sĂš dĂ©fend , & met tout en usage pour repousser l'assiĂ©geant. Comme toute cette scene Ă­e passe Ă  dĂ©couvert de la part des assiĂ©geans, fous le feu de l’assiĂ©gĂ© , & qu’elle dure une heure ou deux , & quelquefois plus, il y a toujours bien du sang de rĂ©pandu , &' il est moralement impossible qu’il n’y ait plusieurs IngĂ©nieurs de tuĂ©s ou de blessĂ©s. Les travailleurs, fous les ordres de LingĂ©- MEMOIRE. xĂ­x aieur qui est tuĂ©, n’ayant plus personne pour les Ă©tablir fur le terrein oĂč ils doivent faire le logement , ne sçavenĂ­ oĂč se placer ; aprĂšs avoir jette beaucoup d’embarras & de confusion dans les travaux, & ĂȘtre restĂ©s pendant quelque tems exposĂ©s Ă  tout le feu des assiĂ©gĂ©s , ce qui s’en est Ă©chappĂ©, se rejette dans la tranchĂ©e. Le logement ne se trouve point fait, les troupes qui ont attaquĂ© restent fans ĂȘtre logĂ©es , & pĂ©rissent pour la plupart. Si l’IngĂ©nieur n'est tuĂ© ou blessĂ© qu’aprĂšs avoirdĂ©ja Ă©tabli ses travailleurs fur le terrein, oĂč le logement doit ĂȘtre fait, ou les travailleurs continuent mal ce qu’ils avoient bien commencĂ©, ou ils se contentent de se serrer de façon Ă  ĂȘtre Ă  l’abri du feu de la place » sans vouloir s'exposer davantage pour perfectionner l'ouvrage, & fans s'inquietter si les troupes, qui ont attaquĂ© , pourront s’y loger. Enfin, il est certain que dans ce cas ils laissent l’ouvrage si imparfait , qu'il vaudroit presqu’autant qu’il ne fĂ»t pas Ă©bauchĂ© , & que de-lĂ  il s'ensuit de mĂȘme la perte de bien du monde. Qu’on lise le Journal du siĂšge de Berg-op- Zootn, on verra la prise du chemin couvert de la droite de Tattaque, manquĂ©e par des ac~ cidens de cette nature. O a verra que dan ÂŁĂŻj IX MEMOIRE. cette partie, ou plusieurs IngĂ©nieurs ont Ă©tĂ© tuĂ©s ou blessĂ©s en diffĂ©rens tems, le logement Ă©tait fait dans quelques endroits , Ă©bauchĂ© dans d'autres , & qu’ailleurs il n’étoit pas commencĂ©. Qu’on continue de lire le Journal , on verra la quantitĂ© de journĂ©es & d’hom- mes dont ces accidens ont causĂ© la perte , & on sera en mĂȘme tems convaincu de la bontĂ© d’un projet qui peut les prĂ©venir, comme j’eĂ­pere le faire voir. Les travailleurs de la tranchĂ©e font divisĂ©s en piquets de 50 hommes. Chaque piquet est- conduit par un Capitaine & un Ce service dans chaque RĂ©giment se fait de la part des Officiers chacun Ă  leur tour. L’ordre du service ordinaire pour marcher aux travailleurs de la tranchĂ©e, seroit interrompu , lorfqu’il IĂšroit question d’attaque de chemin couvert. Ce ferait toujours les Officiers des travailleurs des RĂ©gimens qui y marcheraient dans. ces occasions sçavoir un Capitaine & deux Lieutenans par chaque piquet ; alors p ayant toujours trois de ces Officiers par 50 hommes , outre les IngĂ©nieurs ordinaires, il ferait preĂ­que certain, quelque vigoureuse que fĂąt la dĂ©fense des assiĂ©gĂ©s, qu’il y resterait au moins par piquet une personne en Ă©tat de con- MEMOIRE, cfuĂźse ces travaux, & que par consĂ©quent le logement se feroit Ă©galement par-tout. LorĂ­qu’il y auroit quelques asiĂąuts, les piquets des travailleurs destinĂ©s Ă  faire les loge- mens fur les breches, ou dans les ouvrages, seroient aussi conduits par un Capitaine & deux Lieutenants de travailleurs, par les mĂȘmes raisons rapportĂ©es Ă  l’article prĂ©cĂ©dent» UtilitĂ© res Soldats travailleurs. dans la dĂ©fense des Places. E Roi entretenois dans cette derniere - 1 —i guerre 300 IngĂ©nieurs, 300 Officiers' d’artillerie , ; Bataillons d’artillerie, composĂ©s' chacun