Cliquez ici >>> đ elle se fait baisser par un cheval
Untour au lac Avec Kyria Sheryan_____ « Allez, mamâzelle, on va faire un tour ! » Au pas tranquille, David fit sortir sa grande jument pie de la carri
Unbeau matin, Axelle est surprise de voir dĂ©barquer chez elle un certain monsieur Loiseau suivi dâun chien et accompagnĂ© de Jean Claude. Ce dernier venait se libĂ©rer aprĂšs avoir mis longtemps sans avoir vu une chienne. Axelle Elvire sera ainsi conduite de force dans la chambre afin de coucher avec le chien de monsieur Loiseau.
Elleveut donner un bain à son chien, mais il se met debout et fait quelque chose qu'elle n'avait pas imaginé (vidéo) Race de chien: Elle veut donner un bain à son chien, mais il se met debout et fait quelque chose qu'elle n'avait pas imaginé (vidéo) Mercredi 09 Septembre 2020 MAJ le 10/09/2020 à 09:53 Actu Chien - Vidéos. Mercredi 09 Septembre 2020 | Par
Parcontre entre temps j'ai eu deux enfants (qui ont aujourd'hui 2 ans et 3 mois) donc son entraĂźnement se fait un peu au ralenti haha. Pour la situation dans laquelle on amĂšne un cheval au pĂąturage, j'agis de la mĂȘme façon que toi. La plupart des chevaux comprennent vite quand je les fait reculer, mĂȘme si ça peut prendre 20 fois la
Unhomme tente de sauter sur un cheval par derriĂšre mais va surprendre l'animal qui va lui donner un coup de sabot (ruade) dans le ventre. cheval coup patte ruade sabot saut. Options . Favoris; Signaler; Article + 25 commentaires. MĂ©dias. VidĂ©os. Animaux. â Suivant PrĂ©cĂ©dent â. Ne pas se mettre derriĂšre un cheval. KaratĂ© Cheval. Chien sonnĂ© Ă la plage. Courir avec son
Site De Rencontre Des Hommes Veufs. Le deal Ă ne pas rater Cartes PokĂ©mon oĂč commander le coffret PokĂ©mon Go Collection ... ⏠Voir le deal Miradelphia PĂNINSULE Marquisat de Sainte Berthilde Marquisat de Sainte Berthilde 2 participantsAuteurMessageJasuhin le HumbleHumainNombre de messages 50Ăge 34Date d'inscription 06/04/2013Personnage. MANUSCRIT . Ăge 51Niveau Magique Sujet PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Ven 19 Avr 2013 - 841 Chroniques du MonastĂšre de Sahl, Folio du voyage et des rencontres de Jasuhin le Humble sur les terres de Sainte-Berthilde et au Tertre, forteresse de l'ordre militaire de la de FavriĂŒs d'Automne de l'an 7du XI Tertre commençait Ă se dessiner Ă l'horizon. Cette solide forteresse fut construite par les moines de son Ordre. L'Ă©rection de cette montagne de pierre fut rĂ©alisĂ©e dans des temps anciens. Une principautĂ© s'Ă©tendait alors sur cette terre, dont le but Ă©tait la promotion de NĂ©era auprĂšs des peuples paĂŻens du Nord. Cette promotion fut plus ou moins pacifique. Le Tertre portait bien son nom. Au loin, Jasuhin remarquait de nouveau la gradation dans la hauteur des fortifications, des murailles de l'enceinte jusqu'au donjon central, qui donnait ainsi Ă l'Ă©difice l'impression de s'Ă©lever progressivement vers le Ciel, tel un tertre. L'art militaire Ă©tait alors au service de la avait croisĂ© quelques minutes auparavant un groupe de cavaliers, qui avait vĂ©rifiĂ© son identitĂ© et son origine avec soin. Il n'en reconnut aucun. La derniĂšre visite de Jasuhin en ce lieu remontait Ă prĂšs d'une trentaine d'annĂ©es. Le temps avait effacĂ© la prĂ©sence de certain, mais il fut Ă©tonnĂ© de voir des moines soldats de la Damedieu aussi belliqueux et aussi loin de leur mur. - Que font les Moines Guerriers si loin de leur mur ? Et pourquoi semblez-vous si nerveux ?- Les nouvelles ne voyagent donc pas aussi vite que les malheurs. C'est une bonne chose pour notre Ordre. Le PĂšre SupĂ©rieur a accueilli la PĂšlerine au sein du Tertre. D'oĂč notre accueil si suspicieux envers les voyageurs. »Ils lui dĂ©taillĂšrent alors la venue de la PĂ©lerine en leur mur, l'arrivĂ©e de nombreux pĂšlerins, la sage prudence du Grand PrĂȘtre ... Jasuhin avait entendu l'histoire de cette noble dame et de sa dĂ©chĂ©ance. Il ne pensaitpas qu'elle se rĂ©fugierait au sein du Tertre. Le voyage du Grand-PrĂȘtre en Sainte-Berthilde fut entrepris pour des raisons personnelles, pour enrichir son Ă©rudition personnelle. Mais la DĂ©esse avait dĂ©cidĂ© de mettre un imprĂ©vu politique sur son chemin. Le Grand PrĂȘtre remercia les soldats de ces informations, puis poursuivit son chemin vers la forteresse. Il avait encore quelques heures de marche. Aile Ă©tait introuvable ; probablement parti chercher Ă manger.[...]Jasuhin se releva avec difficultĂ© du petit sanctuaire qui jouxtait un magnifique chĂȘne. Il Ă©tait encore jeune, mais son tronc Ă©tait puissamment enracinĂ© et sa cime vigoureuse. SituĂ© Ă quelque centaine de mĂštres du lac du Tertre, les voyageurs avaient créé un petit autel contre son fĂ»t. Une priĂšre dĂ©diĂ©e Ă NĂ©era Ă©tait inscrite sur le tronc de l'arbre. Elle mentionnait la Damedieu et la remerciait de les avoir protĂ©gĂ©s et guidĂ©s durant leur long voyage. NĂ©era avait de nombreuses facettes, dont celle de protectrice des Voyageurs.*Je me sens tellement las. Je me demande quel tour m'a encore jouĂ© la DĂ©esse. J'aurai du rester un simple prĂȘtre. La vie aurait Ă©tĂ© plus simple et les intrigues du pouvoir et de la politique m'auraient Ă©tĂ© inconnus. Il avait eu raison de me prĂ©venir, ce Haut PrĂȘtre lors de ma nomination. Nous sommes avant tout des politiciens. Certes, notre mission est de promouvoir le Culte des Cinq, mais surtout d'Ă©viter que les Hommes ne s'entre-dĂ©chirent et dĂ©truisent le Choix et la Vie offert par la DĂ©esse. Le prĂȘtre doit alors dĂ©laisser sa chaire et son habit monastique pour revĂȘtir celui du diplomate et du politique, les intrigues ⊠VoilĂ un domaine dans lequel je dois encore progresser, mais qui me rebute tant. Quant Ă la PĂšlerine ⊠Laissons la DĂ©esse dĂ©cider de mes pas en cette forteresse. Nous verrons bien Ă qui il me mĂšne. Je n'ai jamais Ă©tĂ© déçu de mes Choix, elle doit donc veiller sur moi d'une certaine façon.*Il poussa un profond soupir, avant de se rendre compte qu'il Ă©tait arrivĂ© Ă proximitĂ© du lac. Une magie naturelle opĂ©rait sur la surface de l'eau. D'un bleu profond, elle prenait dorĂ©navant une teinte orangĂ©e des plus vives, accompagnant le coucher du Soleil. Jasuhin regardait cette transformation d'un air fatiguĂ©. Le voyage l'avait Ă©puisĂ©, les considĂ©rations politiques l' finit par faire son apparition ; il venait de prendre son envol du chĂȘne tout proche, et il vint effleurer l'eau du bout d'une de ses ailes. troubla alors la tranquille image de l'eau, mĂȘlant forteresse, vĂ©gĂ©tation et ciel enflammĂ©. Attendant que le lac retrouve sa quiĂ©tude, tout comme son esprit, Jasuhin se dirigea vers le portes, afin de pĂ©nĂ©trer dans le monstre de pierre.[...] - Veuillez me suivre, FrĂšre. Je vais vous conduire Ă la Grande Salle. Vous pourrez vous y restaurer et discuter avec nos FrĂšres et les voyageurs, avant d'aller prier puis prendre du Merci de votre accueil et de votre hospitalitĂ©, FrĂšre. J'ai l'impression que les couloirs n'ont pas Ă©tĂ© si vivant depuis de longues En effet, surtout depuis l'arrivĂ©e de la PĂšlerine. Notre Ordre n'avait pas accueilli depuis longtemps autant de personnes dans ses entrailles. Mais nos murs sont comme un habit trop grand... Nous ne sommes plus assez nombreux. Ses glorieuses heures sont dorĂ©navant derriĂšre elle. Mais venez, suivez-moi, je vous prie. Nous aurons tout le loisir d'Ă©changer Ă ce propos durant votre sĂ©jour. »Le mestre sourit et l'invita Ă le suivre en silence jusqu'Ă la Grande Salle commune. Il suivit alors le moine, dont il ne voyait que le dos. Il portait une aile stylisĂ©e blanche sur un tabard de cuir noir. Ils dĂ©laissĂšrent la premiĂšre cour intĂ©rieure et gagnĂšrent l'intĂ©rieur de la CitĂ© de Pierre. Les larges couloirs de pierre permettaient de faire passer cĂŽte Ă cĂŽte d'imposants chariots, des hommes Ă cheval Ă©galement. Ces larges couloirs donnaient des indices sur la puissance de la forteresse elle Ă©tait capable de rĂ©sister aux attaques les plus farouches et les plus longues, tout en accueillant une armĂ©e considĂ©rable dans ses murs. Cependant, cette histoire Ă©tait du couloirs et les escaliers se succĂ©dĂšrent avant d'arriver Ă la Grande Salle. Gigantesque dans ses proportions, elle n'Ă©tait aujourd'hui utilisĂ©e que dans une toute petite partie. De gigantesques tables et des bancs tout aussi grands Ă©taient installĂ©s. Des moines s'affairaient Ă allumer les bougies d'un seul des quatre gigantesques chandeliers suspendus. Au niveau du sol, chaque moine s'affairait Ă allumer chacune des bougies de la structure en acier. Rien n'a changĂ© depuis ma derniĂšre visite, Ă©lancĂ©e de la salle contrastait avec la rigiditĂ© de l'extĂ©rieur. Les demi-colonnes adossĂ©es au mur s'Ă©levaient avec grĂące, complĂ©tĂ©es par des chapiteaux doriques. De ces derniers sâĂ©lançaient les arcs des voĂ»tes qui gagnaient le plafond noirci par la suie des bougies. Quelques ouvertures, proche du plafond, apportaient de la lumiĂšre Ă l'ensemble. Les circonvolutions de la pierre Ă©taient la seule dĂ©coration de la salle. Le Tertre Ă©tait une fortification, tenu par un Ordre religieux des plus stricts. La froideur des murs extĂ©rieurs se retrouvaient Ă l'intĂ©rieur mĂȘme de la Grande Salle. - Vous ĂȘtes arrivĂ©s aprĂšs le premier service, FrĂšre. Installez-vous, prenez vos aises, le second service ne devrait pas tarder. Je me dois de vous laisser pour le moment. Vous devez vous douter de la multitude de tĂąches qui peut incomber Ă un intendant. »Jasuhin le remercia. Le mestre s'Ă©clipsa discrĂštement. Jasuhin alla saluer ses FrĂšres qui allumaient le chandelier, il Ă©changea quelques mots avec eux, puis il s'installa sur un banc. Il siffla doucement et vit Aile sortir d'une de ses manches. Le moineau piaffa et vint se poser sur la table devant lui. Il sautillait Ă la recherche de quelques miettes Ă picorer. Le Grand PrĂȘtre retira avec difficultĂ© sa pĂšlerine poussiĂ©reuse, Ă©pousseta son scapulaire. Il regarda les moines se mettre d'accord puis commencer Ă hisser ce spectre de lumiĂšre vers le plafond de la salle. Vers le lieu de vie des Cinq, vers le Ciel. Comme une lumineuse priĂšre envoyĂ©e chaque soir aux Dieux, depuis des Ă©dition par Jasuhin le Humble le Mer 5 Juin 2013 - 551, Ă©ditĂ© 3 fois Jena KastelordAncienNombre de messages 958Ăge 34Date d'inscription 23/03/2010Personnage. MANUSCRIT . Ăge 30Niveau Magique Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Ven 19 Avr 2013 - 1140 JâĂ©tais arrivĂ©e au Tertre la veille et je nâavais pas encore eu une minute pour me poser. Les choses sâĂ©taient enchaĂźnĂ©es rapidement mais maintenant je pouvais souffler un peu et profiterâŠ.profiter de quoi dâailleurs. Il nây avait rien dâaccueillant, de rĂ©confortant ou dâagrĂ©able Ă faire dans cette forteresse, Ă part prier. Non pas que je rechignais Ă cela mais ce nâĂ©tait pas ma vocation premiĂšre ! Pour lâheure, je voulais trouver un endroit tranquille pour rĂ©diger quelques courriers dont un adressĂ© Ă mes enfants. Je leur avais promis de leur donner des nouvelles le plus souvent possible et câĂ©tait une contrainte Ă laquelle je me plierai avec plaisir ! Quittant la piĂšce ou je logeais, je me dirigeais vers la grande salle, un moine mâavait dit que je trouverai lĂ -bas tout ce qui mâĂ©tait nĂ©cessaire pour rĂ©diger mes missives. Je fis nĂ©anmoins un dĂ©tour vers lâaile de la forteresse oĂč avait Ă©tĂ© logĂ©e la petite escorte qui avait voyagĂ© avec moi. KaĂŻn avait servi sous les ordres dâHanegard lorsquâils Ă©taient tous les deux dans les lĂ©gions noires de Serramire, il avait donc toute ma confiance et celle de mon mari. Mais comme lui, KaĂŻn Ă©tait un Ă©ternel inquiet. Il voulait savoir si tout allait bien, si jâĂ©tais bien installĂ©e et mĂȘme si je me nourrissais convenablement ! La veille au soir il mâavait presque obligĂ© Ă prendre mon repas en leur compagnie. Je nâavais pas refusĂ© par soucis des convenances, bien au contraire, mais parce que ma place en ces lieux Ă©tait aux cĂŽtĂ©s de mes frĂšres et sĆurs. Sous ses airs austĂšres, il Ă©tait extrĂȘmement serviable et son humour au cours du voyage avait Ă©gayĂ© nos longues heures de chevauchĂ©e, je nâaurais donc pas rechignĂ© Ă passer du temps en leur compagnie mais en raison de mon ancien statut, il y avait tout de mĂȘme certaines rĂšgles Ă respecter, et que cela me plaise ou non je devais m'y plier... C'Ă©tait d'ailleurs pour cette raison que KaĂŻn et ses hommes m'avaient accompagnĂ© parce que je n'avais pas pu faire changer d'avis mon tĂȘtu de mari !Pour Ă©viter de me faire sermonner par cette impressionnante armoire Ă glace, je fis un dĂ©tour de quelques minutes pour Ă©changer quelques paroles avec lui et les hommes. - Quand repartons-nous ma Dame ? » - Dans quelques jours tout au plus. Je ne compte pas mâattarder loin de Val-NĂ©era trop longtemps. Avez-vous reçu des nouvelles dâHanegard ? »Ayant passĂ© ma journĂ©e entiĂšre au cĆur mĂȘme du Tertre, aucune nouvelle nâĂ©tait parvenue jusquâĂ moi. Si un messager câĂ©tait prĂ©sentĂ©, il avait Ă©tĂ© aussitĂŽt redirigĂ© vers KaĂŻn. - Non aucune. Nous avons suivi une autre route il y a seulement quatre jours avant notre arrivĂ©e ici. Son groupe doit Ă peine ĂȘtre arrivĂ©e Ă Erac, je ne pense pas que nous aurons la moindre missive avant cinq ou six jours. » - Oui vous avez entiĂšrement raison⊠Bien je vous laisse Ă vos occupations, je reviendrai vous voir demain.»KaĂŻn et les trois autres soldats inclinĂšrent en mĂȘme temps la tĂȘte pour me saluer et je retournais dans lâimposant bĂątiment. Mes pas me guidĂšrent vers la grande salle, malgrĂ© quelques hĂ©sitations sur les couloirs Ă emprunter. A lâintĂ©rieur on venait dâhisser un immense lustre recouvert dâun nombre impressionnant de bougies. Les flammes des chandelles tremblotaient lĂ©gĂšrement mais elles parvenaient Ă diffuser une lumiĂšre suffisante. Comme me lâavait indiquĂ© plus tĂŽt le jeune moine, je trouvais dans un coin de la piĂšce une immense armoire en chĂȘne dans laquelle se trouvait parchemin, plume et encrier. Je sortis ce quâil me fallait et mâinstallais au bout dâune longue table. Je nâavais guĂšre fait attention aux autres personnes prĂ©sentes dans la piĂšce, toute concentrĂ©e que jâĂ©tais Ă trouver les mots Ă Ă©crire Ă mes enfants. Ils virent trĂšs facilement et je grattais la plume sur le papier ne prit quâune poignĂ©e de minute. Alors que je scellais la lettre, je levais la tĂȘte et vis avec Ă©tonnement quâun moineau se trouvait sur la table non loin de moi. Cette apparition me fit sourire et je cherchais du regard quelque chose Ă lui donner Ă picorer. Il nây avait hĂ©las plus grand-chose sur la table mais je savais quâon monterait bientĂŽt des cuisines quelques plats pour les retardataires dont je faisais partie. - Bien que ta prĂ©sence sur cette table me surprenne, je te promet de partager avec toi un bout de mon pain si tu as assez de patience pour lâattendre ! »Je me levais pour remettre ma lettre Ă un serviteur plantĂ© dans un coin de la piĂšce. J'expliquais au jeune garçon Ă qui la missive devait ĂȘtre envoyĂ©e et dĂ©posais au creux de sa main les quelques piĂšces que demanderait le coursier, puis je regagnais la table pour retrouver le petit moineau. Sauf quâil ne se trouvait plus lĂ oĂč je lâavais laissĂ©. AmusĂ©e, je pensais qu'il n'aurait donc pas mon bout de pain jusqu'Ă ce que je le vois sautiller de l'autre cĂŽtĂ© de la table non loin d'un vieil homme. MalgrĂ© sa mise poussiĂ©reuse et son air fatiguĂ©, je reconnus aussitĂŽt les insignes de Grand PrĂȘtre quâil portait. La prĂ©sence d'un homme de son rang au Tertre n'avait rien d'Ă©tonnant et peut-ĂȘtre qu'il n'y avait aucun lien avec la prĂ©sence de la PĂšlerine, quoi qu'il en soit, je ne pouvais pas rester planter lĂ sans aller le saluer comme il convenait. Mâapprochant de lui je mâinclinais lĂ©gĂšrement. - Que NĂ©era vous bĂ©nisse Eminence. » murmurais-je en lui adressant un fin sourire. Jasuhin le HumbleHumainNombre de messages 50Ăge 34Date d'inscription 06/04/2013Personnage. MANUSCRIT . Ăge 51Niveau Magique Sujet Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Lun 22 Avr 2013 - 1008 La douce lumiĂšre des centaines de bougie Ă©clairait timidement la vaste salle de pierre. Perdu dans ses pensĂ©es, le Grand PrĂȘtre n'entendit pas Jena entrer dans la piĂšce, trop absorbĂ© dans ses pensĂ©es et par le vacillement des flammes. Il se remĂ©morait le parcours de ces derniers jours, les rencontres faites et les tensions qui parcouraient le marquisat de Sainte Berthilde. Le grincement d'une porte lui fit lĂ©gĂšrement tourner la tĂȘte, avant de reporter son attention de nouveau sur les lumiĂšres vacillantes de la sa profonde brĂ»lure, le feu l'attirait encore. Pas comme Ă©lĂ©ment destructeur, violent et incontrĂŽlĂ©, mais comme Ă©lĂ©ment crĂ©ateur, serviteur de la volontĂ© des Hommes. Jasuhin aimait s'imaginer que le feu avait Ă©tĂ© créé par les divinitĂ©s pour rassurer les Etres vivants et ĂȘtre utilisĂ© comme un outil pour leurs travaux. Il aimait se souvenir de la couleur du mĂ©tal chauffĂ© Ă blanc par cette source de chaleur. On obtenait alors une lumiĂšre pure, dĂ©barrassĂ©e de ces inconvĂ©nients. La LumiĂšre des Dieux, comme il se plaisait Ă dire Ă ses compagnons le piaillement d'Aile vint le tirer de ses pensĂ©es. Le petit oiseau sautillait sur la table devant lui, en gesticulant sa tĂȘte et ses ailes.- Qu'y a-t-il, Aile ? Que veux-tu me dire ? »Il connaissait bien son compagnon de route. Il l'avait aidĂ© Ă ĂȘtre bien reçu par les populations, notamment en amadouant les enfants sur sa route, avec ses piaillements et ses petits tours. Nombre de gens s'Ă©tait Ă©tonnĂ© de l'Ăąge de l'oiseau, qui accompagnait le prĂȘtre depuis sa tendre enfance. Il s'agissait d'un envoyĂ© de la DĂ©esse, se plaisait Ă dire Jasuhin. L'un ne rejoindra pas Tyra sans l' petit compagnon ailĂ© se mit Ă battre des ailes de plus en plus vite, tout en sautant sur place. Le prĂȘtre se retourna alors quelques secondes avant qu'une noble jeune fille ne vienne l'interpeller. D'un rapide coup d'oeil, il la dĂ©visagea. Elle Ă©tait encore jeune, peut-ĂȘtre deux fois moins ĂągĂ©e que lui, mais elle semblait avoir vĂ©cu de nombreux Ă©vĂ©nements au cours de son passĂ©. Ses yeux clairs en tĂ©moignaient. Ils Ă©taient rieurs, mais on pouvait Ă©galement y lire une part d'ombre, d'inquiĂ©tude. - Que NĂ©era vous bĂ©nisse Eminence. »Il lui rendit son sourire, tirant les rides de son visage. Son regard Ă©tait curieux et il sentit rapidement que la jeune femme Ă©tait particuliĂšre. L'expĂ©rience auprĂšs du Culte de la DĂ©esse lui avait appris Ă ressentir la magie, la prĂ©sence de cette aura si spĂ©cifique aux personnes initiĂ©es. Les Cinq ne doivent pas ĂȘtre Ă©tranger Ă cette prĂ©sence, songea-t-il. - Que NĂ©era vous bĂ©nisse Ă©galement, mon enfant. Je vous en prie, vous n'avez pas besoin de vous incliner. AprĂšs tout, je suis comme vous, un fervent de la DĂ©esse. Mais venez-vous asseoir, ne restez donc pas debout. Je me nomme Jasuhin. Puis-je connaĂźtre votre nom ? Aile vint voleter prĂšs du visage du Grand PrĂȘtre. J'espĂšre que mon petit compagnon ne vous a pas importunĂ© ? »Le ton Ă©tait bienveillant et chaleureux, malgrĂ© la fatigue du visage. Il dĂ©testait tous ces tĂ©moignages de respect et s'il devait s'y soumettre, ce n'Ă©tait qu'avec le strict minimum. Il n'Ă©tait qu'un homme parmi d'autre. Certes, il Ă©tait un entremetteur de la DĂ©esse, mais il Ă©tait Homme avant toute chose. Il ne comprenait pas pourquoi on devait tĂ©moigner une telle diffĂ©rence entre les Hommes et les Etres moment de se redresser et de rĂ©pondre Ă son invitation, les cheveux de la jeune femme dĂ©garnirent une partie de son cou. La scĂšne ne dura que quelques secondes, mais le regard de Jasuhin se troubla. Ses yeux ne pouvaient se tromper. Une telle marque n'Ă©tait pas un tatouage. Cette marque Ă©tait inscrite dans sa chair, tout comme la sienne. Une plume Ă©tait dessinĂ©e sur le cou de la jeune femme. L'aura de cette jeune femme s'explique donc. Elle a dĂ©jĂ rencontrĂ© NĂ©era dans le passĂ©. Un tel tatouage n'est pas anodin. La DĂ©esse l'a bĂ©nie, elle est bien plus qu'une simple fervente du Culte. Elle est Ă©galement une porte-parole de la DĂ©esse. Elle a dĂ» Ă©galement souffrir dans sa vie passĂ©e, tout comme moi. Et Ă cette occasion, elle a rencontrĂ© la Grand PrĂȘtre regarda vers Aile, qui Ă©mit un gazouillis de contentement. Direct, Jasuhin lui posa la question qui lui brĂ»lait les lĂšvres.Vous avez dĂ©jĂ rencontrĂ© la DĂ©esse, n'est-cepas ? Et vu votre Ăąge, cela doit ĂȘtre rĂ©cent et expliquer votre prĂ©sence en ce lieu. Il lui montra sa main droite, dont la chair violette et boursoufflĂ©e tĂ©moignait de son ancienne brĂ»lure. Moi aussi, je l'ai rencontrĂ©e ; il y a dĂ©jĂ bien des annĂ©es de cela. »Il lui montra alors la paume. Sur cette derniĂšre se dessinait une aile, beaucoup plus claire que le reste de la peau. Elle se dĂ©tachait clairement de la chair brĂ»lĂ©e et Ă©tait une preuve du lien qui l'unissait Ă NĂ©era. Mais qui unissait aussi Jena Ă la Ă©dition par Jasuhin le Humble le Mer 5 Juin 2013 - 552, Ă©ditĂ© 1 fois Jena KastelordAncienNombre de messages 958Ăge 34Date d'inscription 23/03/2010Personnage. MANUSCRIT . Ăge 30Niveau Magique Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Mar 23 Avr 2013 - 1037 Du vieil homme sâĂ©chappait une aura pleine de bienveillance et de gentillesse. MalgrĂ© sa mine usĂ©e, son sourire et la douceur de ses paroles inspiraient la plĂ©nitude. Il me demanda de faire fi des rĂšgles et je ne lâen apprĂ©ciais que davantage. Souriant un peu plus Ă lâhomme qui se prĂ©senta sous le nom de Jahusin, je mâinstallais sur le banc non loin de lui. Lorsque je relevais les yeux vers lui, je vis aussitĂŽt que son expression avait changĂ©. Je nâaurais su dire sâil Ă©tait surpris ou mĂ©content, quoi quâil en soit il garda le silence un petit moment. Jâavais peur de lâimportunĂ© aussi mâempressais-je de rĂ©pondre Ă ses questions. - Je suis heureuse de faire votre connaissance Jasuhin, je me nomme Jena et nâayez crainte, le court moment que jâai passĂ© en compagnie de votre ami a Ă©tĂ© bien trop bref pour quâil puisse mâimportuner. »Lâoiseau se mit Ă gazouiller sur la table, mâarrachant un petit rire. Je sentais la lĂ©gĂšre gĂȘne disparaitre, lorsque le Grand PrĂȘtre releva la tĂȘte dans ma direction. Son regard sâĂ©tait fait perçant et les mots quâil prononça ensuite me figĂšrent. Peu de gens Ă©tait au courant de ce qui mâĂ©tait arrivĂ©e le jour de la naissance de Dastan. La plupart des gens avaient vu mon intĂ©rĂȘt soudain pour lâordre de NĂ©era comme une façon de remercier la DĂ©esse aprĂšs mon accouchement difficile. Seules les personnes prĂ©sentent dans la piĂšce ce jour-lĂ et le Grand PrĂȘtre de NĂ©era Ă Alonna savaient rĂ©ellement ce quâil mâĂ©tait arrivĂ©. Et câĂ©tait tout de mĂȘme comprĂ©hensible, essayez dâexpliquer Ă des gens que vous ĂȘtes morte pendant plusieurs minutes, que vous vous ĂȘtes subitement retrouvĂ© dans un endroit digne du paradis et que vous avez conversĂ© avec une dĂ©esse avant de revenir Ă la vie⊠Pour la plupart jâaurais seulement Ă©tĂ© bonne Ă enfermer dans un asile. Le vieil homme me montra alors sa main droite sur laquelle se trouvaient les traces de profondes brĂ»lures. Il avait dĂ» souffrir le martyr pour que la chair de sa main porte encore ses marques boursoufflĂ©es. AprĂšs quelques secondes il la fit pivoter set offrit Ă mon regard la marque de NĂ©era apposĂ©e au milieu de la chair violacĂ©e de sa paume. Une aile blanche comme celle que je portais au cou. Instinctivement je levais ma main et caressais du bout des doigts le lĂ©ger renflement de la marque sous mon oreille droite. CâĂ©tait la premiĂšre fois que je croisais quelquâun portant lâAile. - Je ne lâavais jamais vu sur personne dâautre que moi »murmurais-je, encore sous lâeffet de la surprise. Je nâavais jamais rencontrĂ© le Gardien de NĂ©era, Ă vrai dire je ne savais mĂȘme pas oĂč le trouver mais je nâavais jamais rencontrĂ© non plus de personne ayant rencontrĂ©e, mĂȘme briĂšvement, la DĂ©esse. Bizarrement je me sentais moins seule, comme si mon esprit avait toujours gardĂ© un soupçon de doute sur ce que jâavais vĂ©cu le jour de mon accouchement. - Je lâai en effet rencontrĂ© il y a quelques annĂ©es, le jour de la naissance de mon fils. Et pendant toute ma grossesse je lâai vu dans mes rĂȘves. Elle mâappelait Ă la rejoindre et câest ce que jâai fait. »Je nâavais jamais regrettĂ© le choix que jâavais fait ce jour lĂ , mĂȘme aprĂšs tous les sacrifices que cela mâavait demandĂ©. Jâavais dĂ©couvert un monde diffĂ©rent, bon et gĂ©nĂ©reux, jâavais rencontrĂ© des gens remarquables et je mâĂ©tais sentie rĂ©ellement utiles. - Ma question va sĂ»rement vous paraĂźtre indiscrĂšte et vous allez probablement me trouver bien curieuse, mais vous ĂȘtes le seul que je connaisse Ă avoir vĂ©cu une chose similaire alors j'ose vous la poserâŠ. Comment vous est-elle apparue ? »Au moment oĂč je finissais de poser ma question, la grande porte sâouvrit et une petite armĂ©e de moine fit son entrĂ©e. Chacun avait les bras chargĂ©s de nourriture. Ce nâĂ©tait le grand luxe mais les repas au Tertre Ă©taient variĂ©s et bons. Lâun dâeux sâapprocha de nous et dĂ©posa devant nous une Ă©cuelle rempli dâun ragoĂ»t de lĂ©gume et de viande, et une miche de pain. Il sâĂ©loigna aprĂšs nous avoir saluĂ© dâun signe de tĂȘte. Jasuhin le HumbleHumainNombre de messages 50Ăge 34Date d'inscription 06/04/2013Personnage. MANUSCRIT . Ăge 51Niveau Magique Sujet Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Mar 23 Avr 2013 - 1558 Le regard du prĂȘtre ne quitta pas le visage de la jeune femme tandis qu'elle expliquait l'origine de ce don et qu'elle posait des questions. Il se montrait attentif aux Ă©motions que trahissait son regard. Il laissa Ă©galement faire Jena lorsqu'elle lui prit la main et lui caressa sa cicatrice. Il ne sentit presque rien, Ă peine un souffle sur sa peau. Le fer avait carbonisĂ© les nerfs de sa main et ses rĂ©action de la jeune femme ne le surprenait pas. Il la comprenait mĂȘme. Enfant, tout s'Ă©tait prĂ©cipitĂ© aprĂšs sa brulure et son entrĂ©e dans le Culte des Cinq. Il n'avait pas pris le temps d'expliquer ses cauchemars et ses rĂȘves que des annĂ©es plus tard au Grand PrĂȘtre de sa circonscription. Il en avait eu peur pendant des annĂ©es, avant de comprendre la chance et l'opportunitĂ© que la DĂ©esse lui offrait au sein de la communautĂ© des sourit et rĂ©pondit Ă la jeune femme, d'un ton qui Ă©tait doux et rassurant. Le ton d'un vieil homme heureux d'avoir rencontrĂ© une envoyĂ©e de la DĂ©esse. Son voyage Ă©tait dĂ©jĂ beaucoup plus enrichissant que prĂ©vu. - Peu de personnes ont eu cette chance, en effet. N'ayez pas peur de demander, Jena. La curiositĂ© est loin d'ĂȘtre un dĂ©faut. Elle est rĂ©vĂ©latrice de votre soif de comprendre et de connaĂźtre, qui sont bien plus des qualitĂ©s pour moi que de rĂ©els Ă cette marque, elle remonte Ă des annĂ©es. Vous n'Ă©tiez mĂȘme pas nĂ©e Ă cette Ă©poque, et votre mĂšre devait ĂȘtre une enfant, tout comme moi. Pourtant, le souvenir est gravĂ© dans ma mĂ©moire, comme ce symbole dans ma peau. »Il dĂ©tacha son regard de la jeune femme. Il resta pensif, les yeux dans le vague quelque instant, quand deux Ă©cuelles apparurent sous le nez de Jasuhin. Il remercia d'une bĂ©nĂ©diction et d'un signe de tĂȘte le moine qui venait d'apporter le repas du soir. Respirant amplement, le fumet lui donna l'eau Ă la bouche. - Commençons par manger, Jena, puis je vous expliquerai l'origine de ma relation avec Elle. Je n'ai pas mangĂ© un bon repas chaud depuis quelques jours, et je dois avouer que ce ragoĂ»t m'a l'air appĂ©tissant. N'est-ce pas, Aile ? »Le moineau sautillait autour du pain qui avait Ă©tĂ© dĂ©posĂ© devant eux. Il le regardait avec attention et ne savait pas par quel cĂŽtĂ© commencer pour le picorer. Le prĂȘtre rit de l'attitude de son oiseau, puis il se tourna vers la jeune femme. - Je crois qu'Aile a encore plus faim que moi. Souhaitez-vous lui donner Ă manger ? Prenez cette miche et donnez lui quelque morceau de mie, il en sera ravi. »Il la laissa faire, avant de prendre sa cuillĂšre et de commencer Ă goĂ»ter le ragoĂ»t. Les saveurs se rĂ©pandirent sur son palais et dans sa bouche. Il profitait de ces moments simples que les Dieux offraient chaque jour Ă chaque humain. Il fit toutefois une lĂ©gĂšre grimace. - Il manque un peu de sel, mais il est tout de mĂȘme trĂšs bon, ce ragoĂ»t. Entre deux bouchĂ©es, il se mit Ă raconter son histoire Ă Jena, d'un ton tranquille. La douleur appartenait au suis le fils d'un forgeron, originaire du ComtĂ© d'Erac, de la baronnie de Hautval, pour ĂȘtre prĂ©cis. Je devais succĂ©der Ă mon pĂšre, mais un matin, alors que je n'Ă©tais qu'un tout jeune enfant, je pris Ă pleine main un morceau de fer chauffĂ© blanc, avec cette main. Il montra sa main ne sais pas pourquoi j'ai fait cela. BĂȘtise d'enfant probablement ou volontĂ© divine, je ne sais pas. Le fer blanc mordit profondĂ©ment ma chair, atteignit l'os et rongea les tissus. Il n'Ă©tait pas sĂ»r que je passe la nuit et surtout, je n'Ă©tais pas sĂ»r de mon fis des cauchemars le temps de ma guĂ©rison. Des rĂȘves noirs et sans fin, oĂč de curieuses crĂ©atures m'arrachaient les mains. La mĂȘme scĂšne, chaque nuit, pendant des mois. Puis, un matin, ce drĂŽle de compagnon fit son apparition. Il dĂ©signa l'oiseau de sa jour oĂč l'on enleva les bandages, le prĂȘtre qui me soignait dĂ©couvrit ma plaie et ce moineau. Je fus alors emmenĂ© au temple proche de chez moi. Perdu, je ne savais trop que faire. Le Grand PrĂȘtre Ă©tait rassurant, mais je n'Ă©tais qu'un enfant. Et c'est lĂ , alors que je m'endormais, qu'Elle m'apparut. »Il tourna sa face ridĂ©e vers la jeune fille. Il n'y avait aucune trace de douleur ou d'un pĂ©nible souvenir sur son visage. Cette expĂ©rience appartenait au passĂ© et elle avait fait de lui ce qu'il Ă©tait aujourd'hui. - D'aprĂšs mes recherches, Elle n'apparaĂźt qu'en cas de grandes souffrances. Je prĂ©sume que l'accouchement de votre fils n'a pas dĂ» se dĂ©rouler dans les meilleures conditions ? NĂ©era vous a protĂ©gĂ©, n'est-ce pas ? »DerniĂšre Ă©dition par Jasuhin le Humble le Mer 5 Juin 2013 - 552, Ă©ditĂ© 2 fois Jena KastelordAncienNombre de messages 958Ăge 34Date d'inscription 23/03/2010Personnage. MANUSCRIT . Ăge 30Niveau Magique Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Mer 24 Avr 2013 - 1203 Je fus soulagĂ©e de voir que ma question ne le dĂ©rangeait pas, il Ă©tait mĂȘme prĂȘt Ă y rĂ©pondre, mais lâestomac passait en premier et je ne le comprenais que trop bien. Je nâavais moi-mĂȘme rien avalĂ© depuis le service du matin. Les priĂšres nourrissent lâesprit mais pas le corps et celui-ci exprimĂ© son mĂ©contentement. Je portais une premiĂšre cuillĂšre Ă ma bouche et en savourais le contenu. Le petit moineau se mit alors Ă sautiller, rĂ©clamant son dĂ» et jâacquiesçais Ă la demande de Jasuhin en prĂ©levant des miettes de mon morceau de pain. Je lâai gardĂ© au creux de ma main et tendit celle-ci vers lâoiseau qui se prĂ©cipita pour picorer. Lorsquâil eut terminĂ© je reportais mon attention sur ma propre assiette. - Je le trouve trĂšs bon en effet. Les cuisiniers du Tertre savent rendre goĂ»teux nâimporte quel aliment ! »Le ton de la conversation Ă©tait plaisant et lĂ©ger, et avant que le silence ne retombe, Jasuhin entreprit de me raconter son histoire. Lui aussi avait fait des cauchemars sombre et effrayants mais la lumiĂšre Ă©tait entrĂ©e dans sa vie lorsque NĂ©era Ă©tait venue Ă lui. Sous la forme du moineau que jâavais devant moi. Mes yeux se posĂšrent sur lâanimal et je restais un moment Ă le fixer. Lâanalyse du Grand PrĂȘtre me fit lĂ©gĂšrement froncer les sourcils. Si sa thĂ©orie Ă©tait exacte alors NĂ©era choisissait les personnes quâelle voulait sauver pour des raisons qui leur Ă©taient inconnues. Etait-elle Ă la hauteur des espĂ©rances de la DĂ©esse ? Suivait-elle le chemin quâelle avait voulu tracer pour elle ? - La souffrance dâun enfant ne peut quâĂ©veiller la compassion de la DĂ©esse, elle aura vu en vous le Grand PrĂȘtre que vous ĂȘtes aujourdâhui. » Je terminais mon Ă©cuelle avant de me tourner vers Jasuhin. Savoir que le vieil homme avait vĂ©cu la mĂȘme chose que moi créé un lien tout Ă fait particulier. Je nâavais vu en lui quâun supĂ©rieur hiĂ©rarchique et ensuite un homme gĂ©nĂ©reux, mais maintenant il Ă©tait devenu un frĂšre, touchĂ© dans sa chair par la DĂ©esse. JâĂ©prouvais pour lui une amitiĂ© sincĂšre et je lui adressais un sourire avant de retracer Ă mon tour les conditions de ma rencontre avec NĂ©era. - Vous ignorez Ă quel point vous avez raison Ă propos de mon accouchement ! Celui-ci câest mĂȘme trĂšs mal terminĂ© puisque pour le prĂȘtre prĂ©sent et la femme mâayant accouchĂ©e, je suis morte pendant plusieurs minutes. Je me souviens mâĂȘtre trouvĂ©e dans le noir, dâavoir eu terriblement froid et puis jâai ouvert les yeuxâŠdu moins mon esprit a ouvert les yeux et je me suis retrouvĂ©e dans un jardin rempli de fleurs et dâodeurs. Je me souviens encore de tout, du vent, des centaines de parfums diffĂ©rents et de son visage. »Lâimage me revenait en mĂ©moire. Le bien-ĂȘtre et lâapaisement que jâavais ressenti dans ce jardin, je nâĂ©tais capable de le retrouver que lorsque je priais la DĂ©esse, ou pendant mes heures de mĂ©ditation. - Elle mâest apparue sous les traits dâune femme magnifique. Elle mâa longtemps parlĂ© et ce faisant, elle a soignĂ© les blessures de mon Ăąme. Je gardais en mĂ©moire des souvenirs horribles, des choses mâĂ©tant arrivĂ©es que je ne parvenais ni Ă oublier, ni Ă accepter. Elle mâa rendu la tranquillitĂ© et quand elle a eu terminĂ©, elle mâa Ă©galement rendu la vie. Ma rencontre avec elle et le don quâelle mâa transmis mâa permis de franchir rapidement les Ă©tapes menant Ă la PrĂȘtrise. » Pendant que je racontais ce moment intime de ma vie, mon regard sâĂ©tait perdu dans le vague, je tentais de ressentir tout ce que jâavais pu Ă©prouver dans ce jardin. Finalement je dĂ©tournais les yeux de cette image idyllique qui mâapparaissait et poser mon regard sur le vieil homme. Un nouveau sourire Ă©tira mes lĂšvres. - Aujourdâhui encore je sens sa prĂ©sence, comme un ange sur mon Ă©paule. Je sais quâelle veille sur moi, vous devez sĂ»rement ressentir cela vous aussi ? Et puis votre compagnon vous rappelle tous les jours quâElle est lĂ .»LâidĂ©e que lâoiseau puisse avoir le mĂȘme nombre dâannĂ©e que lâhomme assis Ă cĂŽtĂ© de moi ne mâĂ©tonnait mĂȘme pas. Depuis mon entrĂ©e au temple jâavais vu tellement de chose extraordinaire que je pouvais croire Ă tout. MĂȘme à ça ! Jasuhin le HumbleHumainNombre de messages 50Ăge 34Date d'inscription 06/04/2013Personnage. MANUSCRIT . Ăge 51Niveau Magique Sujet Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Lun 29 Avr 2013 - 1057 Il Ă©couta patiemment la jeune femme raconter son histoire. Il hocha silencieusement la tĂȘte Ă plusieurs reprises, se remĂ©morant et comparant ses souvenirs avec les siens. Une sensation dâapaisement coulait dans ses veines. Toujours cette mĂȘme sensation quand on repensait Ă Elle. Il avait dĂ©jĂ eu lâoccasion de lire dâautres rĂ©cits de personnes touchĂ©es par la GrĂące de la DĂ©esse. La surprise nâĂ©tait donc que partielle. Toutefois, il fut touchĂ© par lâhistoire de Jena. Parce quâelle lui rappelait la sienne. A la fin de son explication, le Grand PrĂȘtre repris de nouveau la parole. - La DĂ©esse choisit avec pertinence ses reprĂ©sentants. Vous, moi et quelques autres font partie de ces gens qui ont un rĂŽle spĂ©cifique Ă remplir auprĂšs dâElle. Depuis ce rĂȘve, je me pose frĂ©quemment la question. Pourquoi moi, simple enfant de forgeron ? Pourquoi pas un fils de noble ? Pourquoi pas un esclave ? Un guerrier ? »Un mince sourire se dessina sur les lĂšvres du prĂȘtre. De ce questionnement dĂ©coulait une autre question, qui Ă©tait une de ses plus grandes angoisses. L'oeil inquiet, il continua la discussion. - FrĂ©quemment, je me demande si je rĂ©ponds aux attentes de la DĂ©esse. De rĂ©elles angoisses prennent corps au sein de mon Ăąme. Et telle la marĂ©e, elle Ă©rode mes certitudes et mon lâangoisse est trop forte, je ferme alors les yeux. J'Ă©coute ma respiration et je me remĂ©more cette jeune fille de mon rĂȘve. Comme dans votre rĂȘve, Elle Ă©tait magnifique. Elle ne dit pas un mot, mais pose ses mains sur les miennes. Alors les doutes refluent et je sais que je ne me trompe pas. Je sais que je suis sur le bon chemin. »De son regard avait disparu les inquiĂ©tudes et les tourments. Une certaine tranquillitĂ© envahissait son regard. Son sourire Ă©tait celui d'un vieil homme, mais il Ă©tait rassurant, apaisĂ©. Comme vous l'avez dit, Jena, Elle est toujours lĂ . Mon compagnon me rappelle sa prĂ©sence, mais Ă©galement tout ce qui m'entoure. Vous, moi, les moines autour de nous sont un prĂ©sent de NĂ©era Ă cette terre. Et je suis certain qu'en prĂ©sence de certaines personnes ou de certains objets, vous devez ressentir plus fortement sa prĂ©sence. Comme votre fils, par exemple ? »Pendant le monologue du prĂȘtre, les moines vinrent desservir les assiettes. Jasuhin glissa un mot Ă lâoreille de lâun dâentre eux Ă propos de la qualitĂ© du repas. Il le remercia avant dâamener un dessert. Les premiers frimas de cette fin dâautomne apportaient de nouveaux fruits sur les tables. Quelques noix ponctuaient une corbeille garnie de pommes et de poires. Jasuhin prit une poignĂ©e de noix, et il en cassa quelques-unes avec lâaide de son marteau, cachĂ© jusque-lĂ dans les plis de sa tunique. Il frappait avec dĂ©licatesse les noix, les sĂ©parait en deux, avant dâen offrir une moitiĂ© Ă son moineau, qui essayait tant bien que mal de sĂ©parer la noix de la coque. Il en ouvrit Ă©galement dâautres, quâil posa devant Jena. - Je me suis longtemps demandĂ© en quoi je pouvais servir la DĂ©esse. Je me souvenais Ă©galement de mon passĂ© et du savoir qui mâavait Ă©tĂ© inculquĂ©. Câest pourquoi je possĂšde ce marteau. Jâai beaucoup voyagĂ© durant ma jeunesse, et jâai apportĂ© mon savoir spirituel mais aussi mes connaissances techniques. Je suis un prĂȘtre besogneux. Il Ă©tira sa bouche en un large sourire les gens en les soignant, mais Ă©galement en leur apportant des connaissances sur lâart de la mĂ©tallurgie. Jâaide Ă crĂ©er des outils, Ă rĂ©parer des objets, Ă aider les gens Ă pouvoir vivre leur Vie comme il lâentende. Nous Ă©tions une petite communautĂ©, itinĂ©rante, qui portait ses services au population les plus en difficultĂ©s. Aujourdâhui, je me fais trop vieux. Câest pour cela que nous allons fonder un monastĂšre, sur une partie dĂ©solĂ©e du ComtĂ© de Velteroc. Nous allons offrir au population les Ă©lĂ©ments pour vivre sereinement, sous la protection de nos priĂšres, mais aussi avec lâaide de nos bras. »Il mĂąchonna une poignĂ©e de noix pendant quelques minutes. Il restait plongĂ© dans ses pensĂ©es, avant de nouveau se tourner vers Jena. Et vous, Jena ? Comment allez-vous servir la DĂ©esse ? Comment allez-vous mettre votre passĂ© et votre nom, car il me semble que la famille Kasterlord est liĂ©e Ă la baronnie dâAlonna ? Jâai toujours pensĂ© que le service de la DĂ©esse devait se faire en accord avec ses moyens et son propre passĂ©. »Alors que Jena lui racontait ses choix, un piaillement lui fit tourner la tĂȘte. Il ne put empĂȘcher un fou rire en voyant Aile avec une coquille de noix sur la tĂȘte, en train dâessayer de sâen dĂ©faire. Comment le moineau sâĂ©tait retrouvĂ© dans cette situation, nul ne le savait, mais il Ă©tait un sujet dâhilaritĂ© pour le prĂȘtre et Jena. DerniĂšre Ă©dition par Jasuhin le Humble le Mer 5 Juin 2013 - 553, Ă©ditĂ© 1 fois Jena KastelordAncienNombre de messages 958Ăge 34Date d'inscription 23/03/2010Personnage. MANUSCRIT . Ăge 30Niveau Magique Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Mar 30 Avr 2013 - 1134 CâĂ©tait surprenant de voir Ă quel point les paroles de Jasuhin me paraissaient si familiĂšre. Je me posais les mĂȘmes questions que lui, jâavais dĂ©jĂ remis en doute le choix de la DĂ©esse, jâavais dĂ©jĂ pensĂ© quâelle sâĂ©tait trompĂ©e de personne. Je nâavais pas Ă©tĂ© Ă©levĂ© dans le respect total des principes de NĂ©era, ni mĂȘme dâaucun autre dieu, je nâavais rien fait pour mĂ©riter son attention particuliĂšre et pourtant elle Ă©tait venue, elle mâavait touchĂ© de son amour et depuis ce jour je mâefforçais de transmettre son message. Pourtant il mâarrivait de penser que tout ceci Ă©tait vain, quâElle me demandait de trop gros sacrifice mais chaque fois je repensais Ă cette sensation de plĂ©nitude, Ă ce jardin, Ă son visage et je savais alors que tout ceci Ă©tait nĂ©cessaire. Laisser mes enfants derriĂšre moi durant tout un mois avait Ă©tĂ© la chose la plus dure que jâavais dĂ» endurer lorsque je nâĂ©tais pas encore prĂȘtresse. Maintenant câĂ©tait diffĂ©rentâŠ. Quoi que pas vraiment. Ils nâĂ©taient pas lĂ avec moi. Un pincement au cĆur me fit baisser les yeux quelques secondes. Je dĂ©testais me sĂ©parer dâeux comme je dĂ©testais ĂȘtre loin dâHanegard. Mais nos fonctions respectives ne nous laissaient que peu de temps. Je remerciais Jasuhin dâune inclinaison de la tĂȘte lorsquâil dĂ©posa devant moi les noix quâil cassait. Je regardais le moineau picorer les siennes et je sentis mes lĂšvres sâĂ©tirer en pensant Ă mon fils. - En effet, Dastan est sĂ»rement ce qui me lie le plus Ă la DĂ©esse. Quand je le vois, je ne doute pas une seconde quâil aura une vie heureuse et puis quand il me regarde, jâai parfois lâimpression de croiser Ă nouveau le mĂȘme regard que le Sien. »Le vieil homme reprit la parole et mâexpliqua comment toute sa vie il avait servi la DĂ©esse. Lorsquâil mentionna la fondation dâun monastĂšre Ă Velteroc je tournais mon regard vers lui, soudain curieuse. Cela faisait des annĂ©es que le Culte de NĂ©era nâavait pas pris part Ă un tel projet. Savoir que cet endroit verrait bientĂŽt le jour me remplissait de joie. Cependant la question quâil me posa ensuite me prit quelque peu de court et me dĂ©stabilisa lĂ©gĂšrement. Sous-entendait-il que je nâavais pas assez accompli au nom de la DĂ©esse ? - En effet, jâai Ă©tĂ© durant quelques annĂ©es Baronne dâAlonna. A cette Ă©poque jâai mis mon titre Ă contribution pour aider les plus dĂ©munis. Jâai toujours offert mes dons de guĂ©rison Ă qui le demandait et depuis quelques annĂ©es une soupe populaire est organisĂ©e pendant les mois les plus rudes de lâhiver dans toute la baronnie. Maintenant que je vis dans un endroit plus retranchĂ©e jâavoue me demander comment je peux servir la DĂ©esse et vous venez peut-ĂȘtre de mâapporter la rĂ©ponse. Je serais heureuse de vous aider Ă bĂątir le monastĂšre de Velteroc. » Je savais pertinemment ce que cela voulait dire et je me doutais dĂ©jĂ que cette nouvelle nâallait pas franchement ravir mon Ă©poux, mais je me doutais bien que le vieil homme assis prĂšs de moi ne pourrait pas porter un tel projet tout seul. - Je nâai aucun talent de bĂątisseur vous vous en doutez, mais comme vous lâavez dit, mon passĂ© de Baronne pourrait vous ĂȘtre utile. Je connais le monde de la noblesse et je pourrais vous aider Ă franchir les portes des Cours de la PĂ©ninsule. »Câest Ă ce moment-lĂ que le compagnon du Grand PrĂȘtre dĂ©cida de se manifester, une coquille de noix coincĂ©e sur la tĂȘte. Le rire de Jasuhin Ă©tait contagieux et la situation plus que surprenante. A nos deux rires se mĂȘla Ă©galement ceux des FrĂšres et SĆurs prĂ©sents dans la piĂšce. Souhaitant abrĂ©ger les souffrances du moineau je tendis la main vers lui et tirais doucement sur la coquille pour le libĂ©rer. Jasuhin le HumbleHumainNombre de messages 50Ăge 34Date d'inscription 06/04/2013Personnage. MANUSCRIT . Ăge 51Niveau Magique Sujet Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Jeu 2 Mai 2013 - 1226 Jasuhin regarda avec un sourire la jeune femme retirer la coquille de noix de la tĂȘte du moineau. LibĂ©rĂ© de cet encombrant casque, Aile sautilla de nouveau sur la table, Ă la recherche dâun petit morceau de nourriture Ă manger. Jasuhin avait Ă©tĂ© surpris de la proposition de Jena. Il ne pensait pas provoquer une telle rĂ©action en lui posant une question Ă lâapparence anodine. Son engagement envers les personnes les plus dĂ©munies Ă©tait sincĂšre. Elle le lui proposa tout naturellement son aide dans sa quĂȘte dâun monastĂšre dâun genre nouveau. Il accueillit la nouvelle avec grande joie. Avec son caractĂšre avenant, sa jeunesse, sa volontĂ© et sa familiaritĂ© de la noblesse humaine, Jasuhin savait que la DĂ©esse lui donnait une auxiliaire de choix dans sa quĂȘte. Un poids certain venait de lui ĂȘtre enlevĂ©. Il avait prĂ©vu, aprĂšs avoir trouvĂ© ce quâil cherchait au sein du Scriptorium du Tertre, de partir en tournĂ©e dans la PĂ©ninsule, afin dâobtenir un soutien financier de la part des grandes puissances. Cette tĂąche serait facilitĂ©e par la prĂ©sence de la jeune que les rires commençaient Ă se tarir, il tourna son visage ridĂ© et marquĂ© par le temps vers le visage si jeune et si dynamique de Jena. Le contraste entre les deux personnages Ă©tait saisissant, mais une mĂȘme aura Ă©manait de leur ĂȘtre. La DĂ©esse les avait bĂ©nis aprĂšs tout - Jâai eu une curieuse sensation en arrivant en Sainte Berthilde. En croisant les hommes du Tertre en arme, Ă quelques kilomĂštres dâici, je me suis demandĂ© quelle surprise mâattendait au Tertre. Je mâattendais bien Ă rencontrer quelquâun, mais surement pas une personne aussi importante que vous, Jena. NĂ©era mâĂ©tonnera toujours par sa capacitĂ© Ă rallier les gens de bonne volontĂ©. Elle est toujours aussi douĂ©e pour rĂ©unir les rencontre est un Ă©lĂ©ment de plus qui me conforte dans ma certitude. Elle est ici et Elle nous guide. Vers quoi, cela, nous ne le saurons peut-ĂȘtre jamais. Mais je sens que nous allons dans la bonne direction. Ce sera un rĂ©el plaisir dâarpenter les routes du royaume humain avec un atout tel que vous. »Il bĂ©nit la jeune femme en posant ses deux mains sur les siennes. Puis, aprĂšs quelques rapides mots prononcĂ©s dans sa barbe, il caressa Aile qui sâapprochait de lui. Le petit oiseau se laissa faire, avant de se tourner vers Jena. - Eh bien, quâattends tu pour lui prĂ©senter tes remerciements ? »Le jeune oiseau se mit Ă gazouiller tout en sâapprochant de la jeune femme. Il baissa plusieurs fois sa petite tĂȘte en fermant les yeux, signe dâune gratitude certaine envers la personne Ă qui il lâadressait. Jasuhin regardait le cĂ©rĂ©monial de lâoiseau quand diverses questions lui vinrent Ă lâesprit. Il venait juste de connaĂźtre la jeune femme, mais il ne connaissait pas sa situation familiale. OĂč Ă©tais ses enfants ? Son mari ? Puis surtout, pourquoi Ă©tait-elle au Tertre ? Il nâhĂ©sita guĂšre et parla franchement Ă la jeune femme. - Une question me traverse lâesprit vous concernant, Jena. Elle concerne votre famille. OĂč est-elle ? OĂč est le pĂšre de vos enfants ? Vous semblez trĂšs attachĂ© Ă vos enfants. Pourquoi ne sont-ils pas ici avec vous ? »La voix du Grand-PrĂȘtre Ă©tait douce et posĂ©e. Il ne souhaitait pas Ă©veiller de mauvais souvenirs en elle, mais juste comprendre les raisons qui poussaient une femme telle que Jena Ă se sĂ©parer de ses enfants dans une des plus grandes forteresses de la PĂ©ninsule. DerniĂšre Ă©dition par Jasuhin le Humble le Mer 5 Juin 2013 - 553, Ă©ditĂ© 1 fois Jena KastelordAncienNombre de messages 958Ăge 34Date d'inscription 23/03/2010Personnage. MANUSCRIT . Ăge 30Niveau Magique Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Dim 5 Mai 2013 - 2018 JâĂ©coutais le discours du Grand PrĂȘtre avec attention, buvant ses paroles mĂȘme. Je ne pus empĂȘcher mes sourcils de se hausser lorsquâil me dĂ©signa comme une personne importante. Je lâavais Ă©tĂ© certes, lorsque jâavais encore le titre de Baronne dâAlonna, mais aujourdâhui je me sentais seulement comme une simple prĂȘtresse parmi tant dâautres. Evidemment mes annĂ©es Ă Ă©pauler le dirigeant dâune baronnie mâavait permis dâentrer dans le cercle trĂšs fermĂ© de la noblesse. Tournant mon visage vers le vieil homme, je lui adressais un sourire ravi lorsquâil accepta ma proposition de lâaccompagner dans son pĂ©riple. Une partie de mon esprit sâenvola vers Hanegard en espĂ©rant quâil accepterait mon dĂ©sir de donner de mon temps pour cette cause. Pour NĂ©era. Je savais pertinemment quâil ne comprenait pas toujours mes choix Ă ce sujet et nous avions dĂ©jĂ eu quelques conversations houleuses, mais jâĂ©tais Ă chaque fois touchĂ©e lorsquâil acceptait, car ce que je lui demandais sâapparentait souvent Ă un sacrifice de sa part. - Je suis ravie que vous acceptiez ma proposition. Je suis sĂ»re que cette aventure sera enrichissante ! »Baissant les yeux sur ses doigts qui venaient de se poser sur mes mains, je fermais quelques secondes mes paupiĂšres lorsquâil prononça une priĂšre pour moi. Je me sentis alors si lĂ©gĂšre, si apaisĂ©e⊠Un sourire Ă©tendit mes lĂšvres et jâĂ©tais certaine quâil ne disparaĂźtrait pas avant au moins la fin de la soirĂ©e. Inclinant ma tĂȘte pour le remercier, il dĂ©tourna le regard pour faire signe Ă son compagnon de me remercier. Un rire mâĂ©chappa lorsque lâoiseau sâapprocha de moi pour sautiller et gazouiller. Doucement j'approchais mon doigt de son bec et il vint picorer gentiment le bout de mon ongle. - Je suis heureuse de tâavoir apportĂ© mon aide ! Jasuhin resta silencieux quelques minutes et je me gardais bien dâinterrompre ses rĂ©flexions, jâen profitais pour jouer un peu avec le moineau. BientĂŽt le vieil homme se tourna vers moi, apparemment intriguĂ© par ma situation familiale. Sans le moindre malaise jâentrepris de lui rĂ©pondre. - Ma famille est Ă Val-NĂ©era en Alonna. Du moins mes enfants sây trouvent. Jâai entrepris ce voyage en compagnie de mon Ă©poux. Nos routes se sont sĂ©parĂ©s lorsque jâai pris celle menant au Tertre et que lui a poursuivit vers Erac. Il sây rendait pour faire quelques affaires. Mon sĂ©jour ici nâaurait pas du durer plus de quelques jours câest pour cette raison que Liliana et Dastan sont restĂ©s Ă Val-NĂ©era. Mais Ă©tant donnĂ© que mon voyage va ĂȘtre plus long et que je ne sais pas quand Hanegard prendra le chemin du retour, je pense les faire venir. Je nâaime pas ĂȘtre sĂ©parĂ© dâeux longtemps et je suis sĂ»re que ce voyage les enthousiasmera. Du moins si leur prĂ©sence ne vous gĂȘne pas. Je ne voudrais pas vous les imposer. » Si jâenvoyais une lettre tout de suite Ă Alonna, mes enfants seraient lĂ dâici une bonne semaine. Le temps nĂ©cessaire pour que je rĂšgle la raison de ma venue au Tertre et que nous discutions plus amplement de notre itinĂ©raire. Une semaine câĂ©tait tout Ă fait raisonnable et je ne pensais pas le retarder de trop dans son entreprise. - Je pense quâil faudrait une semaine pour les faire venir ici, cela vous convient-il ? » Jasuhin le HumbleHumainNombre de messages 50Ăge 34Date d'inscription 06/04/2013Personnage. MANUSCRIT . Ăge 51Niveau Magique Sujet Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Lun 6 Mai 2013 - 851 Il hocha doucement la tĂȘte au fur et Ă mesure des explications de Jena. Il nây avait aucune histoire de violence ou de tension avec son conjoint qui aurait pu expliquer la sĂ©paration avec ses enfants. La raison Ă©tait beaucoup plus simple et finalement Ă©vidente. La jeune mĂšre ne voulait pas emmener ses enfants sur une route longue et pĂ©rilleuse et elle les avait laissĂ©s Ă la question de les emmener avec eux, Jasuhin resta silencieux un instant. Plongeant sa main dans sa barbe, ses pensĂ©es se troublĂšrent un instant, Ă lâĂ©vocation des enfants de la jeune femme. Il se demandait si la route serait sĂ»re pour un vieil homme, une jeune femme et ses enfants. Il relativisa rapidement ses craintes, se rassurant sur son statut, qui lui garantissait une certaine tranquillitĂ© sur la route, mais aussi sur les dons confĂ©rĂ©s par NĂ©era, en cas dâextrĂȘme nĂ©cessitĂ©. Enfin, il supposa que la jeune femme ne devait pas ĂȘtre venue seule mais accompagnĂ©e dâune petite troupe afin dâassurer sa sĂ©curitĂ©. Et puis, il aimait la prĂ©sence des enfants. Certes, elle lui rappelait son Ăąge, mais ils Ă©taient lâavenir créé par NĂ©era. Leur joie Ă©tait communicative et leur pensĂ©e encore pure et exempt de tout retira finalement la main de sa barbe et regarda de nouveau la jeune femme, un sourire sur la commissure de ses lĂšvres. - Non, vous ne mâimposez rien, Jena. Au contraire, cela me ferait trĂšs plaisir de connaĂźtre votre enfant et dâavoir un peu de jeunesse et de fougue autour de moi. Je ne suis pas si vieux, mais les affres du temps commencent Ă ronger mon corps. Il est donc toujours agrĂ©able de voir la jeunesse autour de moi. Elle me pour une semaine avant notre dĂ©part. Je ne suis pas Ă quelques jours prĂšs, vous savez. Je dois me plonger dans la lecture de quelques ouvrages dans les scriptoria de cette forteresse. Nul doute que la recherche puis la copie de certaines parties de ces derniers me prendra un certain temps. Si vous en avez lâenvie, je pourrais vous prĂ©senter quelques ouvrages durant cette semaine, pour tromper le temps. Nous pouvons aussi nous retrouver ici chaque soir, pour discuter et mettre au point le parcours retour vers le duchĂ© dâErac, si cela vous convient, bien entendu. »Les pandiculations du prĂȘtre soulignaient sa fatigue. La soirĂ©e Ă©tait bien avancĂ©e, comme le soulignait les chandelles rapetissant sur le gigantesque lustre. Alors quâil avait les bras levĂ©s, il entendit un lĂ©ger chant qui Ă©manait dâun des nombreux couloirs qui rejoignait la Grande Salle. Il se concentra quelques instants sur ce chant, avant de le reconnaĂźtre et de sourire. - Les moines sont en train de dĂ©buter les complies*. Voulez-vous vous joindre Ă moi, rejoindre les moines et prier, avant dâaller vous coucher ? »En attendant la rĂ©ponse de la jeune femme, le prĂȘtre sâĂ©tait levĂ© de la table. Il siffla doucement et Aile vint le rejoindre sur son Ă©paule. Le petit oiseau vint se pelotonner sur la base de son cou. Jasuhin en profita pour regarder de nouveau Jena. Il pensa Ă NĂ©era, cette petite fille espiĂšgle qui pouvait bien jouer des tours aux ĂȘtres vivants. Quel devait ĂȘtre le but de la rĂ©union de ces deux protagonistes ? Seule la DĂ©esse le savait.* Dans la liturgie des Heures, il sâagit de la derniĂšre priĂšre du soir, aprĂšs les VĂȘpres et avant les Matines. DerniĂšre Ă©dition par Jasuhin le Humble le Mer 5 Juin 2013 - 554, Ă©ditĂ© 1 fois Jena KastelordAncienNombre de messages 958Ăge 34Date d'inscription 23/03/2010Personnage. MANUSCRIT . Ăge 30Niveau Magique Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Lun 6 Mai 2013 - 1126 [HRP J'espĂšre que le petit saut dans le temps ne te gĂȘnera pas ! Sinon n'hĂ©site pas Ă me le dire, j'Ă©diterais ]Acquiesçant Ă sa proposition de le rejoindre dans cette salle tous les soirs, je me levais Ă mon tour en souriant au Grand PrĂȘtre. Lui offrant mon bras, je marchais lentement avec lui pour rejoindre nos frĂšres dans leurs derniĂšres priĂšres de la jours sâĂ©coulĂšrent et je me ravissais Ă chaque fois de ce rendez-vous surprenant que jâavais chaque soir. Le vieil homme Ă©tait un puits de science, jâadorais lâĂ©couter me parler de ses recherches et des idĂ©es quâil avait pour notre voyage. La veille jâavais envoyĂ© une missive Ă Alonna pour quâon fasse venir mes enfants au Tertre le plus rapidement possible. Je voyais dĂ©jĂ le visage ravi de Dastan et la mine boudeuse de Liliana que la poussiĂšre des voyages horrifiĂ©e. Ce matin Malek apparut aux portes de la forteresse. Jena le rejoignit aussitĂŽt dans la grande salle oĂč se restaurait chaque jour les hommes qui lâavaient accompagnĂ©. - Dame Jena, votre Ă©poux mâa chargĂ© de vous informez quâil se joignait Ă lâexpĂ©dition menait par le Comte de Velteroc dans les Wandres. Ils sont partis par bateau le jour oĂč je lâai quittĂ©. Il ne sait pas quand ce voyage prendra fin, mais il vous enverra des nouvelles le plus frĂ©quemment possible. »Ma surprise Ă©tait totalement visible sur mon visage. VoilĂ une chose Ă laquelle je ne mâattendais pas venant dâHanegard. La perspective dâun voyage dans ses terres natales avaient dĂ» rĂ©ellement lâemballer pour quâil accepte de suivre le Comte de Velteroc. Je sentis un petit pincement dans ma poitrine en me disant quâil nâavait jamais voulu y retourner avant. Peut-ĂȘtre prĂ©fĂ©rait-il y aller sans moi. AprĂšs tout cette partie lĂ de sa vie ne me regardait pas et cela faisait longtemps que jâavais cessĂ© de ressentir une pointe de jalousie en pensant Ă sa premiĂšre Ă©pouse⊠A part peut-ĂȘtre en ce moment. Remerciant Malek jâĂ©tais retournĂ©e dans la citadelle et avait mis encore plus de cĆur Ă lâouvrage pour ne pas penser aux dangers quâil courait. Le mal de mer en premier, ou une rencontre sanglante avec les clans de cette rĂ©gion⊠Pestant je me prie Ă sourire en lâimaginant vomir tripes et boyaux par-dessus le bastingage. Bien fait pour lui ! Finalement, câĂ©tait une excellente chose que je fasse venir les enfants Ă Sainte jours avaient dĂ©filĂ©s avec lenteur. Je mâoccupais en farfouillant avec Jasuhin dans la bibliothĂšque pleine de manuscrit et de parchemin. Jâallais discuter chaque jour quelques heures avec les hommes dâHanegard, leur rapportant mes projets pour quâils puissent se prĂ©parer eux aussi au voyage qui nous attendait. En fait je trĂ©pignais dâimpatience en attendant mes enfants. Cela faisait une semaine passĂ©e et je ne pouvais empĂȘcher mon instinct de mĂšre de sâinquiĂ©ter. Sâil leur Ă©tait arrivĂ© quoi que ce soit, je pense que je ne mâen serais jamais remise, et Hanegard ne me lâaurait probablement jamais pardonnĂ©. Comme chaque soir je rejoignis Jasuhin dans la Grande Salle. Le repas avait Ă©tĂ© servi et le vieil homme mangeait en bout de table en lançant de temps en temps de la mie de pain Ă Aile. Il avait lâair moins fatiguĂ© quâĂ son arrivĂ©e. Les quelques jours passaient au Tertre semblaient lui avoir fait le plus grand bien. Mâinstallant prĂšs de lui, je fis un effort pour mettre mon inquiĂ©tude de cĂŽtĂ© et pour penser Ă autre chose. - Bonsoir Jasuhin. Jâai vu les derniers dĂ©tails de notre voyage avec KaĂŻn aujourdâhui. Ils se tiendront prĂšs dĂšs que nous souhaiterons partir. »Ma voix dĂ©railla lĂ©gĂšrement sur la fin de la phrase. Je mâen voulais de retarder le vieil homme dans ses projets, il ne devait pas avoir que ça Ă faire. Ce fut Aile qui me remonta le moral en sautillant sur la table vers moi pour me picorer le bout de lâongle affectueusement. Un sourire Ă©tira mes lĂšvres et tout dâun coup le moineau sâenvola en gazouillant pour se poser sur lâĂ©paule de Jasuhin. Quâest-ce qui avait bien pu lâeffrayer ? Haussant un sourcil surprise, je sentis au mĂȘme moment quâon tirait sur ma robe. Lorsque je me tournais lĂ©gĂšrement en arriĂšre, je crus que mon cĆur allait exploser de bonheur lorsque je vis la bouille de mon fils me regarder avec ses lĂšvres tremblotantes. Il semblait sur le point de fondre en larme mais faisait tous les efforts du monde pour ne pas craquer. Je levais les yeux vers la porte et vit KaĂŻn debout dans lâentrĂ©e qui me fit un salut de la tĂȘte avant de tourner les talons. Ma fille dĂ©boula quelques secondes aprĂšs en rĂ©clamant elle aussi mon attention. Prenant Dastan sur mes genoux, je fis signe Ă Liliana de sâinstaller sur le banc entre Jasuhin et avoir plaquĂ© des dizaines de baisers sur chacune de leur joue, je me tournais vers le Grand PrĂȘtre complĂštement aux anges. - Je vous prĂ©sente ma fille Liliana et mon fils Dastan. Dites bonjour Ă Jasuhin. » Jasuhin le HumbleHumainNombre de messages 50Ăge 34Date d'inscription 06/04/2013Personnage. MANUSCRIT . Ăge 51Niveau Magique Sujet Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Mar 7 Mai 2013 - 752 Les priĂšres nâĂ©taient pas terminĂ©es quand lâĂ©trange couple sâĂ©clipsa de la salle de priĂšre. FatiguĂ© mais ravi de sa rencontre, Jasuhin raccompagna sa nouvelle amie jusquâĂ ses appartements. Il rencontra alors la garde rapprochĂ©e de la jeune femme. Une rapide prĂ©sentation aux hommes dâHanegard, une bonne nuit souhaitĂ©e sous la protection de NĂ©era et la promesse de se revoir le lendemain soir. Puis, le vieil homme regagna la Grande Salle. De lĂ , il regagna les moines en train de psalmodier des chants pour implorer lâaide et la protection de NĂ©era. Il joignit sa voix au leur. Il voulait remercier NĂ©era de la prĂ©cieuse et extraordinaire rencontre quâil venait de faire.[...] - Vous savez, nous ne sommes plus guĂšre nombreux Ă cette tĂąche. Nous recopions moi et quelques frĂšres copistes les textes les plus dĂ©gradĂ©s, mais la tĂąche est dĂ©sormais trop grande pour nous dorĂ©navant. Nos prĂ©dĂ©cesseurs ont laissĂ© tellement dâouvrages ... Bref, venez, vous verrez par vous-mĂȘme. »Jasuhin acquiesça et suivit le frĂšre copiste Ă travers son domaine. De nombreux chevalets Ă©taient alignĂ©s prĂšs des larges fenĂȘtres creusĂ©s dans la pierre. Quelques Ă©critoires Ă©taient disposĂ©es Ă proximitĂ©. Aile sautilla sur lâun dâentre eux. Il laissa ses empreintes de pattes sur la poussiĂšre qui ne cessait de sâaccumuler. Cependant, malgrĂ© lâĂ©tat de vieillesse apparent, lâendroit Ă©tait encore bien entretenu et sur quelques tables, on constatait que les moines continuaient leur tĂąche, inlassablement. Jasuhin se pencha sur un des chevalets et admira une superbe enluminure. La lettre N sâĂ©tendait sur prĂšs de la moitiĂ© de la page. A lâintĂ©rieur de la lettre, de vĂ©ritables scĂšnes de la vie quotidienne, encadrĂ©e par les moines du Tertre. Un travail de patience et de longue haleine. Le grincement dâune porte le tira de son observation. Le frĂšre copiste nâavait pas remarquĂ© lâarrĂȘt de Jasuhin. Il continuait de parler en regardant droit devant lui. - Vous trouverez ce que vous cherchez devant vous. Attendez, je vais faire un peu de lumiĂšre, pour que vous puissiez voir. »Le frĂšre ferma les yeux, rĂ©cita une priĂšre et sa main irradia lĂ©gĂšrement. La lueur Ă©tait cependant suffisante pour se guider dans la piĂšce et atteindre lâĂ©norme vantail qui cachait la fenĂȘtre. Il empĂȘche lâhumiditĂ© et la lumiĂšre de passer, afin de prĂ©server les ouvrages les plus vieux. - Que cherchez-vous comme ouvrage dĂ©jĂ ?- Des tĂ©moignages sur la fondation du Tertre ; et puis, quelques ouvrages plus prĂ©cis sur les dons donnĂ©s par le DĂ©esse. Notamment sur la Foudre. »[...]Les journĂ©es passĂšrent rapidement. Entre les recherches de Jasuhin Ă la bibliothĂšque, les sĂ©ances de priĂšres, ses soirĂ©es avec Jena ... Bref, le vieux prĂȘtre avait passĂ© une semaine des plus intĂ©ressantes. Il avait Ă©galement eu le temps de se reposer et de reprendre des forces. La prĂ©sence de la jeune femme, jeune et intelligente, le rĂ©gĂ©nĂ©rait et le rassurait sur ses choix. Alors quâil Ă©tait attablĂ© Ă un bout dâune des gigantesques tables de la Grande Salle, en train de manger un ragoĂ»t de lapin, Aile piailla et montra des signes dâagitation. Le prĂȘtre tourna la tĂȘte et accueillit la jeune femme avec un sourire. Alors quâil lui fit signe de sâasseoir et signala Ă un moine de lui amener une autre assiette, tout sâenchaĂźna trĂšs sentit dans la voix de la jeune femme une certaine apprĂ©hension, une gĂȘne mĂȘme. Bien quâils en aient parlĂ© plusieurs fois, Jasuhin sentait que Jena sâen voulait de retarder tant son dĂ©part. Le prĂȘtre avait beau lui expliquer quâil nâĂ©tait pas pressĂ©, elle ne cessait de lui dire quâelle Ă©tait dĂ©solĂ©e de lui imposer cette attente. Le prĂȘtre se doutait Ă©galement quâelle Ă©tait tendue. Ces enfants nâĂ©taient pas encore arrivĂ©s, et ces nerfs Ă©taient mis Ă rude Ă©preuve. Aile remplaça la parole de Jasuhin par des gestes prĂ©cis et attendrissant. Le petit moineau vint sâapprocher de la main de Jena et lui picorer lâongle. Un geste dâaffection qui montrait que lâoiseau considĂ©rait cette femme comme une amie proche. Toutefois, la rĂ©action subite du moineau interrogea Jasuhin. En levant la tĂȘte, il comprit pourquoi. Un tout jeune garçon sâĂ©tait faufilĂ© dans le dos de Jena et lui tenait le bas de sa robe. Le regard de Jena trahissait ses Ă©motions mais Ă©galement sa filiation. Elle avait parlĂ© de sa ressemblance avec ses enfants Ă Jasuhin, mais le prĂȘtre nâimaginait pas quâelle Ă©tait telle. Il sourit Ă la scĂšne dâĂ©motion qui se dĂ©roulait devant ses yeux. Il ferma les yeux une seconde et pria NĂ©era pour que cette famille soit Ă©pargnĂ©e par les malheurs de la vie. En les rouvrant, une petite fille sâĂ©tait jointe Ă la partie endiablĂ©e de baisers Ă©changĂ©s entre la mĂšre et ses enfants. Aile sâĂ©tait repliĂ©e sur un coin de table, tout proche de son maĂźtre. Il piailla en regardant son maĂźtre, qui lui caressa la tĂȘte et lui fit un clin dâoeil. La voix de Jena avait changĂ©. On sentait quâelle Ă©tait heureuse et rassurĂ©e dâavoir retrouvĂ© le fruit de ses entrailles. Elle les prĂ©senta au prĂȘtre, et les enfants esquissĂšrent un timide bonjour Ă ce personnage encore inconnu dâeux. Jasuhin dĂ©voila un sourire entre sa barbe et leur rĂ©pondit dâun ton doux et tranquille. Bonjour Liliana, bonjour Dastan. Je suis enchantĂ© de faire votre connaissance. Votre mĂšre mâa beaucoup parlĂ© de vous, vous savez. Vous lui ressemblez beaucoup dâailleurs. Laissez moi vous prĂ©senter un de mes plus fidĂšles siffla et Aile vint se poser sur sa main gauche. Il se nomme Aile, et câest un moineau qui mâaccompagne depuis de nombreuses annĂ©es. Aile, dit leur bonjour. Le moineau sautilla jusquâau bord de la main de Jasuhin. Il pencha sa tĂȘte, puis piailla plusieurs fois en direction des enfants. Lâoiseau semblait rassurĂ© et ne craignait plus la prĂ©sence de ces nouveaux voulez lui donner Ă manger. Tenez, prenez un peu de mie de pain et donnez lui, vous verrez. Tandis que les enfants amadouaient lâoiseau, Jasuhin fit signe Ă un moine dâamener deux assiettes de plus pour les enfants. Vous devez avoir faim aprĂšs une telle route. Venez vous asseoir entre nous deux, vous nous raconterez comment sâest dĂ©roulĂ© votre sĂ©jour, et puis, nous vous dirons pourquoi vous ĂȘtes venus ici. »Le regard bienveillant et le sourire malicieux du prĂȘtre invitait Ă la confiance. Les enfants sâasseyaient entre les deux adultes, sous le regard maternel de leur Ă©dition par Jasuhin le Humble le Mer 5 Juin 2013 - 554, Ă©ditĂ© 1 fois Jena KastelordAncienNombre de messages 958Ăge 34Date d'inscription 23/03/2010Personnage. MANUSCRIT . Ăge 30Niveau Magique Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Mar 7 Mai 2013 - 1355 Mon fils refusa catĂ©goriquement de quitter mes genoux, en revanche il voulut lui aussi jouer au jeu de donner Ă manger au moineau ». Liliana et lui se regardaient en riant chaque fois quâun morceau de mie disparaissait dans le bec dâAile. La fillette attrapa la petite main de son frĂšre et lui fit un grand sourire tandis que Dastan se laissait tomber en arriĂšre contre ma poitrine. - Il a pas arrĂȘtĂ© de pleurer depuis que Papa et toi vous ĂȘtes partis. » - Câest pas vrai » - Si câest vrai ! » - Non câest pas vrai ! » - Moi aussi jâai pleurĂ©, sauf depuis quâon est partit de la maison. » - Il est oĂč Papa ? Veux voir Papa aussi. » Par NĂ©era quâils mâavaient manquĂ©s ! Jâadressais un sourire amusĂ© Ă Jasuhin en espĂ©rant que leur chahut ne le dĂ©rangeait pas trop. Il mâavait dĂ©jĂ confiĂ© quâil adorait la prĂ©sence des enfants, et bien que les miens soient relativement sages, il fallait reconnaĂźtre quâils pouvaient ĂȘtre Ă©puisants par moment. Tandis quâun moine dĂ©posait deux nouvelles assiettes devant eux, jâentendis ravie ma fille le remercier avec un grand sourire. Et bien voilĂ , elle Ă©tait capable de se montrer pleine de bonnes maniĂšres quand elle le voulait. Attirant sa petite tĂȘte vers moi je dĂ©posais un baiser dans ses cheveux en souriant. Dastan posa sa main sur mon menton pour attirer mon attention et il me demanda avec sa petite lĂšvre tremblotante oĂč Ă©tait son pĂšre. Bonne question chĂ©ri ! - Papa est en voyage, chĂ©ri. Mais nous aussi on va voyager. Jasuhin a acceptĂ© quâon lâaccompagne. Tu verras se sera amusant ! Maintenant mange un peu. »Le petit garçon sembla sur le point de fondre en larmes quand je lui annonçais que son pĂšre nâĂ©tait pas lĂ . A vrai dire moi aussi jâavais envie de pleurer. Mais pas devant les enfants ! Liliana mangeait avec appĂ©tit tout en gavant le pauvre moineau. Mon sourire sâĂ©tira et je me tournais vers le Grand PrĂȘtre. - Puisque nous sommes tous lĂ , nous pourrons partir dĂšs que vous le voudrez Jasuhin. Avez-vous trouvĂ© ce que vous cherchiez en venant au Tertre ? » Le vieil homme mâavait expliquĂ© rapidement ses recherches sur le Tertre et jâespĂ©rais sincĂšrement quâil avait trouvĂ© les rĂ©ponses Ă ses questions pendant la semaine qui venait de sâĂ©couler. Je passais la main dans les cheveux bruns de mon fils en le regardant sâappliquer Ă manger. Toute mon angoisse sâĂ©tait envolĂ©e en les voyant arriver. Maintenant je pouvais mâatteler pleinement Ă cette mission que jâavais acceptĂ© de partager avec Jasuhin. Eux avec moi je me sentais plus forte. - Au fait, nous avons longuement parlĂ© ce voyage mais quel est votre premier objectif ? » Je ne lâavais jamais trop interrogĂ©e sur ses plans, aprĂšs tout, les personnes de son Ăąge et de son statut aiment souvent faire des mystĂšres. Jasuhin ne devait pas ĂȘtre bien diffĂ©rent ! Cependant je mâinterrogeais tout de mĂȘme sur la premiĂšre Ă©tape de son plan. Jasuhin le HumbleHumainNombre de messages 50Ăge 34Date d'inscription 06/04/2013Personnage. MANUSCRIT . Ăge 51Niveau Magique Sujet Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Ven 10 Mai 2013 - 847 - Oui, je crois. Jâai du chercher dans des ouvrages dont la rĂ©daction doit remonter Ă la naissance de mon arriĂšre grand-pĂšre, mais jâai finalement trouvĂ© quelques informations sur des sorts liĂ©s Ă la maĂźtrise de la foudre. Jâai eu lâautorisation express du responsable de la bibliothĂšque pour recopier ces donnĂ©es, mais ces derniĂšres sont encore lacunaires ... Je vais avoir encore de belles heures de rĂ©flexion devant moi. »Il regarda les enfants qui terminait de finir leurs assiettes. La route devait les avoir affamĂ©s vu la vitesse Ă laquelle ils avaient engloutis le plat principal, une poule au pot accompagnĂ© de lĂ©gumes divers. Aile sâĂ©tait familiarisĂ©e avec les nouveaux venus, et encore un peu plus, le moineau deviendrait une vĂ©ritable petite boule de plume, toute ronde. Jasuhin sourit en voyant le moineau qui commençait Ă dĂ©daigner les miettes de mie que lui lançaient Liliana et Dastan. De sa voix enjouĂ©e, il prĂ©vint les enfants. - Doucement les enfants, vous allez me faire exploser Aile si vous continuez ainsi ! Elle a un tout petit estomac, et je crois que vous lâavez rassasiĂ© pour la soirĂ©e. Aile, si tu remerciais ces gentils enfants ? »Le moineau tourna la tĂȘte vers Jasuhin, cligna des yeux, avant de se diriger en sautillant vers les assiettes vides des enfants. Il piailla plusieurs fois, tout en baissant sa petite tĂȘte dans son plumage. Puis, elle vint picoter lĂ©gĂšrement le bout dâongle de Liliana. Le moineau attendait la rĂ©action de la jeune fille et de son frĂšre. - Je crois que jâai terminĂ© ce que je devais faire ici. Et vous, Jena ? »Pensif, il regarda les enfants quelques secondes avant de sourire. - Je nâai pas rencontrĂ© la PĂšlerine, mais jâai rencontrĂ© une personne tout aussi formidable et importante. NĂ©era voulait que je vous rencontre, vous et vos enfants. Peut-ĂȘtre que mes pas feront que je croiserais de nouveau lâancienne gardienne dans un autre lieu, un autre temps. Bref, je mâĂ©gare. Pour notre voyage ... »Il nâeut pas le temps de commencer sa phrase, un moine venant lâinterrompre pour dĂ©barrasser les assiettes. Il demanda si la petite troupe dĂ©sirait un dessert, notamment pour les enfants. Une tarte aux pommes et une autre aux abricots furent alors amenĂ©es sur la table. Tandis que Jasuhin les dĂ©coupait, les enfants se chamaillaient pour savoir quelle tarte il prendrait. Jasuhin attendit patiemment que leur mĂšre les dĂ©partage, avant de les servir. Il se prit pour lui-mĂȘme une part de tarte Ă lâabricot. Il commença Ă la dĂ©guster, et se rendit compte de son aciditĂ©. Il fit une lĂ©gĂšre grimace mais termina tout de mĂȘme son assiette. Apparemment, la mimique de son visage devait ĂȘtre ridicule, au vu des pouffements de rire des deux enfants Ă son Ă©gard. Il sourit et reprit ses propos. - Comme nous sommes bien au Nord de la pĂ©ninsule, je ne souhaite pas nous aventurer avec vos enfants plus haut. La rĂ©gion est encore instable et je ne souhaite pas vous faire courir le moindre risque. Je pensais me diriger donc vers le Sud, et gagner les terres de la baronnie dâOlyssea. Nous pourrions y faire un court sĂ©jour, afin de rencontrer les Ă©lites locales, mais Ă©galement les grands prĂȘtres locaux. Puis, Ă partir dâOlyssea, je souhaitais gagner les terres du duchĂ© dâErac. Nous gagnerions Mons, NĂ©ris, puis Ancennis. Ici, nous pourrions rencontrer le grand prĂȘtre responsable du temple de Primeprestre. Je lâai dĂ©jĂ rencontrĂ© et jâaimerai voir sâil peut soutenir mon projet. Par la suite, nous gagnerons les terres de Hautval, avant de faire le tour des Monts Corbeaux et redescendre vers la plaine dâErac. Nous sĂ©journerons dans mon ancienne prĂȘtrise, avant de gagner la nouvelle, en prenant notre temps et sâen trop forcer les montures et les hommes, je pense que le tout est rĂ©alisable en moins de trois semaines. Quâen pensez-vous ? »DerniĂšre Ă©dition par Jasuhin le Humble le Mer 5 Juin 2013 - 555, Ă©ditĂ© 1 fois Jena KastelordAncienNombre de messages 958Ăge 34Date d'inscription 23/03/2010Personnage. MANUSCRIT . Ăge 30Niveau Magique Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Lun 13 Mai 2013 - 1103 CâĂ©tait toujours un rĂ©gal dâĂ©couter Jasuhin, mĂȘme les enfants semblaient captivĂ©s. Lorsquâil dĂ©clara quâil nâavait plus rien Ă faire au Tertre, je lui adressais un sourire qui voulait dire moi non plus ». Il Ă©voqua lâancienne gardienne et un instant je pensais Ă ma rencontre avec elle. Non, moi non plus je nâavais plus rien Ă faire au Tertre, jâavais envoyĂ© une missive au Grand PrĂȘtre Ă Alonna pour lui raconter mon entretien avec elle et pour lui parler du projet de Jasuhin que jâentendais aider. Lorsque