de dix Compagnies de 100 hommes, 5 Compagnies de Mineurs de 75 hommes chacune, & ; Compagnies d’ouvriers de 6 o. Dans presque toutes les guerres, la France’ a toujours eu plusieurs corps d’armĂ©e en campagne elle n’en a jamais eu moins de deux, 6 souvent plus. En supposant qu’il n’y ait que deux armĂ©es en campagne , & dans chaque armĂ©e un cinquiĂšme de ces corps, il ne restera donc pour garnir toutes les places du Royaume , que 180 IngĂ©nieurs, 180 Officiers d’artillerie, 3000 Soldats d’artillerie, r. r5 Mineurs,. Sc 180 ouvriers. ixij MEMOIRE. Si on sait attention Ă  la quantitĂ© de place» fortes qu’il y a dans le Royaume , on voit sensiblement qu’il ne peut y avoir dans chaque place que de trĂšs-foibles dĂ©tachemens de ces diffĂ©rentes troupes, si nĂ©cessaires pour leur dĂ©sunie & leur sĂ»retĂ©. II est mĂȘme assez commun en >tems de guerre de voir des places en ĂȘtre totalement dĂ©garnies. Je ne citerai qu’un exemple pris de la derniere guerre en Flandres. Lorsque le Duc d’Aremberg, aprĂšs avoir passĂ© une bonne partie de la campagne vis-Ă - vis de l’armĂ©e de France, commandĂ©e par le MarĂ©chal de Saxe , & infĂ©rieure en nombre Ă  la sienne , siins oser rien entreprendre, bazarda enfin de faire une irruption sur la ChĂątellenie de Lille , on fut obligĂ© de faire partir du camp de dessous Courtray des dĂ©tachemens d’àrtillerie fur des voitures en poste , pour les jetter dans Douay qui Ă©toit pour lors fans Canoniers, ni Bombardfers, ni Mineurs. Les besoins continuels qu’on a dans les armĂ©es , d’artillerie, d’IngĂ©nieurs, de Mineurs & d’ouvriers, occasionnant donc qu’en tems de guerre il y a beaucoup de places oĂč il n en reste point, ou du moins trĂšs-peu, & Ă©tant d’ailleurs dĂ©montrĂ© que ces dĂ©tachemens font MEMOIRE. ixĂ­Ă­f toujours nĂ©cefßàirement trĂšs-foibles, de-lĂ  il Ă­' enfuit la preuve de la bontĂ© de la crĂ©ation que je propose , puifou’on seroit aĂ­ĂźurĂ© par son er^cutivn qu’il y auroit dans toutes les places, Ă  proportion de la grandeur Sc de la force de leurs garnisons, beaucoup d’Officiers en Ă©tat de commander le service de l'artillerie & des Mines, des soldats exercĂ©s Ă  leurs manƓuvres , & des travailleurs & des ouvriers pour exĂ©cuter tous les travaux praticables pour 1* dĂ©fense des places. Ils soulageroient aussi beaucoup l’artillerie & le gĂ©nie ; ils remplace- roient ceux qui par la mort, la maladie, ou les blessures, seroient hors de service. Les soldats travailleurs, & les ouvriers des RĂ©gimens seroient employĂ©s avec les mĂȘmes avantages pour la dĂ©fense des places, que ceux qui ont Ă©tĂ© observĂ©s pour Tattaque , soit pour combler & abattre ce qui peut couvrir Eennemi Ă  la portĂ©e du canon de la place » soit pour construire des ouvrages propres Ă  Ea frĂ©ter, ou Ă  se garantir de ses coups, & particuliĂšrement pour l'artillerie, les mines , les artifices, la dĂ©fense des chemins couverts & des breches, & la construction des machines qui y peuvent servir» i»> MEMOIRE. Ouvriers . Dans les places assiĂ©gĂ©es on est obligĂ©, par la multiplicitĂ© des travaux, de se servir de tous les ouvriers, qui par hazard Ă­e trouvent dans le nombre des soldats, & d’employer tous ceux qui se trouvent dans les places. Dans les grandes Villes, comme Lille, Mets, je conviens qu’on trouve beaucoup- d’ĂČuvriers , & qu’un habile Gouverneur peur en tirer de grands avantages pour la dĂ©fense de Ă­a place mais le nombre des grandes places est rare ; il y en a beaucoup plus de foi- bles en habitans, & par