le vieil homme parla dâune personne importante quâil avait rencontrĂ©e ici, je le fixais en lâinterrogeant du regard. VoilĂ une chose quâil mâavait cachĂ©e lors de nos entretiens, et finalement je sentis mes joues sâembrasaient lorsque je compris quâil parlait de moi. Je ne mâĂ©tais jamais vue comme une personne importante, je nâavais jamais oubliĂ© mes annĂ©es de servitude auprĂšs de Dame Camelia, ni de la petite maison que jâavais habitĂ© avec mes parents. Si jâavais un jour atteint un rang supĂ©rieur, câĂ©tait seulement parce que jâĂ©tais tombĂ©e amoureuse de mon Ă©poux. Jâavais connu les largesses dâune vie Ă lâabri du besoin, jâavais connu le faste des Cours de la PĂ©ninsule, les belles parures, les beaux bijoux⊠Mais je nâavais jamais Ă©tĂ© aussi heureuse que le jour oĂč Hanegard mâavait annoncĂ© son intention dâabdiquer. Jâavais su Ă cet instant que je lâaurais enfin pour moi tout entier, que je ne le partagerais plus avec une baronnie⊠Bon, Ă lâheure actuelle il Ă©tait sur un bateau et ne comptait pas revenir avant des mois⊠et en compagnie dâun ComteâŠ. mon attention vers Jasuhin, je le regardais dĂ©couper les deux tartes devant mes enfants salivant dâenvie. Alors quâils se disputaient pour savoir laquelle ils prendraient, je tranchais en leur disant que Dastan prendrait celle aux pommes et Liliana celle Ă lâabricot. Une fois les parts dans lâassiette, je recoupais en deux chacune dâelle et dĂ©posais une moitiĂ© de chaque dans leurs assiettes. Ma fille me fit un grand sourire, ravie de pouvoir goĂ»ter des deux tartes. Sauf que voilĂ âŠ. La grimace de Jasuhin les fit rire et aussitĂŽt ils voulurent eux aussi mangĂ© de la tarte aux abricots pour se regarder grimacer⊠Je dois reconnaĂźtre que câĂ©tait trĂšs amusant ! Jasuhin retrouva son sĂ©rieux et me dĂ©tailla le plan de notre voyage. Olyssea, Erac, Mons , NĂ©ris, Ancenis, Hautval, Ă nouveau Erac et enfin Berthold⊠La balade sâannonçait longueâŠJe manquais de mâĂ©touffer avec ma gorge dâeau fraĂźche lorsque le vieil homme mâexpliqua quâen trois semaines cela devrait ĂȘtre rĂ©glĂ© ! Trois semaines ? Pour faire toutes ses villes ? Oui cela aurait Ă©tĂ© possible sâils avaient tenus le rythme rĂ©gulier de cavaliers expĂ©rimentĂ©s mais sans vouloir vexer mon supĂ©rieur, je doutais quâil puisse tenir une journĂ©e Ă un tel rythme. Idem pour mes enfants. - Trois semaines⊠cela me semble bien peu pour rendre visite Ă toutes ses personnes. Il ne faut pas oublier quâon peut nous faire patienter plusieurs avant dâaccepter une entrevue. MĂȘme en tant quâancienne Baronne je nâai pas le pouvoir de nous ouvrir les portes en grand dĂšs notre arrivĂ©e. Il faudra patienter peut-ĂȘtre un jour ou deux dans chaque auberge. Et puis ne vous vexez pas Jasuhin, mais pour faire ce trajet en trois semaines il faudrait cravacher sĂ©vĂšre, nous arrĂȘter quâune journĂ©e maximum et dormir Ă la belle Ă©toile trop souvent. Pourriez-vous tenir un tel rythme ? En tout cas, eux jâen doute. »Je caressais doucement les cheveux de Dastant qui terminait sa tarte. AprĂšs la derniĂšre bouchĂ©e il se laissa tomber en arriĂšre pour sâappuyer contre moi. Cet enfant Ă©tait insatiable de cĂąlins, jâavais toujours pensĂ© que câĂ©tait Ă cause de la violence de son accouchement quâil cherchait constamment Ă ĂȘtre en contact avec son pĂšre ou moi. Le berçant doucement, je repris un ton plus bas en espĂ©rant quâil sâendormait sans trop faire dâhistoire. - En journĂ©e nous nâavancerons pas rapidement, et le soir je prĂ©fĂšrerais Ă©viter de dormir dehors. Les nuits vont en se rafraichissant et je veux les savoir dans un lit, au chaud. Je pense quâon peut plutĂŽt partir sur quatre semaines pleines en sachant quâon pourrait dĂ©passer ce dĂ©lai. AprĂšs tout NĂ©era ne souhaite sĂ»rement pas nous tuer Ă la tĂąche nâest-ce pas ?! Sa volontĂ© sera accomplie mĂȘme si nous prenons une semaine de plus ! Et ne vous faites aucun souci pour les frais de notre voyage. Ăa aussi câest lâun des avantages dâavoir Ă©tĂ© Baronne ! » Jasuhin le HumbleHumainNombre de messages 50Ăge 34Date d'inscription 06/04/2013Personnage. MANUSCRIT . Ăge 51Niveau Magique Sujet Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Mar 21 Mai 2013 - 644 Il sourit Ă la tĂȘte grimaçante des enfants qui mangeaient eux aussi une part de la tarte Ă lâabricot. Jasuhin eut du mal Ă dĂ©cider lequel des deux faisaient la pire grimace. Câest sur ses rires que Jena interpella Jasuhin sur le futur voyage du petit groupe. Si la jeune femme semblait dâaccord sur le futur itinĂ©raire, elle se montra rĂ©ticente sur le temps de parcours estimĂ© par le prĂȘtre. Il est vrai quâil Ă©tait ambitieux et il se rendit compte quâil nâavait pas pris en compte lâeffort important pour les deux enfants de Jena. La mĂšre jeta de nouveau un coup dâĆil sur sa progĂ©niture avant de reprendre. Elle avait raison, dâautant plus que Jasuhin nâĂ©tait pas pressĂ© par le temps. Du moins pour lâinstant. La DĂ©esse Ă©tait partout de toute façon, et elle accompagnait les pas de chacun de ses jeta un nouveau regard sur la mĂšre et ses enfants. Une triste pensĂ©e lui traversa lâesprit. Il nâavait pas connu cette joie si intense dâĂȘtre parent. Beaucoup de difficultĂ©s mais tellement de bonheur offert au quotidien. Il se souvenait des couples quâil avait pu aider Ă enfanter dans le passĂ©, de lâassistance quâavait offert la DĂ©esse Ă certains hommes et certaines femmes. Lui, il ne connaĂźtrait jamais cette chance. Pas que lâordre des Cinq lui interdisait. Mais il sâĂ©tait jurĂ© Ă lui mĂȘme de se donner corps et Ăąme Ă la DĂ©esse. Et une compagne et un enfant aurait difficilement trouvĂ© sa place dans son quotidien. Il secoua la tĂȘte, se rendant compte que Jena venait de terminer. Il hĂ©sita quelques secondes, tentant de se souvenir de ce quâelle venait de dire. - Vous avez raison, Jena, jâai fait des calculs qui sont bien trop ambitieux. Et pour vos enfants, et peut-ĂȘtre pour moi. Nous prendrons notre temps. Je ne suis nullement pressĂ©. J'ai laissĂ© quelques amis sur place, pour commencer le projet du monastĂšre ⊠Et la DĂ©esse ne les aura pas fait disparaĂźtre d'ici lĂ ! »Il sourit aux enfants qui commençaient Ă montrer des signes de fatigue. Le voyage combinĂ© aux retrouvailles de leur mĂšre les avait Ă©puisĂ©s. Tandis quâil baillait, Jasuhin les dĂ©signa dâun signe de tĂȘte bienveillant. - Ils mâont lâair dâĂȘtre Ă©puisĂ© par toutes ces pĂ©ripĂ©ties. Un sommeil rĂ©parateur en compagnie de leur mĂšre leur fera le plus grand bien. Venez, approchez les enfants, et vous aussi Jena. Je vais vous bĂ©nir pour faciliter votre repos. En espĂ©rant quâil soit propice aux songes rĂ©confortants et rĂ©parateurs. »Jasuhin tendit ses deux mains vers les enfants et Jena, et psalmodia dâune douce voix une priĂšre pour inciter la DĂ©esse Ă leur accorder le repos. Il se concentra en fermant les yeux, sa respiration se fit rĂ©guliĂšre et il sentit la douce Ă©nergie de la DĂ©esse coulait en lui. Aile vint rejoindre son Ă©paule, augmentant ainsi le pouvoir magique. Il fit lĂ©gĂšrement briller ses mains dâune chaleur rĂ©confortante, rouvrit les yeux et bĂ©nit les enfants. Si Liliana avait hĂ©ritĂ© de sa main vierge, Dastan lui avait en face de lui sa main noire et brulĂ©e. Il se laissa tout de mĂȘme faire, avec une moue de rĂ©ticence et de curiositĂ©. Jasuhin vit la perplexitĂ© du jeune garçon. - Aucune inquiĂštude Ă avoir les enfants. NĂ©era accompagnera vos songes cette nuit, afin quâil soit doux et rĂ©confortant. Quand Ă cette main ... Elle tâintrigue, nâest-ce-pas Dastan ? Elle est le tĂ©moin dâune longue histoire. Une histoire trop longue pour ĂȘtre contĂ©e ce soir en tout cas. Mais demain, je vous raconterai son origine. En attendant, allez-vous coucher. Vous en avez bien besoin. »Joignant le geste Ă la parole, Jasuhin se leva et raccompagna Jena jusquâĂ la porte de la salle. Il lui proposa de partir demain matin, en dĂ©but de matinĂ©e. Pas trop tĂŽt pour que les enfants puissent ĂȘtre bien rĂ©veillĂ©s et frais pour la journĂ©e de route. Il remercia Jena pour son implication, puis la regarda partir avec ses enfants. Jasuhin gagna la salle de priĂšre, et joignit sa voix Ă celle des autres moines. Il avait commencĂ© Ă sympathiser avec quelques uns, notamment un vieux moine Ă la panse bedonnante. Il Ă©changea quelques mots avec lui, avant de tourner sa voix, ses yeux et son esprit vers NĂ©era. [...]Il se tourna vers lâimposante muraille une derniĂšre fois. Lâhiver nâĂ©tait pas loin. Une brume entourait le Tertre, lui donnant un air lugubre. Elle semblait surgir du nĂ©ant, tel un phare guidant les pas des Hommes Ă travers lâHistoire. Un rire le tira de sa contemplation. Les enfants jouaient avec Aile. Il tentait dâattraper le petit moineau, mais il se montrait trop agile pour les deux paires de mains des enfants. Un sourire sur les lĂšvres, il se dĂ©tourna du chĂąteau, et gagna dâun pas rapide le groupe qui sâĂ©loignait dans le brouillard matinal.=> VERS LA BARONNIE D'OLYSSEA Contenu sponsorisĂ©Sujet Re PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier PriĂšres et rencontres sous un grand chandelier Page 1 sur 1 Sujets similaires» Le roi sous la montagne ou le Gormrik sous le Kazaz» [Autel] Prieres silencieuses» Entre priĂšres et souvenirs Solange & Aurel» LĂ oĂč nos priĂšres se croisent. Hyriel et Kelendil [TERMINE]» [Missive] Du Grand-Sud au Grand-NordPermission de ce forumVous ne pouvez pas rĂ©pondre aux sujets dans ce forumMiradelphia PĂNINSULE Marquisat de Sainte Berthilde Marquisat de Sainte BerthildeSauter vers
Ägo, Äre, Ägi, actum, tr. - voir l'article ago de Gaffiot. - axim = egerim, Pac. ap. Non. 505, 22; axit = egerit, Paul. Diac. 3, 3; agier = agi,â Cic. Off. 3, 15; agentĆ«m = agentium, Vulc. Gall. Av. Cass. 4, 6. - cf. gr. áŒÎł. [st1]1 [-] chasser devant soi, faire marcher, conduire, pousser, amener en parlant des ĂȘtres animĂ©s ou personnifiĂ©s. - jus agendi, Caj. le droit de passage avec un troupeau. - agere captivum prae se, Curt. 7, 6 faire marcher un captif devant soi. - agere agmen, Virg. conduire une troupe. - agere currum conduire un char. - agere capellas, Virg. mener les chĂšvres au pĂąturage. - se agere, Virg. agi, Liv. se transporter, aller. - unde agis te? Plaut. d'oĂč viens-tu? - quo agis te? Plaut. Am. oĂč vas-tu? - ad castra Samnitium perrexit, quo multitudo omnis consternata agebatur, Liv. 10, 29 il marcha vers le camp des Samnites oĂč se dirigeait, Ă©pouvantĂ©e, toute la foule des soldats. - agere carmine quercus, Virg. entraĂźner les chĂȘnes par ses chants. - fluvius vi agens undas, Curt. fleuve qui roule ses eaux avec impĂ©tuositĂ©. - praecipites Germani in amnem aguntur, Tac. H. 5 les Germains sont poussĂ©s et prĂ©cipitĂ©s dans le fleuve. [st1]2 [-] emmener comme capture. - praedam praedas agere, Sall. se retirer avec du butin hommes et bĂ©tail. - agere et ferre emmener et emporter = piller. - res sociorum ferri agique vidit, Liv. il vit livrer au pillage les biens des alliĂ©s. - agunt feruntque cuncta, Tac. fig. ils mĂšnent tout Ă leur grĂ©. [st1]3 [-] poursuivre, chasser, mettre en fuite. - apros agere, Virg. G. 3, 412 poursuivre des sangliers [Ă la chasse]. - acerba fata Romanos agunt, Hor. Epo. 7,17 des destins cruels poursuivent les Romains. - agentia verba Lycamben, Hor. Ep. 1, 19, 25 les mots qui harcĂšlent Lycambe. - agere hostem ad naves, Just. poursuivre l'ennemi jusqu'aux vaisseaux. - agere aliquem de fundo, Cic. chasser qqn de sa propriĂ©tĂ©. - agere in fugam mettre en fuite. - lapidibus aliquem agere chasser qqn Ă coups de pierres. [st1]4 [-] conduire, gouverner, entraĂźner, pousser Ă , contraindre; Ă©mouvoir, agiter, inquiĂ©ter, solliciter, attirer. - Tros Tyriusque mihi nullo discrimine agetur, Virg. En. 1 Troyens ou Tyriens, ils seront traitĂ©s par moi sans distinction. - se agere = se gerere se comporter, se conduire. - tantÄ mobilitate sese Numidae agunt, Sall. J. 56 tant la conduite des Numides est mobile. - aliquem transvorsum agere, Sall. J. 6, 3 pousser qqn hors du droit chemin. - aliquem praecipitem agere, Cic. entraĂźner qqn Ă sa perte. - agere in furorem, Quint. rendre furieux. - agere in bellum, Tac. pousser Ă la guerre. - agere ad omne scelus, Tac. pousser Ă tous les crimes. - me profari agit, Sil. il me pousse Ă parler. - agere in mortem pousser Ă se donner la mort. - deus ultor agebat, Ov. M. 14 un dieu vengeur l'agitait. - diris agam vos, Hor. Epod. 5 je vous poursuivrai de mes imprĂ©cations. - ubi studio agitur aut irÄ, Curt. dĂšs que la foule est emportĂ©e par l'enthousiasme ou la colĂšre. - seu te discus agit, Hor. ou si le disque t'attire. [st1]5 [-] mouvoir une chose, donner une impulsion, donner une direction, faire avancer, pousser. - fracturae centum libras agentes, Plin. des fragments de roche [remuant la balance]= pesant cent livres. - agere navem, Hor. diriger un vaisseau. - in litus naves agere, Liv. 22, 19 tirer les bateaux sur le rivage. - agere vineas, Caes. faire avancer les mantelets. - cuniculum agere ad aerarium? Cic. Off. 3 conduire faire une galerie jusqu'au TrĂ©sor public. - agere limitem au fig. reculer les limites, gagner du terrain. [st1]6 [-] pousser au-dedans, faire pĂ©nĂ©trer, enfoncer. - agere telum costis, Sil. enfoncer un trait dans la poitrine. - agere fulmen, lancer la foudre. - pluma in cutem radices egerat imas, Ov. M. 2 le plumage avait enfoncĂ© dans la peau de profondes racines. - agere rimas se fendre, se lĂ©zarder, se gercer. [st1]7 [-] pousser au-dehors, faire sortir de soi. - agere frondem, Plin. pousser des feuilles. - scintillas agere, Lucr. 2, 675 lancer des Ă©tincelles. - agere spumas, Cic. Ă©cumer. - agere contagia, Virg. rĂ©pandre la contagion. - animam agere, Cic. rendre lâĂąme, expirer. - sudor agitur, Sil. la sueur s'Ă©chappe des pores. [st1]8 [-] passer le temps, ĂȘtre, vivre, sĂ©journer, habiter. - agere vitam passer sa vie, vivre. - decimum annum agere ĂȘtre dans sa dixiĂšme annĂ©e, ĂȘtre ĂągĂ© de neuf ans. - agere pacem vivre en paix, ĂȘtre en paix. - alter agebatur mensis, Ov. le second mois s'Ă©coulait. - securum agere aevum, Hor. mener une vie tranquille. - agere hiberna, Liv. ĂȘtre en quartier d'hiver. - annum ago octogesimum, Cic. je suis dans ma quatre-vingtiĂšme annĂ©e. - Marius apud primos agebat, Sall. Marius Ă©tait Ă l'avant-garde. - in spe agere, Tac. espĂ©rer. - in omni Africa, quae procul a mari agebat, Sall. J. 89 dans toute l'Afrique, qui Ă©tait Ă©loignĂ©e de la mer. - agere dies festos, Cic. Verr. cĂ©lĂ©brer des jours de fĂȘte. [st1]9 [-] faire, agir, ĂȘtre actif, travailler, ĂȘtre efficace. - agere rem negligenter, Ter. mener une affaire avec nĂ©gligence. - quid agis? = que fais-tu? ou comment vas-tu? - hoc age, Plaut. fais attention. - quid agam? = que dois-je faire? que faire? - aliud agere penser Ă autre chose, ĂȘtre indiffĂ©rent, ĂȘtre distrait. - nihil agere ne rien faire, nâaboutir Ă rien. - nihil agis, dolor! quamvis sis molestus, numquam te esse confitebor malum, Cic. Tusc. 2, 25, 61 tu perds ton temps, ĂŽ douleur! Si importune que tu sois, jamais je ne reconnaĂźtrai que tu es un mal. - electum agere faire son choix, choisir. - virtus aliquid agit, Sen. la vertu est active. - id agimus ut + subj. nous travaillons Ă ceci que, notre but notre objectif est de. - nihil agetur, Dig. il n'y aura rien de fait, l'acte sera nul. - gratias agere remercier. - laudes agere glorifier. - forum agere rendre la justice. - e re sua agere agir selon son propre intĂ©rĂȘt. - rem agere cum aliquo rĂ©gler une affaire avec qqn. [st1]10 [-] agir de telle ou telle façon, traiter qqn bien ou mal. - agere bene aliquo se comporter bien Ă lâĂ©gard de qqn. - male agere, Cic. se conduire mal. - praeclare agere cum aliquo bien agir Ă l'Ă©gard de qqn. - non pessime cum iis agitur, Cic. impers. ils ne sont pas Ă plaindre. - bene agi potuisse cum rebus humanis, si... Suet.... que le monde aurait pu ĂȘtre heureux si... - agere pro victoribus se comporter en vainqueurs. - sic par est agere cum civibus, Cic. Off. 2, 83 voilĂ comment il convient dâagir Ă lâĂ©gard de ses concitoyens. - au pass. impers. secum male actum putat, Cic. Verr. 3, 119 il pense quâon sâest mal comportĂ© Ă son Ă©gard. - cum illo quis neget actum esse praeclare? Cic. Lael. 11 qui pourrait dire que la destinĂ©e nâa pas Ă©tĂ© belle pour lui? - optime actum cum eo videlur esse, qui... Cic. Fam. 5, 18, 1 il semble avoir un sort heureux celui qui... - agite ut voltis, Cic. de Or. 2,367 agissez Ă votre guise. - perge ut agis, Cic. Fam. 10, 12, 5 continue dâagir comme tu fais. - bene agis, cum... jussisti, Liv. 8, 33, 10 tu as raison dâavoir ordonnĂ©. - agere lege agir conformĂ©ment Ă la loi frapper de la hache. - lictor, in eum primum lege age, Liv. 26, 6, 3 licteur, commence par lui lâapplication de la loi. - cf. Liv. 26, 15, 9 ; Sen. Contr. 10, 3, 6. [st1]11 [-] administrer, gouverner, gĂ©rer, remplir une charge, s'occuper de, procĂ©der Ă . - agere bellum, Caes. conduire la guerre, avoir la conduite de la guerre. - agere regnum rĂ©gner. - agere triumphum, Cic. Fam. 3, 10 triompher. - agere mensuram, Plin. 15, 3, 4, § 14 mesurer. - agere stationem, Liv. 35, 29 monter la garde. - libera arbitria agere, Liv. 24, 45 [faire des dĂ©cisions libres]= dĂ©cider arbitrairement. - agere consulatum, Quint. 12, 1, 16 ĂȘtre consul, exercer la fonction de consul, exercer le consulat. - vigilias agere, Cic. Verr. faire sentinelle. - censum agere, Liv. faire le recensement. - agere senatum, Suet. Caes. 88 assembler le sĂ©nat. - fiscum agere, Suet. lever l'impĂŽt. [st1]12 [-] rouler dans son esprit, songer Ă . - nescio quid mens mea agat, Ov. H. 12, 212 je ne sais ce qui se passe dans mon esprit. - agere cogitationem parricidalem, Quint. nourrir la pensĂ©e d'un parricide. - agere de intranda Britannia, Tac. Agr. 13 mĂ©diter une descente en Bretagne. [st1]13 [-] parler en public, prononcer un discours, haranguer, plaider; discuter, confĂ©rer, traiter; qqf. rendre un arrĂȘt. - in agendo plus quam in scribendo operam ponere, Cic. s'occuper plus de parler que d'Ă©crire. - quum proxime res agentur, la prochaine fois qu'on plaidera, Ă la premiĂšre audience. - agere causam plaider. - Agricola juste agebat, Tac. Agricola prononçait avec Ă©quitĂ©. - agere coepit se + inf. Nep il proposa de... - agebatur de condicionibus, Liv. on discutait sur les conditions. - agere de aliqua re traiter une affaire. - agitur ea res in senatu on traite de cette question au sĂ©nat. - agere cum populo sâadresser au peuple, porter une question devant le peuple. - agere cum senatu porter une question devant le sĂ©nat. - nihil ago tecum, Plaut. je n'ai rien Ă dĂ©mĂȘler avec toi. - sic agere cum meis soleo, voici ce que je dis aux gens de ma maison. - hic de quo agebam, Ter. celui dont je parlais. - bella, quae agimus, Liv. 10 les guerres que nous racontons. - quae tecum, Catilina, sic agit et la voici qui sâadresse directement Ă toi, Catilina Ă propos de la patrie. - agere cum aliquo ut... Cic. discuter avec qqn pour que, prier qqn de... - formule de contrat inter bonos bene agier oportet, Cic. Off. 3 il faut que les choses se passent bien entre honnĂȘtes gens. [st1]14 [-] intenter une accusation, accuser. - si quid de se agi vellent, Nep. s'ils voulaient lui faire un procĂšs. - agere aliquem reum, Liv. poursuivre qqn en justice. - agere aliquem adulterii, Quint. accuser qqn d'adultĂšre. [st1]15 [-] reprĂ©senter, exprimer, dĂ©biter comme acteur ou comme orateur, remplir le rĂŽle de, se conduire, agir comme; simuler, se donner les airs de, faire le... - agere fabulam jouer une piĂšce. - agere primas partes jouer le premier rĂŽle. - agere bonum virum jouer le rĂŽle dâhonnĂȘte homme. - agit Chaeram, Cic. il joue le rĂŽle de ChĂ©rĂ©as. - agere cum venustate, Cic. avoir un dĂ©bit agrĂ©able. - agere partes misericordiae, Cic. se conduire en homme compatissant. - laetum convivam agit, Hor. il agit en joyeux convive. - agere unum hominem, Sen. ĂȘtre toujours le mĂȘme ne jouer qu'un personnage. - egi illos omnes adulescentes, Cic. Fam. 2, 9 j'ai contrefait mimĂ© toute cette fameuse jeunesse. [st1]16 [-] au passif ĂȘtre en question, ĂȘtre en jeu. - non pecunia agitur, Ter. ce n'est pas d'argent qu'il s'agit. - agitur populi Romani gloria il sâagit de la gloire du peuple romain la gloire du peuple romain est en jeu. - is de quo agitur la personne en question. - magna hereditas agitur il est question d'un important hĂ©ritage. - mea res agitur mon intĂ©rĂȘt est en question, mon intĂ©rĂȘt est en jeu. - id agitur quis occiderit la question est de savoir qui a tuĂ©. - id de quo agitur l'affaire en question. - aguntur bona multorum, Cic. il y va de la fortune de beaucoup de gens. - voir actum; actus * * * Ägo, Äre, Ägi, actum, tr. - voir l'article ago de Gaffiot. - axim = egerim, Pac. ap. Non. 505, 22; axit = egerit, Paul. Diac. 3, 3; agier = agi,â Cic. Off. 3, 15; agentĆ«m = agentium, Vulc. Gall. Av. Cass. 4, 6. - cf. gr. áŒÎł. [st1]1 [-] chasser devant soi, faire marcher, conduire, pousser, amener en parlant des ĂȘtres animĂ©s ou personnifiĂ©s. - jus agendi, Caj. le droit de passage avec un troupeau. - agere captivum prae se, Curt. 7, 6 faire marcher un captif devant soi. - agere agmen, Virg. conduire une troupe. - agere currum conduire un char. - agere capellas, Virg. mener les chĂšvres au pĂąturage. - se agere, Virg. agi, Liv. se transporter, aller. - unde agis te? Plaut. d'oĂč viens-tu? - quo agis te? Plaut. Am. oĂč vas-tu? - ad castra Samnitium perrexit, quo multitudo omnis consternata agebatur, Liv. 10, 29 il marcha vers le camp des Samnites oĂč se dirigeait, Ă©pouvantĂ©e, toute la foule des soldats. - agere carmine quercus, Virg. entraĂźner les chĂȘnes par ses chants. - fluvius vi agens undas, Curt. fleuve qui roule ses eaux avec impĂ©tuositĂ©. - praecipites Germani in amnem aguntur, Tac. H. 5 les Germains sont poussĂ©s et prĂ©cipitĂ©s dans le fleuve. [st1]2 [-] emmener comme capture. - praedam praedas agere, Sall. se retirer avec du butin hommes et bĂ©tail. - agere et ferre emmener et emporter = piller. - res sociorum ferri agique vidit, Liv. il vit livrer au pillage les biens des alliĂ©s. - agunt feruntque cuncta, Tac. fig. ils mĂšnent tout Ă leur grĂ©. [st1]3 [-] poursuivre, chasser, mettre en fuite. - apros agere, Virg. G. 3, 412 poursuivre des sangliers [Ă la chasse]. - acerba fata Romanos agunt, Hor. Epo. 7,17 des destins cruels poursuivent les Romains. - agentia verba Lycamben, Hor. Ep. 1, 19, 25 les mots qui harcĂšlent Lycambe. - agere hostem ad naves, Just. poursuivre l'ennemi jusqu'aux vaisseaux. - agere aliquem de fundo, Cic. chasser qqn de sa propriĂ©tĂ©. - agere in fugam mettre en fuite. - lapidibus aliquem agere chasser qqn Ă coups de pierres. [st1]4 [-] conduire, gouverner, entraĂźner, pousser Ă , contraindre; Ă©mouvoir, agiter, inquiĂ©ter, solliciter, attirer. - Tros Tyriusque mihi nullo discrimine agetur, Virg. En. 1 Troyens ou Tyriens, ils seront traitĂ©s par moi sans distinction. - se agere = se gerere se comporter, se conduire. - tantÄ mobilitate sese Numidae agunt, Sall. J. 56 tant la conduite des Numides est mobile. - aliquem transvorsum agere, Sall. J. 6, 3 pousser qqn hors du droit chemin. - aliquem praecipitem agere, Cic. entraĂźner qqn Ă sa perte. - agere in furorem, Quint. rendre furieux. - agere in bellum, Tac. pousser Ă la guerre. - agere ad omne scelus, Tac. pousser Ă tous les crimes. - me profari agit, Sil. il me pousse Ă parler. - agere in mortem pousser Ă se donner la mort. - deus ultor agebat, Ov. M. 14 un dieu vengeur l'agitait. - diris agam vos, Hor. Epod. 5 je vous poursuivrai de mes imprĂ©cations. - ubi studio agitur aut irÄ, Curt. dĂšs que la foule est emportĂ©e par l'enthousiasme ou la colĂšre. - seu te discus agit, Hor. ou si le disque t'attire. [st1]5 [-] mouvoir une chose, donner une impulsion, donner une direction, faire avancer, pousser. - fracturae centum libras agentes, Plin. des fragments de roche [remuant la balance]= pesant cent livres. - agere navem, Hor. diriger un vaisseau. - in litus naves agere, Liv. 22, 19 tirer les bateaux sur le rivage. - agere vineas, Caes. faire avancer les mantelets. - cuniculum agere ad aerarium? Cic. Off. 3 conduire faire une galerie jusqu'au TrĂ©sor public. - agere limitem au fig. reculer les limites, gagner du terrain. [st1]6 [-] pousser au-dedans, faire pĂ©nĂ©trer, enfoncer. - agere telum costis, Sil. enfoncer un trait dans la poitrine. - agere fulmen, lancer la foudre. - pluma in cutem radices egerat imas, Ov. M. 2 le plumage avait enfoncĂ© dans la peau de profondes racines. - agere rimas se fendre, se lĂ©zarder, se gercer. [st1]7 [-] pousser au-dehors, faire sortir de soi. - agere frondem, Plin. pousser des feuilles. - scintillas agere, Lucr. 2, 675 lancer des Ă©tincelles. - agere spumas, Cic. Ă©cumer. - agere contagia, Virg. rĂ©pandre la contagion. - animam agere, Cic. rendre lâĂąme, expirer. - sudor agitur, Sil. la sueur s'Ă©chappe des pores. [st1]8 [-] passer le temps, ĂȘtre, vivre, sĂ©journer, habiter. - agere vitam passer sa vie, vivre. - decimum annum agere ĂȘtre dans sa dixiĂšme annĂ©e, ĂȘtre ĂągĂ© de neuf ans. - agere pacem vivre en paix, ĂȘtre en paix. - alter agebatur mensis, Ov. le second mois s'Ă©coulait. - securum agere aevum, Hor. mener une vie tranquille. - agere hiberna, Liv. ĂȘtre en quartier d'hiver. - annum ago octogesimum, Cic. je suis dans ma quatre-vingtiĂšme annĂ©e. - Marius apud primos agebat, Sall. Marius Ă©tait Ă l'avant-garde. - in spe agere, Tac. espĂ©rer. - in omni Africa, quae procul a mari agebat, Sall. J. 89 dans toute l'Afrique, qui Ă©tait Ă©loignĂ©e de la mer. - agere dies festos, Cic. Verr. cĂ©lĂ©brer des jours de fĂȘte. [st1]9 [-] faire, agir, ĂȘtre actif, travailler, ĂȘtre efficace. - agere rem negligenter, Ter. mener une affaire avec nĂ©gligence. - quid agis? = que fais-tu? ou comment vas-tu? - hoc age, Plaut. fais attention. - quid agam? = que dois-je faire? que faire? - aliud agere penser Ă autre chose, ĂȘtre indiffĂ©rent, ĂȘtre distrait. - nihil agere ne rien faire, nâaboutir Ă rien. - nihil agis, dolor! quamvis sis molestus, numquam te esse confitebor malum, Cic. Tusc. 2, 25, 61 tu perds ton temps, ĂŽ douleur! Si importune que tu sois, jamais je ne reconnaĂźtrai que tu es un mal. - electum agere faire son choix, choisir. - virtus aliquid agit, Sen. la vertu est active. - id agimus ut + subj. nous travaillons Ă ceci que, notre but notre objectif est de. - nihil agetur, Dig. il n'y aura rien de fait, l'acte sera nul. - gratias agere remercier. - laudes agere glorifier. - forum agere rendre la justice. - e re sua agere agir selon son propre intĂ©rĂȘt. - rem agere cum aliquo rĂ©gler une affaire avec qqn. [st1]10 [-] agir de telle ou telle façon, traiter qqn bien ou mal. - agere bene aliquo se comporter bien Ă lâĂ©gard de qqn. - male agere, Cic. se conduire mal. - praeclare agere cum aliquo bien agir Ă l'Ă©gard de qqn. - non pessime cum iis agitur, Cic. impers. ils ne sont pas Ă plaindre. - bene agi potuisse cum rebus humanis, si... Suet.... que le monde aurait pu ĂȘtre heureux si... - agere pro victoribus se comporter en vainqueurs. - sic par est agere cum civibus, Cic. Off. 2, 83 voilĂ comment il convient dâagir Ă lâĂ©gard de ses concitoyens. - au pass. impers. secum male actum putat, Cic. Verr. 3, 119 il pense quâon sâest mal comportĂ© Ă son Ă©gard. - cum illo quis neget actum esse praeclare? Cic. Lael. 11 qui pourrait dire que la destinĂ©e nâa pas Ă©tĂ© belle pour lui? - optime actum cum eo videlur esse, qui... Cic. Fam. 5, 18, 1 il semble avoir un sort heureux celui qui... - agite ut voltis, Cic. de Or. 2,367 agissez Ă votre guise. - perge ut agis, Cic. Fam. 10, 12, 5 continue dâagir comme tu fais. - bene agis, cum... jussisti, Liv. 8, 33, 10 tu as raison dâavoir ordonnĂ©. - agere lege agir conformĂ©ment Ă la loi frapper de la hache. - lictor, in eum primum lege age, Liv. 26, 6, 3 licteur, commence par lui lâapplication de la loi. - cf. Liv. 26, 15, 9 ; Sen. Contr. 10, 3, 6. [st1]11 [-] administrer, gouverner, gĂ©rer, remplir une charge, s'occuper de, procĂ©der Ă . - agere bellum, Caes. conduire la guerre, avoir la conduite de la guerre. - agere regnum rĂ©gner. - agere triumphum, Cic. Fam. 3, 10 triompher. - agere mensuram, Plin. 15, 3, 4, § 14 mesurer. - agere stationem, Liv. 35, 29 monter la garde. - libera arbitria agere, Liv. 24, 45 [faire des dĂ©cisions libres]= dĂ©cider arbitrairement. - agere consulatum, Quint. 12, 1, 16 ĂȘtre consul, exercer la fonction de consul, exercer le consulat. - vigilias agere, Cic. Verr. faire sentinelle. - censum agere, Liv. faire le recensement. - agere senatum, Suet. Caes. 88 assembler le sĂ©nat. - fiscum agere, Suet. lever l'impĂŽt. [st1]12 [-] rouler dans son esprit, songer Ă . - nescio quid mens mea agat, Ov. H. 12, 212 je ne sais ce qui se passe dans mon esprit. - agere cogitationem parricidalem, Quint. nourrir la pensĂ©e d'un parricide. - agere de intranda Britannia, Tac. Agr. 13 mĂ©diter une descente en Bretagne. [st1]13 [-] parler en public, prononcer un discours, haranguer, plaider; discuter, confĂ©rer, traiter; qqf. rendre un arrĂȘt. - in agendo plus quam in scribendo operam ponere, Cic. s'occuper plus de parler que d'Ă©crire. - quum proxime res agentur, la prochaine fois qu'on plaidera, Ă la premiĂšre audience. - agere causam plaider. - Agricola juste agebat, Tac. Agricola prononçait avec Ă©quitĂ©. - agere coepit se + inf. Nep il proposa de... - agebatur de condicionibus, Liv. on discutait sur les conditions. - agere de aliqua re traiter une affaire. - agitur ea res in senatu on traite de cette question au sĂ©nat. - agere cum populo sâadresser au peuple, porter une question devant le peuple. - agere cum senatu porter une question devant le sĂ©nat. - nihil ago tecum, Plaut. je n'ai rien Ă dĂ©mĂȘler avec toi. - sic agere cum meis soleo, voici ce que je dis aux gens de ma maison. - hic de quo agebam, Ter. celui dont je parlais. - bella, quae agimus, Liv. 10 les guerres que nous racontons. - quae tecum, Catilina, sic agit et la voici qui sâadresse directement Ă toi, Catilina Ă propos de la patrie. - agere cum aliquo ut... Cic. discuter avec qqn pour que, prier qqn de... - formule de contrat inter bonos bene agier oportet, Cic. Off. 3 il faut que les choses se passent bien entre honnĂȘtes gens. [st1]14 [-] intenter une accusation, accuser. - si quid de se agi vellent, Nep. s'ils voulaient lui faire un procĂšs. - agere aliquem reum, Liv. poursuivre qqn en justice. - agere aliquem adulterii, Quint. accuser qqn d'adultĂšre. [st1]15 [-] reprĂ©senter, exprimer, dĂ©biter comme acteur ou comme orateur, remplir le rĂŽle de, se conduire, agir comme; simuler, se donner les airs de, faire le... - agere fabulam jouer une piĂšce. - agere primas partes jouer le premier rĂŽle. - agere bonum virum jouer le rĂŽle dâhonnĂȘte homme. - agit Chaeram, Cic. il joue le rĂŽle de ChĂ©rĂ©as. - agere cum venustate, Cic. avoir un dĂ©bit agrĂ©able. - agere partes misericordiae, Cic. se conduire en homme compatissant. - laetum convivam agit, Hor. il agit en joyeux convive. - agere unum hominem, Sen. ĂȘtre toujours le mĂȘme ne jouer qu'un personnage. - egi illos omnes adulescentes, Cic. Fam. 2, 9 j'ai contrefait mimĂ© toute cette fameuse jeunesse. [st1]16 [-] au passif ĂȘtre en question, ĂȘtre en jeu. - non pecunia agitur, Ter. ce n'est pas d'argent qu'il s'agit. - agitur populi Romani gloria il sâagit de la gloire du peuple romain la gloire du peuple romain est en jeu. - is de quo agitur la personne en question. - magna hereditas agitur il est question d'un important hĂ©ritage. - mea res agitur mon intĂ©rĂȘt est en question, mon intĂ©rĂȘt est en jeu. - id agitur quis occiderit la question est de savoir qui a tuĂ©. - id de quo agitur l'affaire en question. - aguntur bona multorum, Cic. il y va de la fortune de beaucoup de gens. - voir actum; actus * * * Ago, Agis, priore corr. egi, actum, agere. Besongner, Faire quelque chose. \ Hoc age. Terent. Sois du tout attentif Ă cela, Laisse toutes choses pour entendre Ă cela, Pren y garde. \ Id agunt, vt viri boni esse videantur. Cic. Ils taschent et mettent peine Ă estre estimez gents de bien. \ Cum seruo Habiti furti egit. Cic. Il a accusĂ© de larcin le serf d'Habitus. \ Agere iniuriarum cum aliquo. Sub. crimine. Cic. Intenter action en cas d'injures alencontre de quelcun, Agir contre quelcun, etc. \ Agere vineas et turres. Caesar. Poulser devant soy, Approcher, ou mettre pres. \ Hoccine agis, an non? Terent. Entens tu Ă ce que je te dis, ou non? \ Membris agit atra venena. Virgil. Chasse dehors. \ Agere caudam. Colum. Remuer la queue. \ Est ne ipsus de quo agebam? Terent. N'est ce pas celuy de qui je parloye? \ Agere. Virgil. Gouverner. \ Agere. Virgil. Vexer, Inquieter, Tormenter. \ Agere. Virg. Poursuyvre aucun, Presser, Chasser de pres. \ Agere. Tacit. Vivre. \ Agere inter homines desiit. Tacit. Il est mort. \ Vt ferri agique res suas viderunt. Liuius. Quand ils veirent qu'on ravissoit et qu'on emmenoit tout leur bien. \ Agere aliquem ad aliquid. Plin. Induire, Inciter. \ Agere ad populum. Cic. Traicter et adviser avec le peuple de quelque affaire publique. \ Agere omnia ad praescriptum. Caesar. Faire tout par, ou selon l'ordonnance d'autruy. \ AEtatem agere Athenis. Cicero. Vivre en Athenes, Passer ses jours, Finer ses jours, User sa vie en Athenes. \ Hic fere aetatem egit in literis. Cicero. Il a estudiĂ© presque toute sa vie, ConsumĂ© sa vie Ă l'estude. \ AEuum cum diis in caelo. Cic. Vivre eternellement. \ AEuum per crimina. Ouid. Vivre en toutes meschancetez. \ Aliquem. Cic. Contrefaire aucun. \ Aliud agere. Cic. Ne point penser ou entendre Ă ce qu'on dict, Penser ailleurs, Faire des chasteauls en Espaigne. \ Aliud nunc agit. Cic. Il ne s'en soulcie pas Ă ceste heure. Bud. \ Ambages. Plaut. User d'ambages, Parler ambiguement. \ Ambigue. Corn. Tacit. Tourner autour du pot, Aller en ambageoye. \ Amicum. Plin. Se monstrer vray ami, Faire office d'ami, Faire en bon ami. \ Animam. Ci. Se mourir, Estre Ă l'article de la mort, Tirer Ă la fin, Rendre l'esprit. \ Animum. Horat. Tourner, Induire. \ Animo magno et forti rem aliquam agere. Cic. Faire quelque chose hardiement et sans crainte. \ Annum secundum agere, etc. Varro. Estre au deuxiesme an de son aage. \ Anni nonaginta aguntur a Virgilii vatis obitu. Plin. Il y a quatre vingts dix ans que Virgile est mort. \ Apologum. Plaut. Conter une fable. \ Apud aliquos. Cic. Faire une harangue Ă aucuns. \ Arbitrium alicuius rei. Liu. Faire le maistre de quelque chose, En disposer et ordonner Ă son plaisir. \ Astute. Matius. Cic. User de finesse, ou astuce, Faire ou dire quelque chose par faintise. \ Agere bellum vt, Bella agenda non puero. Ouid. Faire la guerre. \ Bene mecum agitur. Cicero. Je suis bien, Mon cas va bien, Mon cas se porte bien, Je me tiens bien pour content, Je suis bien heureux, etc. \ Bene cum rebus humanis ageretur. Sueton. Ce seroit un grand bien pour les hommes. \ Bene egissent Athenienses cum Milciade, etc. Valer. Max. Les Atheniens se feussent bien portez envers luy, Ils luy eussent faict grand plaisir, Ils eussent beaucoup faict pour luy, si, etc. \ Blanditiis agitur nihil. Ouid. On ne gaigne rien Ă flatter. \ Agere canticum. Liu. Danser. \ Captiuos sub curribus. Mart. Mener les prisonniers en triomphe. \ Causam, vel causas. Plin. Advocasser, Plaider une cause. \ Censuram. Senec. Estre rigoreux. \ Censura agitur. Ouid. Agere circum. Virg. Faire tournoyer. \ Ciuem mirificum. Caelius Cic. Se monstrer bon et vray citoyen. \ Coliculum. Columel. Jecter, ou produire une petite tige. \ Communiter aliquid. Cic. Traicter de quelque chose ensemble. \ Consilia. Liu. Tenir conseil, Consulter ensemble. \ Consulem. Plin. iunior. Faire office de Consul. \ Contagia late. Ouid. Jecter bien loing et espardre sa contagion et infection. \ Contentione magna. Liu. Tascher fort et prendre grand peine Ă faire quelque chose. \ Conuentus. Caesar. Terent. Tenir les estats d'un pais, Tenir les grands jours ou l'eschiquier. \ Agere cum alio re aliqua vt, Plebeio sermone agere cum aliquo. Ci. User de language commun et vulgaire en parlant Ă luy. \ Agere cum aliquo. Caes. Traicter de quelque chose avec aucun, Luy tenir propos de quelque chose. \ Egit nobiscum, vt, si nobis videretur, adiremus ad eorum senatum. Ci. Il nous teint propos d'aller si bon nous sembloit, etc. \ Agere cum aliquo. Cice. Soliciter un homme Ă faire quelque chose, et l'en requerir. \ Quid cum illis agas, qui neque ius, etc. Terent. Que ferois tu avec ces gents lĂ qui, etc. \ Nihil ago tecum. Plau. Je n'ay que faire ne que soulder avec toy. \ Accurate agere cum aliquo, vt. Ci. Le solliciter fort et soigneusement que, etc. \ Familiariter agere cum aliquo. Cic. Dire, ou Parler familierement et priveement Ă aucun. \ Gladiis. Cic. User de glaives envers aucuns. \ Hortatione. Cic. User d'exhortation. \ Iracunde. Cic. En se courrouceant. \ Leniter. Cic. Doulcement, Gratieusement. \ Praeceptis. Cic. User de commandements, Commander Ă aucun. \ Precibus. Cic. User de prieres, Prier aucun. \ Prisce. Cic. Le traicter Ă la mode ou maniere ancienne, Ă l'antique. \ Remisse. Cic. Non asprement. \ Seuere. Cic. User de severitĂ© envers aucun. \ Simpliciter. Cic. Simplement et rondement. \ Tabellis obsignatis. Cic. Le convaincre par ses lettres mesmes. \ Vehementer. Cic. Asprement. \ Vrbane. Cic. Civilement. \ Agere cum Patribus. Cic. Traicter de quelque chose avec les senateurs. \ Agere cum populo. Cic. Quand un magistrat assembloit le peuple, et traictoit avec euls de quelque affaire publique. \ Agere cuniculos ad aerarium. Cic. Faire une mine, Miner. \ Curam. Liu. Se soulcier de quelque chose. \ Euphrates cursum ad occasum solis agit. Pli. Flue, coule, fait son cours vers Occident. \ Custodiam vrbis. Liu. Garder la ville, Faire le guet sur la ville. \ De caeteris rebus quicquid erit actum, scribam ad te. Cic. Tout ce qui aura estĂ© faict et traictĂ© des autres choses. \ Agere de pace. Liu. Traicter de la paix. \ Agere de re aliqua ad fidem. Liu. Parler de quelque chose en sorte qu'on soit creu. \ De cosilio publico aliquid agere. Cic. Faire quelque chose par conseil et advis commun. \ Agere aliquid de loco superiore. Cic. Estant hault assis en siege judicial, Tenant le siege. \ Agitur de capite, aut fama. Ci. Il est question de la vie, La vie y pend. \ Delectum. Plin. Faire eslite, Discerner. \ Agi desiderio alicuius rei. Liu. Avoir grand desir de quelque chose, La desirer et regretter fort. \ Diem vitae extremum agere. Cic. Estre Ă son dernier jour, Se mourir. \ Diem festum. Cic. Faire feste, Celebrer, ou solennizer la feste. \ Diem vnum bene agere ex philosophiae praeceptis. Cice. Vivre un jour selon, etc. \ Diris agere aliquem. Horat. Mauldire quelcun, et prier ou souhaiter que mal luy advienne. \ Agentur a nobis omnia diligenter. Cic. Nous ferons toute diligence de cela. \ Agere equum in viam. Liu. Picquer son cheval, et s'en aller. \ Error agit aliquem. Ouid. Erreur le meine. \ Agere ex aequo. Tacit. Avoir pareille authoritĂ© et preeminence. \ Res agitur ex animo. Author ad Heren. A bon escient, et sans faintise. \ Ex diuerso agere. Quintil. Advocasser pour partie adverse. \ Ex fide bona agere. Cic. Intenter une action de bonne foy, Y aller Ă la bonne foy. \ Agere ex insidiis. Cic. Aller, ou proceder par trahison. \ Ex sponso siue ex sponsu agere. Quod recentiores dixerunt, Agere ex stipulatu. Cic. Convenir sa partie pour raison d'une stipulation. \ Ex syngrapha cum aliquo agere. Cicer. Faire poursuyte d'une debte ou promesse dont il appert par cedule du defendeur. \ Exemplis. Plin. Amener, ou alleguer exemples. \ Experimenta. Plin. Experimenter. \ Agere fabulam, comoediam, tragoediam. Cic. Jouer une farce. \ Fama agit aliquem. Horat. Le bruit le fait estre congneu du monde. \ Folia agere dicitur arbor. Col. Jecter, ou produire ses fueilles. \ Fortuna nostra agitur per aduersas procellas. Ouid. Est agitee. \ Agere forum. Cic. Exercer judicature, Tenir les plaids. \ Frigora agunt venti. Virg. Les vents ameinent la froidure. \ Agere frondem dicitur arbor. Plin. Jecter et produire ses branches et fueilles. \ Agere fugam. Liu. S'enfuir. \ Fundamenta. Cicero. Mettre et jecter ou faire les fondements, Fonder. \ Genialiter agere festum. Ouid. Faire grand chere Ă la feste. \ Gemmas agere dicitur vitis, aut arbor. Columel. Bourgeonner. \ Agere gestum in scena. Cic. Faire les gestes et mines. \ Grauiter agere aliquid. Horat. Diligemment et habillement. \ Gradus agere praecipites. Valer. Flac. Cheminer fort vistement. \ Gradus agere tacitos. Idem. Marcher, ou cheminer sans dire mot. \ Agere grates, poeticum magis, quam oratorium. Plau. Ci. Liu. Remercier, Rendre graces. \ Gratias. Cic. Remercier, Regracier. \ Gratias alicui apud alium. Cicero, Mirificas apud me tibi gratias egit, prorsus incredibiles. Il t'a grandement remerciĂ©, ou regracie en parlant Ă moy. \ In aliqua re gratias agere. Cic. Remercier de quelque chose. \ In singulas res agere gratias. Cic. A chascun poinct. \ Dicimus Agere maximas gratias, meritas, incredibiles, singulares, singularibus verbis, et amplissimis. Ex Terentio et Cicerone. Remercier grandement, Regracier haultement. \ Age hoc. Plaut. Entens ici. \ Hoc age. Terent. Bien doncques, fay le. \ Hoc age. Passe oultre. Bud. ex Gellio. \ Hoc agite amabo. Terent. Entendez ici je vous prie. \ Agere hyemem sub tectis. Liu. Passer son yver Ă couvert. \ Agere ictum. Liu. Donner un coup, Poulser le coup. \ Id agere, vt hoc fiat. Cic. Mettre peine que cela se face. \ Non id agebam. Plin. Je n'y pensoye pas. B. \ Imperium agere. Plin. Conuicto male acti imperii rei militaris. Convaincu d'avoir mal gouvernĂ© et administrĂ© l'office de capitaine et chef de guerre. \ Agere in, pro esse. Virg. Plin. Dies in terra agit, noctes in aqua. De jour il est en terre, de nuict en l'eaue. \ Agere animum in admirationem. Pli. Faire esmerveiller, Ravir en admiration. \ In arma. Liu. Inciter Ă faire la guerre. \ Agere in crucem. Cic. Crucifier. \ In exilium. Plin. Bannir, Envoyer en exil. \ In fraudem. Virg. Mettre en danger. \ In fugam. Liu. Chasser, Faire fuir, Donner la chasse, Mettre en fuite. \ Redit agricolis labor actus in orbem. Virgil. Les laboureurs sont touts les ans Ă recommencer leur labeur. \ In bona spe. Tacit. Avoir bonne esperance, Estre en bonne esperance. \ Incuriosius. Tacit. Ne penser point Ă soy, N'estre point sur ses gardes. \ Inquisitio agitur. Plin. On fait enqueste. \ Iter agere. Ouid. Aller. \ Iudicium agitur. Plin. Quand le juge congnoist d'une matiere. \ Iure summo agere. Cic. Traicter un homme en toute rigueur, Luy faire au pis qu'on peult. \ Agere laudes et grates diis. Liu. Louer et remercier Dieu. \ Legationem apud aliquem. Asconius. Estre ambassadeur envers aucun. \ Agere dicuntur legati suppliciter. Liu. Quand les ambassadeurs font leur harangue en suppliant. \ Lege agere. Cic. Poursuyvre selon la loy. \ Leniter. Cic. Doulcement. \ Lente agere. Liu. Laschement. \ Luxuriam agere. Horat. Reprendre et blasmer prodigalitĂ©. \ Agere mandata. Cic. Faire ce qu'on nous a commande, Mettre en execution ce, etc. \ Agit mecum fortuna secundis rebus. Lucan. Fortune me favorise, me dit, me rit. \ Agitur mensis septimus, aut annus. Terent. C'est ici, ou Voici la septieme annee. \ Mensuram alicuius rei agere. Plin. Reduire Ă mesure. \ Foras agendus est metus mortis. Lucret. Il fault chasser dehors la crainte de mourir, Il ne fault point craindre la mort. \ Agere pingui Minerua. Cic. Parler grossement et lourdement. \ Morem. Sallust. Avoir et entretenir une coustume. \ Modice agere quippiam. Cic. Tempereement, Modereement. \ Multum agit sexus, aetas, conditio. Quintil. Y sert de beaucoup, y fait beaucoup. \ Non multum egerit. Curius ad Ciceronem. Il ne profictera pas beaucoup. \ Agere ne. Liu. Omnia, ne id fieret, agentibus. Cerchants touts les moyents que cela ne se feist. \ Agere negotium suum. Cic. Se mesler de ses affaires. \ Nihil agere. Cic. Ne faire chose qui vaille, Perdre sa peine, Perdre temps. \ Neque nostrae disputationes quicquam aliud agunt, nisi vt, etc. Nos disputations ne tendent Ă autre chose, sinon que, etc. \ Noctem inter gaudia agere. Virg. Passer la nuict en joyeusetez. \ Nugas agere. Plaut. Baver. \ Orationem. Cic. Prononcer une oraison, ou faire une harangue. \ Oscitanter. Cic. Negligemment. \ Otia. Virgil. Estre oiseulx. \ Pacem. Sallust. faire la paix. Estre en repos. apud Sillium. \ Partes aliquas, siue aliquem. Cic. Jouer le personnage d'aucun, ou son roulet. \ Primas partes. Terent. Estre le principal personnage d'une farce. \ Partes alicuius vicissim. Terent. Faire l'office de quelcun, ainsi qu'il a faict le nostre, Faire pour aucun comme il a faict pour nous. \ Primas partes in re aliqua. Cic. Estre le principal et plus excellent que les autres. \ Agi dicuntur pecora. Virg. Quand on les meine. \ Agere animalia potum. Varro. Mener ou chasser les bestes Ă l'abbrevoir, Les mener boire. \ Agere prae se armenta. Liu. Toucher devant soy et mener. \ Agere aliquid per alium. Cic. Faire par un autre. \ Agi per saxa latratibus canum. Ouid. Estre chassĂ© parmi les pierres et rochiers. \ Agere plebem. Liu. Mener le peuple Ă sa fantasie, ou Troubler et mutiner. \ Poenas alicuius sceleris ab aliquo agere. Liu. Punir aucun pour quelque cas. \ Poenitentiam agere. Plin. iunior. Se repentir, Avoir regret d'avoir faict quelque chose. \ Prae se agere aliquem. Statius. Chasser devant soy. \ Praecipitem ex alto. Caesar. Jecter du hault en bas. \ Praecipitem de fundo. Cic. Jecter violentement hors de sa terre. \ Praecipitem, per metaphoram. Cic. Ruiner. \ Praecipitem eum agunt poenae ciuium. Ci. Les meurtres qu'il a commis luy tormentent l'esprit et la conscience tellement qu'il en est comme furieux et troublĂ© de l'entendement. \ Praedam. Liu. Emmener la proye ou le butin. \ Quercus agere carmine. Virg. Esmouvoir. \ Quid ages? Terent. Non interrogantis, sed metuentis hoc dictum est. Que penses tu faire? Qu'est ce que tu feras? \ Vide quid agas. Ter. Que veuls tu faire? Regarde que tu feras. \ Agamus quod agitur. Cic. Parlons de la matiere subjecte. \ Agere radices deorsum. Colu. Jecter ses racines avant en terre. \ Radices agit vera gloria, per metaphoram. Cic. Prend racines, Est de longue duree. \ Agere remissius cum subjectis. Colum. Ne traicter point rudement ses subjects. \ Alias res agere. Terent. Penser Ă autre chose, N'entendre point Ă ce qu'on dict, Penser ailleurs. \ Res alicuius agere. Cic. Faire les affaires d'aucun. \ Retro aliquid agere. Plin. Compter Ă reculons, ou Ă rebours. \ Agere reum. Plin. Accuser, mettre sus un crime Ă quelcun, et le poursuyvre judiciairement. \ Agere rimas. Cic. Se fendre, Se crevasser. \ Scintillas agere. Lucret. Jecter des estincelles, Estinceler. \ Agere se. Cheminer. vt, Quo hinc te agis? Ter. OĂč vas tu d'ici? \ Agere se pro equite Rom. Suet. Se dire et maintenir estre, etc. \ Agit se pro nobili. Il se dit noble. B. \ Agere secretum. Sueton. Estre tout seul. \ Agere aliquid secum. Cic. Faire quelque chose tout seul. \ Agitur Senarus. Sueton. Le senat est assemblĂ©. \ Agere honoratam senectutem. Li. Passer sa vieillesse honorablement. \ Silentium. Ouid. Se taire, Ne sonner mot. \ Spumas. Cic. Jecter escumes, ou Escumer par la bouche. \ Stationem. Tacit. Faire le guet en la guerre, ou autour de la personne du prince. \ Triumphum. Cic. Triompher. \ Triumphum ex aliquo populo agere. Liu. Triompher apres avoir eu victoire de quelque peuple. \ Ventis agi. Ouid. Estre menĂ© ou poulsĂ© des vents. \ Ver agit orbis. Virg. Il est le prin temps. \ Agere versum. Cic. Prononcer un vers avec le geste requis. \ Vi agere. Liu. User de force, Aller par force. \ Vigilias noctu ad aedes sacras. Cic. Faire le guet de nuict. \ Agere vitam ruri. Liu. Vivre Ă©s champs. \ Lachrymis agendum est. Sen. Il fault user de larmes, Il fault plourer. \ Agitur gloria pop. Romani. Cic. Il est question de la gloire et honneur des Romains. \ Agitur magnum ipsius periculum. Plancus Ciceroni. Il est en grand danger. \ Aguntur res Attici. Cic. Il est question des affaires d'Atticus.
Selena Gomez en concert Ă Atlanta le 9 juin 2016 â Robb Cohen Photography &/AP/SIPA Vendredi 8 juillet 2016Incroyablement gaulĂ©e, Emily Ratajkowski hĂ©site rarement Ă dĂ©voiler ses courbes de rĂȘve. Pour Harperâs Bazaar, la jeune femme sâest une fois encore prĂȘtĂ©e au jeu du shooting dĂ©nudĂ©, sur un cheval cette fois-ci. Le magazine lâa immortalisĂ©e en Godiva, une lady du XIXe qui, selon la lĂ©gende, aurait chevauchĂ© nue dans les rues de Coventry en Angleterre, pour convaincre son mari de faire baisser les impĂŽts locaux qui accablaient les habitants. Une incarnation visuellement rĂ©ussie, mention spĂ©ciale pour le cheval, vachement Gomez embrasse une filleSelena Gomez est vraiment une frappadingue. Sur les rĂ©seaux sociaux, une vidĂ©o de lâex Ă©gĂ©rie Disney fait actuellement le buzz ». On y dĂ©couvre la jeune femme lors dâune soirĂ©e, embrassant un tout petit bisou Ruby Carr, la pianiste qui assure ses premiĂšres parties. Pas de quoi fouetter un chat, mais ça a suffi pour enflammer » la Toile. Kim Kardashian a un corps trĂšs bizarrePour la Ă©niĂšme fois depuis le dĂ©but de lâannĂ©e, Kimmy a postĂ©sur Instagram un selfie dĂ©voilant ses courbes voluptueuses. Rien dâextraordinaire, si ce nâest sa silhouette Ă©trangement proportionnĂ©e, de quoi agiter ses followers. Poitrine gĂ©nĂ©reuse, taille de guĂȘpe et hanches toutes rondes, il faut reconnaĂźtre que Kim Kardashian semble dĂ©sormais venue dâune autre planĂšte. Mais lâimportant câest quâelle se plaise Ă elle-mĂȘme, non ?Sophie Tapie tombe le hautDe dos. Sur Twitter, Sophie Tapie, la fille de Bernard, a postĂ© un clichĂ© trĂšs estival, oĂč on la dĂ©couvre avec une amie, toutes les deux topless, les bras grands ouverts, face au soleil. Pas de problĂšmes de traces de maillot.
Home / Paper / On mâa obligĂ© Ă coucher avec un chien et un cheval pour de lâargent » 25 dĂ©cembre 2013 Paper 6,477 Vues On mâa obligĂ© Ă coucher avec un chien et un cheval pour de lâargent » A lâallure oĂč lâinternet fait des dĂ©gĂąts de nos jours dans la couche jeune de la population camerounaise et surtout chez les dĂ©sĆuvrĂ©s, cela montre Ă quel point lâEtat camerounais sâest montrĂ© impuissant de contrĂŽler ce vaste champ Ă la fois trĂšs important dans les recherches scientifiques, car dĂ©truisant et mettant en mal lâespoir de plusieurs camerounais. Comme en tĂ©moigne cette triste histoire racontĂ©e au journal Le soir » par une Ă©niĂšme victime qui sâest vue utilisĂ©e et chosifiĂ©e par un prĂ©tendu un homme dâaffaire français. Câest au cours de ses multiples randonnĂ©es sur le net que Elvire Axelle Tchamakoua, esthĂ©ticienne de formation, et ĂągĂ©e de 25 ans va tomber sur sa part de blanc » en octobre 2011. Avec ce dernier, la jeune Axelle va communiquer comme tout bonne camerounaise pendant un bon bout de temps via le net. Le blanc en question se nomme Jean Claude Fayard, qui sâest prĂ©sentĂ© Ă la jeune Axelle comme homme dâaffaire faisant dans lâimport export et basĂ© Ă Marseille. Câest cet activitĂ© somme toute trĂšs florissante qui va aiguiser les objectifs dâAxelle. Six mois durant, ils vont Ă©changer et au mois de Mars 2012 monsieur Fayard jean Claude dĂ©cidĂ© de venir au Cameroun accompagnĂ© de son conseiller financer rencontrer sa dulcinĂ©e qui lâattendait Ă bras ouvert. Lâaccueil sera faste et grandiose au domicile de la tante dâElvire au quartier Santa Barbara, Ă YaoundĂ©. AprĂšs deux jours passĂ©es Ă Santa Barbara, Jean Claude dĂ©cide de vite faire ce pourquoi il est venu, câest-a-dire le mariage avec sa nouvelle femme quâil aime beaucoup. Tous les rites coutumiers, civiles et religieuses seront effectues le week-end du 16 au 18 Mars 2012 Ă la mairie de Bafing et aussi Ă la paroisse saint Achille de la mĂȘme ville Ă lâouest Cameroun. Le dĂ©part du Cameroun pour la France eut lieu le 21 Mars 2012 par le vol Air France aux environs de 23 heures. De son dĂ©part pour la France, Jean Claude va laisser Ă ses beaux parents une somme de Fcfa comme argent de poche. Ce que la pauvre camerounaise ignore totalement, câest que le prĂ©tendu homme dâaffaire est en fait un proxĂ©nĂšte rĂ©putĂ© dans lâusage des jeunes filles Ă des fins commerciales. Une fois en France, Axelle dĂ©posera ses bagages dans la ville de Clermont Ferrand logis de Jean Claude. AprĂšs neuf mois passĂ©s dans cette ville, Jean dĂ©cidera de dĂ©mĂ©nager pour la ville de Lourdes oĂč dit-il, ils devaient rĂ©sider. Câest effectivement dans cette ville quâAxelle va subir lâun des plus grands traumatismes de sa vie. Quelques jours aprĂšs leur installation Ă Lourdes, un monsieur va sonner Ă la porte et il vient de la part de Jean Claude. Ce dernier est en fait un client venu se soulager car ayant versĂ© de lâargent Ă Jean Claude. A la grande surprise dâAxelle qui va appeler son Ă©poux et ce dernier lui intimera lâordre de faire » ce que dit le monsieur. Du retour de son boulot, Jean Claude se confiera Ă Axelle en ces termes sache que tu dois travailler pour me rembourser tout mon pognon que jâai dĂ©pensĂ© au Cameroun. Câest en tout cas plus de trois mille euros dĂ©pensĂ©s. Et, tu as deux ans pour me le rembourser. ». A ces mots, Axelle va sâĂ©crouler et croira que tout ceci nâest quâun rĂȘve. Que non ! Rappelons que son passeport Ă Ă©tĂ© saisi par Jean Claude ainsi que toutes ses affaires personnelles. Interdit aussi de tĂ©lĂ©phoner. Chaque jour donc, elle se verra labourer et malaxer le derriĂšre et mĂȘme le devant par tout genre dâhommes qui allaient mĂȘme sans prĂ©servatifs car ayant versĂ© une somme importante auprĂšs de Jean Claude. Un beau matin, Axelle est surprise de voir dĂ©barquer chez elle un certain monsieur Loiseau suivi dâun chien et accompagnĂ© de Jean Claude. Ce dernier venait se libĂ©rer aprĂšs avoir mis longtemps sans avoir vu une chienne. Axelle Elvire sera ainsi conduite de force dans la chambre afin de coucher avec le chien de monsieur Loiseau. Parait-il dans ce milieu, le prix est triplĂ© quand il sâagit des animaux. La jeune Axelle va regretter amĂšrement le fameux jour oĂč elle rencontra cet homme. AprĂšs ceci, ils sâen iront en laissant la jeune Axelle toute seule. Câest alors quâelle forcera la porte pour sâen sortir ne sachant oĂč aller. Elle tombera sur un couple de jeunes camerounais, habitant Lourdes, le couple Dongbou qui lui indiquera le chemin de lâambassade. Une fois lĂ bas, lâambassadeur Mbella, aprĂšs avoir Ă©coutĂ© cette derniĂšre, la suivra au lieu de sa souffrance. Jean Claude sera arrĂȘtĂ© mais par manque de preuve, le procĂšs qui sâest dĂ©roulĂ© le 10 AoĂ»t dernier Ă Paris Ă dĂ©bouchĂ© sur un non lieu. Câest tout larmoyante, abattue et trĂšs couverte de honte quâAxelle a rejoint la terre de ses ancĂȘtres le 11 AoĂ»t dernier et conduite directement Ă lâhĂŽpital dĂ©partemental de Bafang oĂč elle Ă©tait sous soins intensifs. Elle sâest confiĂ©e au journal Le Soir » avant son dĂ©cĂšs survenu le dimanche 18 AoĂ»t 2013. Selon le docteur Ngasseu Paulin, mĂ©decin chef Ă lâhĂŽpital de Bafang, cette derniĂšre a eu les parties gĂ©nitales totalement endommagĂ©es. Check Also
* Ip L\ ' *' WĂ ' M *Sr^% S \ ' ~J%"Ă i>- p>. » /S73 Ă -\Ăr ' ' â ĂDITION PORTATIVE DES REVERIES, O u MEMOIRES $UR L'ART DE LA GUERRE , PAR MAURICE COMTE DE SAXE, me DE CVRLANDE ET DE SEMIGALLE, MarĂ©chal gĂ©nĂ©ral des arme'es de s. m. t. c, &c ,&c. Edition revue U corrigĂ©e exaclemem fur le Manuscrit original augmentĂ©e de VAbrĂ©gĂ© de la Vie de r Auteur , & de plusieurs pieces fur lâArt de la Guerre , relatives aujjjiĂȘme de M. le MarĂ©chal de Saxe. Ăź^e tout dirigĂ© par M. de Viols* ancien Officier dâArtillerie» A DRESDE, Aux dĂ©pens de lâEditeur; ^ V* P *! ' kĂŹ X»»s>X .j j f v â ^ ĂŹ â ^ > 'HĂš* -3+Ă MXDWM JĂâŹÂ» 4 »ĂĂ~ dit ? toâą\X*X*X$ ± - ^âĄac3icii=Ev^jt>^za^EraiiriaĂ^ A MESSIEURS LES OFFICIERS GENERAUX. ]V1essieurs, Cet ouvrage, que jâai Thon- neur de vous dĂ©dier, ne peut qu ĂȘtre bien reçu , venant dâun Auteur si illustre câest dans cette confiance que jâose vous le prĂ©senter. A qui pouvois-je mieux soffrir quâĂ vous, Messieurs , puisquâiĂ nâa Ă©tĂ© fait que pour votre usage ? Recevez-le donc aij Ăv comme un bien qui vous appar- tenoit, que je ne fais que vous restituer, & non comme un hommage que vous rend un vil adulateur dans une Ă©pĂźtre dictĂ©e par la flatterie ou lâintĂ©rĂȘt. Je souhaite , Messieurs,- que mon. zele puisse vous ĂȘtre agrĂ©able. Je suis avec une trĂšs-profonde vĂ©nĂ©ration , MESSIEURS , j Votre trĂšs-humble & trĂšsĂŹ ebĂ©ijfant serviteur * * * V avertissement. X 'Empressement du Public Ă se procurer les diffĂ©rends Editions de ces MĂ©moires , fait a ff e q connoĂtre la bontĂ© de l ou- yrage , & nous a dĂ©terminĂ©s Ă le reproduirefous une nouvelle forme. La plupart des autres Editions ont Ă©tĂ© faites dâaprĂšs celle qui parut Ă la Haye en un volume in-folio , publiĂ©e par M. de Bonneville , qui tira une copie du Manuscrit original que M. le MarĂ©chal de S axe avoit donnĂ© Ă M. le Comte deScĂ nt-Ger- main , dont M. de Bonneville Ă©toit SecrĂ©taire . Aucune de ces Editions ne nous a paru affe^ commode, surtout pour Messieurs les e lles font toutes exĂ©cutĂ©es avec Jl peu de foin , qu il semble qu on aiij vj AVERTISSEMENT. ait ase clĂ© de copier les fautes mĂȘmes dâimpression qui avoient Ă©chappĂ© Ă la vigilance du premier Editeur,fans sâĂȘtre embarrassĂ© dâimiter la beautĂ© de U exĂ©cution. Cette nouvelle Edition joint Ă Vavantage dâĂȘtre portative , celui d' avoir Ă©tĂ© faite fous les yeux de plusieurs connoijfeurs. Au refle elle a Ă©tĂ© revue fur une copie manuscrite que M. le MarĂ©chal de Saxe avoit donnĂ©e sous le sceau du secret Ă un Officier distinguĂ©, tant par sa naissance que parses exploits militaires, qui a bien voulu nous aider de ses conseils. II s 3 efl fait , ains que nous , un scrupule de toucher au fond des matiĂšres mais il n 'a point hĂ©stĂ© Ă changer quelques expressions peu Françoises , ou quelques tours de phrases peu intelligibles ! C 3 es encore par son avis que nous avons mis Ă la tĂȘte de ces. AVERTISSEMENT, vĂŹj MĂ©moires un abrĂ©gĂ© succint de la, vie de M. le MarĂ©chal de Saxe , persuadĂ©s que les Lecteurs seront charmĂ©s de connoitre les principales actions de ce grand Capitaine . Nous avons terminĂ© ces MĂ©moires par des morceaux relatifs aux vĂ»es de M. le MarĂ©chal de Saxe, & qui nous ont Ă©tĂ© envoyĂ©s par des Officiers d'un mĂ©rite connu. Mes» ficurs les Militaires conviendront qu 'il seroit Ă propos , pour la perfection dâun Art qui f ait les HĂ©ros , que ces idĂ©es fussent mises Ă exĂ©cution. A u fi nous ne doutons pas que le MinistĂšre , toujours attentif Ă la gloire de la Nation, n y donne quelque jour tous ses foins. Cette Edition n a pas a la vĂ©ritĂ© lâavantage des figures dont les autres font plus ou moins ornĂ©es. Mais outre qu elles ne nous ont P as paru absolument nĂ©cessaires, viij AVERTISSEMENT. nous y avens suppléé par une ex~ plication claire & prĂ©cise des Ope- rations ; & un Lecteur intelligent les regrettera dââautant moins , qu il connoĂt les variations journaliĂšres qui arrivent dans les diffĂ©rentes manoeuvres dâune armĂ©e . IX ABRĂGĂ DE LA VIE DE M. LE MARĂCHAL DE SAXE. M Auric e , Comte deSaxe, naquit Ă Dresde le 19 Octobre 1696. II Ă©toit fils naturel de Frederic- Auguste II. Electeur de Saxe, Roi de Pologne, & Grand Duc de Lithuanie, & de la Comtesse Aurore de Konis- marck, dâune des plus illustres Maisons de Suede. Le jeune Comte de Saxe fut Ă©levĂ© avec le mĂȘme soin que le Prince Electoral, & donna dĂšs son enfance des marques dĂ©cidĂ©es de son inclination pour les armes. Au Ăortir du berceau il ne lui falloir que des tambours & des tymbales> a v X AbrĂ©gĂ© de la Pâte don r le bruit lui plaisoit tant quâil est faisoit son unique amusement. A mesure quâil grandiĂsoit il couroit avec une aviditĂ© singuliĂšre voir faire lâexer- cĂŹce aux troupes, & Ă peine Ă©toit-il rentrĂ© dans son appartement quâil faisoit venir des enfans de son Ăąge , avec lesquels il imitoit en petit ce quâil avoir vĂ» exĂ©cuter en grand. Les armes lâaĂ- fectoient tellement quâil ne vouloit entendre parler dâaucune Ă©tude ; on eut bien de la peine mĂȘme Ă lui faire apprendre Ă lire & Ă Ă©crire le cheval & le fleuret lâoccupoient entierement. On ne parvenoit Ă le faire Ă©tudier quelques heures le matin quâen lui promettant quâil monteroit Ă cheval lâa- prĂšs-midi. II aimoit Ă avoir des François auprĂšs de lui, & câest pour cette raison que la Langue Françoise fut la seule Langue Ă©trangĂšre quâil voulut bien apprendre par principes. Le Comte de Saxe suivit ensuite l'Electeur son pere dans toutes ses expĂ©ditions militaires ; il se trouva au siĂšge de Lille en 1708 , Ă lâĂąge de 12 ans , en qualitĂ© dâAide Major GĂ©nĂ©ral du Comte de Schullembourg, GĂ©nĂ©- de M. de Saxe. xj rai des troupes Saxonnes, & monta plusieurs fois Ă la tranchĂ©e tant de la Jille que de la Citadelle fous les yeux Ă Roi son pere , qui dĂšs-lors conçut de grandes idĂ©es du jeune Prince. II ne marqua pas moins d'intrĂ©piditĂ© au ĂĂŹege de Tournay qui se fit lâannĂ©e sui- J an te , oĂč il manqua pĂ©rir âą plusieurs Ăźois ; mais oĂč il se fit plus admirer Ă cet Ăąge-lĂ , ce fut Ă la Bataille de Mal- plaquet le 11 Septembre de la mĂȘme annĂ©e, oĂč il fit des prodiges de valeur; ĂȘc loin dâĂȘtre rebutĂ© par 1 horrible carnage de ce combat, il dit le soir , quâ2/ doit content de fa journĂ©e. La Campagne de 17x0 ne lui sut pas moins glorieuse ; les GĂ©nĂ©raux Marlborough & Eugene firent publiquement son Ă©loge. Il suivit en 1711 le Roi de Pologne Ă Stratsund , oĂč il passa la riviĂšre Ă la fiage Ă la vue des ennemis, le piĂlolet Ă la main; il vit pĂ©rir Ă ses cotĂ©s, pendant ce passage, trois Officiers & plus de vingt soldats fans en paroĂźtre plus dmu. , L e retour Ă Dresde, le Roi qui avoir tte tĂ©moin de son courage & de sa a v] jdj AbrĂ©gĂ© de la VĂźe capacitĂ© lui fit lever un RĂ©giment c?Ă© Cavalerie le Comte de Saxe nâeut dâautre occupation tout lâhyver que de faire exĂ©cuter par son RĂ©giment les nouvelles Ă©volutions quâil avoit imaginĂ©es, & le mena lâannĂ©e suivante contre les SuĂ©dois. II se trouva en 1712 Ă la sanglante Bataille de Gudel- bush, oĂč son RĂ©giment quâil avoit ramenĂ© trois fois Ă la charge, souffrit considĂ©rablement. AprĂšs cette Campagne Madame de Konismark fa mere lui fit Ă©pouser la jeune Comtesse de Loben , Demoiselle riche & belle , qui avoit le nom de VtBoire. M. le Comte de Saxe a dit depuis ,. que ce nom avoit autant contribuĂ© Ă le dĂ©cider pour la Comtesse de Loben, que fa beautĂ© & ses gros revenus. II eut de ce mariage un fils qui mourut fort jeune nĂ©anmoins tous les avantages quâil avoit trouvĂ©s dans cet Ă©tablissement, ne furent point capables de le retenir dans les liens du mariage ; il le fit dissoudre ; il promit cependant Ă la Comtesse de ne jamais se remarier , & il lui tint parole. La Comtesse nâen fit pas de mĂȘme ; de M. de Saxe. x elle se remaria avec un Officier Saxon, dont elle eut trois enfans, 6 c avec qui elle vĂ©cut en trĂšs-bonne intelligence. Cette Princesse ne consentit Ă la dissolution de son mariage quâavec beaucoup de rĂ©pugnance car elle aimoit tendrement le Comte de Saxe ; celui- ci sâest repenti plusieurs fois dâavoir fait cette dĂ©marche. Le Comte de Saxe continua Ă se distinguer dans la guerre contre les SuĂ©dois ; il se trouva au mois de DĂ©cembre 171 s au siĂšge deStratsund oĂč Charles XII. Ă©toit renfermĂ©. Le dĂ©sir de voir ce HĂ©ros le faisoit sâexposer un des premiers Ă toutes les sorties des assiĂ©gĂ©s j & Ă la prise dâun ouvrage Ă cornes, il eut la satisfaction de le voir au milieu de ses Grenadiers la maniĂ©rĂ© dont ce fameux Guerrier se com- portoit, fit concevoir au Comte de Saxe une grande vĂ©nĂ©ration, que ce Seigneur a toujours conservĂ©e depuis pour fa mĂ©moire. Peu de tems aprĂšs ayant obtenu k permission dâaller servir en Hongrie contre les Turcs, il arriva au camp de Belgrade le 2 Juillet 1717 , oĂč le xĂŹv AbrĂ©gĂ© de la P~le Prince Eugene lui fit lâaccueil le plus gracieux. 11 ne fe paĂsa aucune action oĂč notre jeune HĂ©ros ne signalĂąt son courage , & prit beaucoup de goĂ»t pour les MĂ©chaniques. Il refusa en 1733 le commandement de lâarmĂ©e Polonnoise , que le Roi son frerelui offrit; il aima mieux le signaler fur l e Rhin sous les ordres du MarĂ©chal de Berwick, surtout aux lignes d El- lingen & au siĂšge de PhiliĂbourg , aprĂšs lequel il fut fait Lieutenant General le premier AoĂ»t ĂŻ734. La guerre sâĂ©tant rallumĂ©e aprĂšs la mort de lâEmpereur Charles VI. le Comte de Saxe fut de 1 armĂ©e de BohĂȘme , & prit dâassaut la Ville de Prague le 26 Septembre 1741 , puis Lgra & Ellebogen il leva ensuite un RĂ©giment de Hullans , & ramena 1 armee de M. le MarĂ©chal de Broglio * ur le Rhin } oĂč il Ă©tablit diffĂ©rend xviĂŻj AbrĂ©gĂ© de la ĂŻ r ie postes, & sâempara des lignes de LaV"- terbourg. M. le Comte de Saxe fut fait MarĂ©chal de France le 26 Mars 1744; & commanda en chef un Corps dâar- mĂ©e en Flandres. II observa si exactement les ennemis qui Ă©toient supĂ©rieurs en nombre, & fit de si belles manĆuvres quâil les rĂ©duisit dans lâin- naction , & quâils nâoferent rien. Cette Campagne de Flandres lui fit beaucoup d'honneur , & passa en France pour un chef-dâĆuvre de lâArt militaire. II gagna fous les ordres du Roi la fameuse Bataille de Fontenoy, le 11 Mai 1745 , oĂč quoique malade & languissant, il donna ses ordres avec une prĂ©sence dâesprit, une vigilance, un courage , & une capacitĂ© qui le firent admirer de toute farinĂ©e. Cette Victoire sut suivie de la prise de Tournay, dont les François fai- sĂŽient le siĂšge , ainsi que de Gand , de Bruges , dâOudenarde, dâOstende, dâAtss, Sec. & dans le temps que lâon croyoit la Campagne finie, M. le MarĂ©chal de Saxe se rendit maĂźtre ds Bruxelles le 28 FĂ©vrier 1746. de M. de Saxe. xix La Campagne suivante fut auflĂŹ trĂšs- glorieuse au Comte de Saxe. II gagna la Bataille de Raucoux le 11 Octobre *74d. Sa MajestĂ© pour le rĂ©compenser dâune suite si constante de ses services , le dĂ©clara MarĂ©chal GĂ©nĂ©ral de ses Camps & ArmĂ©es le 12 Janvier I 747* Tant de succĂšs firent trembler les Hollandois ; ils crurent .pouvoir en arrĂȘter le cours par la crĂ©ation dâun Stadhouder, & ils Ă©lurent le 4 Mai suivant le Prince Guillaume de Nassau rn'ais cette Election nâempĂȘcha pas la supĂ©rioritĂ© des armĂ©es Françoises ; le MarĂ©chal fit entrer des troupes en Zelande, gagna la Bataille de Law- feldt le 2 Juillet suivant, approuvai siĂšge de Berg-op-Zoom, dont M. de Lowendalh se rendit maĂźtre , & prit la Ville de Maestrich le 7 Mai 1748» Tant de succĂšs forcerent les ennemis de la France Ă demander la paix, laquelle fut conclue Ă Aix-la-Chapelle I e 18 Octobre de la mĂȘme annĂ©e J 748. Le Maréçhal de Saxe couvert de XX AbrĂ©gĂ© de la Vie , gloire, & nâayant plus rien Ă faire pour aflurer l'immcrtalitĂ© de ses succĂšs, fixa son sĂ©jour Ă Chambord, Maison Royale que Sa MajestĂ© lui avoir donnĂ©e. II y fit venir son RĂ©giment de Hullans, & y entretint un haras de chevaux sauvages, plus propres pour les troupes lĂ©geres que ceux dont nous nous servons. Quelque temps aprĂšs il fit un voyage Ă Berlin , oĂč le Roi de Prusse lui fit un accueil des plus favorable , & passa plusieurs nuits Ă sâentretenir avec lui. De retour Ă Paris il projetta rĂ©tablissement dâune Colonie dans lâIste de Tabaco ; mais F Angleterre & la Hollande sâĂ©tant opposĂ©es Ă cette Ă©tablissement , le MarĂ©chal ne pensa plus quâĂ jouir paisiblement de quelques annĂ©es, dont une foible santĂ© devoir bientĂŽt terminer le cours. Enfin, comblĂ© de biens & dâhonneurs, & jouissant de la plus haute rĂ©putation, il mourut Ă Chambort aprĂšs neuf jours de maladie, le 30 Novembre 1750, AgĂ© de y 4 ans. II nâest pas possible dâexprimer ici de M. de Saxe. xxj combien toute la France sut sensible Ă la perte de ce grand homme ; ce fut un deuil universel son corps fut transportĂ© avec pompe Ă Strasbourg, sc dĂ©posĂ© dans le Temple neuf de Saint Thomas , oĂč Sa MajestĂ© fait Ă©lever un magnifique MausolĂ©e dâaprĂšs le modelĂ© du cĂ©lĂ©brĂ© Pigal, Sculpteur. Peu de temps avant fa mort ce grand Capitaine, pensant Ă la gloire dont il avoit joui, se tourna vers son MĂ©decin , 8e lui dit, M. Senac , jâai fait un beau songe il avoir Ă©tĂ© Ă©levĂ©, 8t il mourut dans la Religion LuthĂ©rienne ; ce qui fit dire Ă une Princefle vertueuse ĂȘc Catholique, quĂč/ Ă©toit bien fĂącheux cpĂŻon ne pĂ»t dire un De ProfUNDIS four un homme qui avoit fait chanter tant de Te Deum. H y avoit quelque tems quâil avoit composĂ© son TraitĂ© sur la Guerre, intitulĂ© mes RĂȘveries. II le lĂ©gua Ă M. le Comte de Frise son neveu ; celui-ci cn donna deux copies , lâune Ă M. le Comte de Saint-Germain, & lâautre u M. le Duc de .... Lâun Sc lâautre jaloux de laisser Ă la Nation des mĂ©-. Sftcij AbrĂ©gĂ© de la Fte moires intĂ©retĂans pour fa gloire, en ont procurĂ© volontiers lâimpreffion, comme le seul moyen de les rendr publics. On ne peut douter que le MarĂ©chal de Saxe nâait Ă©tĂ© un grand Guerrier, & un habile GĂ©nĂ©ral la supĂ©rioritĂ© de son gĂ©nie, lâĂ©tendue de ses connoissances dans lâArt militaire, le courage & lâintrĂ©piditĂ© quâil a feit voir dans toutes les occasions , la victoire de Fontenoy, la conquĂȘte des principales Villes de la Flandre Autrichienne , & dâune partie du Brabant ; la prise de Bruxelles & de Ma es- tricht, fa prudence , fa capacitĂ©, .& une expĂ©rience consommĂ©e dans toutes les parties de la guerre , & dans les siĂšges de plus de seize places quâil conduisit avec vigueur , au milieu de lâhy ver & des eaux ; fa belle Campagne de 1744, oii il tint les ennemis en Ă©chec & dans lâinaction, quoiquâinfĂni- ment infĂ©rieur en hommes ; & enfin, une fuite constante de glorieux succĂšs depuis quâil fut mis Ă la tĂȘte des armĂ©es de France , transmettront sa mĂ©- de M. de Saxe. xxitj ĂĂŻioire Ă la postĂ©ritĂ© la plus reculĂ©e , & le feront toujours placer parmi les grands GĂ©nĂ©raux. Heureux sâil eĂ»t pĂ» dompter ^inclination quâil eut toute fa vie pour le sexe, avec autant de facilitĂ© quâil domptoit ses ennemis ! Cette passion fut pour ce grand homme une chaĂźne de douleurs, & ne contribua pas peu Ă abrĂ©ger ses jours. DISCOURS DISCOURS PRELIMINAIRE. S J la plupart de ceux qui ont Ă©crit sur la science militaire eussent fait cette rĂ©flexion , quâil ne sufiSt pas d avoir de la thĂ©orie, mais qu'il faut encore beaucoup dâexpĂ©- ri ence pour ĂȘtre en droit de donner des prĂ©ceptes , l'on ne v erroit pas tant de mauvais livres . L' art de la guerre ejĂź de tous , celui qui demande le plus de pratique & dĂ© application , il n appartient qii Ă ces guerriers qui joignent a lâintelligence & Ă d esprit , une expĂ©rience consommĂ©e , de nous en donner une saine thĂ©orie. Qu ils J on t rares ces grands hommes ! & qu Ă» y a peu d'ouvrages sortis de eurs plumes ! Au contraire , que 2 } DISCOURS dâauteurs prĂ©somptueux J & cornĂ©lien de ces compilateurs dont lafotte vanitĂ© a enfantĂ© une infinitĂ© de volumes, qid , depuis quelques annĂ©es , ont accablĂ© le Public de tout ce que la stupiditĂ© & la pĂ©danterie militaire ont jamais produit ! Les uns ont prĂ©tendu prescrire des rĂšgles pour f aire mouvoir des annĂ©es, pendant qu ils ignoroient les principes de P art,fur lesquels ils nous ont dĂ©bitĂ© mille absurditĂ©s & mille folies qui ne mentent pas Vattention des gens sensĂ©s. Les autres ont pillĂ© & rapf'o- diĂ© des ouvrages , qu ils ont disent- ils rendus moins prolixes L plus intelligibles j mais qui dans la vĂ©ritĂ© font toujours refilĂ©s les mĂȘmes , & oĂč don n apperçoit d'autre changement que des titres pompeux , des observations aufifii ridicules que. dĂ©pourvues de sens, des citations tirĂ©es de Moyse & des prophĂštes, & plusieurs autres semblables rhiseres . PRELIMINAIRE. z Ces messieurs veulent fans doute fe faire une rĂ©putation parleurs Ă©crits. Ces petits auteurs fe croiroient-ils grands hommes ? Que fçait-on ? fous ombre de cette fausse modestie quilsfont paroĂźtre dans leurs prĂ©faces & dans leurs Ă©pures , peut-ĂȘtre leur vanitĂ©va-t-elle jusqu Ă sâimaginer qu on les croira dignes de commander les armĂ©es. Que des militaires lisent les ouvrages dâun ConĂ h,d'un Turen- ne, dâun MontĂ©cuculĂŹ^ dâun EugĂšne j ils y trouveront de futile ; mais Ăą quoi bon ceux d'un guerrier qui ne s âefl point signalĂ©, & qui nâ a pas donnĂ© des preuves de fa capacitĂ© i ? Malheureusement pour nous , ces grands hommes ont peu Ă©crit furies talens quilspoffĂ©doient , &, des mĂ©moires quils nous ont laissĂ©s , Ă peine formeroit-on deux in-quarto ; mais ils disent cependant A ij 4 DISCOURS beaucoup , bien dijfĂ©rens en cela de certains ouvrages volumineux qui ne disent rien. Peu de gens ont feu ce que câĂ©- toit que les Reveries de feu M. le MarĂ©chal de Saxe { * j Von a cru que ce titre n annoncoit que des projets chimĂ©riques , & des innovations ridicules& des ennemis jaloux de la gloire & de la mĂ©moire de ce grand homme , n ont pas manquĂ© dâappuyer fur la mauvaise opinion que lâon sâen Ă©toit formĂ©e. Ce n efl pas feulement pour fatisr faire la-curiositĂ© du Public , que jâai f ait imprimer cet ouvrage; mais encore pour remplir les vues de son ili Luflre auteur, qui ne Va fans doute Ă©crit que pour en faire part aux militaires. Ceux qui font pourvus de * II disoit qus toutes les actions de la vie nâĂ©toient que des rĂȘves ; & câeĂt appa^ remment pourquoi il a donnĂ© Ă cet ouvrage le titre de Reve&ies. PRELIMINAIRE. 