consĂ©quent en ouvriers , quoique trĂšs-fortes par elles-mĂȘmes, & en Ă©tat de rĂ©sister longtems. D’ailleurs est - il possible, & mĂȘme vraisemblable , qu’un ouvrier attachĂ© Ă  sa petite fortune , & Ă  sa famille , domiciliĂ© , & paisible habitant d’une Ville , se prĂȘte Ă  travailler volontiers, & comme il faut, lorsque son travail l’expose Ă  quelque pĂ©ril ? II ne le sait qu’en tremblant ; il ne marche que de force, & mĂȘme il cache ses talens, s’il lui est'possible ; enfin , il est certain qu’un homme qu’on occupe pour la dĂ©fense d’une place, doit pour bien faire son travail, ĂȘtre en mĂȘme tems boa ouvrier & bon soldat. MEMOIRE. lxV Par la crĂ©ation que je propose, il y auroit dans toutes les places, Ă  proportion de la garnison, des ouvriers de toutes les eĂ­peces utiles pour la dĂ©fense. Ces ouvriers Ă©trangers aussi braves soldats, qu’expĂ©rimentĂ©s, ne s'c P faroucheroient pas Ă  la vue des travaux les plus pĂ©rilleux, & les exĂ©cuteroient toujours avec autant de courage que d’habiletĂ©. De - lĂ  , un Gouverneur pourrcit entre-* prendre tout ee que fa bravoure & fa fidĂ©litĂ© lui inspireroient pour le salut de fa place. De-lĂ , revivroient les dĂ©fenses des brecbes, telles que celles de Mets, par M. de Guise » & tant d’autres si brillantes & si connues cite» nos anciens. De-lĂ , deviendroĂ­ent plus communes ces sça vantes dĂ©fenses des chemins couverts, telles que celle de Lille , qui soutint sept attaques » tant par la façon habile dont M. le Duc de Poussiers disposa son feu, que par les ouvrages & palissades qu’il eut la facilitĂ© d’y ajouter, en se servant des ouvriers qu’il trouva dans cette grande Ville. Artillerie. Dans une place assiĂ©gĂ©e , on destine dĂšs le commencement du siĂšge une portion des troupes de la garnison, pour servir aux manƓu- ixvj MEMOIRE. vres de PaĂ­tillerie pendant tout le te mr de la durĂ©e du siĂšge. Le MarĂ©chal de Vauban , dans son excellent Livre de l’attaque des places, dit que l’artillerie des assiĂ©gĂ©s est bien-tĂłt rĂ©duite au silence par celle des assiĂ©geans, parce que cettĂȘ premiere est toujours mal servie. La judicieuse remarque de ce grand homme s’est vĂ©rifiĂ©e dans tous les siĂšges qu’on a faits dans cette derniere guerre. Qu’on ouvre en effet quelques Histoires militaires, on verra que l’artillerie des places, mise hors d’état de servir , a Ă©tĂ© presque toujours un des motifs qui a dĂ©terminĂ© Ă  capituler avec l’ennemi ; & ce motif se trouvera toujours, tant que la forme du service actuel dans les places sera la mĂȘme. Mais, par la crĂ©ation que je propose, y ayant toujours dans les places une grande quantitĂ© de soldats exercĂ©s aux manoeuvres de l’artillerie , & des ouvriers pour la radouber , elle sera toujours bien servie, toujours bien entretenue , & elle pourra toujours faire tĂȘte Ă  celle des assiĂ©geans ; par consĂ©quent le motif de l’artillerie dĂ©truite, qui sert de prĂ©texte , ou qui oblige Ă  presque toutes les capitulations , disparoĂźtra ; & les dĂ©fenses seront, & bien plus longues, & bien plus vigoureuses, MEMOIRE. xxvij Mines. Les rĂ©sistances qui se sont par les mines, font de toutes, les plus belles, les plus longues , & les plus fçavantes. C’est pour ainsi dire l'art de rendre un siĂšge Ă©ternel. Un Val- liere assiĂ©gĂ© & Commandant dans un poste tel que la Citadelle de Tournay, tel que CondĂ©, Landaw, &c. Ă©tant d’ailleurs bien pourvu de vivres, de munitions & de Mineurs , feroit morfondre les plus nombreuses armĂ©es , & pĂ©rir une