5 bon sens , & qui ont de V expĂ©rien- Ce j verront sâd contient des choses ridicules. Ily a des idĂ©es quiparoi- tront peut-ĂȘtre telles Ă certains officiers qui , quoique novices Ă laguer- re 3 y occupent les premiers grades , lux quels ils n ont Ă©tĂ© Ă©levĂ©s que par la faveur ou V intĂ©rĂȘt , qui leĂ»r ont tenu heu de mĂ©rite & de capacitĂ© y mais on fera peu de cas de la façon de penser de ces messieurs ce nefi P as Ă la dĂ©cision dâun goujas * qu on s*en rapportera fur les beautĂ©s ou les dĂ©fauts de U architecture d un palais y ce fera fans doute au. jugement des grands maĂźtres & des connoiffieurs. Je crois devoir avertir ici les lecteurs, que , pour bien comprendre les idĂ©es de Vauteur , il ejl nĂ©cessaire qu ils lisent avec attention Vouvrage dâun bout Ă Vautre , au * Un goujas est un manoeuvre qui porte h mortier aux maçons, A iij 6 DISCOURS, lieu de sauter les chapitres indiffĂ©remment , comme laplupart ont coutume de faire. II y en aura qui trouveront fans doute bien des fautes dans le Jlyle> oĂč il y a beaucoup de rĂ©pĂ©titions , des mots & des termes qu on appelle usĂ©s mais il ne sâa- gitpoĂŹntici d* une piĂšce dâĂ©loquence ; & Ion ne sçauroit rĂ©peter ajse^sou- vent 3 ni avec trop desmplicitĂ© , les choses que lâon veut bien faire entendre , surtout lorsqu âil ejl que lion de matiĂšres sĂ©rieuses & inflruclives. AVANT - PROPOS* -L a guerre est une science couverte de tĂ©nĂšbres-, dans lâobscurkĂ© descelles on ne peut marcher d un pas assurĂ© la routine & les prĂ©jugĂ©s, fuite naturelle de lâignorance, font la base Ă e cet art. Toutes ĂŹes sciences ont des principes Se des rĂšgles * ,1a guerre feule nâen a point. Les grands capitaines qui en ont Ă©crit ne nous en ont point donnĂ©. II faut ĂȘtre consommĂ© pour les entendre ; Se il est ĂŹmpofĂlble de fe former le jugement fur les historiens qui ne parlent de la guerre que selon quâelle fe peint Ă leur imagination. Quant aux capitaines qui en ont Ă©crit, ils ont plus * La guerre a des rĂšgles dans les parties de dctails ; mais elle nâen a point dans les sublimes. Aiv ge,pA'-s3ĂŹ>^>-.=g 8 A FA N T -PROPOS. songĂ© Ă plaire quâĂ instruire ; parce que la mĂ©chanique de la guerre est dâune nature seche &c ennuyeuse. Les livres qui nous donnent des principes ne font quâune fortune mĂ©diocre, & ne peuvent avoir leur mĂ©rite que lorsque le temps a tout effacĂ©. Ceux qui traitent de la guerre en historiens nâont pas le mĂ©me fort ; ils font recherchĂ©s par les curieux, & conservĂ©s dans les bibliothĂšques. Câest ce qui fait que nous nâa- vons quâune idĂ©e confuse de la discipline des Grecs & des Romains. Gustave-Adolphe a créé une mĂ©thode que ses disciples ont suivie, & Ăźls opt fait tous de grandes choses. Depuis ce temps-lĂ nous avons dĂ©rogĂ© successivement, parce que lâon nâavoit appris que par routine de-lĂ vient la confusion des usages, oĂč chacun a augmentĂ© ou retranchĂ©. Ces usages font cependant respectĂ©s, Ă cause de leur illustre origine. Mais quand on lit AvA NT- PROPOS. 9 JMontĂ©cuculi , qui Ă©toit contemporain, ĂŽc qui est le seul GĂ©nĂ©ral qu. soit entrĂ© dans quelque dĂ©tail , 1 on sâapperçoit trĂšs - bien que nous nous sommes dĂ©ja plus Ă©cartĂ©s de la me " thode dĂš Gustave - Adolphe , quâil ns sâĂ©toit Ă©loignĂ© de celle des Romains. II n 5 y a donc plus que des usages dont les principes nous font inconnus. Jâapprouve la noble hardiesse d u Chevalier de Follaid, qui a Ă©tĂ© le seul qui ait osĂ© franchir les bornes des prĂ©juges. Rien n'est fi pitoyable que dâen etre 1 esclave câest encore une fuite de lâigno- rance , ĂŽc rien ne la prouve tant. Mais il va trop loin il avance une opinion qui en dĂ©termine le succĂšs , fans faire attention que ce succĂšs dĂ©pend d une infinitĂ© de circonstances que la prudence humaine ne fçauroit prĂ©voir. II suppose toujours les hommes braves , fans faire attention que la valeur des troupes est journaliĂšre, que rien nâest si varia- io AVANT- P ROP OS. ble, & que la vraie habiletĂ© dâun GĂ©nĂ©ral consiste Ă sçavoir sâen garantir, par les dispositions, par les positions & par ces traits de lumiĂšre qui caractĂ©risent les grands capitaines. Peut-ĂȘtre sâest-il rĂ©servĂ© cette matiĂšre, qui est immense; peut-ĂȘtre aussi nâya-t-il passait attention. Câest pourtant de toutes les parties de la guerre la plus nĂ©cessaire Ă Ă©tudier. Telles troupes seront infailliblement battues dans des retranchemens, qui, en attaquant, auroient Ă©tĂ© victorieuses peu de gens en donnent une bonne raison ; elle est dans le cĆur des humains, & on doit lây chercher. Personne nâa traitĂ© cette matiĂšre , qui est la plus considĂ©rable dans le mĂ©tier de la guerre ,1a plus sçavante, la plus profonde, &sans laquelle on ne peut se flatter que des faveurs de la fortune, qui quelquefois est bien inconstante. Je vais rapporter un fait entre mille autres, pour persuader mon opinion sur l'imbĂ©cillitĂ© du cĆur humain. ArANT-P ROFOS u A U bataille de Friedlingen , lâinfan- Ăźerie Françoise , aprĂšs avoir repoussĂ© celle des ImpĂ©riaux avec une valeur incomparable , aprĂšs savoir enfoncĂ©e plusieurs fois , Sc savoir poursuivie au travers dâun bois jusques dans une plai- ne qui Ă©toĂŹt au-delĂ , quelquâun sâavi- sa de dire que sonĂ©toit coupĂ© il parut deux escadrons François peut-ĂȘtre ; toute cette infanterie victorieuse sâenfuit dans un dĂ©sordre affreux, sans que personne lâattaquĂąt ni la suivĂźt. Elle repas- lu le bois, Sc ne sâarrtta que par de-la fo champ de bataille. Le marĂ©chal - de FtllĆts Sc les GĂ©nĂ©raux firent de vains efforts pour ramener le soldat. La bataille etoit cependant gagnĂ©e, Ăc la cavalerie Françoise avoit dĂ©fait slmpĂ©rĂŹa- le de façon' que lâon ne voyoit plus dâenn'emis. CâĂ©toit pourtant les mĂȘmes hommes qui venoient de vaincre, dont tĂne terreur panique avoit troublĂ© leS sens, Sc qui avoit perdu contenance au A vj IX AFANT-PROPOS. point de ne pouvĂČir la reprendre. Câest de M. le marĂ©chal de Villars que je tiens ce fait il me lâa racontĂ© Ă Vaux- villars, en me montrant les plans des batailles quâil a donnĂ©es Qui voudroit chercher de pareils exemples, en trou- yeroit quantitĂ© chez toutes les nations» Celui-ci prouve aĂTez la variĂ©tĂ© du cĆur humain , & le cas quâon en doit faire» Mais, avant que de passer Ă des parties fi Ă©levĂ©es, il faut examiner les moindres , je veux dire les principes de lâart» Quoique ceux qui sâoccupent des dĂ©tails passent pour des gens bornĂ©s , iL me paroĂźt pourtant que cette partie est essentielle j parce quâelle est le fondement du mĂ©tier , & quâil est impossible de faire aucun Ă©difice , ni dâĂ©tablir aucune mĂ©thode, fans en fçavoir les principes. Je me servirai ici dâune comparaison» Tel homme a du goĂ»t pour lâar- çhitecture, & Ăçait dessiner ;il feratrĂšs- hien le plan & le dessein dâun palais fi AVANT-PROFO S. iZ t'cs-le lui exĂ©cuter ;sâil ne sçait la coupe des pierres, & sâil ne sçait asseoir les son- demens de ledifice, tout sâĂ©croulera bientĂŽt. II en est de mĂȘme dâun GĂ©nĂ©ral qu* ne connoĂźr point les principes de lâart, ni comment ses troupes doivent etre composĂ©es ; ce qui doit servir comme de base Ă tout ce qui se fait Ă la guerre. Lhs principaux succĂšs que les Romains ont toujours eus avec de petites arme es contre des multitudes de barba- res , ne doivent sâattribuer Ă autre cho- & quâĂ lâexcellente composition de leurs troupes. Ce nâest pas que jĂ© prĂ©tende } pour cela, quâun homme dâesprit ne puisse se tirer dâaffaire , quand il se trou- Veroit commander une armĂ©e de Tar- tares. II est plus aisĂ© de prendre les gens comme ils font, que de les former comme ils doivent ĂȘtre; & lâon ne dispose pas des opinions, des prĂ©jugĂ©s 8e des volontĂ©s. Ă4 AVANT- P R OPO S. Je commencerai par la mĂ©thode ds lever des troupes, celle de les habiller f celle de les entretenir, celle de les for' mer, & celle de combattre. II seroit hardi de dire que toutes les mĂ©thodes que lâon emploie Ă prĂ©sent ne valent rien ; car câest faire un sacrilĂšge que dâattaquer les usages , moins grand cependant que trelui dâĂ©tablir des nouveautĂ©s. Je dĂ©clare donc que je tacherai seulement de faire voir les abus dans lesquels nous sommes tombĂ©s» . K âyy r? ' .5 II _ ... Ă â [I ^ jf, livre premier» Des parties de dĂ©tails. CHAPITRE PREMIER. De la maniĂšre de lever des troupes , de celle de les habiller, de les entretenir , de les payer , de les exercer , & de les former pour le combat . article premier. De la maniĂ©rĂ© de lever les troupes, O N leve les troupes par engagement avec capitulation , fans capitulation,, par force quelquefois , & le plus fou- vent par supercherie, 16 - MĂ©mo r s e s. Quand on fait des recrues avec CĂĄ* pitulation j il' est injuste & inhumain de ns la pas tenir ; parce que ces hommes croient libres lorsquâils ont contractĂ© rengagement qui les lie ; Ăc il est con-, tre toutes les loix divines & humaines » de ne leur pas tenir ce quâon leur a promis. On nâen fait cependant rien ; quâen arĂiye-t-il ? Ces gens dĂ©sertent peut- on z avec justice, leur faire leur procĂšs ? On a violĂ© la bonne foi qui rend les conditions Ă©gales. Si on ne fait point dâactes de sĂ©vĂ©ritĂ©, on perd la discipline militaire; & , fi on en fait, on commet, des actions odieuses. II se trouve cependant plusieurs soldats, au commeii- cement dâune Campagne, dont le temps de servir est fini les capitaines, quiveu- lent ĂȘtre complets , les entraĂźnent pan force de-lĂ on tombe dans le cas que e viens de dire. Les levĂ©es qui se font par supercherie font tout aussi odieuses ; on naet de MĂ©moires. 17 lâargent dans la poche dâun homme, & on lui dit quâil est soldat. Celles qui se fontpar force le sont encore plus j câeft une dĂ©solation publique, dont le bourgeois & lâhabitant ne se sauvent quâĂ force dâargent >, & dont la cause est toujours un moyen affreux. Ne vaudroit-il pas mieux Ă©tablir, par une loi, que tout homme , de quelr que condition quâiĂŹ fĂ»t, seroit obligĂ© de servir son prince & sa patrie pendant Ă q ans? Cette loi ne sçauroit ĂȘtre dĂ©sapprouvĂ©e ; paree quâil est naturel & juste que les citoyens sâemploient pour la dĂ©fense de lâĂtat. En les choisiflant entre vingt 8c trente ans, il ne rĂ©sulte- roit aucun inconvĂ©nient. Ce sont les annĂ©es du libertinage, oh la Jeunesse va chercher fortune , court le pays , & e st de peu de soulagement Ă ses parens. Ce ne seroit pas une dĂ©solation publique ; parce que lâon seroit sĂ»r que, les ssmq annĂ©es rĂ©volues, on seroit congĂ©- i S MĂ©moires. diĂ©. Cette mĂ©thode -de lever des troupes seroit un fonds inĂ©puisable de belles & bonnes recrues, qui ne seroient pa§ sujettes Ă dĂ©serter. Lâon se seroit mĂȘme, par la suite , un honneur & un devoir de remplir sa tĂąche. Mais, pour y parvenir, il faudroit nâcn excepter aucune condition, ĂȘtre sĂ©vĂšre fur ce point, & sâattacher Ă faire exĂ©cuter cette loi, par prĂ©fĂ©rence aux nobLs & aux riches. Personne nâenmurmureroit. Alors ceux qui auroient servi leur temps verroient avec mĂ©pris ceux qui rĂ©pugneroient Ă ' cette loi, & insensiblement on se seroit un honneur de servir le pauvre bourgeois seroit consolĂ© par lâexemple du riche ; & celui-ci nâoseroit se plaindre, voyant servir le noble. La guerre est un mĂ©tier honorable. Combien de princes ont portĂ© le mousquet ! & Ă combien dâofficiers nâai-je pas vu le reprendre, aprĂšs une rĂ©forme j plutĂŽt que de vivre dans une condition vile ! Ce nâest donc MĂ©moires. ' 19 que la mollesse qui feroitparoĂźtre Ă quelqu un cette loi dure. Quel spectacle nous prĂ©sentent aujourdâhui les nations ? On voit quelques hommes riches, oisifs & voluptueux, qui font leur bonheur aux dĂ©pens dâune multitude qui flatte leurs passions, ĂŽc qui ne peut subsister quâen leur prĂ©parant sans cesse de nouvelles voluptĂ©s. Cet assemblage dâhommes oppresseurs & opprimĂ©s forme ce quâon appelle 'la sociĂ©tĂ© ; ĂŽc cette sociĂ©tĂ© rassemble ce quâelle a de plus vil & de plus mĂ©prisable, & en fait ses soldats. Ce nâest pas- avec de pareilles mĆurs, ni avec de pareils bras, que les Romains ont vaincu, lâunivers. MĂąis toutes les choses ont un bon & un mauvais cĂŽtĂ©. II est certain quâiĂź nây arien de si avantageux pour la bontĂ© des troupes, que dâobliger les provinces Ă fournir les recrues ; mais il en rĂ©sulte un grand inconvĂ©nient, qui est 20 MĂ©moire s. que les officiers nâont aucun foin de leurs soldats. Jâai vu presque toujours pĂ©rir chez les ImpĂ©riaux une grande moitiĂ© des recrues, quelquefois les trois quarts cela vient du peu dâattention que les officiers font Ă la conservation du soldat. Sâil tombe malade j ils 3e laissent pĂ©rir faute de secours,, parce qu il en conte pour le soigner. Il y a un remede Ă cet abus, qui est biĂšn simple ; eâest de faire payer les recrues aux officiers. II faut que les provinces les fournissent ; mais les officiers dis-je, doivent les payer & cet argent' doit retomber dans la caisse militaire ; ce qui ne laide pas que de faire un obipt, & tend Ă la conservation. Car supposĂ© quâil saille vingt mille recrues dans une armĂ©e , & que le capitaine soit obligĂ© de payer cinquante livres par chacune H en reviendra un million dans l'Ă©par- gne militaire , & il sâen faudra bien qu K. ÂŁĂtat y perde tant dâhommes. MĂ©moires 2Ăź Cette maniĂšre de lever des troupes est trĂšs-bonne dans des Ătats bien peuplĂ©s , comme est la France, Se qui peuvent se passer dâĂ©trangers. Il y a des puissances , il est vrai, qui font obligĂ©es de recruter chez toutes les nations mais ne pourroient - elles pas aussi former une milice nationale fur pied? Et ces puissances, qui font dans la nĂ©cessitĂ© de former la plus grande partie de leurs armĂ©es dâĂ©trĂĄngers, ne font- elles pas bien plus obligĂ©es Ă tenir la capitulation quâelles ont faite a ces recrues Ă©trangĂšres, quâĂ leurs propres sujets? Ce feroit, assurĂ©ment, le moyen d en trouver facilement. ARTICLE SECOND. De Ăhabillcmcnt. N otre habillement est trĂ©s- coĂ»teux, & trĂšs-incommode ^ le soldat 22 MĂ©moire s. nâest ni chaussĂ© , ni vĂȘtu, ni couvert. Lâamour du coup dâĆii lâemporte sur Jes Ă©gards que lâon doit Ă la santĂ©, qui est un des grands points auquel il faut faire attention. En campagne, les cheveux font un ornement trĂšs-fale pour le soldat ; He quand la saison pluvieuse est une fois arrivĂ©e , fa tĂȘte ne se sĂšche plus. Son habit ne le couvre point. A lâĂ©- gard des pieds, il nâen est pas question ; les bas-, les souliers & les pieds pourrissent ensemble , parce que le soldat nâa pas de quoi changer ; &, quand il Tau. roit, cela ne lui servĂŹroit de rien, parce quâun moment aprĂšs il seroit dans le mĂȘme Ă©tat. Ge pauvre soldat est donc bientĂŽt envoyĂ© Ă lâhĂŽpital. Les guĂȘtres blanches ne font propres que pour un jour de parade , & le ruinent en blanchissage cette chaussure est trĂšs-incommode, trĂšs - mal - faine 9 de nulle utilitĂ©, & trĂšs-coĂ»teuse. Le MemOĂŻRES. 2 z. chapeau perd bientĂŽt sa forme & sa grĂące il ne sçauroit rĂ©sister aux fatigues & aux pluies dâune campagne, il est bientĂŽt percĂ© ; &, dĂšs que le soldat est couchĂ©, il lui tombe de la tĂȘte ; cet homme , accablĂ© de lassitude , sâendort a la pluie Le au serein , la tĂȘte nue ; S c le lendemain il a la fiĂšvre. Je voudrois que le soldat eĂ»t les cheveux courts ; & quâil eĂ»t une petite perruque de peau dâagneau dâEs- P a gne, de couleur grisaille ou noire, quâil mettroit lors des mauvais temps. Cette perruque imite les cheveux naiĂ- sans au point de sây tromper, Ăt coeffe trĂšs-bien , quand la coupe en est bien faite ; elle coĂ»te environ vingt fols, & on nâen volt pas la fin. Cela est trĂšs- chaud, garantit des rhumes & des fluxions , 8c a tout-Ă -fait bonne grĂące» Au lieu de chapeau, je leur voudrois des casques Ă la Romaine ; ils ne pĂšsent pas plus, ne font point du tout incom- 24 M H M O I H E S. modes, garantissent du coup de sabre , & font un ornement. Je voudrois quâil fĂ»t vĂȘtu de maniĂšre quâil eĂ»t une veste un peu ample , avec une petite veste de dessous en forme de gillet *, un manteau Ă la Turque a-vec un capuchon * * . Ces manteaux couvrent bien , & ne contiennent que deux aulnes & demie de drap , pesent peu , & coĂ»tent peu. Ils mettent la tĂȘte & le col du soldat Ă couvert de la pluie &4u vent; & , lorsquâil est couchĂ© , il est conservĂ© & a le corps sec ; parce habillement ne colle point, & le soldat le seche Ă lâair, dĂšs quâil fait un moment de beau temps. Il nâen est pas de mĂȘme dâun habit ; car dĂšs quâil est mouillĂ©, le soldat en * Presque toute la cavalerie Allemande est habillĂ©e de mĂȘme. A la vĂ©ritĂ© , Ă quoĂscrcĂ un habit ce que nous appelions les pans ou les plis» lorsque lâon a un manteau pour se garantir du froid & dt L\ pluie? ** Ces manteaux ne doiycntpas passer le haut da gras de la jambe. ressent X MĂ©moires. 2 5* ressent lâhumiditĂ© jusquâĂ la peau , & il faĂ»t quâil lui seclie sur le corps. L on ne doit donc pas ĂȘtre Ă©tonnĂ© de voir tant de maladies dans une armĂ©e ; les plus robustes y rĂ©sistent le plus longtemps mais Ă la fi n il faut quâilssuc- combent. Si lâon ajoute Ă ce que je viens de dire , le service que sont obligĂ©s de faire çeux qui se portent encore bien , pour ceux qui sont malades - morts, ou blessĂ©s , pu qui ont dĂ©sertĂ© ; on ne doit pas ĂȘtre Ă©tonnĂ© devoir, Ă la fin dâune campagne , des bataillons rĂ©duits Ă cent hommes. Voil a comme les plus petites choses influent fur les plu§ grandes. Mais je reviens Ă mes manteaux. Comme ils contiennent peu dâĂ©toffe , & quâils font lĂ©gers > ils peuvent se rouler & sâatta- cher le long de la giberne fur le dos ; ce qui ne fait point du tout un vilain effet > St le soldat lorsquâĂŹl est sous les B 26 MĂ©moires, armes, & quâil fait beau, a toujours lâair ingambe & leste. Ces manteaux peuvent durer trois Ă quatre ans ainsi Thabillement seroit moins coĂ»teux, plus sain , & pour le moins auffi parant. Quant Ă la chaussure , je voudrois que les soldats eussent des souliers dâun cuir dĂ©liĂ© , avec des talons bas ; ce qui chausse parfaitement biep , & fait marcher de meilleure grĂące ; parce que les talons bas font porter la pointe du pied en dehors, tendre le jarret, ĂŽc effacer par consĂ©quent les Ă©paules. II faut quâils soient chauffĂ©s Ă nud fur le pied, & graissĂ©s avec du suif ou de la graisse. Les damerets trouveront cela bien Ă©tranger mais lâexpĂ©rience fait voir que tous les vieux soldats-François en usent ainsi, parce quâavec cette prĂ©caution ils ne sâĂ©corchent jamais les pieds dans les marches ; & lâhumiditĂ© ne les pĂ©nĂštre pas si aisĂ©ment, parce quâelle ne prend pas fur la graisse ; le MĂ©moires. zj cuir du soulier ne se racornit point, & ne sçauroit blesser. Les Allemands, qui font porter Ă leur infanterie des bas de laine , ont toujours une quantitĂ© dâestropiĂ©s, parce quâil leur vient des ampoules, des loups, & toutes sortes de maladies aux pieds & aux jambes, la laine envenimant la peau dâailleurs-, ces bas se percent par les bouts, restent humides, & pourrissent avec les pieds. A ces escarpins, il faut ajouter des guĂȘtres dâun cuir dĂ©liĂ©, chaussĂ©es aussi Ă nud fur la jambe. Les culottes doivent ĂȘtre de peau, lesquelles arrĂȘteront les guĂȘtres avec des boutons au-dessus du genouil ; moyennant quoi, lâon Ă©vite les jarretiĂšres ; ce qui nâest pas une petite affaire. Les soldats en ont jusquâĂ trois, lâune fur jâautre ; une pour tenir le bas, lâautre pour fermer la culotte, & la troisiĂšme pour arrĂȘter les guĂȘtres ; ce qui est un vrai martyre , & leur gĂąte le nerf. 28 MĂ©moires. A cette chaussure, il faut ajoutes des sandales ou galoches, semelĂ©es de bois de lâĂ©paisseur dâun pouce ce qui empĂȘche les pieds de se mouiller dans les boues ni Ă la rosĂ©e, & surtout lorsque le soldat est en faction *. Dans les temps secs, pour les combats & pour la parade , on les leur fe- roit quitter au premier de novembre on leur donneroit de gros bas de laine, quâils chausseroient par dessus les souliers & la guĂȘtre, lesquels seroient aussi arrĂȘtĂ©s par le haut. Ces bas seroient semelĂ©s dâun cuir mince, qui remontĂąt un peu fur les cĂŽtĂ©s & fur le bout du pied, pour ĂȘtre ensuite chaussĂ©s dans les sandales. * Beaucoup de soldats François font eux-mĂȘmes $e ces galoches, en iiyver, avec leurs vieux souliers, MĂ©moires. 2 - ARTICLE TROISIEME. De Ventretien des troupes. I L est avantageux , pour 1s bon ordre , pour le mĂ©nage , & pour la santĂ© , de faire faire ordinaire aux troupes le soldat ne devient point libertin, me joue pas son prĂȘt, & est trĂšs-bien nourri. Mais cela ne laisse pas que d'a- voir ses inconvĂ©niens ; parce que le soldat se tue , aprĂšs une marche, Ă aller chercher du bois , de lâeau , &c. il devient maraudeur ; il est toujours sale & mal-propre ; son habillement se perd Ă porter, dâun camp Ă lâautre , toutes les choses nĂ©cessaires Ă son mĂ©nage; & sa santĂ© sâaltĂšre par toutes les fatigues que cela lui cause. Mais aussi il y a un remĂšde Ă ces inconvĂ©niens. Comme je dispose mes troupes en centuries, je voudrois quâil B iij Z c> MĂ©moires. y eĂ»t Ă chacune un vivandier, avec quatre chariots attelĂ©s de deux bĆufs chacun ; quâil y eĂ»t une grande marmite , pour faire la soupe Ă toute la centurie , & que lâon donnĂąt Ă chaque soldat fa portion, Ă midi, en soupe avec du bouilli, & le soir en rĂŽti, dans une Ă©cuelle de bois Ă chacun. Ce se toit aux officiers Ă voir quâon ne les trompĂąt point, & quâils nâeussent pas Ă se plaindre. Le gain quâil seroit permis aux vivandiers de faire, seroit sur la boisson , le fromage, le tabac , les peaux qui lui resteroient des bestiaux quâils auroient tuĂ©s , &c. Les vivandiers prendroient les bestiaux aux vivres; &, lorfquâon se trouveroit dans un lieu oĂč il y auroip des lĂ©gumes, lâon yenverroit avec ordre. Cela paroĂźt dâabord un peu difficile Ă arranger ; mais, avec un peu dâat- tention, tout le monde doit y trouver MĂ©moires. 31 son compte. .Lorsque les soldats iroienc en dĂ©tachement, ils prendroient pour un ou deux jours de rĂŽti avec eux; cela ne fait point dâembarras. II faut plus de bois, dâeau & de chaudrons, poux faire la soupe Ă cent hommes,quâil nâen fau- droit pour mille, de la façon dont je le propose ; & la soupe nâest jamais si bonne. Dâailleurs, les soldats mangent toutes sortes de choses mal-saines, qui les font tomber malades, comme du cochon , du fruit qui nâest pas mĂ»r ; & iâofficierne sçauroity avoir lâĆil, comme il feroit Ă une seule marmite oĂč il y en auroit toujours un prĂ©sent, Ă chaque repas, pour voir si les soldats nâont pas lieu de se plaindre. Lorsquâil y auroit des marches forcĂ©es, ou que les Ă©quipages ne pourroient pas joindre, on distribueroit des bestiaux aux troupes , & les soldats feroient des broches de bois pour rĂŽtir leur viande ; cela ne fait point dâembarras, & ne dure B iv H 2 M E M O I R,E S. que quelques jours. Que lâon balance notre mĂ©thode avec celle-lĂ , & lâon verra quelle est la meilleure. Les Turcs en usent ainsi, & sont parfaitement bien nourris auffi distingue-t-on bien leurs cadavres, aprĂšs les batailles, dâavec ceux des troupes Allemandes, qui font baves & dĂ©charnĂ©s. Cela a auffi un autre avantage, dans certains cas on mĂ©nage la bourse du maĂźtre , en leur donnant leur prĂȘt en entier, & en leur vendant des vivres. II y a des pays, comme la Pologne & lâAllemagne, qui fourmillent de bestiaux lorsquâon demande aux habitans des contributions, pour quâils puiflent les soutenir , on prend moitiĂ© en vivres, moitiĂ© en argent , & on vend les vivres aux troupes ainsi la paye du soldat fait une navette continuelle, &c il se trouve quâon a de lâargent & des contributions de reste. Il en rĂ©sulte encore une grande utilitĂ© , lorsquâon a Ă©tĂ© obligĂ© de faire des MĂ©moires* zz magasins, & quâil est temps de les consommer. On y envoye des troupes; fur quoi il y a toujours beaucoup moins de perte pour le maĂźtre, fans que les soldats aient lieu de sâen plaindre. Ir ne faut jamais donner de pain aux soldats en campagne , mais les accoutumer au biscuit ; parce quâil se conserve cinquante ans & plus dans les magasins , & quâun soldat en emporte aisĂ©ment avec lui pour sept ou huit jours il est sain il nây a quâĂ sâinformer'Ă des officiers qui aient servi chez les VĂ©nitiens , pour sçavoir le cas quâon en doit faire. Celui des Moscovites , quâils nomment foukari , est le meilleur de tous, parce quâil ne sâĂ©miette pas ii est quartĂ©, de la grosseur dâune noisette; & il ne faut pas tant de chariots pour le transporter, quâil en faut pour le pain- Les pourvoyeurs des vivres font accroire , tant quâils peuvent, que le pain vaut mieux pour le soldat ; mais B v 34 M e m o t r e y; ceĂŹa est faux , & ce nâest que pour avoir occasion de friponner, quâils cherchent Ă le persuader. IĂŹs ne cuisent leur pain quâĂ moitiĂ©, & y mĂȘlent toutes fortes- de choses mal-saines , qui, avec la quantitĂ© dâeau quâil contient, augmentent du double le poids» & le volume- Outre cela, ils ont un train de boulangers » de valets, de chariots & de. chevaux, fur quoi ils gagnent beaucoup. Tout ce train est embarrassant dans une armĂ©e ; il leur faut des quartiers , des moulins & des dĂ©tachemens pour les garder. Enfin , lâon ne fçau- roit croire les voleries qui se commettent ; les troubles qui naissent de toutes ces choses , les maladies qui rĂ©sultent du mauvais pain , les fatigues que cela cause aux troupes , dans quel embarras ceĂŹa jette un GĂ©nĂ©ral, & quelles en font les suites. La certitude dans laquelle lâennemi est presque toujours de ce que vous allez faire par MĂ©moires. 3 y ĂŹâarrangement de vos fours & de vos cuissons, me suffira pour nâen pas dire davantage. Si je voulois mâamufer Ă prouver tout ce que jâavance , par des faits, je nâaurois pas sitĂŽt fini; mais je fuis persuadĂ© que lâon Ă©prouve beaucoup de mauvais succĂšs, dont on attribue la cause Ă autre chose, qui proviennent cependant de celle-lĂ . Il faut mĂȘme accoutumer quelquefois les soldats Ă se passer de biscuit, & leur distribuer du grain , quâil faut leur apprendre Ă cuire sur des palettes de fer, aprĂšs savoir broyĂ© & rĂ©duit en pĂąte. M. le marĂ©chal de Turenne dit quelque chose Ă cet Ă©gard, dans ses' mĂ©moires ; & jâai oui dire Ă de grands» capitaines que, quand mĂȘme roient du pain , ils en laisseroient quelquefois manquer aux troupes, afin de les accoutumer Ă sçavoir sâen passer,- Jâai fait des campagnes de dix-huit mois; avec des troupes qui y Ă©toient accou- z6 MĂ©moires. tumĂ©es, fans que jâaie entendu murmĂč- rer jâen ai fait plusieurs autres avec des troupes qui nâĂ©toient point accoutumĂ©es Ă se passer de pain; dĂšs quâil man- quoit un jour , tout Ă©toit perdu cela faisoit que lâon ne pouvoit faire un pas en avant, ni aucune marche hardie. Pour la viande , on est toujours Ă portĂ©e dâen avoir ; parce que les bestiaux suivent par-tout, & le transport nâen coĂ»te rien. Je ne sçais pas mĂȘme comment on peut en manquer. Que lâon compte quâun bĆuf pĂšse cinq cent livres , quâon donne une demi-livre de viande Ă chaque homme, alors un bĆuf nourrira mille soldats cinquante mille hommes consommeront donc cinquante bĆufs par jour. SupposĂ© que la campagne dure deux cens jours, cela ne fait jamais que dix mille bĆufs, qui suivent & pĂąturent par-tout ; lâon en fait diffĂ©rens dĂ©pĂŽts, quâon fait avancer Ă mesure^ quâon en a besoin. s MĂ©moires, ^7 Je ne dois pas passer ici sous silence un usage Ă©tabli chez les Romains, par lequel ils-prĂ©yenoicnt les maladies & les mortalitĂ©s , qui se mettent dans les armĂ©es par les cbangemens de climats» On doit aussi attribuer Ă cet usage, une partie des prodigieux succĂšs quâĂls ont eus. Un grand tiers des armĂ©es Allemandes pĂ©rit en arrivant en Italie , & en Hongrie. En 1718, presque en sortant des quartiers , nous entrĂąmes au nombre de cinquante mille hommes dans le camp de Belgrade * il est fur une hauteur , l'air y est sain , lâeau de source y est bonne, & nous avions abondance de toutes choses le jour de la bataille, qui Ă©toit le 18 AoĂ»t, il ne" se trouva que vingt-deux mille com- battans fous les armes tout le reste Ă©toit mort, ou hors dâĂ©tat dâagir. Je pourrois citer de pareils Ă©vĂ©nenaens * * M. le marĂ©chal fit cette campagne comme to- lontaire, Z 8 MeiĂŹĂoires. chez dâautres nations c'est le chafigĂ©- ment de climat qui en est la cause. Lâon ne volt point de ces exemples chez les Romains , tant que le vinaigre ne leur manqua pas mais dĂšs que Yacetum leur manquoit, ils Ă©toient sujets aux mĂȘmes accidens que nos troupes le font Ă prĂ©sent. Câest un fait auquel, peut- tre, peu de personnes ont fait attention, & qui cependant est dâune grande consĂ©quence pour les conquĂ©rans & pour les succĂšs. Quant Ă la maniĂ©rĂ© de sâen servir , les Romains faisoient distribuer le vinaigre par ordre chaque soldat avoit sa portion , qui lui servoit plusieurs jours, & il en versoit quelques Routes dans lâeau quâil buvoit. Je laisse aux mĂ©decins Ă pĂ©nĂ©trer les causes dâun effet si salutaire ce que je rapporte est usait bien MEMOIRES. Z- ARTICLE QUATRIĂME, De la paye. S a ns entrer dans Le dĂ©tail des diffĂ©ren tes payes, je dirai seulement que la paye doit ĂȘtre sorte il vaut mieux avoir un- petit nombre de troupes bien entretenues & bien disciplinĂ©es, que dâen avoir beaucoup qui ne le soient pas ce ne font pas les grandes armĂ©es qui gagnent les batailles , ce font les bonnes. LâĂ©co- nomie ne peutĂȘtre poussĂ©e quâĂ un certain point; elle a ses bornes , aprĂšs quoi elle dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© en lĂ©sine. Si vous ne donnez pas des appointemens honnĂȘtes aux officiers, vous nâaurez que des gens riches qui servent par libertinage , ou des misĂ©rables dont le courage est abbatu. Je fais peu de cas de la plupart des premiers ; parce quâils ne tiennent pas aĂč mai-ĂȘtre, ni Ă la ri- 4o MĂ©moires. gueur de la discipline ; leurs propos font toujours sĂ©ditieux, & ce ne sont que de francs libertins. Les seconds font si abbattus, que lâon nâen sçauroit attendre grahde vertu leur ambition est bornĂ©e ; parce que lâobjet quâils ont devant eux ne les intĂ©resse guĂšres 7 je veux dire lâavancement; &, misĂ©r rables pour misĂ©rables, ils aiment autant rester ce quâils font ; surtout lorsque le grade leur devient Ă charge. LâeĂpĂ©rance fait tout endurer & tout entreprendre aux hommes ; si vous la leur ĂŽtez, ou quâelle soit trop Ă©loignĂ©e , vous leur ĂŽtez lâamĂ©. II faut que le capitaine soit mieux que le lieutenant ; ainsi de tous les grades. II faut que le pauvre gentilhomme regarde comme une fortune trĂšs-considĂ©rable , & non- comme une charge dâavoir un rĂ©giment; & quâil soit moralement fur de parvenir par ses aĂ©lions & ses services. Lorsque toutes ces choses sont bien com- MĂ©moires. 41 passĂ©es , vous pouvez contenir vos troupes dans la discipline la plus austĂšre. II nây a de vraiement bons officiers que les pauvres gentilshommes qui nâont que la cape & lâĂ©pĂ©e ; mais il faut quâils puissent vivre honnĂȘtement de leur emploi. Lâhomme qui se voue Ă la guerre doit la regarder comme un ordre dans lequel il entre ; il ne doit avoir ni connoĂźtre âș dâautre domicile que fa troupe, & doit se tenir honorĂ© de son emploi. Un jeune homme de naissance regarde comme un mĂ©pris que la cour fait de lui, si elle ne lui confie pas un rĂ©giment Ă sage de dix-huit ou vingt ans. Cela ĂŽte toute Ă©mulation au reste des officiers , Sc Ă toute la pauvre Noblesse , qui est presque dans la certitude de ne pouvoir jamais avoir de rĂ©giment, & par consĂ©quent les postes les plus considĂ©rables, dont la gloire puisse la dĂ©dommager des peines Sc dessoufĂran- 42 M E M O I K E $. ces dâune vie laborieuse, quâelle sacrifie avec confiance Ă un avenir flatteur, & Ă la renommĂ©e. Je ne prĂ©tends pas, pour cela, que lâon ne puisse marquer quelque prĂ©fĂ©rence Ă des Princes j Ou autres personnes dâun rang illustre ; mais il saut que cette marque de prĂ©fĂ©rence soit justifiĂ©e par un mĂ©rite distinguĂ©. Alors on peut leur faire la grĂące de leur permettre dâacheter un rĂ©giment dâun pauvre gentilhomme que les infirmitĂ©s ou Page mettent hors dâĂ©tat desservir; & câest une rĂ©compense pour ce pauvre gentilhomme , ou cet officier de fortune. Mais ce seigneunriche ne doit pas, pour cela, ĂȘtre en droit de revendre fa troupe Ă un autre on lui a sait assez de grĂące en lui permettant de Tacheter; & elle doit redevenir le prix des services & de la vertu. ARTICLE CINQUIĂME. De lâexercice. CZj 5 e s t une chose nĂ©cessaire que lâexercice ou maniement des armes, pour dĂ©gager le soldat, & le rendre adroit mais on ne doit pas y mettre toute son attention. Câest mĂȘme de toutes les parties de la guerre, celle Ă laquelle il en faut faire le moins; fi lâon en excepte celle dâĂ©viter les mouve- mens qui font dangereux , comme de faire porter le fusil fur le bras gauche,' & de faire tirer par pelotons; ce qui a souvent causĂ© des dĂ©faites honteuses. Apkeâs cette attention, le principal de lâexercice font les jambes, & non pas les bras. Câest dans les jambes quâest tout le secret des manĆuvres, des combats; & câest aux jambes quâil faut sâappliquer. Quiconque fait autrement ^âą4 MĂ©moire s en faisant feu de temps en temps, jusquâĂ ce quâil soit arrivĂ© dans les intervalles des bataillons, lesquels doivent dĂ©jĂ ĂȘtre en mouvement. Selon cette disposition, le capitaine des armĂ©s Ă la lĂ©gere doit avoir arrangĂ© ses gens , de maniĂ©rĂ© quâils se placent par dix MĂ©moires. 87 tĂźans Ăźes intervalles des bataillons. Les rĂ©gimens pendant ce temps-lĂ , doivent avoir doublĂ© les rangs , en faisant un mouvement en avant, pour se mettre sur huit de hauteur. II doit y avoir , Ă trente pas derriere chaque rĂ©giment, deux troupes de cavalerie, de trente maĂźtres chacune. Le tout marchant en avant dâun pas lĂ©ger, comme on le suppose , lâenne- mi doit en ĂȘtre dĂ©contenancĂ©. Que fe- ra-t-il ? Rompra-t-il ses bataillons, pour prendre ces centuries par les flancs ?II ne le peut, ni ne lâose ; parce que les intervalles ne sont que de dix pas, & quâilssont occupĂ©s parles armĂ©s Ă la lĂ©gere ; outre cela, les armes de longueur s'y croisent. Comment rĂ©- fistera-t-il donc nâĂ©tant quâĂ quatre de hauteur ,- aprĂšs avoir Ă©tĂ© harcelĂ© par les armĂ©s Ă la lĂ©gere , sâil rencontre des gens tous frais, qui, fur le mĂȘme front, se trouvent Ă huit, ĂŽc quV viennent ra- s§ MĂŻmoire j; pidement sur lui, qui doit ĂȘtre emKar-» rafle dâaiileurs par un grand flottement y & qui Ă peine Ă se mouvoir ? II-y a apparence quâil sera battu &, dans le moment quâil lĂąche le pied, il est perdu fans ressource ; car les armĂ©s Ă la lĂ©gere, se mettant Ă ses trousses avec les deux troupes de cavalerie, ils en doivent faire une furieuse destruction. Ces foi- .xante-dix cavaliers, & ces soixante-dix armĂ©s Ă la lĂ©gere, doivent dĂ©truire un bataillon qui fuit, en un moment, 6c avant quâil ait eusse temps de faire cent p^s. Les centuries doivent toujours demeurer en ordre, pour recueillir leur cavalerie & leurs armĂ©s Ă la lĂ©gere ; elles doivent ĂȘtre prĂȘtes Ă recommencer une nouvelle charge- Je ne puis niâempĂȘcher de me flatter & de croire que, de toutes, les dispositions , câest la meilleure 8c la plus belle pour un jour de combat. Mais, me dira-t-on, on lĂąchera,de MĂ©moires. 89 la cavalerie sur vçs armĂ©s Ă la lĂ©gere. On ne lâoĂeroit. Mais tant mieux, si cela arrive. Ne sont-ils pas Ă mĂȘme de l'e retirer ? Et cette cavalerie peut-elle subsister entre moi & l'ennemi ? Tirera- t-il sur ces soixante-dix hommes Ă©parpillĂ©s le long du front de mon rĂ©giment? Ceseroit tirer sur une poignĂ©e de puces. Ah ! les ennemis feront la mĂȘme chose, & auront auffi des armĂ©s Ă la lĂ©gere. VoilĂ donc ce qui prouve- roit la bontĂ© de mon systĂšme , si cela les incommode au point quâils soient obligĂ©s de mâimiter mais ce ne fera quâaprĂšs savoir bien appris Ă leur dĂ©pens , & aprĂšs avoir Ă©tĂ© bien Ă©trillĂ©s pendant deux ou trois campagnes , quâils sâen aviseront ; & ils nâopposeront que de nouveaux armĂ©s Ă la lĂ©gere aux miens qui seront bien exercĂ©s Ă cette manĆuvre. Mais par oĂč fe- ront-ils retirer ces armĂ©s Ă la lĂ©gere pu ces grenadiers ? Sera-ce fur les aĂŻ- ÂŁo MĂŻmoieh; les, en faisant un mouvement tout le long de leur front, oh il nây a point ^'intervalles f Je dois avant que dĂ©finir ce chapitre, faire un petit calcul du feu de mes armĂ©s Ă la lĂ©gere. Supposons quâils commencent Ă tirer de trois cens pas de distance, qui est celle Ă laquelle ils font exercĂ©s ils pourront donc tirer l'efpace du temps quâil faut Ă lâennemi pour faire ces trois cens pas ; & il leur faudra toujours six Ă sept minutes. Or un armĂ© Ă la lĂ©gere peut tirer six coups par minute ; mais mettons quâil n'en tire que quatre. Chacun aura donc tirĂ© trente coups, avant que le bataillon ennemi ait fait les trois cent pas. De-lĂ , il est clair que chaque bataillon aura essuyĂ© , avant le choc, deux mille coupspourle moins ; & de qui ? De gens qui passent leur vie Ă tirer dâune plus grande distance au but, qui ne font point serrĂ©s, qui tirent Ă lâaife & ne font point contraints par le MĂ©moires. pi ĂŻommandement de faire feu, ni par lâat- titude gĂȘnante quâon leur fait tenir dans ĂŹes rangs , oĂč ils se poussent, sâempĂȘ- chent de voir & dâajuster leur coup. Je tiens quâun coup tirĂ© par un armĂ© Ă la lĂ©gere, ainsi exercĂ© , en vaut bien dix tirĂ©s par un autre. Et si lâennemi est en front de bandiere , il essuiera plus de quatre Ă cinq mille coups de fusils par bataillon, avant que nous nous soyons abordĂ©s. Quâon ne croye pas que trois cens pas soient une trop grande distance un fusil Ă secret porte quatre cens pas de but en blanc; & si vous lâĂ©levez Ă vingt ou vingt-cinq degrĂ©s, il portera au-delĂ de mille pas. A cela, je joins le feu des armes que jâai nommĂ©es amuscttes. Jâai dĂ©ja dit quâil ne failoit que deux ou trois soldats pour en mener une & la servir; Ă quoi je destine les capitaines dâarmes, avec des soldats que lâon prendra dans char que centurie. §2 M E M O I R fe Si Ces amusettes doivent Te mener est avant, avec les armĂ©s Ă la lĂ©gere, un jour de combat. Comme elles tirent au- de-lĂ de trois mille pas, elles doivent causer un furieux dommage Ă l'ennemĂź lorsquâil se forme , soit au sortir dâun bois, dâun dĂ©filĂ© ou dâun village, quand il marche efi colonne, & quâi-1 se met en bataille ; ce qui prend du temps. Or, ces amusettes peuvent tirer au-delĂ de deux cens coups par heure. Jâen mets une par centurie on peut y joindre celles de la seconde ligne, & les rassembler toutes fur une hauteur lâeffet quâelles produiront sera considĂ©rable. Les capitaines dâarmes doivent ĂȘtre exercĂ©s Ă tirer avec lâamusette elle est infiniment plus juste que le canon ; & tire plus loin. Comme il y en a quatre par rĂ©giment, il y en aura seize par lĂ©gion ces seize machines rassemblĂ©es un jour de comb at, feront taire dans un, moment une batterie ennemie» MĂ©moires. 