infinitĂ© prodigieuse d’hommes. Les autres dĂ©fenses affoiblissent extrĂȘmement une garnison , & obligent souvent Ă  se rendre, au lieu que les mines en se rendant les maĂźtresses du dessous, assirent le dessus, sont perdre un tems infini Ă  l’assiĂ©geant, le dĂ©truisent, & conservent Ă  la fois la garnison & la place. L’Histoire militaire , & en dernier lieu Berg-op-Zoom, nous montre Ă  chaque pas la bontĂ© de cette seavante partie de la guerre, qui n’a cependant jamais Ă©tĂ© pratiquĂ©e qu’im- parfaitement, & qui, si j’ose le dire, est encore aujourd’hui extrĂȘmement nĂ©gligĂ©e. 'D’ailleurs , la petite quantitĂ© de Mineurs qu’il y a dans nĂ©s troupes, ne permet pas tfcviij M E M O I R- Ë. d’en jetter communĂ©ment dans une place me- 1 nacce un dĂ©tachement plus fort que de 15 ou 20, qui peuvent au plus Ă©tablir quelques fourneaux , ça&lĂ , intimider l’ennemi fans lui faire grand mal, ni beaucoup le retarder. Suivant mon projet, dans la grande quantitĂ© d’Officiers des travailleurs qui feroient obligĂ©s de s’appliquer Ă  la science des mines , qui joindraient la pratique Ă  la thĂ©orie , erl exerçant dans les garnisons leurs soldats Ă  ce genre de travail, ils’yen trouverait quelques- Ăčns Ă  coup sĂčr, qui se mettraient en Ă©tat de pratiquer le grand, le beau, & futile de cette sçavante partie de la guerre, & la quantitĂ© de Mineurs, qui est prouvĂ©e actuellement toujours nĂ©cessairement trĂšs-petite dans toutes les places, se trouverait beaucoup augmentĂ©e , & il y en auroit aíßÚz pour exĂ©cuter tous les travaux que cette science apprend pour la dĂ©fense des places. Artifice. II y a trĂšs-peu de places oĂč 11 y ait des artificiers attachĂ©s au service de la place. De ce petit nombre , la plupart s’occupent de la. Pyrotechnie amuĂ­Ă nte & rĂ©crĂ©ative, & nĂ©gligent les parties de cette science utiles pour la guerre. MEMOIRE. ixĂźx Cependant les personnes qui rĂ©flĂ©chiront sor les moyens qui peuvent retarder la priso des places , & mieux encore celles qui sc sont trouvĂ©es dans les places aĂ­ĂŻĂŹĂ©gĂ©es , conviendront que la Pyrotechnie entre .pour beaucoup dans leur dĂ©fense, & que c elĂŹ un avantage considĂ©rable pour une place assiĂ©gĂ©e d’avoir plusieurs artificiers habiles. L’HiĂ­foire ancienne nous fournit quantitĂ© d’exemples, qui prouvent la bontĂ© de ces sortes de dĂ©fenses , & le peu d’uĂ­Ă ge que les modernes en ont lait, a toujours eu du succĂšs. Les deux soldats par bataillon que les Oise- ciers des travailleurs des RĂ©gimens instruit roient, suivant mon projet, des parties ds cette science utiles Ă  la guerre, fourniroient dan^ toutes les places du Royaume, un nombre d’artisiciers suffisans pour exĂ©cuter tout ce qu’un Gouverneur habile pourroit tirer da cette partie pour le salut de sa place , & les dĂ©fenses en deviendroient plus faciles & plus belles, puisque par la pratique de cette science» on peut observer & dĂ©truire l’ennemi & son travail, TĂ©pouvanter & J’arrĂȘter Ă  chaque pas. De tout ce qui vient d’ĂȘtre dit, tant au sujet de l’attnque , que pour la dĂ©fense des places } il esc trĂšs-senĂ­ible La quantitĂ© de soldats ouvriers & travailleurs , & & des Professeurs militaires qui MEMOIRE. ĂŻjĂ­xxv Énseighoient toutes les grandes parties de la guerre. Les grands GĂ©nĂ©raux de ces anciennes & illustres RĂ©publiques, les guerres fçavantes & les conquĂȘtes de ces Nations belliqueuses qui causent notre admiration, devroientbien nous engager Ă  les imiter. Le RĂ©giment du Roi, oĂč Ă­l y a un Professeur de science