5*5 âą "Les nombres pairs, Sc ĂŹa racine quarrĂ©e , doivent ĂȘtre un principe fur lequel il faut tabler pour la composition des corps de mon infanterie, & dont on ne doit jamais sâĂ©carter ainsi il faut quatre centuries par rĂ©giment, quatre manipules ou pelotons par centurie , & quatre rĂ©gimens par lĂ©gion. A lâĂ©gard de mes piques, si quelquâun trouve que , dans les endroits inĂ©gaux, escarpĂ©s, dans les pays de montagnes, ejles soient inutiles, je lui dirai quâen ce cas on en est quitte pour les poser Ă terre ; mes soldats ayant leurs fusils en Ă©charpe, alors ils sâen serviront. On me dira encore que cela est incommode Ă porter ; mais je ne ferai point de cas de cette objection insensĂ©e. Le soldat nâest-il pas obligĂ© de porter des bĂątops de tentes ? II nây a quâĂ faire faire les tentes de façon que les piques puissent servir de bĂątons, en y attachant un cordon par le milieu. Quâimr porte que le haut de la pique passe la 5>4 MĂ©moires, tente i Au contraire, cela fera un trĂšs- bel effet ; & mĂȘme un ornement dans un camp. Ces piques, avec leur fer, nepefent que cinq livres, & ne fouettent pas comme les autres, parce quâel- les font creuses les piques dont on fe senroit ci-devant pefoient jusquâĂ dix- sept livres, & Ă©toienttrĂšs-incommĂłdes Ă manier. Je soutiens quâon peut tirer de grands services dâun tel corps, surtout si le GĂ©nĂ©ral lĂ©gionnaire est un homme intelligent. Lorsque le GĂ©nĂ©ral de famĂ©e aura besoin dâoccuper un poste , de barrer lâennemi dans ses projets, enfin, en cent diffĂ©rens cas qui fe trouvent Ă la guerre , il nâa quâĂ ordonner aune tellefĂ©giĂłnde marcher comme elle a tout ce quâillui faut pour fe fortifier, elle peut, en peu de temps, se mettre hors dâinfulte ; 8c, en quatre Ă cinq jours, elle doit ĂȘtre en Ă©tat de soutenir un siĂšge , ĂŽc dâarreter une ar- MĂ©e ennemie* MĂ©moires. Le projet de fortifications que j e donnerai çi-aprĂšs en dĂ©montrera la possibilitĂ©. Cette disposition de lâinfanterie me paroĂźt d'autant plus convenable, quâelle est juste dans toutes ses parties ; & la rĂ©putation de la premiere, seconde ou troisiĂšme lĂ©gion , fera impression furies autres, & mĂȘme chez lâenne- mi. Un corps pareil fait cause commune de sa rĂ©putation; il sera toujours Ă©mu. du dĂ©sir dâĂ©galer ou de surpasser celle dâun autre. Les actions dâun corps qui a un nom stable sâoublient bien moins que celles de ceux qui portent le nom de leurs officiers ; parce que ces noms changent, & que les actions sâoublient avec eux. Dâailleurs, il est dans le cĆur de f homme de sâintĂ©resser moins aux choses qui regardent moins son semblable, quâĂ celles qui lui font pe» formelles, dĂšs quâon sâen fait une honneur or cet honneur est bien plus aiĂ I §6 MĂ©moires. Ă faire naĂźtre dans un corps qui porte son nom avec lui, que dans un autre qui porte celui du colonel j lequel bien souvent nâest pas aimĂ©. Bien des gens ne sçavent pas pourquoi tous les rĂ©gimens qui portent les noms de provinces en France ont toujours si bien fait; ils disent pour toute raison c*est lâesprit du corps. Ce nâen est pas une ; je viens de dire la vĂ©ritable. VoilĂ comme les choses qui font le plus de consĂ©quence roulent sur un point imperceptible. Dâailleurs, ces lĂ©gions font une espece de patrie militaire, oĂč Ăźes prĂ©jugĂ©s des diffĂ©rentes nations se trouvent confondus ce qui est un j grand point pour un monarque, pour un conquĂ©rant ; car , partout oĂč il trouve des hommes , il trouve des soir j dats. Ceux qui croyent que les lĂ©gions i -Romaines Ă©toient toutes composĂ©es stç Romains de R,pme mĂȘme » se trompent MĂ©moires. pent fort ; elles lâĂ©toient de toutes les Nations mais leur pied , leur discipline , & leur mĂ©thode de combattre , Ă©toient meilleures que celles de leurs ennemis ; câest pourquoi ils les ont tous vaincus ; & ce nâest que lorsque la discipline a dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© chez les Romains, MhmoĂŹkes. ßÎß ble, & Ă ne jamais se dĂ©bander. Elle ne doit faire dâautre service , dans une armĂ©e , que celui des grandes gardes ; jamais dâefcortes, jamais de dĂ©tache- mens Ă©loignĂ©s , ni de courses ; & il faut la regarder comme la grosse artillerie , qui ne marche quâavec farinĂ©e ; auĂtĂź ne doit-elle servir que dans les combats. Elle doit ĂȘtre montĂ©e fur des chevaux forts & Ă©pais les chevaux Allemands font les meilleurs ils ne doivent jamais ĂȘtre au-dessous de cinq pieds deux pouces. Les cavaliers doivent ĂȘtre armĂ©s de toutes pieces; & le premier rang doit avoir des lances, pendues Ă une courroie mince au pommeau de la selle. Ils doivent avoir une bonne Ă©pĂ©e , roide , Ă trois quarts, longue de quatre pieds ; une carabine ; point de pistolets ils ne fervent quâĂ faire du poids ; des Ă©triers en chapelets ; point E iij / 102 MEMOIRES, de selle , mais un arçon avec deux bĂątĂźmes rembourrĂ©es, une peau de mouton noire par-dessus , qui sert de housse & de couverture, laquelle croise sur le poitrail. Pour cette cavalerie , il saut des hommes choisis, de cinq pieds six Ă sept pouces, Ă©lancĂ©s, & point ventrus. A lâĂ©gard des dragons, il en faut su moins le double ; mais les rĂ©gimens doivent ĂȘtre composĂ©s de mĂȘme, pour le nombre ^ & doivent avoir des chevaux qui ne soient pas au-dessus de quatre pieds huit pouces, ni au-dessous de quatre pieds six. Lâexercice de ces dragons doit ĂȘtre rempli de cĂ©lĂ©ritĂ© ; ils doivent sçavoir celui de l'infanterie en perfection. Leurs armes doivent ĂȘtre le fusil, lâĂ©pĂ©e , & la lance ; & ces lances doivent leur servir de piques , lorsquâils mettent pied Ă terre. Leurs selles & siamois seront comme ceux de la cavalerie. Les hommes dpi- MemoĂres. Ă03 vent ĂȘtre petits, dâe la taille de cinq pieds Ă cinq pieds un pouce , pas au- dessus de deux. Ils se formeront par escadron Ă trois de hauteur, ainsi que la cavalerie, & devront marcher de mĂȘme. Lorsquâils mettent pied Ă terre il faut quâils soient Ă rangs ouverts, quâils fassent tous Ă droite par demi- quart de rang ; ce qui forme un escadron de huit files. Ils sortent par ces files, aprĂšs avoir occupĂ© leurs chevaux, & se forment oĂč. lâescadron faisoit front les hommes de la droite de ces huit files restent Ă cheval, ainsi que ceux de la gauche. VoilĂ , Ă peu prĂšs, les manĆuvres quâil faut leur apprendre , ainsi que je lâexpliquerai plus au long i-aprĂšs. Le troisiĂšme rang doit sçavoir voltiger , escarmoucher & toujours se rallier Ă lâescadron par les intervalles mais les premier 6c second rangs doi~ E iy 104 MĂ©moires. vent ĂȘtre inĂ©branlables, & aussi solides que de la grosse cavalerie. Leurs fusils doivent ĂȘtre passĂ©s en Ă©charpe. Ce font ces dragons qui doivent faire petit service de FarinĂ©e, courir les quartiers , faire les escortes , & aller Ă la guerre. VoilĂ , en gĂ©nĂ©ral, ce qui concerne la cavalerie. II est maintenant Ă propos dâentrer dans un plus grand dĂ©tail. ARTICLE SECOND. Des armures de la cavalerie. J E ne sçais pourquoi on a quittĂ© les armures j car rien iFest si beau, ni si avantageux. Lâon dira peut-ĂȘtre que câest lâusage de la poudre qui les a abolis mais point du tout ; car , du temps de Henri IV, & depuis, jus- quâen lâannĂ©e i 66 j, on en a portĂ© - & il y avoit dĂ©ja bien longtemps que la MĂ©moires'. 10/ poudre Ă©toit en usage mais vous verrez que câest la chere commoditĂ© quĂ les a fait quitter. Il est certain quâun escadron tous nud, comme on est Ă prĂ©sent, nâau- roit pas beau jeu contre des gens armĂ©s de toutes pieces car par oĂč prendroit- on ces hommes pour les percer ? II nây' a donc dâautre ressource que de tirer- Câest un avantage trĂšs-grand de mettre la cavalerie dans cette nĂ©cessitĂ© ; & Cette idĂ©e mĂ©rite dâĂȘtre examinĂ©e. Jâai fait faire une armure entiere de feuilles de tĂŽle minces , appliquĂ©es fur un buffle trĂšs - fort, & elle ne pesois pas plus de trente livres. Cette armure est Ă lâĂ©preuve de lâepĂ©e & de la pique je ne puis avancer quâelle garantisse du coup de feu , surtout de celui quâon nomme le coup de la baraque ; mais je puis assurer que tous les coups mal chargĂ©s , tous ceux qui font Ă©ventĂ©s- vu Ă©branlĂ©s par le mouvement du che- E v 1 06 MĂ©moires. val, ne percent point, non plus que tous ceux qui viennent de biais. Mais laiĂsons-lĂ le feu celui de la cavalerie nâest pas fort redoutable ; & jâai toujours oui dire que celle qui sâavisoit de tirer Ă©toit battue. Si cela est, il faut donc tĂącher de lâobliger Ă tirer. On ne le peut plus aisĂ©ment, quâen donnant des armures lĂ©geres, comme celles que je propose ; parce que ces hommes se trouvant invulnĂ©rables Ă lâĂ©pĂ©e , il faudra que lâennemi prenne le parti de tirer. Quâarrivera-t-il, sâil tire f DĂšs que la cavalerie , ainsi armĂ©e , aura essuyĂ© ce feu , elle se jettera Ă corps perdu fur son ennemi; parce quâelle nâa plus rien Ă craindre , & quâelle dĂ©sirera se venger du pĂ©ril quâelle a couru. Que feront ces hommes , pour ainsi dire tout nuds, contre dâaulres qui seront invul nĂ© rĂąbles ? Car, pour peu quâun homme se remue, je dĂ©fie quâon le tue. Sâil y ayoit seulement deux rĂ©gimens comme MemoikĂȘsi cens livres quelquefois âą lâon reste la nuit dehors 3 & il est impossible que lat Evj IZ2 M E M O I R 1 s cavalerie ne sâabysme Ă ne faire que ce mĂ©tier-lĂ . Si vous. marchez dans des chemins creux ou dans des dĂ©filĂ©s , quâune trousse se rompe, quâelle tombe , quâun cheval sâabatte, voilĂ toute, la cavalerie, arrĂȘtĂ©e. Cela arrive cepen» dant. Ă tout moment. Les autres chevaux ,. qui ne peuvent supporter, leurs, charges, sâinquiettent, ils toupillent. & se heurtent ; voilĂ tout aussi-tĂŽt vingt, trousses Ă bas. Quand il pleut, les chevaux enfoncent,.glissent & sâabattent les trousses traĂźnent dans les boues, le. dessus nâest bon quâĂ jetter ; de façon quâiĂŻ y a toujours un grand tiers- de perte. Câest une misere, en vĂ©ritĂ© iL vaudroit mieux ne rien donner aux chevaux , que de le leur faire payer si cher.. De la maniĂ©rĂ© que je propose de fourager, il nây a point de perte ni dâembarras y lâon nâestropie point les chevaux x & lâon ap orte plus de fou- JVĂ E M- O I R ĂY. 13 3 rage au camp. A quoi lâon peut ajouter le dĂ©sordre qui arrive , lorsque le eamp est Ă©loignĂ©, & que les fourageurs font attaquĂ©s; alors toutes les trousses se perdent. Mais le plus grand mat arrive dans la dĂ©route ; car les fourageurs sâenfuient toujours, & alors Dieu fçait quelle confusion il-y a. Sâils trouvent un pont, un guĂ© ou un dĂ©filĂ©, vous les verrez fe prĂ©cipiter par mit liers, fans aucune considĂ©ration, comme de s bĂȘtes effarouchĂ©es la peur leur trouble tellement les sens , quâils fe noient & sâĂ©crasent les uns les autres. Suivant ma mĂ©thode , cela ne peut pas arriver ; & bien certainement Lâen- nemi., averti de votre disposition, ne vous attaquera pas ; parce quâil seroit certain de livrer, un grand combat de cavalerie, oĂč il ne, trouveroit pas fou avantage , Ă moins quâil ne vienne avec toute son armĂ©e or cela fe Ăçait, & ne, ÂŁe fait pas avec la mĂȘme facilitĂ© quâau- 134 MĂ©moires; roit un parti de cavalerie de sâembus- quer pour donner dans vos fourages. ARTICLE SIXIĂME, Des fourages au sec. C ette forte de fourage commence au mois de septembre. Pour le faire en sĂ»retĂ© , il faut pousser des partis en avant, & mettre de l'infanterie dans les villages ; les gardes de cavalerie doivent ĂȘtre au dehors, & lâescorte au centre , pour se porter dans lâendroit qui seroit attaquĂ©. Lorsque le fourage est fait, on rassemble toutes les escortes , qui font lâarriere garde. Si lâon craint pour les flancs, on envoie des dĂ©tachemens qui les cĂŽtoient, & occupent les passages, les gorges & les hauteurs, &c. Les cavaliers battent une partie de leur fourage , sâil est en grain z ils cou- MĂ©moires.; 13/ petit la paille par la moitiĂ©, & mettent le tout dans le sac. II nây a point de perte, comme avec les trousses , oit tout le grain se rĂ©pand par les chemins. ARTICLE SEPTIEâME. Des tentes & de la maniĂ©rĂ© de camper - de la cavalerie , JâA i dit que les lances dĂ©voient servir de bĂątons de tentes il est aisĂ© de voir que toute une centurie ou escadron est Ă couvert sous une pareille tente, tant les hommes que les chevaux. II est dâune consĂ©quence infinie pour la cavalerie que les chevaux soient Ă couvert & chaudement, sur-tout en automne, lorss que les nuits deviennent fraĂźches ; ce qui. est encore une des grandes raisons pour laquelle la cavalerie se fond Ă vue dâĆil ,, Úà devient Ă rien pendant cette saison.. M E S O I R ĂŻ S. Les chevaux, dis-je, seront sĂšchement & chaudement sous ces tentes , snr-tout si les cavaliers mettent quelques branchages 1 Ă lâentour , & y ba^ laient le fumier; ce qui formera une muraille autour de la tente. Avec ces prĂ©cautions, les chevaux sâentretien- drĂŽnt avec la moitiĂ© moins de nourriture , & par consĂ©quent ne seront pas si fatiguĂ©s Ă aller chercher !e fourage. Par la mĂȘme raison, farinĂ©e subsistera plus longtemps dans un pays, & elle tiendra la campagne bien plus longtemps que Pennemi, qui nâaura pas ces moyens ; ce qui me paroi t dâune assez grande consĂ©quence, pour quâon y fasse une sĂ©rieuse attention. II est certain que la plus grande partie du fourage se perd en fumier , parce que , lorsquâil pleut, le cheval, en trĂ©pignant', fait de la boue sous lui âą le cavalier, pour le soulager , lui fait une nouvelle Ăźitiere ; mais, dans un moment, elle est rĂ©duite en- MĂ©moires. 137 boue. Le cheval ne peut pas se coucher dans lâeau, ĂŹl reste les quatre pieds & la tĂȘte ensemble , se morfond, la colique le prend, & le voilĂ aufĂi-tĂŽt mort que malade. Sous ces tentes, on ne lui fait point de litiere, parce quâil y fait sec z & par consĂ©quent, on Ă©pargne au moins la moitiĂ© du fourage. Or, si l'on fait cette Ă©pargne , il nâen faut plus apporter que la moitiĂ©. Ainsi vous mĂ©nagez votre cavalerie, & vous subsistez plus longtemps dans un pays. Si toutes ces choses font bien combinĂ©es 8c bien pesĂ©es, lâon concevra aisĂ©ment que ce que je propose est bon car , si lâon compare ma façon de soulager avec celle qui est usitĂ©e , les acci- dens qui arrivent, la perte quâon fait fur le fourage en lui-mĂȘme , la fatigue, le temps que je subsiste, & la maniĂ©rĂ© -dont je me conserve, je crois que lâon . en fera bien convaincu. i%8 MĂŻmoishs, On me demandera peut-ĂȘtre, comment porter avec soi ces grandes tentes ? Avec des chevaux de bĂąt. Dâail- leurs, on peut les faire de façon quâel- les se dĂ©montent par pieces & par morceaux , & on peut en donner un Ă chaque cavalier. Elles contiennent prĂšs de cinquante aunes de toile moins qu'il nâen faut pour les tentes dâun escadron de cent trente hommes, suivant quâon les fait aujourdâhui. Cela paroĂźtra extraordinaire ; mais ceux qui seront curieux nâauront quâĂ calculer. ARTICLE HUITIEâME. Des partis ou dĂ©tachemens de la cavalerie lĂ©ger e. L e pays oĂč lâon fait la guerre doit dĂ©cider de futilitĂ© & du succĂšs des partis. Rarement les grands partis de cavalerie aboutissent Ă quelque choie de M E M O I R E S. I Z9 bon, Ă moins que ce ne soit pour faire quelquâexpĂ©dition prompte & vigoureuse , pour enlever un convoi, surprendre un poste, soutenir des partis dâinfanterie que vous aurez poussĂ©s en avant pour couvrir votre marche ; alors ils font de grande utilitĂ©. Car, supposĂ© que lâennemi ait dessein dâattaquer votre arriere-garde ou vos Ă©quipages avec quelques dĂ©tachemens considĂ©rables, il ne Tosera , si vous avez poussĂ© un gros parti la veille de votre marche du cĂŽtĂ© opposĂ© ; parce quâil craindra de se mettre entre ce quâil veut attaquer & ce dĂ©tachement, quâil sçaura bien sĂ»rement ĂȘtre sorti, sans sçavoir positivement quelle route il tient, ni dans quel endroit il est. Les troupes de ces dĂ©tachemens doivent toujours ĂȘtre de cinquante hommes , & le dĂ©tachement toujours fort. II faut un homme habile & nourri Ă la guerre pour le conduire ; ĂŽc câest Ă4 patience. MĂ©moires. *43 CHAPITRE QUATRIĂME. DĂŹJJertation sur la grande manĆuvre. J E suis persuadĂ© que toute troupe qui nâest point soutenue est une troupe battue , & que les principes que nous a donnĂ©s lĂ -deflus M. de MontecuculĂŹ, dans ses mĂ©moires, font certains. II dit quâil faut toujours soutenir lâinsanterie Svec de la cavalerie , Sc celle-ci avec de lâinsanterie. Nous nâen saisons cependant rien ; nous mettons fur les ailes toute la cavalerie , qui nâest soutenue ^ue par de la cavalerie ; Sc dans le cen- tre toute lâinfanterie , soutenue par de ^infanterie. Eb,comment soutenue f De ^inq Ă six cens pas de distance. Par cette pofition feule vos troupes font intimidĂ©es, fans en sçavoir la raison ; car tout homme quj ne yoit rien derriere lui pour ,1e soutenir Sc le secourir,est Ă demi battu j 144 MĂ©moires.' & câest ce qui fait que souvent la secon* de ligne lĂąche le pied, pendant que la premiere combat jâai vĂ» cela plus dâune fois, &, je pense, bien dâautres que moi l'ont vĂ» auĂsi ; mais personne nâen a peut-ĂȘtre cherchĂ© la raison ; elle est dans le cĆur humain. Voici ce que dit lâillustre Montecuculi Ă ce sujet dans ĂĂšs mĂ©moires. -> Dans les armĂ©es anciennes , cha- » que rĂ©giment dâinfanterie contenoit » une certaine quantitĂ© de cavalerie » & dâartillerie de ces cavaliers , les j -> uns avoient des cuirasses, & les au- ! » tres Ă©toient plus lĂ©gĂšrement armĂ©s. j -> Pourquoi mĂȘler ensemble plusieurs sortes dâarmes dans un mĂȘme corps , *> sinon pour faire voir lâextrĂȘme besoin y quâelies ont lâune de lâautre , & les » secours quâelles peuvent se donner rĂ©- -> ciproquement ? Dans les ordonnait- » ces modernes, oĂč toute lâinfanterie » se met ordinairement au centre de la bataille , MĂ©moires; 14 f » bataille , & la cavalerie sur les ailes » qui sâĂ©tendent Ă plusieurs milliers de » pas ; en bonne foi, quels secours ces » deux corps peuvent-ils recevoir lâun » de lâautre f II est clair que les ailes » Ă©tant battues , lâinfanterie , qui de- » meure abandonnĂ©e, est dĂ©couverte » par les flancs, & ne peut manquer » dâĂȘtre dĂ©faite, au moins Ă coups de » canon, si ce nâest autrement, comme » il arriva aux bataillons SuĂ©dois en » 1634. Les SuĂ©dois sâapperçurent de » la faute, quand leur cavalerie eut Ă©tĂ© » chassĂ©e du champ de bataille j 8 c , s> pour y remĂ©dier, ils mirent des pelo- 3» tons de mousquetaires entre les efca- » drons. Mais le remede nâĂ©toit pas » suffisant ; parce que les escadrons *> Ă©tant rompus, il falloir que les pelo- » tons fussent passĂ©s au fil de lâĂ©pĂ©e ; -> ce quâils Ă©prouvĂšrent, parce quâils 30 nâavoient point auprĂšs dâeux de corps ? oh s e Ă©tirer, ni de piquiers qui Les G 14 6 MĂ©moires, » soutinĂfenti Eh , comment auroieht» » ils pu recourir Ă leur infanterie st Ă©loi- » gnĂ©e dâeux ? » Câest pourquoi je mets de petites troupes de cavalerie Ă trente pas der-» riere mon infanterie, S c des bataillons quarrĂ©s , fraisĂ©s de piques , entre mes deux ailes de cavalerie, derriere lesquels elle puisse se rallier, au cas quâelle soit battue ou repoussĂ©e. * Il est certain que ma cavalerie de la seconde ligne ne sâenfuira pas , tant quâelle verra ces bataillons quarrĂ©s devant elle j & fa contenance rassur rera celle de la premiere ligne. Mes * On poiirroit objecter que fa propre cavalerie , venant Ă ĂȘtre repoussĂ©e par IVnnemi, se culbu- feroit en dĂ©sordre Ăur cep bataillons quarrĂ©s. Mais on doit observer que M. le marĂ©chal ne propose ces bataillons quâĂ moins quâils ne soient fraisĂ©s de piques , avec lesquelles on peut rĂ©sister au choc. Au reste, les intervalles qui font entre les bataillons quarrĂ©s font fi considĂ©rables , quâil nâcst pas vraisemblable que Cette cavalerie , quelquâĂ©pou- vantĂ©e quâelle soit , aille se jetter sur ces bataillons > lesquels on pourroit encore couvrir de chevaux de frise roulans. M E M O I R 2 S. bataillons quarrĂ©s se dĂ©fendront bien , parce quâils espĂ©reront un prompt secours de la cavalerie , qui, Ă la faveur de leur feu & de leprs piques, repa- roĂźtra dans Pinstant , & voudra rĂ©parer en quelque façon la honte de fa dĂ©faite outre cela, ces bataillons couvrent les flancs de votre infanterie. In y en a qui veulent mettre de petites troupes dâinfanterie dans les intervalles de la cavalerie ; cela ne vaut rien. La faiblesse de cet ordre intimide feule des troupes dâinfanterie ; parce que ces pauvres misĂ©rables sentent quâils font perdus, fi la cavalerie qui sâest flattĂ©e de leur secours , dĂšs quâelĂźe fait un mouvement un peu brusque ce qui est de son essence , ne le voyant plus, est toute dĂ©concertĂ©e. Si votre aile de cavalerie est battue , PennemĂź vous prend tout Ă Passe en flanc, & cela dans le moment, Dâautres gardent Piissantene avec Gij MĂ©moires. {les escadrons de cavalerie ; cela ne vaut rien du tout, parce que, quand lâin- fanterie ennemie vient vous attaquer , elle tire Ă©galement fur ces escadrons, comme fur lâinfanterie j il y a des chevaux de tuĂ©s, la confusion se met bientĂŽt partout, ces troupes de cavalerie lĂąchent le pied il nâen faut pas davantage pour faire tourner la tĂȘte Ă lâinfan- terie, Sc la faire fuir auĂfi. Que feront ces escadrons ainsi plar çés ? Sâabandonneront-ils fur lâinfan- terie ennemie ? Ou bien resteront - ils comme des termes, combattant de pied ferme, lâĂ©pĂ©e Ă la main , contre des gens qui viennent les attaquer avec la bayonnette > Se Ă grands coups de fusil dans le nez? Veut-on quâils sâabandon- nent fur cette infanterie f Sâils font repoussĂ©s , comme il y a grande apparence , ils fe renverseront fur lâinfanterie, & la mettront en dĂ©sordre ; parce quâils retrouveront difficilement leur poste j MĂ©moires; & les intervalles Ă©tant petits, ferons assurĂ©ment bouchĂ©s. Car il faut remarquer un inconvĂ©nient considĂ©rable dans lequel on tombe avec les bataillons for- ĂnĂ©s selon lâusage reçu lorsque les files se brouillent, soit par le mouvement , par le canon, ou par le doublement de s rangs , tout est en confusion ; personne nâest plus Ă son poste ; les divisions', leur ordre & leur nombre ne se trouvent plus; &il nây a personne quĂź puisse dĂ©mĂȘler cette fusĂ©e. II nâen est pas de mĂȘme avec mes centuries elles suivent chacune leur enseigne, & restent en troupe ; on les met facilement en ordre ; &, quand elles nây seroient pas , le mal ne feroit pas grand, pendant quâelles font guidĂ©es par les enseignes , lesquelles sâalignent fur celle de la lĂ©gion les officiers rajustent les rangs ; ce qui ne se fait pas de mĂȘme dans un bataillon. Câest un des grands dĂ©fauts de la colonne du chevalier de G iij i ye MĂ©moires. FollarĂą. Ceci me donne occafion dâen parler. De la Colonne. Bien que jâestime infiniment M. le chevalier Follard , & que je fasse grand cas de ses ouvrages , je ne puis toutefois me ranger Ă son avis fur les colonnes. Cette idĂ©e mâavoit dâabord sĂ©duit elle est belle, & paroi t dangereuse pour ĂŹâennemi ; mais lâexĂ©cution mâen a fait revenir. II faut que jâen fasse lâanalyse , pour en faire connoĂźtre les dĂ©fauts câest une affaire de calcul bien aisĂ©. II faut un pied sc demi, ou dix - huit pouces de distance , Ă un homme , quand il est en bataille. Les flancs de la colonne deviennent front or , de quelque façon quâon veuille la faire cette colonne, ses flancs seront toujours composĂ©s, pour le moins, de quarante files de profondeur fur vingt-quatre rangs dâĂ©paisseur. II faut, pour fa longueur, soixante Memoises. ĂJâi pieds , Ăorfquâelie fait face j dĂšs quâellĂ© marche 3 il lui en faut cent vingt, ce qui est le double de la distance quâelle vient dâoccuper ; parce quâun homme ne fçau- foit marcher fur dix-huit pouces , Ă moins de piĂ©tonner , & qu'il lui faut trois pieds pour marcher de forte que, quand la tĂȘte de cette colonne marchera, la queue demeurera & , lorsque la tĂȘte sera arrĂȘtĂ©e , la queue marchera encore lâefpace de soixante pieds ; ce qui fera dans les flans de votre colonne des vuides trĂšs- dangereux. Si on la fait plus longue , le dĂ©faut augmente toujours Ă proportion de fa longueur ainsi une colonne de deux cent quarante files auroit,pour fa position naturelle, trois cent soixante pieds de longueur ; &, pour pouvoir marcher, il lui en faudroit sept cent vingt. Que vous arrive-t-il, quand vous avez percĂ© ? Vous faites Ă gauche &>Ă droite avee vos deux flancs, qui de- Ăź$ĂČ. MĂ©moires. viennent faces ,. pour prendre en flanc lâennemi que vous avez percĂ©, mais vous vous trouvez Ă files ouvertes , parcs que vous occupez justement une fois plus de terrein que vous ne devez ; ainĂĂŹ il fe fait des trouĂ©es considĂ©rables, surtout fi vous avez fait ce mouvement brusquement, ce qui doit ĂȘtre le propre de la colonne. Le chevalier se trompe fort de croire quâelle soit aisĂ©e Ă remuer câest le corps le plus lourd que je connoiste , sur-tout quand il est Ă vingt-quatre dâĂ©- paisseur. Sâil arrive que les files se brouillent une fois, soit par la marche, lâinĂ©- galitĂ© du terrein, ou par le canon qui doit y faire un furieux dĂ©sordre, il nây a tĂȘte dâhomme qui puisse venir Ă bout de la remettre en ordre. Cette colonne devient alors une masse de soldats qui nâont plus ni rangs, ni ordre, & oĂč tout est confondu. . Je crois son] poids de peu de consĂ©- MĂ©moires. ipz qĂčence quoiquâen dise M. le cheva_ lier, les hommes ne se poussent pas ainsi les uns les autres de lâĂ©paule ; bailleurs , ils ne sçauroient le faire , puis- quâils ont trois pieds de distance de lâun Ă lâautre , lorsquâils marchent. Dans la retraite , je la trouve meilleure que les bataillons quartĂ©s ; non quâelle marche plus vĂźte , mais parcs quâelle coule par-tout fans sâarrĂȘter ; 8c que, sâil arrivoit quâon la perçùt avec de la cavalerie, on nâen seroit pas plus- avancĂ©, parcs que lâon recevroit des- coups de fusil par derriere , & que la troupe seroit bientĂŽt rejointe & refermĂ©e, Mais, pour cela , deux bataillons 1 â dos Ă dos suffisent; je veux dire, qu! marchent en contre - marche , faisant front, quand il le faut, Ă droite & Ă gau-" che. Cette retraite ne peut se faire que trĂ©s-lentemerit, parcs quâil faut sauver' la queue , qui, sans cela, Ăeroit bientĂŽt sĂ©parĂ©e du corps, Ă cause des trois G- v i;'4 MĂ©moires; pieds quâil faut au soldat pour marcher. Mais de croire que ce corps soit lĂ©ger , & quâil se remue aisĂ©ment, câest de quoi je suis bien revenu. Je le crois mĂȘme dangereux Ă vingt-quatre & Ă seize dâĂ©pailseur, Ă cause du dĂ©sordre qui sây met quand on a Ă le former. II ne faut jamais faire la colonne que de deux bataillons dâĂ©paisseur, Ă quatre de hauteur chacun ; ce qui ne dĂ©range pas lâordre naturel des bataillons. Ce que je viens de dire a u sujet des trois pieds de distance quâil faut Ă un homme pour marcher, dĂ©termine la raison du danger quâil y a Ă faire des mauve mens en contre-marche ; câest-Ă - dire, de changer son front en flanc mouvement dont lâennemi profite toujours , parce quâil lui crĂšve les yeux. Si vous le faites a portĂ©e de lui, pour regagner un intervalle , vous ĂȘtes perdu z car votre bataillon, occupera le MĂ©moires. iyy -double du terrein quâil occupoit, & il .lui faudra le double de temps pour se remettre comme il doit ĂȘtre J parce que , supposĂ© que votre bataillon contienne six cens hommes, il occupera un . terrein de deux cent vingt-cinq pieds si lâon fait un mouvement Ă droite , votre soldat de la droite aura fait deux cent vingt-cinq pieds avant que celui de la gauche ait encore bougĂ© ; sc, quand celui de la droite fera arrĂȘtĂ© , votre soldat de la gauche aura encore deux cent vingt-cinq pieds de distance Ă faire, avant que le bataillon puisse ĂȘtre en ordre, & faire face j ce qui fait .ensemble le temps quâil faut pour faire quatre cent cinquante pieds , ou cent quatre-vingt pas. Si donc lâennemi se .trouve Ă cent pas de vous , & quâil vous prenne au pied levĂ© , il sâen faudra le temps nĂ©cessaire pour faire quatre-vingt pas, que vous ne soyez en âąordre» i $6 MĂ©moires; Plus vous avez de troupes qui otĂŻt ce mouvement Ă faire, & plus il est dangereux ; car, st vous avez seulement quatre bataillons, vous ĂȘtes dans le mĂȘme danger, lâennemĂ fĂ»t-il Ă huit cens pas de vous. Cela est gĂ©omĂ©trique , aĂŹirsi que bien dâautres choses Ă la guerre. Le taSf ou la cadence peut seul remĂ©dier Ă ces dĂ©fauts, qui dĂ©cident de tout dans les combats; & je me fuis exprĂšs Ă©tendu fur cette matiĂšre , pour faire voir lâĂŻgnorance de nos militaires, & la consĂ©quence du taéÏ car ils conviendront de tous ces dĂ©fauts, fans savoir dâautre remede que de marcher lentement. On ne sçauroit faire charger un bataillon Ă quatre de hauteur seulement, que lâon ne tombe dans le cas que je viens de dire. A moins que lâon ne marche comme des fourmis, on arrivera toujours fur lâennemĂŹ Ă rang» M E M O I K E s; ĂŻj '7 ouverts quel dĂ©faut Ă©norme ! Câest-lĂ la source de la tirerie ; parce que , pour charger autrement , il faut marcher vĂźte , & ensemble ; & quâon ne le peut., puisquâen ne fcauroit marcher fur dix» huit pouces, fans le tact. Il est impossible aussi que les Romains & les MacĂ©doniens aient pĂ» combattre fans 1e tact ou la cadence , parce qu'ils Ă©toient fur un ordre ferrĂ© &- profond» Tout le monde en a parlĂ© ; mais personne nâen a pĂ©nĂ©trĂ© , ce me semble, le secret. Jâai souvent Ă©tĂ© surpris quâon ne sâappliquĂąt pas Ă attaquer , par colonne, lâennemi dans les marches. II est constant quâune grande armĂ©e occupe toujours trois ou quatre fois plus de terrein dans la marche , quâil ne lui err faut pour fe ranger, quoique I on fasse marcher furplusieurs colonnet. Si donc vous pouvez ĂȘtre averti de quel cĂŽtĂ© lâennemi marche, que vous sçachiez; ĂŻ$$ MĂ©mo i se s. ĂŹâheure de son dĂ©part, quand il seroĂt Ă Ăix lieues de vous , vous arriverez toujours Ă temps pour lâattaquer ; car fa tĂȘte fera arrivĂ©e au camp quâil veut occuper, avant que son arriere-garde soit sortie de celui quâil quitte. âą Il est impossible de pouvoir rallier des troupes fur une pareille distance , quâil ne sây fasse de grands vuides, & une confusion horrible. Jâai cependant vu faire ce mouvement bien souvent, sans que lâennemi ait songĂ© Ă profiter de lâavantage que lui fournissoit lâoccasion ; & jâai crĂ» quâon lâavoit enchantĂ©. Il y auroit un beau chapitre Ă faire sur ce que je viens de dire. Car combien de diverses situations ne produit pas une telle marche ? En combien dâendroits ne peut-on pas lâattaquer, fans rien risquer ? Combien de fois une armĂ©e qui marche nâest-elle pas sĂ©parĂ©e par des ravins ; des riviĂšres, des ruis- MĂ©moires, ipp seaux, &c ? Combien de situations ne vous mettent-elles pas Ă couvert dâune partie de cette armĂ©e qui marche ? Combien de fois nâĂȘtes-vous pas en Ă©tat, quoiquâinfĂ©rieur , dâen sĂ©parer une partie Ă votre choix , & de tenir le reste en Ă©chec avec un petit nombre de troupes ? Mais toutes ces choses font aussi, diverses que les situations qui les produisent. II ne sâagit que dâavoir de lâin- telligence, connoĂźtreleterrein, & oser; car vous ne risquez rien , ces affaires- lĂ nâĂ©tant jamais dĂ©cisives pour vous ; mais elles peuvent lâĂȘtre pour 1*ennemi.. Ce font les tĂȘtes de vos colonnes qui attaquent Ă mesure quâelles arrivent, lesquelles font soutenues par dâautres troupes qui les suivent cela fait disposition de foi-mĂȘme, & vous donnez fur des corps qui ne font point disposĂ©s ni soutenus. Voila Ă quoi la colonne peut ĂȘtre bonne mais je mâapperçois que je vais Ă6Ă» M E M O I R Ă 5. Ăąu-delĂ des premiers principes de lâaft* & il nâest pas encore temps de passer Ă des parties si Ă©levĂ©es. CHAPITRE CINQUIEME. Des armes Ă feu , & de la mĂ©thode de tirer. Jâai dĂ©ja dit que la maniĂ©rĂ© de faire tirer par commandement , gĂȘnoit le soldat & ĂŽtoit au feu tout son effet, je veux dire la justesse ; & quâil est dangereux de tirer, quand on a affĂ»te Ă de lâinfanterie, oĂč lâon peut sâaborder parce quâil faut s'atrĂȘter pour tirer, & quâinfailliblement vous vous faites battre , si vous tirez contre des gens qui marchent Ă vous avec cĂ©lĂ©ritĂ© - parce que votre troupe , qui fe flattoit que ce feu alloit exterminer lâennemi, voyant le peu dâeffet quâil aura produit, vous abandonnera certainement. Ainsi il ne faut point tirer fur lâennemi que l'on peut aborder ; mais bien derriĂšre MĂ©moires. i6Ăź 3es haies , lorsquâun fossĂ© , une riviĂšre, un ravin Ăc autres choses semblables vous sĂ©parent de lui alors il faut sça- Voir tirer, & faire un feu si terrible , que rien ne puisse y rĂ©sister. Je mây prends ainsi. Jâai dĂ©ja dit ĂłP devant, que je voulois que tous mes soldats eussent des fusils avec un dĂ© Ă secret; ils tirent plus loin, & se chargent plus vĂźte ; le coup en est plus net & plus violent. Dans lâĂ©motion que cause le combat, les soldats, tout de mĂȘme, ne bourrent pas la moitiĂ© du temps, & font sujets Ă mettre la cartouche dans le canon, fans lâouvrir ; ce qui rend beaucoup dâarmes inutiles. Je veux donc que les cartouches soient de carton, plus grosses que le calibre du fusil, afin que les soldats ne puissent pas , par distraction , les y faire entrer; quâelles soient fermĂ©es avec un parchemin collĂ© dessus, afin quâils puissent aisĂ©ment les dĂ©coĂ«sser avec les Iffi qÂŁ Ji jjr j^ ****** in ****** ÂŁJ r r jr ^ ^r'T'^ LIVRE SECOND. Des parties sublimes . CHAPITRE PREMIER. De la fortification , attaque & dĂ©fense des places. J E mâĂ©tonne toujours comment on ne revient pas de lâabus de fortifier les villes. Ce propos paroĂźtra extraordinaire , & je dois le justifier. Examinons premierement lâutilitĂ© dâune forteresse. Elle sert Ă couvrir un pays ; Ă obliger Pennemi Ă lâattaquer avant que de passer outre ; Ă sây retirer avec des troupes , pour les y mettre Ă couvert, y former des magasins, &; y mettre en MĂ©moires. 