militaire entretenu , est une pĂ©piniĂšre d’oĂč l’on tire des Officiers qui commandent dans les armĂ©es , & dans les places avec distinction. Les grands Officiers que l’artillerie a fournis, & la distinction avec laquelle ce corps a servi, particuliĂšrement dans cette derniere guerre , font les fruits de rĂ©tablissement de ces cinq Ecoles. Tous ces Officiers font íçavans dans Part de la guerre, & les soldats capables de ces manƓuvres. Un Ministre toujours attentif au bien de l’Etat, ne recevoit dans le Corps du gĂ©nie que des sujets d’une capacitĂ© bien reconnue il les tenoit dans les places toujours occupĂ©s de leur mĂ©tier. Ausst combien ce Corps ne s’est-il pas illustrĂ© fous son MinistĂšre, & combien n’a-t-il pas contribuĂ© aux glorieuses conquĂȘtes de cette derniere guerre. ? L’AcadĂ©mie qui vient d’ùtre Ă©tablie Ă  Me- zieres pour ce Corps, rĂ©parera les grand ĂŻxsxvj REFLEXIONS. pertes qu’il avoit faites dans la guerre, & le ra un monument Ă  jamais fructueux pour FEtat » & glorieux pour fĂłn Instituteur. Tous les Arts, toutes les Sciences ont leurs AcadĂ©mies j ils'leur doivent leur Ă©lĂ©vation. Pourquoi F Art de la guerre > protecteur de tous les Arts, protecteur de l’Etat, n’a-t-il pas les siennes ? L'artiilerie & le gĂ©nie ont les leurs mais; le corps d’infanterie qui fait la principale force des armĂ©es, qui en est, pour ainsi dire, FamĂ©, n’a pas le mĂȘme avantage. Ce peuple de braves sçldats , Ă©nerve fa valeur naturelle dans F oisive tĂ© , il reste tout le tems de la paix sims ĂȘtre instruit des sciences militaires, ni exercĂ©' Ă  ces travaux. II prodigue son lĂ ng, il est vrai, lorsque le service de l’Etat le demande ; mais la vie toujours prĂ©cieuse de sujets si zĂ©lĂ©s , pourroit ĂȘtre employĂ©e plus utilement. Des diffĂ©rents corps qui composent une armĂ©e , il n’y en a point cependant de si nom-, breux , de si utile , & qui soit employĂ© Ă  tant de divers travaux que celui de l’infanterie. II a la valeur, il est exercĂ© au maniement des armes & aux Ă©volutions, il combat bien, mais on l’errploye au service de l’artiilerie, au service des mines , au service de la fappe , Ă  ap- planir tous les obstacles pour le passage des armĂ©es, Ă  la construction, de toutes les fbrtĂą- REFLEXIONS, ixxxvĂźj fic'aribn passagĂšres. II est chargĂ© de PexĂ©cution de tous les travaux des attaques & dĂ©fenses des places ; il est tous les jours obligĂ© de fe fortifier dans-une- plaine , dans un pays ccu- yert , clans un chĂąteau , dans une maison ; ce corps-exĂ©cute quelquefois mal ces travaux , s’y. Ă©tant jĂ mjisifxercĂ©, il l’es regarde comme ne faisant fias partie dĂ© son-mĂ©tier, il les ignore, souvent il rĂ©pare son ignorance par Peffusion de spn sang , il ne sçait que combatte. , parcs qu’il n’est exercĂ© qui combattre. Cependant la valeur seule ne fait pasl’hom- Bie de guerre , l’étude des sciences militaires doit la diriger, & la rendre fructueuse. C’est mal servir son Roi, que d’ignorer les sciences- qui peuvent conserver la yie de ses sujets ; il fcut vaincre , mais il faut mĂ©nager le sang dut soldat. La valeur peut donner la victoire , l'Ă©tude des sciences militaires la rend plus ce r-, mine, moins coĂ»teuse, & en allure les fruits & la gloire. La bravoure est naturelle au soldat François, mais elle ne suffit pas pour- faire le bon soldat, il saut encore qtjsil soit fort, robuste, & endurci aux peines. & aux travaux militaires pour soutenir les fatigues de la guerre y oĂč la maladie le fait pĂ©rir plus sĂ»rement qua PĂ©pĂ©e de l'eimemi. II faut q-u’il connoiĂ­Ăźe les travaux auxquels opfemploye ordinairement » ĂŹxxxvĂźij REFLEXIONS. & qu’il y Ă­oit accoutumĂ© ; ou il fait mal fojĂź service, & se sait tuer ou estropier infructueu- semen t, L’établissement d’une AcadĂ©mie militaire, que je propose, dans toutes le s'garnisons du Royaume, rend nĂ©ceiĂŻĂ irement rOfficier vĂ©ritable homme de guerre , & le-soldat vĂ©ritablement bon soldat. f qrn. Jamais les Ecoles d’artillerie n’ont Ă©tĂ© au point de perfection, oĂč elles sont sous ce rĂ©gnĂ©. L’Ecole qui vient d’étre Ă©tablie Ă  MezĂŹeres pour le gĂ©nie , ne peut manquer de soutenir l’honneur de ce Corps. L’établiĂ­sement de l’Ecole Royale Militaire, & l’éducation qu’on so propose d’y donner Ă  la jeune Noblesse , va servir de modele aux peres qui sont en Ă©tat de la procurer Ă  leurs enfans, & rendre tout le corps d’Officiers instruit dans l’Art de la guerre. InexĂ©cution de ce projet assurera les fruits de ces brillans Ă©tabliíßÚmens ; il tiendra la milice Françoise toujours en Ă©tat de soutenir les fatigues de la guerre, & exercĂ©e Ă  ces travaux > il rendra enfin ce Corps auflĂŹ f ormidable qu’il le peut ĂȘtre, & le portera au point de perfection , qui fait l'objet des attentions du Ministre zĂ©lĂ© d’un Roi qui ne cherche Ă  se rendre redoutable Ă  ses ennemis, que pour assurer le bonheur de ses sujets, F I N. 1XXX1X POEME HEROIQUE Sur l'EtaMiJsement Ăąe l’Ecole Rojale Militaire, Par M. M a r m o n t e l. J E consacre mes chants Ă  ce Temple des Arts » Le Cirque de la Gloire , & FEcole de Mars, OĂč des Nobles François la Jeunesse Ă©levĂ©e , Sous les yeux de son Roi va fleurir cultivĂ©e. Vaine esclave des Cours, Muse, dont les accens Des favoris d’Auguste ont profanĂ© Fonçons, Va loin de mon HĂ©ros, perfide enchanteresse , Vendre Ă  l’orgueil des Grands une indigne caresse. Mais toi, que FĂ©nelon imploroit autrefois, Lorsqu’il formoit le cƓur des enssns de nos Rois, Toi, de la vĂ©ritĂ© noble & tend-e interprĂšte , Muse, inspire Ă  mes vers cette douceur scerette, Ce charme impĂ©rieux dont tu sçais nous saisir, Et qui donne aux vertus les attraits du plaisir. 31 n’appai tient qu’à toi de peindre un Roi sensible Qui gĂ©mit du besoin de se rendre terrible , Et d’un Ɠil paternel veillant sur ses Etats, par amour pour la paix se prĂ©parç aux combatts Dis somment de nos Rois cette immortelle Fille, 1 a Noblesse Ă  l’Etat compose une famille Dis comment fut conçu ce gĂ©nĂ©reux projet Dis quelle en fut la source , & quel en est Fobjet, Parle & ne flatte point tes pinceaux pour hommage Ne doivent Ă  Louis offrir que fou image II fe juge lui-mĂȘme, & veut, s’il est louĂ© , Voir par la vĂ©ritĂ© son Ă©loge avouĂ©. Non loin de cette Ville en dĂ©lices fĂ©conde, D’oĂč le Luxe & les Arts dictent leurs Loix au monde, les Bourbons & la Gloire ont choisi pour sĂ©jour Un Palais, tel qu’on peint celui du Die u du Jour. LĂ  de Louis le Grand tout retrac e Filtrage. Pour rendre Ă  ce HĂ©ros un immortel hommage, *c L 1 E C O L E les Arts , Ă  qui son ame imprimoit sa grandeur,’ Voulurent de son rĂ©gnĂ© y marquer la splendeur. Le pinceau dĂ©ploya fes plus savants prestiges , Le ciseau crĂ©ateur enfanta des prodiges, PraxitĂšle .En replis ondoyants tombent jusqu’à sespiĂ©s. MILITAIRE. xcj Dans l’une de ses mains une Ă©pĂ©e Ă©tincelle. A ses cĂŽtĂ©s, semblable Ă  l’auguste Cybele , Elie voitses cnfans au sortir du berceau D’armes & de'lauriers embrasser un faisceau. Le HĂ©ror reconnut la Noblesse Ă  ces