185 sĂ»retĂ© , pendant lâhyver, de TartiUe- rie , des munitions , &c. Si lâon examine bien ces choses , on trouvera quâil est avantageux que les forteresses soient placĂ©es aux con- fluens des riviĂšres ; parce que, pour les investir, il faut partager les armĂ©es en trois corps diffĂ©rens, quâon peut en battre un avant quâil soit secouru des deux autres , quâavant lâinvestissement on a toujours deux cĂŽtĂ©s libres , & quâil est impossible que lâennemi forme cet investissement dans un jour ; quâil faut lâattirail de trois ponts ^ & que lâon a les hazards pour foi, je veux dire les orages Sc les inondations qui arrivent ordinairement lâĂ©tĂ©. Outre quâen occupant de tels postes, on est maĂźtre du pays ,1âĂ©tant des riviĂšres ; on empĂȘche le cours de celles-ci , Sc lâon a la facilitĂ© de ravitailler aisĂ©ment les forteresses, dây former des magasins, dây transporter des muni' 186 MĂ©moires. tions & toutes les choses nĂ©cessaires Ă la guerre. Au dĂ©faut des riviĂšres , on trouve des endroits fortifiĂ©s par la nature , quâil est prefquâimpossible rĂ©investir, & quâon ne peut attaquer que dâun seul cĂŽtĂ© ; qui, avec peu de dĂ©pense , pourroient se rendre , pour ainsi dire, imprenables ; car je compte la nature infiniment plus forte que Fart. Pourquoi donc nâen pas profiter f Peu de Villes ont Ă©tĂ© fondĂ©es Ă ces fins ; le nĂ©goce a causĂ© leur augmentation, & le hasard a choisi leur situation. Ces villes, par la succession des temps, se sont accrues, les bourgeois les ont enceintes de murailles , pour se dĂ©fendre contre les courses des ennemis, & pour se garantir des troubles intestins qui agitent les Etats. Jusques-lĂ tout est dictĂ© par la raison ; les bourgeois les ont fortifiĂ©es pour leur conservation, ils les ont dĂ©fendues mais pourquoi MĂ©moires. i 8^ les princes se sont-ils avisĂ©s de les fortifier ? Ils pourroient avoir eu en cela quelquâapparence de raison, du temps que la chrĂ©tientĂ© vivoit dans la barbarie , que lâon dĂ©vaĂĂŹoit les pays mais Ă prĂ©sent que lâon sait la guerre avec plus de modĂ©ration, parce que le vainqueur mĂȘme y trouve son avantage > quâa-t-on Ă craindre f Est-ce quâune ville qui fera enceinte dâune bonne muraille , & dâun boulevard oĂč lâon mettra trois ou quatre cens hommes de garnison, joints Ă la bourgeoisie , avec quelques pieces de canon de fer, ne fera pas aussi bien en sĂ»retĂ© , que sâil y avoit plusieurs milliers dâhommes ? Car je soutiens que ceux-ci ne se dĂ©fendront pas plus longtemps que ces quatre cens hommes, & que la capitulation pour le bourgeois ne fera pas meilleure. Outre cela , quand lâenne- mi aura pris cette ville , quâen fera- t-il ? La fortifiera-t-iĂŹ f Je pense que *88 M EMOI RE Sinon ; ainsi il se contentera dâune contribution & passera outre , peut-ĂȘtre mĂȘme ne lâaffiĂ©gera-t-il pas, parce quâil ne sçauroit la Conserver de se bavarder dây laisser une petite garnison, câest ce quâil ne fera jamais ; & dây en mettre une grosse, il le fera encore moins , parce quâelle ne seroit pas en sĂ»retĂ©. Une raison plus forte encore me persuade que les villes fortifiĂ©es font de mauvaise dĂ©fense \ câest que , supposĂ© que lâon fasse des magasins de vivres pour trois mois de garnison, dĂšs quâune ville est investie , il nây en a pas pour huit jours ; parce quâon nâa pas comptĂ© fur dix, vingt ou trente mille bouches quâil faut nourrir, par la raison que la plupart des habitans de la campagne sây rĂ©fugient avec leurs effets , & augmentent le nombre des bourgeois. Les richesses dâun prince ne dĂ©tendent pas Ă faire de pareils magasins pour tout un pays dans toutes les places MĂ©moires. i8p qui sont en risque dâĂȘtre attaquĂ©es , non plus qu a les renouveller tous les ans ; Sc quand il auroit la pierre philo- sophale, il ne le pourroit pas, parcs quâil mettroit la famine dans ses Etats. Jâentends dire Ă quelquâun Je mettrai Ă la porte les bourgeois qui ne pourront faire leur provision. Câest une dĂ©solation pire que celle que peut causer lâennemi car çombien y en a-t-tl dans une ville qui ne vivent quâau jour la journĂ©e ? Outre cela , est-on certain que lâon fera investi f Mais si cela est, lâennemi verra-t-il tranquillement la retraite de ce peuple ? II le rechassera dans la ville. Quâest-ce que fera mom- sieurle gouverneur? LaĂssera-t-ilmourir de faim ces misĂ©rables? Pourra-t-il justifier cette conduite devant son souverain ? Que sera-t-il donc ? II faudra quâil leur fasse part de son magasin , & quâil se rende au bout de huit ou quinze jours. Car } supposĂ© quâil y ait dan§ uns ĂŻ $o MĂ©moires. yille cinq mille hommes de garnison, quâil y ait outre cela trente mille douches , que les magasins soient pour trois mois ; les trente - cinq mille bouches mangeront en un jour ce que les autres auroient mangĂ© en huit ou neuf ; ainsi la place ne peut tenir quâenviron dix Ă douze jours. Mettons quâelle en tienne vingt ce nâest pas la peine de'lâatta- quer ; elle est obligĂ©e de se rendre dâelle-mĂȘme , & tous les millions que lâon a employĂ©s pour la fortifier font perdus. Il me semble, que ce que je Viens de dire doit bien persuader des dĂ©fauts irrĂ©mĂ©diables des villes /fortifiĂ©es, & quâil est plus avantageux Ă un souverain dâĂ©tablir ses places dâarmes dans des endroits aidĂ©s de la nature & propres Ă couvrir un pays, que de fortifier des villes avec des dĂ©penses immenses, ou dâaugmenter leurs fortifications, IlĂaudroitau contraire, aprĂšs MĂ©moires, 191 en avoir Ă©tabli dâautres, les raser toutes jusquâaux remparts. Du moins ne faudroit-il plus songer Ă en fortifier &ç \ employer tant dâargent inutilement,. Quoique ce que je dis lĂ soit fondĂ© sur la raison , je sçais bien que per- ĂČnne ne sâen avisera , tant lâusage est me belle chose , & tant il a de puis- Ă nce sur les hommes. Une place cornue celle que je suppose , peut tenir plusieurs mois de tranchĂ©e & mĂȘme des annĂ©es ; parce que la bourgeoisie ne lâembarrasse pas, & que , lorsquâil y a des vivres, on sçait combien le siĂšge doit durer. Les siĂšges que lâon a faits en Bra^ bant nâauroient pas eu des succĂšs si rapides , si les gouverneurs nâavoient calculĂ© le temps de leur rĂ©sistance avec celui de la durĂ©e de leurs vivres ; câest pourquoi ils dĂ©siroient autant que lâen^ nemi que la brĂšche fĂ»t bientĂŽt prĂȘte , pour pouvoir se rendre honorablement z r§2 MĂ©moires. & malgrĂ© cette bonne volontĂ© mutuelle, jâai vu plusieurs gouverneurs ĂȘtre obligĂ©s de le faire, fans avoir eu l'honneur de sortir par la brĂšche. Jâai remarquĂ© dans les siĂšges que, dĂšs le commencement, lâon garnit beaucoup le chemin couvert, que lâon y fait un grand feu de mousqueterie, & que ce feu ne fait pas un grand dommage. Cela ne vaut absolument rien, parce quâon fatigue les troupes de façon quâon les excede. Le soldat, que lâon sait tirer toute la nuit, sâennuie ; son fusil se casse ou se dĂ©mantibule ; il passe le lendemain une partie du jour Ă le nettoyer, Ă le rajuster & Ă faire des cartouches. Enfin cela lui emporte tout le repos quâil devroit prendre - chose qui est dâune consĂ©quence infinie , & qui entraĂźne aprĂšs foi, si lâon nây fait attention , des maladies & un dĂ©goĂ»t auxquels la bonne volontĂ© ne dĂ©siste pas. Câçst cependant fur la fin dâun MĂ©moires. dâun siĂšge oĂ» il faut marquer plus de vigueur ; parce que câest alors quâil est question de coups de main, & que plus vous faites voir dâactivitĂ©, plus lâenne- mi se dĂ©goĂ»te ; dâautant que les maladies se mettent dans son camp , que les sourages & les vivres lui manquent, & ensin que tout concourt Ă fa ruine ; ce qui dĂ©courage & officiers & soldats si avec cela ils sentent que la rĂ©sistance devient plus forte & quâelle augmente Ă mesure quâils se flattent de la voir diminuer , ils ne sçavent plus ou ils en font, & se dĂ©goĂ»tent totalement. Câest pourquoi il faut toujours rĂ©server les meilleures troupes pour les coups de main , ne leur pas seulement permettre de mettre le nez sur le rempart, & sur-tout ne les point faire veiller ; mais, dĂšs quâelles ont fait leur expĂ©dition , les renvoyer Ă leur quartier. Pour revenir au feu du chemin couvert ou des remparts fur les travailleurs pendant la nuit, ce nâest que da I i5>4 MĂ©moires. bruit ; car les soldats , pour ne point se donner la peine de bourrer, parce que cela les fatigue - prennent la poudre Ă poignĂ©e , la jettent dans le fusil, mettent une baie par-deĂsus, puis tirent. OĂč tirent-ils ? En Pair; parce quâĂ force de tirer, PĂ©paule leur devient douloureuse ; & comme , dans lâobscuritĂ©, lâcĂficier ne peut les voir, ils passent le bout du fusil sur la palissade , & la baie va oĂč elle peut. Il vaut beaucoup mieux placer, vers la fin du jour, plusieu/s batteries de çanons Ă barbettes, soit dans les chemins couverts, soit sur les remparts , les aligner avec de la craie pour les faire tirer dans les environs oĂč lâon croit quâĂŹl en est besoin pendant toute la nuit, puis les ĂŽter Ă la pointe du jour. Ce feu fera bien plus meurtrier que celui de la mousqueterie, parce quâil percera gabions & fascines les baies Ă©tant grosses comme des noix , balaieront continuellement toute la lar- M EMOlRESf 1$f geur dĂ© la tranchĂ©e, & iront par bonds & ricochets bien loin au-delĂ de leur portĂ©e. Le canon de 1-ennemi ne sçau- roit les faire taire pendant la nuit, & cela tue comme mouches les travailleurs & ceux qui fervent les batteries. Enfin , pour servir douze pieces de carton ainsi disposĂ©es, il rte faut que trente-six soldats & douze canoniers; & je me persuade quâils feront plus de masque mille hommes Ă qui l'on auroie fait passer la nuit dans le chemin couvert. Pendant ce temps, vos troupes se reposent tranquillement, & sont le lendemain en Ă©tat de relever les postes , ou d'ĂȘtre employĂ©es au travail. âą Que l'on ne mâobjeĂ©te pas que cela consume beaucoup de poudre ; les soldats en gaspillent plus pendant la nuit quâils nâen tirent au reste on nâa quâĂ tirer ayec moins de pieces ; il en rĂ©sultera-toujours un avantage considĂ©rable , en ce que vos troupes seront moins fatiguĂ©es , & que par consĂ©quent vous lij i $6 MĂ©moires. aurez moins de malades car rien ne cause tant de maladies que les veilles. Je dois dire ici un seul mot en passant sur nos ouvrages de fortifications, qui est que tous les anciens ne valent rien, & les modernes pas beaucoup plus j ainsi que je le ferai connoĂźtre Ă la fin du second chapitre. Le roi de Pologne * a formĂ© un systĂšme de fortifications qui est admirable mais parc? quâon ne fait pas les places comme on les souhaiteroit, & quâil faut sâen servir comme elles font, il faudroitau moins tĂącher de remĂ©dier aux dĂ©fauts les plus absurdes. -Tous les ouvrages dĂ©tachĂ©s, par exemple , font escarpĂ©s Ă la gorge mauvais systĂšme. Pour y remĂ©dier , il faut y pratiquer des rampes pour pouvoir les râattaquer par derriere lâĂ©pĂ©e Ă la main car quand les ennemis sây font logĂ©s, leur logement contient peu de monde , parce que les couvreurs 6c âą* Auguste II. pcfe de lâiureur, MĂ©moires. Ipz travailleurs font obligĂ©s de fe retirer. Or, fi vous pouvez venir Ă eux & les attaquer en plus grand nombre, indubitablement vous les chasserez ; & avant quâils aient commandĂ© un nouvel assaut & de nouveaux travailleurs, leur logement fera comblĂ©. Vous le pouvez en toute sĂ»retĂ©, parce que vous nâĂȘtes pas vĂ» de leur canon, ni du feu de leur tranchĂ©e ; il faut donc quâils donnent un nouvel assaut, oĂč vous leur tuez une infinitĂ© de monde , parce quâils font obligĂ©s de venir en force. Quand leur logement est fait de nouveau , & que leurs couvreurs font retirĂ©s , vous recommencez. Rien nâest si meurtrier & ne dĂ©sole tant lâaĂfiĂ©geant, & lâavantage est toujours du cĂŽtĂ© des assiĂ©gĂ©s. Tout ouvrage escarpĂ© par la gorge est un ouvrage perdu, lorsquâil est une fois emportĂ© ; par la raison quâon ne sçauroit y aller, que lâennemi y est en sĂ»retĂ© , &c que vous ne pouvez lây Iiij i des bestiaux , des Vivres, en un mot, tout ce qui regarde la subsistance & toutes les choses nĂ©cessaires aux armĂ©es. Et si lâon veut y joindre les avantages que la nature nous donne ou nous offre Ă chaque pas , on conCevra aisĂ©ment que l'on fera des postes de trĂšs-grande importance , surtout si lâon y ajoute des ouvrages avancĂ©s. Car plus les places font grandes & les ouvrages Ă©tendus, plus il saut de monde pour en faire le siĂšge; telles font Lille, Bruxelles, Metz, &c. oĂč il faut des armĂ©es de cent mille hommes pour les investir mais aussi il faut considĂ©rablement de monde pour les dĂ©fendre. Jâai trouvĂ© moyen , par des tours, de supplĂ©er Ă ce dĂ©faut quâont les petites places dâĂȘtre investies avec peu de monde ; & par ce mĂȘme moyen il ne fa u droit pas moins que cent mille L iij 2.^6 Me m o r r e s. hommes pour lâinvestissement dâun fofĂ tel que celui que je viens de projetter. Ces tours avancĂ©es valent infiniment mieux que les redoutes que plusieurs emploient pour rendre une place spacieuse. Ces redoutes sont bientĂŽt prises, Ă moins quâon ne veuille risquer dây perdre son canon & ses troupes dâailleurs, il faut beaucoup de monde pour les garder ; ce qui fatigue votre garnison, Sc lâaffoiblit extrĂȘmement. Je place ces tours Ă deux mille pas de mes ouvrages ; parce que , de-lĂ , je puis les battre avec mon canon, lorsque lâennemi sâen est- emparĂ©. Elles doivent ĂȘtre construites de briques , de façon quâil nây ait quâune simple mu- Ă raille du cĂŽtĂ© de la place ; câest-Ă -dire, quâil faut partager la tour par son diamĂštre , que la moitiĂ© qui est du cĂŽtĂ© de la campagne soit pleine, & que celle j qui est du cĂŽtĂ© de la place soit vuide. Il y a j du centre du corps de ma M E M O I K E S. 247 place jusquâĂ ces tours, trois mille pas de rayon ; ce qui fait, par consĂ©quent, dix-huit mille & quelques pas de circonfĂ©rence ainsi il me faudra trente- six de ces tours pour faire lâenceinte , en les plaçant Ă cinq cens pas de distance lâune de lâautre j & il faudra les joindre par un bon sosie. Rien ne pourra pasier entre deux ; parce que les coups de feu y croisent ; & que , si lâon vou- loit y pasier en poussant des boyaux , lâon seroit vu Le plongĂ© ainsi il faudra que lâennemi Ă©tablisse des batteries, & quâil ouvre la tranchĂ©e , pour des dĂ©truire. JâĂ©tablirai fur ces tours quatre Ă cinq de ces armes que - jâappelle ama- settes lâennemi ne viendra pas fe camper Ă leur portĂ©e j &, sâil le fait, je lui ferai bientĂŽt lever son camp. II faudra donc quâil aille camper Ă quatre mille pas de mes tours. Ajoutez quatre mille pas de rayon aux trois que font mes ouvrages, cela fera quatorze mille pas de diamĂštre, & par consĂ©quent qua- Liv 248 MĂ©moires. rante-deux mille de circonfĂ©rence, & dâavantage. Je veux quâun bataillon , ou un escadron , occupe cent pas de distance il faudroit quatre cent vingt bataillons pour occuper la circonval- lation , & autant pour la contrevalla- tion ; ce qui feroit huit cent quarante bataillons cela est monstrueux. II faut cependant garder ces lignes ; & lâon conçoit aisĂ©ment que les travaux ne se feront pas fort tranquillement. Que lâon ne croie pas quâen menant du canon Ă barbette , on dĂ©truise ces tours fi facilement; il faut absolument ouvrir la tranchĂ©e , & y Ă©tablir des batteries ; & il pourroit se faire que lâon tireroit plus de huit jours , avant que, - - 18-0-0 Largeur R - - 2-0-0 J Profondeur - - 1 - 4- 0 J 1586-4,-0 1 375-0-0 ^201It- 4 - 3 > 60-0-0 En quarante heures trois quarts, quatre cens travailleurs & deux cens rĂ©galeurs feront le front dâun peligĂŽ- ne ; ainsi quatre mille huit cens feront les lunettes , le chemin couvert, & le glacis de huit poligĂŽnes, en quarante heures trois quarts. Suivant le calcul ci-dessus, quatre mille huit cens hommes construiront un poligĂŽne en quatorze heures & de^ MĂ©moires. 255 mie ; &, par consĂ©quent, le fort entier en onze Ă douze jours de dix heures chacun. Bien que tous ces calculs soient rĂ©els, on ne doit cependant pas y compter pour la pratique je ne les ai faits que pour donner une idĂ©e de la chose ; mais, en y ajoutant le double > ou le triple du temps , on ne fçauroit assurĂ©ment sây mĂ©prendre. La meilleure façon dâemployer les travailleurs, est de les faire travailler par quart ; câest-Ă -dire, de les faire relever toutes les deux heures & demie alors le travail va vĂźte , & toutes ler troupes font employĂ©es fans ĂȘtre fatiguĂ©es. Le soldat qui ne travaille que trois heures par jour , fait fa tĂąche de bon cĆur , & on peut mĂȘme le presser. Mais on doit travailler au son du tambour , & des instrumens de guerre en cadence. Câest ainsi que les LacĂ©- dĂ©moniens, fous Lyfandre , avec un dĂ©tachement de trois mille hommes 3 2y6 MĂ©moires. dĂ©truisirent le PyrĂ©e, au son de la flĂ»te , en six heures de temps. II nous est mĂȘme restĂ© quelque chose de cette mĂ©thode de travailler ; & il nây a que peu dâannĂ©es que lâon fit faire aux forçats des galĂšres de Marseille un grand remuement de dĂ©combres mĂȘlĂ©es de poutres Ă©normes, en cadence, & au son du tambourin. Ir faut, autant quâil se peut, jetter les terres Ă la pelle, de berme en berme , ou de relais en relais. Le brouĂ«t- tage a plusieurs inconvĂ©niens i°. La dĂ©pense des brouettes, leur entretien , & 1âembarras de les transporter 2 ". Les rampes douces quâil faut pratiquer pour rouler les terres ; ce qui allonge considĂ©rablement la marche, qui nâest jamais Ă©gale & fans embarras ; parce que le plus fort est obligĂ© de se rĂ©gler sur le plus Ăoible. Le soldat peut facilement jetter sa pelletĂ©e de terre de huit pieds de profondeur ; & , lorsquâil se trouve plus bas, il faut lui faire porter MĂ©moires. 277 la terre Ă la hotte. Les pionniers laisseront, en fouillant, des banquettes 011 des dames , pour que les hotteurs piaillent se reposer pendant quâon les charge ; aprĂšs quoi , ils partent, & vont les dĂ©charger aux endroits qui leur font indiquĂ©s. II faut que la hotte ait environ trois pieds de hauteur ; quâelle soit Ă©troite par le bas; & quâelle contienne deux pieds cubes , qui ne feront gueres plus que le poids de cent cinquante livres, quâun homme peut porter. Dâailleurs, celui qui porte ne se fatigue pas tant que celui qui poulie une brouette dont la charge fera de moitiĂ© moins pesante. Le soldat renverse facilement sa hotte, en se penchant de cĂŽtĂ© ; parce quâelle est de la forme dâun cĂŽne renversĂ©. Mais, comme je lâai dĂ©ja dit, il faut que tout cela se fasse en cadence, & au son de quel- quâinstrument. Il est absolument nĂ©cessaire de faire travailler le soldat. Quâon lise, dans 2/8 M E M 0 I R Ă S 269 rence de plus de cent bataillons fur les deux armĂ©es ; car le prince Eugene fut obligĂ© de jetter du monde dans toutes les places voisines. Le marĂ©chal de Villars, voyant que les alliĂ©s ne pou- Voient plus faire de siĂšges, tous les magasins Ă©tant pris, tira des garnisons Voisines plus de cinquante bataillons , qui grossirent tellement son armĂ©e, que le prince Eugene , nâofant plus tenir la campagne , fut obligĂ© de jetter dans le Quefnoi tout son canon, qui y fut pris. Lorsque les villes font situĂ©es au confluent des riviĂšres , il est toujours possible Ă une armĂ©e qui vient au secours des aĂsiĂ©gĂ©s, de rompre les ponts qui fervent Ă la communication de celle des aĂsiĂ©geans z moyennant quoi, cette armĂ©e sĂ©parĂ©e , lâon en battra une partie, & lâautre-ne sera gueres mieux traitĂ©e voilĂ donc le siĂšge levĂ©. Ceux qui viennent au secours dâune place assiĂ©gĂ©e ne craignent rien dâattaquer 27o MĂ©moire s. une contrevallation ; parce que lâaĂTie- geant nâoseroit sortir de son poste, Ă cause de la supĂ©rioritĂ© quâiltrouveroit, & de la grandeur du terrein, qui va toujours en sâĂ©largissant , lorsqu'on avance. Lâobligation de rester derriere ses retranchemens le rend timide, & donne au contraire de lâaudace Ă celui qui attaque, parce quâil ne craint rien ; ce qui fait plus des trois quarts du gain dâune affaire. A lâĂ©gard du passage de riviĂšres de vive force, je crois quâil nâest gueres possible de lâempĂȘcher ; surtout lors- quâil est soutenu d'un grand feu dâar- tillerie, qui donne le temps Ă la tĂȘte de se retrancher, & de faire un ouvrage pour couvrir le pont. Il nây a rien Ă faire pendant le jour ; mais, pendant la nuit, on peut attaquer cet ouvrage &, sâil se trouve que ce soit dans le temps que lâarmĂ©e ennemie commence Ă passer , la confusion se mettra partout , & ceux qui seront dĂ©ja passĂ©s MĂ©moires. _ 271 font perdus. Mais il faut y aller en force & 3 Ăi vous passez la nuit, vous trouverez le lendemain toute FarmĂ©e passĂ©e alors ce nâest plus une affaire de dĂ©tail, mais bien gĂ©nĂ©rale, que des raisons dâEtat ne permettent pas toujours de bazarder. Il y a , au reste , quantitĂ© de ruses pour le passage des riviĂšres, que chacun emploie , dans Foccasion , selon quâil est plus ou moins habile & ingĂ©nieux. Lâaffaire de Denain me fait ressouvenir dâune chose quâil faut que je conte ici en passant. Le combat fini , la cavalerie Françoise mit pied Ă terre. Le marĂ©chal de Villars passant le long de la ligne, comme il Ă©toit toujours gai, parlant Ă des soldats dâun rĂ©giment qui Ă©toit fur fa droite , il leur dit Eh bien , mes en f ans, nous les avons battus. Quelques-uns se mirent Ă crier vive le roi, Ă jetter leurs chapeaux, en lâair, & Ă tirer ; la cavalerie sâen mĂȘla M iv 2^2 M E M O I R E S. cela effraya tellement les chevaux quâils sâarracherent des mains des cavaliers , & sâenfuirent tous. Sâil y avoir eu quatre hommes qui eussent couru devant eux, ils les auroient menĂ©s Ă ĂŹâennemi. Cela fit un dĂ©sordre & un dommage considĂ©rable il y eut beaucoup de monde blessĂ©, & quantitĂ© d'armes perdues. Jâai voulu raconter ce fait, afin de dire ce que câest que de donner le haraux ; il nây a que peu de partisans qui le sçachent. Donner le harattx , est une maniĂ©rĂ© dâenlever les chevaux de la cavalerie Ă la pĂąture ou au fou rage , qui est trĂšs-plaisante. On se mĂȘle, dĂ©guisĂ©, Ă cheval, parmi les fourageurs ou les pĂątureurs, du cĂŽtĂ© que lâon veut fuir. On commence Ă tirer quelques coups ceux qui doivent serrer la queue y rĂ©pondent Ă jJâautre extrĂ©mitĂ© de la pĂąture ou du fourage puis lâon se met de toute part Ă courir vers lâendroit oĂč lâon Yeut amener les chevaux, en criant MĂ©moires. ' 27^ & en tirant tous les chevaux se mettent Ă fuir de ce cĂŽtĂ©-lĂ , couplĂ©s ou non couplĂ©s , arrachent les piquets , jettent Ă bas leurs cavaliers & les trousses ; &, fussent-ils cent mille, on les amene ainsi plusieurs lieues, en courant. On entre dans un endroit entourĂ© de haies ou de sosies, oĂč lâon sâarrĂȘte fans faire de bruit ; puis les chevaux se laissent prendre tranquillement. CâeĂl un tour qui dĂ©sole lâennemi. Je l ai vĂ» jouer une fois mais, comme toutes les bonnes choses sâoublient, je pense que lâon nây songe plus Ă prĂ©sent. CHAPITRE SIXIĂME. Des diffĂ©rentes situations , -pour camper les armĂ©es & pour combattre. U N GĂ©nĂ©ral habile doit sçavoir profiter de toutes les diffĂ©rentes situations que la nature lui prĂ©sente je veux dire des plaines, des montagnes , des ra- M y 274 MĂ©moires. vins, des chemins creux, des chaĂźne? dâĂ©tangs, des riviĂšres, des ruisseaux , des bois, & dâune infinitĂ© dâautres choses qui lui font dâune utilitĂ© merveilleuse , lorsque la nature lâa douĂ© de sens commun. Mais, comme ces choses, qui changent si fort la situation & la question , nesâapperçoivent, comme lâon dit, que lorsquâon a le nez sur lâenfant, & quâa- lors il est trop tard , je vais entrer dans quelque raisonnement. Supposons donc un terrein coupĂ© par un ruisseau & des Ă©tangs *. Si une armĂ©e venoit mâattaquer, je mettrois toute mon infanterie fur une ligne, pour masquer les Ă©tangs. DĂšs que lâennemi seroit Ă portĂ©e, je les dĂ©masqueras, en faisant passer, par les intervalles ou digues, mon infanterie pour former une seconde ligne ; * Il est toujours facile de former des Ă©tangs avec un ruisseau , en arrĂȘtant son cours, de distance en distance, par des digues ; & en le dĂ©tournant , lorsque les Ă©tangs font pleins. MĂ©moires. 275 & je serois pafl'er ma cavalerie, qui se prĂ©senteroit, pour tenir en Ă©chec lâaĂźle gauche de lâennemi ce mouvement seul le dĂ©concerte. Sâilfaisoitminedâat- taquer cette aĂźle de cavalerie, je lui serois passer les intervalles, & y laisse- rois des postes dâinĂanterie pour la garder. Cette manĆuvre auroit engagĂ© lâennemi en avant, & il nâauroit plus le temps de se jetter sur la droite ; parce pie, sitĂŽt que ma cavalerie est arrivĂ©e Ă ma droite, jâattaque en mĂȘme temps- tout ce qui se trouve entre le ruisseau & moi , câest-Ă -dire, lâaĂźle droite de lâennemi ; & il y a quelquâapparence que jây mettrois de la confusion. Cette droite Ă©tant battue , le reste seroit bientĂŽt pris en tĂȘte & en queue par mes deux ailes de cavalerie, & en flanc par toute mon infanterie. Si lâennemi faisoit le moindre mouvement pour prĂ©senter le front Ă mon infanterie , elle prĂȘteroit le flanc Ă mes petites troupes; M vj ' 276 MĂ©moires. qui sont sur les digues, & Ă ma cavale-' rie de la droite. Ce seul mouvement, quâil seroit obligĂ© de faire, le mettroit en dĂ©sordre. Selon cet ordre, je suppose lâennemi une fois plus fort que moi. Mais lâon me dira votre cavalerie de la droite court risque dâĂȘtre Ă©crasĂ©e. Tant mieux; parce que , plus lâennemi fera occupĂ© de lâobjet quâil a devant lui, & plus il sâenfournera je lui tomberai fur le dos ; &c dâailleurs ma cavalerie auroit bien du malheur , fi elle. ne se retiroit sur les chaussĂ©es des Ă©tangs , oĂč lâennemi nâoseroit assurĂ©ment la poursuivre. Venons Ă une autre supposition. Lâ e n n e m 1 vient mâattaquer. Jâai trois bonnes redoutes Ă trois cens pas du front de mon armĂ©e, garnies chacune de deux bataillons, & de ce quâil faut pour se dĂ©fendre. Jâai de la cavalerie dĂ©tachĂ©e , en embuscade ; & deux batteries dont le feu flanque , & croise dans la plaine, Jâai de plus Memoihes. 277 deux bataillons dans deux petites redoutes pour couvrir les batteries. Je veux que lâennemi soit une sois plus fort que moi ; comment mâatta- quera-t-il dans ce poste ? Viendra-t-Ăl en front de bandiere ? II ne le peut, fans se rompre ; parce quâil faut auparavant quâil emporte les redoutes cette opĂ©ration le met en dĂ©sordre ; mes deux batteries des flancs l'incommodent ; & il ne peut passer outre , & laisser ces redoutes derriere lui. Sâil les fait attaquer par des dĂ©tachemens, jâen ferai pour les soutenir, & 1a partie ne sera pas Ă©gale ; parce que mon canon le prend en Ă©charpe. Sâil avance, avec tout son corps dâarmĂ©e, jusqifa ces redoutes , je fais le signal pour faire avancer, Ă toutes jambes, ma cavalerie , qui est embusquĂ©e derriere quelque bois, par exemple, & qui lui tombera- fur le dos ; je mâĂ©branlerai en, mĂȘme temps , & lâattaquerai. EmbarrassĂ© de ces redoutes, un peu en dĂ©- 278 MĂ©moires» Ă'ordre 6e pris en queue , il y a apparence que jâen aurai bon marchĂ©. Ceci est bon, Iorsquâon Ăçait que iâennemi est dans la volontĂ© , ou dans la nĂ©cessitĂ© de vous attaquer ; car il faut bien se garder de vouloir jamais ce quâil veut câest un principe Ă la guerre, exceptĂ© dans des cas extraordinaires qui, rĂ©admettent point de rĂ©glĂ©s. Mais, lorsquâon a des raisons pour lâattaquer, on ne sçauroit traĂźner la situation aprĂšs foi ; . il faut faire ses dispositions selon que cette situation se prĂ©sente ; & ne le point attaquer, si elle ne vous est point avantageuse. Jâappelle_ avantageuse, lorsque vos flancs sont bien couverts ; que vous pouvez attaquer, avec la plus grande partie de vos troupes,, la moindre, partie des siennes; que vous pouvez lâamuser 6e le tenir en panne, quand une petite riviere le sĂ©pare, un marais , ou autre chose enfin. Alors vous pouvez hardiment lâattaquer avec des troupes beaucoup infĂ©rieures en MĂ©moires. 279 ombre ; car vous risquez peu. Supposeâ quâil soit Ă cheval sur une riviere , & que je marche pour lâatta- quer, je ferai ainsi ma disposition. Je tiendrai, avec ma droite, sa gauche en panne ; & je ferai tous mes efforts, avec ma gauche , pour culbuter fa droite. Je la percerai, selon toute apparence , le long de la riviere ; parce quâil faut supposer que le fort emportera le foible. Si donc je perce lâenne- mi, il est battu ; parce que toute sa gauche , oĂč est le fort de ses troupes » ne peut plus venir Ă son secours , qui, au contraire, se voyant prise en tĂȘte & en flanc, se retirera sans doute. Passons Ă une autre supposition. Quâil y ait entre deux armĂ©es un ruisseau , & quâil soit guĂ©able, comme il sâen trouve partout. On se campe ordinairement sur les bords de ces ruisseaux ; tant pour se mettre un peu Ă couvert, que pour la commoditĂ© de Peau. Les choses Ă©tant donc ainsi dis- 28a MĂ©moires. posĂ©es, en arrivant vers le soir, je me campe devant lâennemi. Comme il nâaura pas envie de se commettre Ă un combat douteux, il ne passera certainement pas le ruisseau pour mâatta- quer la nuit, & ne quittera pas lâavan- tage de son poste je crois, au contraire , quâil sâoccupera toute la nuit Ă faire fa disposition pour la dĂ©fense de son ruisseau. De mon cĂŽtĂ© , je ne laisserai quâune simple ligne lĂ©gĂšrement garnie devant lui ; je marcherai toute la nuit avec le reste de mes troupes, 6c me mettrai fur fa gauche A devant lui. Je nâai rien Ă craindre , en faisant ce mouvement ; car certainement il ne passera pas le ruifleau , ni ne le dĂ©garnira pas fur de simples soupçons. Le jour arrivant, il me volt dans une position des plus favorables. Quelque mouvement quâil fasse, il ne peut que lui causer du dĂ©sordre ; & je serai sur lui, avant quâil ait pĂ» former son ordre de bataille ? si toutefois il en veut for- MĂ©moires. 281 mer un ; car sa grande attention sera toujours fur son ruisseau , que je ferai attaquer en mĂȘme temps. 11 enverra fur fa gauche quelques brigades , qui arriveront en dĂ©tail, & feront battues de mĂȘme ; parce quâelles donneront dans un corps dâarmĂ©e en ordre j &il fera battu avant quâil ait pĂ»-se persuader que ce fĂ»t la vĂ©ritable attaque & quand son habiletĂ© irok Ă sâen apper- cevoir, il nâest plus le maĂźtre dây remĂ©dier , quelque chose quâil fasse; sans parler de la crainte qui se mettra dans ses troupes. Passons encore Ă une autre supposition. Que ParmĂ©e ennemie soit rĂ©pandue , en diffĂ©rens corps , tout le long dâune grosse riviere , fur une grande distance, pour couvrir une province» comme il arrive souvent. Je me rĂ©pandrai de mĂȘme. Ordinairement les grandes riviĂšres ont des plaines des deux cĂŽtĂ©s , lesquelles font bornĂ©es par des Montagnes dâoĂč coulent de petites- MĂ©moires. riviĂšres ou des ruisseaux , quelquefois assez considĂ©rables, qui vont se jetter dans la grosse riviere. Or, il faut tĂącher , par le moyen de votre ruisseau, de construire un pont, fans que lâen- nemi sâen apperçoive car câest toujours la grande difficultĂ© au passage des riviĂšres. Vous construirez donc votre pont tout le long du ruifleau , & vous. le ferez couler dans lâendroit de la riviere oĂč le ruisseau se jette, & oĂč vous ferez un passage de vive force ; ce qui vous rĂ©ussira , surtout st vous faites deux fausses attaques, en mĂȘm,e temps, en deux endroits Ă©galement Ă©loignĂ©s de votre pont. Lâennemi isolera dĂ©garnir nulle part. Les GĂ©nĂ©raux nâexĂ©cu- teront pas les ordres qu'ils recevront ; parce quâils se verront attaquĂ©s, &, que chacun croira lâattaque vĂ©ritable ils supposeront mĂȘme, avec raison, que le GĂ©nĂ©ral nâen sçauroit ĂȘtre informĂ©. Pendant tout ce temps-lĂ , lâessort se fait au centre, entre la petite riviere MĂ©moires. 28Z & la montagne dâou elle coule. II faudra d'abord sâemparer des hauteurs alors lâennemi voit son armĂ©e sĂ©parĂ©e en deux. 11 ne peut se flatter dâarriver en mĂȘme temps des deux cĂŽtĂ©s pour vous attaquer ; sâil le faisoit, il seroit bientĂŽt massacrĂ©. Cela le meuroit d'au- tant plus en dĂ©sordre , que vous vous feriez emparĂ© de ses dĂ©pĂŽts , fans avoir que peu risquĂ© car votre paflage a rĂ©ussis ou non ; ce qui ne sçauroit jamais ĂȘtre bien cher pour vous, surtout si vous avez bien pris vos prĂ©cautions, & que votre disposition ait Ă©tĂ© bien faite. Si une fois vous avez pris poste , & que votre pont soit fait, ce qui sera lâafFaire de quatre heures, il en faut quatre autres pour passer trente mille hommes ; & jâen donne vingt-quatre Ă lâennemi avant quâil sçache Ă quoi sâen tenir, & vingt-quatre autres avant quâil ait rassemblĂ© une de ses moitiĂ©s, & quâil soit arrivĂ© oĂč il faut. Et avec quoi arrivera- t - il sur une riviĂšre que je suppose 284 MĂ©moire § . bonne ? Sans quoi je ne prĂ©tends paĂą entreprendre de ces sortes de passages. II fera donc bridĂ©, dâun cĂŽtĂ© par la montagne , & de lâautre par la riviere. Toutes les grandes riviĂšres que jâai vues produisent quantitĂ© de situations oĂč des passages pareils font pra- tiquables les mĂ©diocres de mĂȘme , mais rarement elles font aussi bonnes ; parce que les plaines & les montagnes qui les environnent ne font pas fi avantageuses , & que les ruisseaux ne font pas si considĂ©rables. Enfin , je repete quâil ne faut que du discernement , pour fçavoir profiter de mille fortes de situations qui fe prĂ©sentent Ă nous ; fans quoi un GĂ©nĂ©ral ne peut fe flatter de faire de grandes choses, mĂȘme avec les plus nombreuses armĂ©es. Je ne veux pas finir cĂ© chapitre, fans parler de lâaffaire de Malplaquet. Si, au lieu de mettre les troupes Fran- çoifes dans de mauvais retranchemens , on eĂ»tfunplement fait des abattis des MĂ©moires. 285 trois bois vis-Ă -vis de la trouĂ©e, & que lâon eĂ»t placĂ© dans ces trouĂ©es trois ou quatre redoutes, ie crois que les choses auroient tournĂ© bien diffĂ©remment. Quâauroient fait les alliĂ©s ? Au- roient-ils attaquĂ© ces redoutes soutenues de plusieurs brigades ? Je pense quâils sâen seroient mal trouvĂ©s ; ils y auroient perdu une infinitĂ© de monde , & ils ne les auroient certainement pas emportĂ©es. Câest le propre de la nation Françoise dâattaquer. Mais, lorsquâun GĂ©nĂ©ral se mĂ©fie du grand ordre quâil faut observer dans les batailles,& de lâexacte discipline des troupes, il doit faire naĂźtre les occasions de combattre en dĂ©tail , & faire attaquer par brigades ; assurĂ©ment il sâen trouvera bien. Le premier choc des François ejĂŹ terrible 3 mais il faut sçavoir le renouvelles par dâhabiles dispositions câest lâaffai- re du GĂ©nĂ©ral. Rien nây est si propre que ces redoutes vous y enyoyez toy* 286 MĂ©moires. jours des troupes nouvelles, pour attaquer celles de lâennemi qui attaquent. Rien ne lui cause tant de distraction , Sc ne le rend si craintif car, tandis quâil attaque , il craint toujours dâĂȘtre pris par ses flancs ; & vos troupes y vont de meilleur cĆur, parce quâelles sentent que leur retraite est assurĂ©e, Sc que lâennemi nâoseroit les suivre Ă travers ces redoutes. Câest dans cette occasion oĂč vous pouvez tirer les plus grands avantages dse l'impĂ©tuositĂ© de vos troupes mais les mettre derriere des retranchemens, câest les faire battre , ou au moins leur ĂŽter les moyens de vaincre. Que seroit-il arrivĂ© Ă Malplaquet , si monsieur le marĂ©chal de FĂŹllars eĂ»t pris la plus grande partie de son armĂ©e , Sc eĂ»t Ă©tĂ© attaquer une moitiĂ© de celle des alliĂ©s, qui avoient eu lâim- prudence de se mettre de maniĂ©rĂ© quâils croient sĂ©parĂ©s par un bois", fans pouvoir se communiquer ? Les derriĂšres MĂ©moires. 287 & les flancs de lâarmĂ©e Françoise au- roient Ă©tĂ© Ă couvert. II y a plus dâhabiletĂ© quâon ne pense Ă faire de mauvaises dispositions ; parce quâil faut sçavoir les chailger en bonnes dans lâinstant. Rien nâĂ©tonne plus lâennemi il a comptĂ© fur quelque chose , sâest arrangĂ© en consĂ©quence ; Lc , dans le moment quâil attaque , il ne tient plus rien. Je le dis encore , & je le repete , rien ne dĂ©concerte tant lâennemi , & ne lâengage plus Ă faire des sautes. Sâil ne change pas fa disposition , il est battu ; & , sâil la change en prĂ©sence de son ennemi, il Test en- core. 81 le MarĂ©chal de Villars eĂ»t abandonnĂ© son retranchement Ă lâapproche des alliĂ©s , en se mettant dans lâordre que je propose , il me semble quâune contre-marche adroite faisoit lâaflĂ ire. tzo yftP* s88 MĂ©moires. CHAPITRE SEPTIĂME. Des retranchemens & des lignes . J E ne suis ni pour lâun ni pour lâautre 'de ces ouvrages j & je crois toujours entendre parler des murailles de, la Chine , quand on me parle de lignes. Les bonnes font celles que la nature a faites , & les bons retranchemens font ĂŹes bonnes dispositions &Pgxacte discipline des troupes. Je nâai presque jamais oui dire quâil y ait eu des lignes ou des retranchemens attaquĂ©s, qui nâaient pas Ă©tĂ© forcĂ©s. S x lâon est infĂ©rieur en nombre, on ne tiendra pas derriere des retranche- chemens, oĂč Pennemi porte toutes ses forces en deux ou trois endroits Ăi lâon est Ă©gal, on nây tiendra pas non plus si lâon est supĂ©rieur, on nâen a pas besoin. Pourquoi donc fe donner la peine dâen faire MĂ©moires. 289 L A certitude dans laquelle est lâennemi que vous nâen sortirez pas, le rend audacieux j il ruse devant vous , & hazarde des mouvemens de cĂŽtĂ©, quâil nâoseroit faire Ăi vous nâĂ©tiez pas retranchĂ©. Cette audace gagne & officiers Sc soldats ; parce que lâhomme craint toujours plus les suites du danger, que le danger mĂȘme. Jâen donne- rois une quantitĂ© de preuves. Supposeâ quâune colonne attaque un retranchement, Sc que la tĂȘte soit fur le bord du fossĂ© ; sâil paroĂt, Ă cent pas de-lĂ , une poignĂ©e de gens hors du retranchement, il est certain que la tĂȘte de cette colonne sâarrĂȘtera, ou ne fera pas suivie. Pourquoi cela? Jâen trouve la cauĂe dans le cĆur humain. Que dix hommes mettent le pied fur un retranchement, tout ce qui est derriĂšre fuira, & les bataillons entiers iâaban- donneront. Quâils y voient entrer une troupe de cavalerie, Ă une demi-lĂźeue dâeux, tout se mettra Ă fuir, N 3$o MĂ©moires. Lors donc que lâon est obligĂ© de dĂ©fendre des retranchemens , il faut bien fe garder de mettre les bataillons tout contre le parapet ; par ce que , si lâennemi a une fois le pied dessus, ce qui est derriere se sauvera. Cela vient de ce que la tĂȘte tourne toujours aux hommes, lorĂquâil leur arrive des choses auxquelles ils ne^sâattendent point, Cette rĂ©glĂ© est gĂ©nĂ©rale -Ă la guerre ; elle dĂ©cide de toutes les batailles & de toutes ' les affaires. Câest ce que Rappelle le cĆur humain ; je ne pense pas que personne se soit jamais avisĂ© de chercher la raison de la plupart des mauvais succĂšs j & câest ce qui, mâa faĂç Composer cet ouvrage. Quand donc vous mettez vos trou» pe$ derriere un parapet, elles esperent, par Içur feu , empĂȘcher que l'ennem! jne passe le fossĂ© & nây monte si cela arrive malgrĂ© ce feu, les voilĂ perdues; $a tĂȘte leur tourne , & elles fuient. II yaudroit mieux y mettre un seul rang M E M O I K E S. 291 de soldats, avec des armes de longueur ; parce que ces hommes se proposeroiect de repousser Ă coups de piques ceux qui voudroient monter fur le parapet. Certainement ils exĂ©cuteront leur projet ; parce quâils se le seront proposĂ©, & quâils attendront lâennemi lĂ . Si, avec cela , vous mettez des troupes dâinfanterie Ă trente pas du retranchement , ces troupes verront quâelles font placĂ©es ainsi , pour charger lâen- nemi Ă mesure quâil entre 5c quâil veut se former ; elles ne seront point Ă©tonnĂ©es de le voir entrer, parce quâelles sây attendent ; & elles le chargeront vigoureusement au lieu que, si elles avoient Ă©tĂ© placĂ©es toutes contre le retranchement, elles auroient pris la fuite. VoilĂ comme un rien change tout Ă la guerre, & comme les foibles mot> tels ne se menent que par lâopinion. A cela, il faut ajouter la misere de notre maniĂ©rĂ© de se former pour dĂ©fendre des retranchemens. Nous met- .Nij a_p2 ^ MĂ©moires; tons nos bataillons Ă quatre-hommes de hauteur, que nous plaçons contre le parapet. Ainsi j il nây a que le premier rang qui puisse tirer avec quelque succĂšs , parce quâil est fur la banquette. Si lâon fait monter les autres rangs Ă mesure que le premier aura tirĂ©, les coups ne porteront pas ; parce que les soldats fe pressent, & quâils ne visent fur aucun objet. Outre cela, cette mar n oeuvre met les bataillons en une te» rible confusion ; & Fennemi vous y trouve , lorfquâil arrive fur le parapet. Ces bataillons vous font donc totalet ment inutiles , pour le repousser du haut en bas du parapet, Ă mesure qu'il sây montre ; parce que vous ne fçarn- riez lâatteindre avec vos fusils armĂ©s de baĂŻonnettes, & que vous n avez pas dâarroes de longueur. Vcs soldats rer muent fans cesse dans les bataillons ; pu plutĂŽt tous vos bataillons remuent, en confusion, comme des fourmis dans une fourmilsiere. .Chacun ne songe quâĂ M EMOI II E S. 293 tirer; &, Ă mesure que ĂŹâennemi monte sur le parapet, vos bataillons sâen Ă©loignent. Je ferois une autre disposition que celle-lĂ , si jâavois Ă dĂ©fendre des retran- chemens. La voici. Je mets des centuries tout le long du parapet, en deux rangs ; câest-Ă - dire , un rang armĂ© de fusils fur la banquette , & le deuxiĂšme rang armĂ© de piques au pied de la banquette , avec les officiers & bas officiers. Ensuite, je fais doubler le premier rang qui est fur la banquette , par les armĂ©s Ă lalĂ©gere. Ainsi, il se trouve cent hommes environ au premier rang par centurie, Sc cinquante au second, sans les officiers. Comme jâĂ©leve mon parapet de six pieds, lâennemi, qui ordinairement se met sur la berme pour tirer par-dessus le parapet, ne sçauroit se servir de cet avantage L il est donc obligĂ© de grimper dessus ; alors mon second rang armĂ© de piques le culbutera bientĂŽt. Les N iij 2^4 MĂ©moires. officiers & bas officiers qui font au fĂ©cond rang, avec des armes de longueur , font attention aux mouvemens des soldats , les animent, & leur font allonger des coups de piques du pied de la banquette - car il fe trouve toujours derriere , de cinq en cinq hommes, un officier ou bas officier. Mais il faut bien imprimer aux soldats, quâils ne doivent point croire que leur feu arrĂȘtera Jâennemi ; que le haut du parapet est le lieu oĂ ils doivent combattre, afin quâils ne soient point effrayĂ©s de le voir se jettes dans le fossĂ©. Car lâennemi aura pris ne ferme rĂ©solution dâessuyer le feu , & il lâessuiera ; vous devez vous y attendre. Sâil sâavise de vouloir occuper la berme du retranchement, comme cela arrive assez souvent, pour vous chasser de la banquette , vous pouvez lâatteindre avec vos armes de longueur, & jetter Ă bas homme par homme , Ă mesure quâil se dĂ©couvre ; &, s'il entre enfin , Lc quâil veuille commencer Ă MĂ©moires. 