marques. Ses traits furent toujours si chers Ă  nos Monarques ! ‱ Mais parmi tant de Rois , dont elle fut l’appui, Qui'jamais eut pour elle autant d’amour que lui ? II lui tendit la main. Cette imprĂ©vue ' la trĂłuble , la saisit. Elle baille la vĂ»e. Elle a vĂ» les dangers & la mort fans effroi, Et ne peut soutenir un regard de son Roi ; Tant de la MajestĂ© la redoutable empreinte, Sans affoiblir í’amour,peut inspirer la crainte. Elle approche. Sa voix se glace Ă  son aspect ; Elle tombe Ă  ses pieds tremblante de respect. Le Prince la releve. „ O Fille auguste & chere , „ Lui dit-il, votre Roi n’eft-il pas votre pere ? 5J Rassurez-vous, parlez,,, La Noblesse Ă  ces mots? D’un geste & d’un soupir rĂ©pondant au HĂ©ros, Lui montre ses enfans , son deuil, ses cicatrices ; Implore d’un regard ses bontĂ©s protectrices , Et ses pleurs Ă©chappĂ©s achevent d’énoncer Des plaintes que fa bouche eĂ»t craint de prononcer. Telles de Jupiter ces Filles gĂ©missantes, Les PriĂ©ves , en pleurs , foibles & languissantes, Marchent les yeuxtaissĂ©s, & d’un pas chancelant. Vont aux pieds de ce Dieu sc jetter en tremblant LOUIS fut attendri. Que ces pleurs, ce silence Ont pour un Roi sensible une vive Ă©loquence ! Ma Fille , lui dit-il. je t’entens c’tst assez. ,, Tes exploit- de mon cƓur ne font point effacĂ©s. „ Les Lys se flĂ©triront avant que je t’oubliĂ©, „ Tes malheurs, Ă  mes yeux, n’ont rien qui t’Inimilie* ,, J’ai vĂ» couler ce sang le plus put de l’Etat, „ Ce sang dont ta Valeur rehausse encor l’éclat. „ J’ai vĂ» cette Valeur franchir tous les obstacles. ,, Ma voix est ton signal, mes yeux font tes oracles » „ Et lorsqu’à la Victoire ils t’otu dit de voler , ,, C’cst un arrĂȘt du sort que ton sang va sceller. „ Cependant tu -gĂ©mis. Les lauriers de la guerre, „ Ces lauriers renaissans fous les coups du tonnerre» », Aujourd’hui fur ta tĂšte indignement fanĂ©s., bĂźcĂźj L’ECOlE », A sĂ©cher dans Poubli seroient-ils condamnĂ©s I », Non j je dois un axile Ă  ta gloire affligĂ©e. >, L'Olive de la paix maigre moi nĂ©gligĂ©e, », Dans nos champs dĂ©solĂ©s est lente n refleurir ; », Mais bientĂŽt de ses fruits elle va te couvrir. », J'ai dĂ» mes premiers foins Ă  ce peuple innombrable „ Des plus brillants succĂšs instrument dĂ©plorable, », Doutant plus malheureux que fa timide voix », Parvient plus lencemenr Ă  Poreille de Que des travaux guerriers le seul accord dĂ©cide, Et que sans le concours de ses divers Moteurs Le plus sage projet accable ses Auteurs. 5 , D’un indocile orgueil montrc-leur la bassesse. 93 Qu’ils fpchcnt is, epie mes nouveau*; bleL* „ faits MILITAIRE. xçy j, Pour ce peuple si cher ne soient un nouveau faix ; ^ Vous croyez voir l’intrigue avide & mercenaire. „ Vous croyez voir l’abus, par qui tout dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©, ,, Saper les fondemens de mon nouveau projet ; ,, Vos craintes firmes foins ont eu le mĂȘme objet. „ Mais les plus grands desseins ont les plus grands ,, obstacles. „ Ces obstacles vaincus enfantent des miracles. „ On craint peu les Ă©cueils qu’on dĂ©couvre deloĂ»> ,, Tirons du superflu des secours au besoin. ,, b’art ne rend-il jamais un poison salutaire ! ,, Rendons de la vertu, le vice tributaire. „ Que l’homtnage du luxe & de l’oisivetĂ© „ Soit d’un noble travail l’apanage affectĂ©. „ Ainsi l’XEconomie en ressources fertile „ Spait au progrĂšs du bien rendre le mal utile. ,, La Valeur, ce flĂ©au de stimulation, „ Peut usurper les fruits de cette adoption; „.C’estĂ vous d'y veiller, Justice incorruptible. ,,.Scyez de ce jardin le dragon inflexible. „ Que l’artifice en vain cherche Ă  vous assoupir. ,, Point d’égard , point d’accueil qui vous coule utl „ soupir, ,, Bravez tout. Des vertus conservez l’hĂ©ritage. ,, Du Noble infortunĂ© , c’eĂ­t ici le partage. ,, Que les plus malheureux soient les premiers admis ,, Que du pere aux enfans le mĂ©rite transmis , „ De leur adoption soit la rĂ©glĂ© & le titre. „.De leurs droits consacrĂ©s, je vous nomme l’arbitre. „ Un Pore , des Ayeux dĂ©vouĂ©s Ă  stEtat, ,, Et blanchis dansles Camps , ou morts dans un comr „ bat, ,, L’ dĂ©laissĂ© fur la tombe d’un pere , , pupile ajoutant aux malheurs d’une mere „ VoilĂ  fur quels Tableaux vos regards attachĂ©s „ Peuvent braver l’intrigue & ses dĂ©tours cachĂ©s. ,, Gloire , Justice, ĂŽ vous mes fidelles Compagnes, „ HĂąt z-vous, parcourez mes CitĂ©s, mes Campagnes, ,, Assemblez les beaux Arts fous mes loix florissants, ,, Corhez-leurle foin de mes Guerriers naissants. -, Si dpns tous mes conseils admises l’une & stautre, ,, Votre voix fut la mienne, & mon rĂ©gnĂ© le vĂŽtre j ,, refusez pas Ă  mon nouveau dessein. ’» L’casiçce eĂ» le dĂ©pĂŽt rupĂșs dans voire sein j xcvj L’ECOLE MILITAIRE. „ Mais defoibles ruisseaux serpentans fous les herbe»,' j, Se changent dans leur cours en des fleuves superbes; ,, Du tribut de leur onde enrichissent leurs bords, „ Et de leur humble source Ă©talent les trĂ©sors. Et toi de ces enfans auguste Sc tendre Mere, „ Respire ils font heureux rieur Roi devient leur si Pere.,, O faveur ! ĂŽ discours que l’amour a dictĂ© ! Qu’un Roi sensible est grand par son humanitĂ© ! La Noblesse oubliant ses malheurs, ses allarmes, Tombe aux pies du HĂ©ros, les baigne de ses larmes ; De larmes que la joye & l’amour font couler, De ces larmes, grand Roi, qu’on a vit ruisseler, Quand des bords du tombeau la menaçante ParquĂšj A tes peuples tremblans a rendu leur Monarque. Mais bientĂŽt de ses pleurs interrompant le cours; Le cƓur de la Noblesse Ă©clate en ce discours. „ Mon respect condamnoit mon amour au silence; „ Mais au respect, Grand Roi, l’amour fait violence. ,, Quel bienfait! tout mon sang peut-il le mĂ©riter Ă­ ,, O mes enfuis, vous seuls pouvez nr’en acquitter. „ Quel Jour brillant doit suivre une si belle Aurore,! ,, Du nom de ses Enfans votre Roi vous honore. „ Qu’il doit par ce grand titre Ă©lever vos esprits Ăź ,, Heureuses l’infortune & la mort Ă  ce prix ! „ Allez, que de ses foins gĂ©nĂ©reuse rivale, „ Votre reconnoislance au bienfait soit Ă©gale. ,, Pensez que vos Ayeux, de vos honneurs jaloux,' ,, S’ils n’étoicnt surpassĂ©s, en rougiroient pour vous. ,, Vous ĂȘtes de l’Etat la famille chĂ©rie. „ je vous donnai mon sang rendez-le Ă  la Patrie. „ Des Guerriers dont Louis se dĂ©clare l’appui, ,, S’ils ne font des HĂ©ros, font indignes de lui. Aces mots, dans leurs mains elle remet son glaive* Un nuage Ă  l’ínstant l’ Si l'enlcve. La Gloire, avec des yeux par l’espoir animĂ©s Reçoit entre ses bras ses nourrissons charmĂ©s La Justice la fuit, &lcur zele unanime Va remplir de Louis le dessein magnanime. Le HĂ©ros cependant goĂ»te ce calme heureux Que rĂ©pand la vertu dans un cƓur. gĂ©nĂ©reux, Quand laissant reposer sa sagesse profonde, H vient de travaillĂ©s pour le bonheur du Monde» FIN. 4/’ f i » W»,M» Ă­ vyx co m H Band o. 3 c» O Ăź- F e z C C CO j" i ÂŁ m m z Xlmmb ? r m *1 o m o ! q ; s M3UIIZ H±a "ĂŻi », \Ă­ -Ăź? - ĂŹ' \ V -'-' \r?? -f *i fc XÂŁ* jwCT

elle se fait baisser par un cheval