299 se formes, vous le chargez en dĂ©tail par centuries. Ces centuries ne ĂĂšront point Ă©tonnĂ©es de le voir, parce quâelles sây attendent ; & elles le chargeront vigoureusement. Voila ce qui regarde la dĂ©fense des retranchemens. Mais on doit toujours avoir diffĂ©rentes rĂ©serves, pour les porter dans les endroits oĂč lâon voit que lâennemi a le plus de troupes ; ce quâil nâest pas toujours aisĂ© de voir car, sâil est habile , vous nâen verrez rien. II faut donc placer ces rĂ©serves le plus Ă portĂ©e , & le plus avantageusement que lâon pourra ; ce que la situation du terrein doit dĂ©cider, tant dehors que dedans les retranchemens. Vous ne devez pas craindre que lâennemi vous attaque dans des endroits oĂč le terrein est uni Ă une grande distance ; parce quâil ne voudra pas faire voir le gros de ses troupes dans ces endroits ; il nây fera quâĂ un bataillon de hauteur. Mais, sâil y a une colline, un vallon » Niv 2$6 MĂ©moires; ou la moindre chose par oĂč il puisse venir Ă couvert, câest-lĂ oĂč il fera tous ses efforts ; parce quâil espĂ©rera que vous ne verrez pas fa manĆuvre Sc la quantitĂ© de troupes quâil y porte. Si vous pouvez pratiquer des passages dans vos retranchemens, & que vous failliez sortir Ă propos une troupe ou deux , dans le moment que la tĂȘte des colonnes est arrivĂ©e fur le bord du fossĂ© , elle sâarrĂȘtera infailliblement, quand mĂȘme elle auroit forcĂ© le retranchement , & quâil y en auroit dĂ©ja une partie dâentrĂ©e ; parce que ces colonnes , qui nâont pas comptĂ© lĂ -dessus, craindront pour leurs stancs & leurs derriĂšres ; & il y a apparence quâelles sâenfuiront , mĂȘme fans scavoir pourquoi. Voici deux exemples, entre mille autres , qui autorisent mes idĂ©es, Sc âąque je vais donner par prĂ©fĂ©rence. . Au siĂšge dâAmiens par les Gaulois, CĂ©sar , voulant secourir cette place, se MĂ©moires. 297 rendit avec son armĂ©e, qui nâĂ©toit que de sept mille hommes, le long dâun ruisseau oĂč il se retrancha Ă son arrivĂ©e avec tant de prĂ©cipitation, que les Barbares, persuadĂ©s que CĂ©sar les craignoit, attaquĂšrent ses retranche- mens quâil ne Ă'ongeoit point du tout Ă dĂ©fendre. Car , au contraire , dans le temps que les Gaulois travailloient Ă combler le fossĂ© & Ă sâemparer du parapet , il sortit avec ses cohortes, & les surprit tellement, quâils prirent tous la fuite, fans quâun seul se fĂ»t mis en dĂ©fense. Au siĂšge dâAlĂ©sie par les Romains, les Gaulois beaucoup supĂ©rieurs en nombre vinrent les attaquer dans leurs lignes. CĂ©sar ordonna Ă ses troupes dâen sortir , au lieu de les dĂ©fendre j & de se jetter sur lâennemi dâun cĂŽtĂ© , pendant quâil lâattaqueroit de lâautre ce qui rĂ©ussit encore avec tant de succĂšs, que les Barbares y firent une perte considĂ©rable , fans compter plus de vingt Nv 298 MĂ©moires. mille hommes qui furent faits prisonniers avec leur GĂ©nĂ©ral. Sx lâon veut considĂ©rer la maniĂ©rĂ© dont je range mes troupes , on concevra aisĂ©ment quâelles doivent se remuer avec plus de facilitĂ© que les longs bataillons. Car Ă quoi peuvent servir plusieurs bataillons fur quatre de hauteur, les uns devant les autres ? Ils font lourds Ă remuer ; tout les embarrasse, le terrein, le doublement &, si le premier est culbutĂ© , il se renverse sur le second. Mais supposons quâils ne se rompent pas, il faudra toujours au second bataillon un long espace de temps avant quâil puisse attaquer ; parce quâil faut que celui qui a Ă©tĂ© rompu se soit rangĂ©, ce qui est long car il faut quâil sâĂ©tende entre lâennemi & le bataillon qui le soutient ; & , si lâennemi nâa la bontĂ© de se tenir les bras croisĂ©s, il vous renversera certainement ce bataillon sur lâautre, & celui-lĂ sur le troisiĂšme. Car , lorsquâil aura renversĂ© le MĂ©moires. 299 premier, il nâa quâĂ pousser brusquement en avant ; sussent-ils trente, il les renversera tous les uns fur les autres. Voila cependant ce qu'on appelle attaquer en colonne par bataillons quelle, misere ! Mon ordonnance est bien diffĂ©rente. En effet, que le premier bataillon soit renversĂ© , celui qui le suit charge dans Tinstant; cela va coup fur coup je fuis Ă huit de hauteur , & n'ai aucun embarras Ă craindre; mon choc est rude, & ma marche rapide je ne crains point la confusion , & je dĂ©borde toujours lâennemi, quoi- quâen mĂȘme nombre. Câest , en vĂ©ritĂ©, une misere que lâordre sur lequel nous combattons ; & je ne conçois pas Ă quoi les GĂ©nĂ©raux ont pense de ne savoir pas changĂ©. Ce que je propose nâest point une nouveautĂ© ; câest Tordre des Fvomains avec cet ordre , ils ont vaincu toutes, les nations. Les Grecs Ă©toient trĂšs- habiĂŹes dans T art de la guerre, & trĂš&- 300 MĂ©moires. bien disciplinĂ©s j cependant leur grande phalange nâa jamais pu tenir contre ces petites troupes disposĂ©es en Ă©chiquier. Aussi Polybe donne-t-il la prĂ©fĂ©rence Ă lâordre des Romains. Que feroient donc nos bataillons, qui nâont ni corps ni ame, contre ce mĂȘme ordre ? Quâon place ces centuries de telle maniĂ©rĂ© que lâon voudra , dans la plaine, dans des pays coupĂ©s ; quâon les faste sortir dâune gorge ou de quelquâendroit que ce soit ; & quâon voie avec quelle cĂ©lĂ©ritĂ© elles se rangeront. On peut les faire courir Ă toutes-jambes pour sâem- parer dâun dĂ©filĂ© , dâune haie, dâune hauteur ; &, dans lâinstant que les drapeaux seront arrivĂ©s , elles seront alignĂ©es & formĂ©es. Câest ce qui est impossible avec de longs bataillons ; car, pour se mettre comme il faut, & pour bien marcher, ils ont besoin dâun ter- rein fait exprĂšs & dâun temps considĂ©rable. Cela mâa fait pitiĂ© Ă voir, & mâa souvent donnĂ© le cochemar. M E M O I K E S. 30 ÂŁ J E rĂavals point lĂą Polybe en son entier ; lorsque jâachevai cet ouvrage. Voici ce que fy trouve sur iaphalange des Grecs , O fur l'orare de combattre des Romains. JesuisfiattĂ©dâa- voir pensĂ© comme lui, qui Ă©toit contemporain de Scipion , dâAnnibal & de Philippe; & qui 9 pendant le cours des guerres que ces grands hommes ont soutenues , sâest trouvĂ© dans les diffĂ©rentes armĂ©es , & y a eu des commande- mens distinguĂ©s. Un auteurs illustre ne peut que justifier mes idĂ©es. Câ est P oly b e quiparle. x D ans mon sixiĂšme livre, f ai pro~ x mis de saisir la premiĂšre occasion qui x se prĂ©senteroit de comparer ensemble -r les armes des MacĂ©doniens & celles x des Romains , lâordre de bataille des x uns & des autres ; 8c de marquer en r quoi lâun est supĂ©rieur ou infĂ©rieur Ă x lâautre. Lâaction que je viens de ra- x conter me lâostre, cette occasion ; il » faut que je tienne ma parole. x Autke fois rordonnance des Ma- x cĂ©doniens surpaffoit celle des Asiati- x ques & des Grecs. Câest un fait que » les victoires quâelle a produites ne » nous permettent pas de rĂ©voquer en 502 MĂ©moires. » doute & il nâĂ©toit pas dâordonnance -> en Afrique & en Europe , qui ne le » cĂ©dĂąt Ă celle des Romains. Aujour- 30 dâhui que ces diffĂ©rens ordres de ba- 30 taille se sont trouvĂ©s opposĂ©s les uns 30 aux autres, il est bon de rechercher 30 en quoi ils diffĂšrent, & pourquoi 30 lâavantage est du cĂŽtĂ© des Romains. 3o Apparemment que , quand on fera 30 bien instruit fur cette matiĂšre, on ne 30 sâavisera plus de rapporter le succĂšs » des Ă©venemens Ă la fortune, & quâon os ne louera pas les vainqueurs fans con- 30 noissance de cause , comme ont cou- 30 tume de faire les personnes non Ă©clai- 33 rĂ©es ; mais quâon sâaccoutumera en-' 30 fin Ă les louer par principe & par 33 raison. 33 Je ne crois pas devoir avertir quâil - ne faut pas juger de ces deux manie- 30 res de se ranger , par les combats 30 quâAnnibal a livrĂ©s aux Romains, Sc 33 par les victoires quâil a gagnĂ©es fur o» eux. Ce nâest, ni par la façon de sâar- MĂ©moires. 505. » mer, ni par celle de se ranger, quâAn> x nibal a vaincu ; câest par les ruses, -> & par fa dextĂ©ritĂ©. Nous savons fait » voir clairement dans le rĂ©cit que nous » avons donnĂ© de ses combats. Si lâon x en veut dâautres preuves, quâon jette x les yeux fur le succĂšs de la guerre, x DĂšs que les troupes Romaines eurent x Ă leur tĂȘte un GĂ©nĂ©ral dâĂ©gale force, x elles furent victorieuses. Quâon en x croie Annibal, Annibal lui-mĂȘme, x qui, auffi-tĂŽt aprĂšs la premiere ba- x taille, abandonna lâarmure Cartha- x ginoise ; & qui, ayant fait prendre x Ă ses troupes celle des Romains , nâa x jamais discontinuĂ© de sâen servir, x Pyrrhus fit encore plus ; car il ne se x contenta pas de prendre les armures, x il employa les troupes mĂȘmes dâItalie x dans les combats quâil donna auxRo- x mains. II rangeoit alternativement x une de leurs compagnies & une co- » horte en forme de phalange. Encore ce mĂ©lange ne lui servit-il de rien 304 MĂ©moires. » pour vaincre tous les avantages quâià » 1 remportĂ©s ont toujours Ă©tĂ© trĂšs- » Ă©quivoques. II Ă©toit nĂ©cessaire que -> je prĂ©vinsse ainsi mes lecteurs , afin » quâil ne se prĂ©sentĂąt rien ĂĄ leur esprit » qui parĂ»t peu conforme Ă ce que je -> dois dire dans la fuite. Je viens donc Ă la comparaison des deux diffĂ©rens -> ordres de bataille. » Câ E s T une chose constante, Sc 30 qui peut se justifier par mille erv- » droits > que , tant que la phalange se » maintient dans son Ă©tai propre Sc na~ 30 turel, rien ne peut lui rĂ©sister de front, 30 ni soutenir la violence de son choc. 30 Dans cette ordonnance , on donne 30 aux soldats en armes trois pieds de 30 terrein. La sarisse Ă©toit longue de oo seize coudĂ©es ; depuis, elle a Ă©tĂ© rac- 30 courcie de deux, pour la rendre plus » commode Sc aprĂšs ce retranche- 30 ment, il reste , depuis l'en droit oĂč le soldat la tient, jusquâau bout qui 30 passe derriĂšre lui, Sc qui sert comme » MĂ©moires. z 05 de contre-poids Ă lâautre bout, qua- » tre coudĂ©es & par consĂ©quent, si » la sarifle est poussĂ©e des deux mains » contre lâennemi, elle sâĂ©tend de dix » coudĂ©es devant le soldat qui lapous- » se. Ainsi, quand la phalange est dans » son Ă©tat propre, & que le soldat qui est Ă cĂŽtĂ© ou par derriere joint son » voisin autant quâil le doit, les saisisses des second, troisiĂšme & quatriĂšme » rangs sâayancent au-delĂ du premier » plus que celles du cinquiĂšme, qui ne » les dĂ©borde que de deux coudĂ©es. » Or * comme la phalange est rangĂ©e » fur seize de profondeur , on peut ai- * sĂšment se figurer quel est le choc, le * poids & la force de cette ordonnance. * Il est vrai cependant quâau-delĂ du * cinquiĂšme rang les saisisses ne font * dâucun usage pour le combat auĂßÏ * ne les allonge-t-on pas en avant; * mais on les appuie fur les Ă©paules du * ran g prĂ©cĂ©dent la pointe en haut ; * afin que, pressĂ©es les unes contre les -3 o 6 MĂ©moires. - autres, elles rompent lâimpĂ©tuositĂ© -> des traits qui passent au-delĂ des pre- » miers rangs, veut quâil se remue commodĂ©ment. » Chaque Romain , combattant » contre une phalange, a donc deux -> hommes & dix sarisses Ă forcer or , » quand on en vient aux mains, il ne les » peut forcer, ni en coupant, ni en » rompant ; & les rangs qui le suivent » ne lui sont, pour cela , dâaucun se- - cours. La violence du choc lui leroit - Ă©galement inutile, &c son Ă©pĂ©e ne -> feroit nul effet. -> Jâai donc eu raison de dire que la » phalange , tant quâelle se conserve » dans son Ă©tat propre & naturel, est -> invincible de front ; & que nulle au- » tre ordonnance nâen peut soutenir lâes- » set. DâoĂč vient donc les Romains » sont-ils victorieux ? Pourquoi la pha- -> lange est-elle vaincue ? Câest que , -> dans la guerre, le temps & lĂ© lieu » des combats varient en une infinitĂ© » de maniĂ©rĂ©s, & que la phalange nâest » propre que dans un temps & dâune zo8 MĂ©moires. -, seule façon. Qand il sâagit dâune ac- » tion dĂ©cisive , si lâennemi est forcĂ© -> dâavoir affaire Ă la phalange dans un » temps ou dans un terrein qui lui soient - convenables, nous savons dĂ©jĂ dit, » il y a apparence que tout lâavantage » fera du cĂŽtĂ© de la phalange mais, 11 l'on peut Ă©viter lâun & l'autre , com- -, me il est aisĂ© de le faire, quây a-t-il de -> si redoutable dans cette ordonnance ? -> Que pour tirer parti dâune phalange, » il soit nĂ©cessaire de lui trouver un ter-, -> rein plat, dĂ©couvert, uni, sans fof- -, sĂ©s , fans fondriĂšres , fans gorges, - fans Ă©minences, fans riviĂšres ; câest -> une chose avouĂ©e de tout le monde. - Dâun autre cĂŽtĂ© , l'on ne disconvient -, pas quâil est impossible , ou du moins -, trĂšs-rare, de rencontrer un terrein de -, vingt stades ou plus, qui nâoffre quel- »ques-uns de ces obstacles. Quel x> usage ferez-vous de votre phalange , -, si votre ennemi, au lieu de venir à » vous dans cet heureux terrein, fe rĂ©- MĂ©moires. zo- λ pand dans le pays, ravage les villes, » & fait le dĂ©gĂąt dans les terres de vos » alliĂ©s ? Ce corps restant dans le poste o» qui }ui est avantageux, non seulement oo ne sera dâaucun secours Ă vos amis, v il ne pourra se conserver lui-mĂȘme. v Lâennemi, maĂźtre de la campagne, o° sans trouver personne qui lui rĂ©siste, » lui enlevera ses convois , de quel- oo quâendroit quâils viennent. Sâil quitte v son poste pour entreprendre quelque -> chcse, ses forces lui manquent, & il oo devient le jouet de ses ennemis. Ac~ » cordons encore quâon ira l'attaquer oo fur son terrein mais st lâennemi ne oo prĂ©sente pas Ă la phalange toute son r> armĂ©e en mĂȘme temps , & quâau mo- * ment du combat il l Ă©vite en se reti* -o rant, quâarrivera-t-il de votre ordon-» oo nance ? II est facile dâen juger par la oo manĆuvre que font aujourdâhui les » Romains. Car nous ne nous fondons » pas icj fur de simples raifonnemens , » pais fur des faits qui font ençorg tout 3 io MĂ©moires. » rĂ©cens. Les Romains rĂ©emploient pas a> toutes leurs troupes pour faire un 33 front Ă©gal Ă celui de la phalange ; mais 35 ils en mettent une partie en rĂ©serve , 3> & nâoppofent que lâautre aux enne- 3> mis alors, soit que la phalange rom- 35 pe la ligne quâelle a en tĂȘte, ou quâel- » le soit elle-mĂȘme enfoncĂ©e, elle sort 35 de la disposition qui lui est propre ; » jquâelle poursuive des fuiards, ou » quâelle fuie devant ceux qui la prĂȘt- 33 sent, elle perd toute la force car, 30 dans lâun & lâautre cas , il fe fait des 35 intervalles que la rĂ©serve saisit pour 35 attaquer, non de front, mais en flanc, 35 & par les derriĂšres. 5o En gĂ©nĂ©ral, puisquâil est facile dâĂ©- 3> virer le temps & toutes les autres cir- 30 constances qui donnent lâavantage Ă 3o la phalange, & quâil ne lui est pas 3o possible dâĂ©viter toutes celles qui lui 35 sont contraires, nâen est-ce pas assez 3o pour vous faire concevoir combien sa cette ordonnance est au-dessous de MĂ©moires. zn » celle des Romains ? Ajoutons que -> ceux qui rangent en phalange te trou- » vent dans le cas dĂ©marcher par toutes » sortes dâendroits , de camper , de » sâemparer des postes avantageux , » dâassiĂ©ger , dâĂȘtre assiĂ©gĂ©s ; de tomber » fur la marche des ennemis ? lorsqu ils -> ne sây attendent pas car tous ces ac-i » cidens font partie de la guerre ; sou- » vent la victoire en dĂ©pend , quelque» » fois du moins ils y contribuent beau- -> coup. Or 3 dans toutes ces occasions, -> il est difficile dâemployer b phalange, -> ou on lâemploieroit inutilement ; par- - ce quâelle ne peut alors combattre, -> ni par cohorte, ni dâhornme Ă homme » au lieu que ^ordonnance Romaine , » dansces rencontres mĂȘmes, ne souffre » aucun embarras. Tout lieu , tout -> temps lui convient l'ennsmi ne la » surprend jamais , de quelque part ?» quâelje se prĂ©sente. Le soldat Romain » est toujours prĂȘt Ă combattre, soit v avcç lâarmĂ©e entiers, soit avec quel- MĂ©moire s. -> quâune de ses parties, soit par çom- » pagnie, soit dâhomme Ă homme. » Avec un ordre de bataille dont 30 toutes les parties agissent avec tant de 33 facilitĂ©, doit-on ĂȘtre surpris que les 3o Romains , pour lâordinaire, viennent 30 plus aisĂ©ment Ă bout de leurs entre- 30 prises, que ceux qui combattent dans 30 un autre ? Au reste , je me fuis obligĂ© 30 de traiter au long cette matiĂšre ; parce 30 quâaujourdâhui la plupart des Grecs 30 sâimaginent que câest une espĂšce de » prodige que les MacĂ©doniens aient » Ă©tĂ© vaincus & que dâautres ignorent » comment & pourquoi lâordonnance 30 Romaine est supĂ©rieure Ă la pha-, 33 lange 30. 1 CHAPITRE MĂ©moires. Si 3 CHAPITRE HUITIEâME. De l'attaque des retranchemens. L Orsquâon yeut attaquer un retranchement, il faut toujours tĂącher de sâĂ©tendre le plus que lâon peut, pour donner de lâinquiĂ©tude par-tout Ă lâenne- mi ; afin quâil ne dĂ©garnisse aucun endroit , pour porter des troupes dans ceux quâonveut attaquer, quand mĂȘme il le verroit, & ce font autant de troupes inutiles. Alors tous les bataillons qui font pour faire montre doivent ĂȘtre Ă quatre de hauteur, & marcher en ligne tout le reste de la manĆuvre doit fe faire derriere ceux-lĂ ; & câest ce qui sâappelie masquer lâattaque. Cette partie de lâart militaire dĂ©pend de ii- magination un GĂ©nĂ©ral peut broder ĂŹĂ -destus tant quâil lui plaĂźt. Tout est bon car la certitude oĂč il est de nâĂȘ- kre point attaquĂ©, lui permet de faire ce O I 314 MĂ©moires.' quâil juge Ă propos ; & il peut profiter 4 tous les vallons, ravins, hayes , Sc de raille autres choses ; tout lui rĂ©ussira. En faisant charger par centuries, lâon nâa point de confusion Ă craindre chaque centurion se fera une affaire particuliĂšre de lâhonneur de son drapeau; & il est impossible que , dans le nombre , il nây ait des hommes qui cherchent Ă risquer de sacrifier leur vie pour se distinguer ; parce que cela se voit par les drapeaux qui sont reconnoiffables $ç remarquables, chacun en particulier. En approchant du retranchement, on doit envoyer en avant des armĂ©s Ă fa lĂ©gere, pour attirer le feu on doit les soutenir par dâautres troupes. Enfin, lorsquâon voit la tiraillerie en train, ses centuries doivent arriver & donner avec furie. Si les premiĂšres font repoussĂ©es , les autres doivent leur succĂ©der , avant quâelles aient eu le temps de fuir ; Sc la force Sc le nombre surmontent les obstacles, En mĂȘme temps* U r M O I k L 5. zry les centuries Ă quatre de hauteur doivent arriver , si vous ĂȘtes entrĂ© par plusieurs endroits Ă la-fois. Les bataillons ennemis qui font entre deux, Sc qui voient avancer la ligne , sâenfuient. Cette ligne se met sur le parapet ; ensuite lâon se forme , ĂŽt lâennemi, pendant ce temps-lĂ fe retire ; parce quâii sâimagine avoir fait tout ce quâil voit faire. Il y a encore une autre maniĂ©rĂ© dâat- taquer des retranchemens, toute diffĂ©rente de celle-ci, Se qui est bien aussi bonne ; mais il faut que le terrein le permette , & il faut le connoĂźtre parfaitement. Lorfquâil y a des ravins ou des fonds proche du retranchement, oĂ lâon peut faire couler des troupes pendant la marche, fans que lâennemi sâen apperçoive , alors on marche Ă lui par plusieurs colonnes, Ă grande distance lâun de lâautre. II attache toute son attention sur ces colonnes , dispose ses troupes, Sc dĂ©garnit son retranchement. O ij 5i 6 MĂ©moires. jLors donc que ces colonnes attaquent ; tout court Ă elles ; puis, tout dâun coup, les troupes qui Ăe sont cachĂ©es paraissent, &c donnent dans les endroits du retranchement que l'on a abandonnĂ©s. Ceux qui sâopposent aux attaques des colonnes, voyant cela , se dĂ©concertent la tĂȘte leur tourne, parce quâils ne se sont point attendus Ă cela. Ils quittent donc ces attaques , sous prĂ©texte de courir Ă la dĂ©fense du retranchement attaquĂ© par les autres ; inais la peur les fait fuir. La dĂ©fense des retranchemens est yne partie de la guerre bien difficile ; parce que câest une manĆuvre qui intimide &c ĂŽte le courage aux troupes ; & quoique jâaie dit ce qui me paroit de mieux Ă faire Ă ce sujet, & quâil me semT ble que ce soit, de toutes les maniĂ©rĂ©s de dĂ©fendre des retranchemens, la meilleure , cependant je nâen fais pas grand ça§ ; &, tant quâil dĂ©pendra de moi, je Ă;e ferai point dâayis quâon en faste usa-? MĂ©moires; 317 ge. Les redoutes font mes ouvrages favoris ; 6c 11 faut que jâen parle. CHAPITRE NEUVIEâME, Ăes redoutes , & de leur excellence dans les ordres de batailles. ĂŻ l me reste Ă justifier , par des faits J la bontĂ© de mon opinion fur les redoutes. Avant la bataille de Pultavva , les armĂ©es de Charles XII, roi de,Suede 3 avoient toujours Ă©tĂ© victorieuses. La supĂ©rioritĂ© quâelles avoient fur celles des Moscovites est prefquâincroyable lâon a vu souvent dix Ă douze mille SuĂ©dois forcer des retranchemens gardĂ©s par cinquante j soixante & quatre vingt mille Moscovites, quâils ont dĂ©faits 6c taillĂ©s en piĂšces. Les SuĂ©dois ne sâin- formoient jamais du nombre des Russes , mais seulement du lieu oĂ ils Ă©toient. Oiij Zi8 Memoibe s, Le Pia-re, le plus grand homme de son siĂ©cle , rĂ©sista , avec une patience Ă©gale Ă la grandeur de son gĂ©nie, aux mauvais succĂšs de cette guerre , & ne cessoit de donner des combats pour aguerrir ses troupes. Dans le cours de ses adversitĂ©s, le roi de SuĂ©de mit le siĂ©gĂ© devant Pulta- âąwa. Le Czar tint un conseil de guerre , oĂč les avis furent long-tems partagĂ©s. Les uns vouloient quâon investĂźt le roi de Suede avec lâarmĂ©e Moscovite ; quâon fĂźt un grand retranchement pourlâobli- ger Ă se rendre dâautres GĂ©nĂ©raux vouloient quâon brĂ»lĂąt tout lĂ© pays Ă cent lieues Ă la ronde , pour affamer le roi de SuĂ©de & son armĂ©e ; cet avis nâĂ©- toit pas le plus mauvais, & le Czar y inclinoit d ? autres, GĂ©nĂ©raux dirent quâil Ă©toit toujours Ă temps dâen venir Ă cet expĂ©dient ; mais quâil falloit auparavant bazarder encore une bataille; parcs que Pultawa & fa garnison courroient risque dâĂȘtre emportĂ©s par lâopiniĂątretĂ© MĂ©moires. 319 3u roi de SuĂ©de , qui y trouveroit un grand magasin & de quoi subsister, pour passer le dĂ©sert qu'on prĂ©tendoit faire Ă Pentour de lui. On sâarrĂȘta Ă cette opinion. Alors le Czar, ayant pris la parole , dit Puisque nous nous dĂ©terminons Ă combattre le roi de SuĂ©de , il faut convenir de la maniĂ©rĂ© , & cboisir la meilleure. Les SuĂ©dois font impĂ©tueux j bien disciplinĂ©s 3 bien exercĂ©s, & adroits nos troupes ne manquent pas de fermetĂ© ; mais elles ne possĂšdent pas ces avantages il faut donc Rappliquer Ă rendre ceux des SuĂ©dois inutiles. Ils ont souvent forcĂ© nos retran- chemens ; en rase campagne- nous avons toujours Ă©tĂ© battus , par Part & la facilitĂ© avec lesquels ils manĆuvrent il faut donc rompre cette manĆuvre, & la rendre inutile. Pour cela , je fuis dâa- vĂŹs de mâapprocher du roi de SuĂ©de ; de faire Ă©lever, fur le front de notre infanterie, plusieurs redoutes, dont les fossĂ©s seront profonds j les faire fraiser O iv H 22 MĂ©moire?. & paliĂsader, 6e les garnir dâinfanterie ; cela ne demande que quelques heures de travail & nous attendrons lâennemi derriere ces redoutes. II faudra quâil le rompe pour les attaquer il y perdra du monde, fera aĂFoibli & en dĂ©sordre, lorsquâil nous attaquera. Car il nâest pas douteux quâil ne leve le Ăßége, pour venir Ă nous, dĂšs quâil nou? verra Ă portĂ©e de lui; II faut donc marcher de maniĂ©rĂ© que nous arrivions, vers la fin du jour, en fa prĂ©sence, afin quâil remette au lendemain Ă nous attaquer ; & pendant la nuit nous Ă©lĂšverons ces redoutes. Ainsi parla le souverain des Russes, 6c tout le conseil approuva cette disposition. liâon donna les ordres pour la marche, pour les outils, les fascines, les chevaux de frise, &c ; & le 8 Juillet 170P, le Czar arriva, vers la fin du jour, en prĂ©sence du roi de SuĂ©de. Ce prince, quoique blessĂ©, ne manqua pas de dĂ©clarer Ă ses GĂ©nĂ©raux quâil vouloir attaquer le lendemain lâarmĂ©e MĂ©moires, Z2r Ăes Moscovites. On fit des dispositions, lâon sâarrangea, & lâon se mit en marche un peu avant le jour. Le Czar avoir Ă©tabli sept redoutes fur le front de son infanterie elles Ă©toient construites avec foin. II y avoir deux bataillons dans chacune j & toute lâinfanterie Moscovite Ă©toit derriere , ayant sa cavalerie sur les ailes. II Ă©toit donc impossible dâaller Ă lâinfanterie Moscovite, sans prendre ces redoutes ; parce quâcn ne pouvoit les laisser derriere foi j ni passer entre deux, fans courir risque dâĂȘtre abysmĂ© par le feu. Le roi de SuĂ©de & ses GĂ©nĂ©raux , qui ne sçavoient rien de cette disposition , ne virent de quoi il Ă©toit question que lors- quâils eurent le nez dessus. Mais, comme la machine avoir Ă©tĂ© mise en mou- -vement, il fut impossible de lâarrĂȘter , 6c de sâen dĂ©dire. La cavalerie SuĂ©doise renversa dâa- bord celle des Moscovites,& sâempor- ta mĂȘme trop loin j mais lâinfanterie fut O y ^22 MĂ©moires. arrĂȘtĂ©e par ces redoutes. Les SuĂ©dois les attaquĂšrent, & y trouvĂšrent une grande rĂ©sistance. II nây a point d'homme de guerre qui. ne fçache que , pour emporter une bonne redoute, il ne taille une disposition entiere ; que lâon emploie plusieurs Bataillons , pour lâatta- quer de plusieurs cĂŽtĂ©s Ă la fois, & que, bien souvent, lâon sây caste le nez. Les SuĂ©dois en prirent cependant trois, non fans une grande perte, & furent repoussĂ©s aux autres avec grand carnage. II nâĂ©toit pas possible que toute 1 infanterie SuĂ©doise ne sĂ»t rompue, en attaquant cea redoutes ; pendant que celle des Moscovites, rangĂ©e en ordre , re- gardoit de deux cens pas ce spectacle fort tranquillement. Le roi & les GĂ©nĂ©raux SuĂ©dois virent le pĂ©ril oĂ ils Ă©toient ; mais iâinae- tion des Moscovites leur laissa entrevoir sespĂ©rance de se retirer; II nây avoit pas moyen de pouvoir le faire en ordre ? cartout Ă©toit rompu, attaquoit inutile- M E M 0 Ăź B Ă S. ment,ou se laissoit tuer; & se retirer,Ă©toit le seul parti que lâon pĂ»t prendre. On retira donc les troupes qui sâĂ©toient emparĂ©es des redoutes, 6c celles qui se lailsoient abysmer auprĂšs des autres. Il nây avoir pas moyen, dis-je, de les former Ă portĂ©e du feu qui sortoit de ces redoutes ainsi le tout se retira mĂȘlĂ©,- & en dĂ©sordre. Sur ces entrefaites , le Czar fit appeller ses GĂ©nĂ©raux, & leur demanda ce quâil convenoit de faire. Monsieur Allart , un des moins anciens , lans donner le temps aux autres de dire leur avis, adressant la parole Ă son maĂźtre, lui dit Si votre MajestĂ© nâattaque pas les SuĂ©dois dans ce moment , il nâen fera plus temps aprĂšs. Sur le champ, la ligne sâĂ©branla , 6c marcha en bon ordre Ă travers les intervalles des redoutes, qu'on laissa garnies pour favoriser la retraite, en cas dâĂ©vĂ©nement. A peine les SuĂ©dois sâĂ©toient ils arrĂȘtĂ©s pour se former'& pour se mettre O vj 524 MĂ©moires. en ordre, quâils virent les Moscovites iur leurs talons le dĂ©sordre se mit parmi eux , & la confusion fut gĂ©nĂ©rale. Cependant ils ne fuirent pas encore ; ils firent mĂȘme un effort de valeur, en retournant comme pour charger mais Ăźâordre , PĂąme des batailles, nây Ă©tant pas, ils furent dissipĂ©s fans rĂ©sistance. Les Moscovites, qui nâĂ©toient pas accoutumĂ©s Ă vaincre, nâoserent les suivre ; & les SuĂ©dois se retirerent en dĂ©sordre , jusquâau BoristhĂ©ne , oĂč ils furent tous faits prisonniers. VoilĂ comme on peut, par dâhabiles dispositions, se rendre la fortune favorable. Si celle-ci a fait vaincre les Moscovites, qui nâĂ©toient point encore aguerris, & durant le cours de leurs adversitĂ©s, quel succĂšs nâen peut-on pas espĂ©rer chez une nation bien disciplinĂ©e, & dont le propre est dâattaquer ? Car , que lâon soit sur la dĂ©fensive dans cette disposition , lâon conserve en plein lâavantage attachĂ© Ă ceux qui attaquent ; parce quâon fait M EMOIRĂS. Z2^ charger PennemĂŹ par des brigades que lâon fait avancer Ă mesure que ces redoutes font attaquĂ©es. Ce choc se renouvelle souvent, & toujours avec de nouvelles troupes elles en attendent lâordre avec imp atience , &, le font vigoureusement; parce quâelles font vĂ»es & soutenues , & sur-tout quâelles ne craignent pas pour leur retraite. La terreur , qui sâempare quelquefois des armĂ©es, nâest point ici Ă craindre ; & vous vous rendez , pour ainsi, dire > le maĂźtre du moment favorable qui se trouve dans les batailles ; je veux dire celui oĂč Pennemi se dĂ©concerte. Quel avantage , quand on peut Pattendre, ce moment, avec aĂsurance ! Les Moscovites nâont pas profitĂ© de tout ce que cette disposition leur offroit dâavantageux car ils ont tranquillement laissĂ© prendre trois de ces redoutes Ă leur barbe, fans les secourir ; ce qui devoir dĂ©courager ceux qui les dĂ©fendoient j intimider leurs troupes 3 16 MĂ©moires; & augmenter lâaudacedes SuĂ©dois. On peut donc dire , avec apparence de vĂ©ritĂ©, que cette disposition seule a vaincu les SuĂ©dois, fans que les troupes Moscovites aient beaucoup contribuĂ© Ă la victoire. Ces redoutas font dâautant plus avantageuses, quâil faut peu de temps pour les construire, & quâellessont propres Ă une infinitĂ© de circonstances, oĂč une feule suffit souvent pour arrĂȘter toute une armĂ©e dans un terrein resserrĂ© ; peur empĂȘcher quâon ne vous trou. ble dans une marche critique ; pour ap- puier une de vos ailes ; pour partager un terrein en deux ; pour occuper un grand terrein , lorfquâon nâa pas assez de troupes, &c. Calcul du temps, b de ce quâil faut pour construire une redoute . Excavation du fossĂ©-144' il faudra Avec les rĂ©galeurs- -288 hommes. Pour les fascines-500 Pour les piquets- zoo Pour les palissades - -400 1488 Quatorze cens quatre-vingt-huit hommes fĂ©rent une redoute en cinq heures de temps. MĂ©moires» Z2? CHAPITRE DIXIEME. Des espions & des guides. O N ne sçauroit trop faire attention sux espions 8e aux guides. M. de Mon- tecucttli dit quâils servent comme les yeux de la tĂȘte , 8e quâils font auflĂŹ nĂ©cessaires Ă un GĂ©nĂ©ral. II a raison on ne sçauroit trop employer dâargent pour les avoir bons. Ces gens doivent ĂȘtre choisis dans les pays oĂč lâon fait la guerre. II fautvles prendre intelligens 8e adroits j en disperser par-tout cher les officiers gĂ©nĂ©raux, chez les vivandiers , 8e sur-tout chez les pourvoyeurs des vivres ; parce que les approvision- nemens , les dĂ©pĂŽts 8e les cuisions font juger des desseins de l'ennemi. Il faut que ces espions ne fe con- noissent pas les uns les autres ; 8e il en faut de plusieurs ordres les. uns propres Ă fe faufiler dans les compagnies, Z 28 MEMOIRE Si dâautres courant lâarmĂ©e pour acheter & pour vendre. Ceux-ci doivent con- noĂźtfe chacun un de leurs compagnons du premier ordre, pour en recevoir ce quâils doivent aller porter au GĂ©nĂ©ral qui les paie. II faut charger de ce dĂ©tail quelquâun qui soit fidele & intelligent j lui faire rendre compte tous les jours, & ĂȘtre sĂ»r quâil ne puisse pas ĂȘtre corrompu. Je ne m'Ă©tendrai pas plus au long fur cette matiĂšre , qui, au reste , est un dĂ©tail qui dĂ©pend de plusieurs circonstances , desquelles un GĂ©nĂ©ral peut profiter par fa prudence & par ses intrigues. CHAPITRE ONZIĂME. Des indices . I l y a des indices Ă la guerre quâil est nĂ©cessaire dâĂ©tudier , & fur lesquels on peut juger-avec une espece de certitude. MEMOIRES. Z 29 La conooiffance quâon a de lâenne-* mi &c de ses usages y contribue beaucoup ii y en a de communs Ă toutes les nations. Par exemple , lorsque , dans un siĂšge , vous voyez vers le soir, Ă sho- tison & fur des hauteurs, des gens attroupĂ©s & dĂ©sĆuvrĂ©s qui regardent vers la ville , vous devez ĂȘtre sĂ»r quâil y aura une attaque considĂ©rable ; parcs que, dans les difFĂ©rens corps, il sâest fait des dĂ©tachemens ; ce qui est cause que toute lâarmĂ©e sçait quâil y aura une attaque, &c que les dĂ©sĆuvrĂ©s choisissent les endroits Ă©minens, vers la fin' du jour, pour pouvoir regarder Ă leur aise. Quand on entend beaucoup tirer dans le camp des ennemis, & que lâon est campĂ© Ă fa portĂ©e, lâon doit sâatten- dre Ă avoir le lendemain une affaire ; parce que les soldats nettoyent & dĂ©chargent leurs armes. On peut juger, par la poussiĂšre, sâil '530 MĂ©moires; se fait un grand mouvement dans farinĂ©e ennemie ; ce qui nâarrive jamais fans quelques raisons. La poussiĂšre des fourageurs nâest pas de mĂȘme que celle des colonnes ; mais il faut sçavoir sây connoĂźtre. On juge aussi, Ă la lueur des armes > quand le soleil donne dessus , de quel cĂŽtĂ© se sait le mouvement. Si les rayons sont perpendiculaires ,1âennemi marche Ă vous ; sâils sont variĂ©s & peu frĂ©quens, il se retire ; sâils vont de la droite Ă la gauche, il marche vers fa gauche ; sâils -vont, au contraire , de la gauche Ă la droite , il marche vers fa droite. Sâil y a beaucoup de poussiĂšre dans son camp, quâil nâait pas fait de fourage , & que cette poussiĂšre soit gĂ©nĂ©rale, il renvoie ses vivandiers 8e ses Ă©quipages ; 8e vous devez vous assurerquâil marchera bientĂŽt. Cela vous donne le temps de faire vos dispositions, pour lâattaquer dans fa marche z parce que vous devez sçavoir sâil peut venir Ă vous, si câest son MĂ©moires. zzr intention, & de quel cĂŽtĂ© il doit marcher vous en jugez par fa position , fes dĂ©pĂŽts, fes approvisionnemens, par le tĂȘrrein , Se enfin-par toute fa contenance. Quelquefois il a fes fours fur fa droite, ou fur fa gauche. Si vous pouvez fçavoir le temps & la quantitĂ© de fa cuisson , & quâune petite riviere vous couvre , vous pouvez faire un mouvement de cĂŽtĂ© ; puis, vous revenez brusquement sur vos pas , Ăc vous envoyez dix Ă douze mille hommes pour attaquer ces fours ; vous les soutenez par toute votre armĂ©e qui arrive Ă mesure j & f expĂ©dition doit ĂȘtre faite avant quâil ait pĂ» y remĂ©dier ; parce que vous avez toujours quelques heures fur lui avant quâil soit averti de votre mouvement ; outre quâil fe passe encore un temps de lâavertissement Ă la certitude quâil voudra toujours avoir avant que de sâĂ©branler; de maniĂ©rĂ© quâil recevra la nouvelle de lâattaque § 3 2 MĂ©moires; de son dĂ©pĂŽt, avant quâil ait otdonrte son mouvement. Ir, y a une infinitĂ© de pareilles ruseS Ă la guerre , quâon peut employer sans trop se commettre, dont les suites font dâune auĂfi grande consĂ©quence que âącelles dâune victoire çomplette, Sc qu! obligent quelquefois lâennĂ«mi Ă venir vous attaquer Ă son dĂ©savantage > ou Ă se retirer honteusement, quoique supĂ©rieur en nombre z Sc vous nâavez 3 dis-je ,que peu ou point risquĂ©. CHAPITRE DOUZIEâME. Des qualitĂ©s que doit avoir un GĂ©nĂ©ral dâarmĂ©e. J E me forme une idĂ©e du GĂ©nĂ©ral ' dâarmĂ©e qui nâest point chimĂ©rique ; jâai vu de s hommes tels que je vais les peindre. La premiere de toutes les qualitĂ©s est la valeur, fans laquelle je fais peu de cas des autres, parce quâelles MEMOIRES. 333 deviennent inutiles. La seconde est lâ^sprit -, un GĂ©nĂ©ral doit ĂȘtre coura* geux &c fertile en expĂ©diens. La troL siĂ©me est la santĂ©. Ir faut avoir le talent des promptes & heureuses ressources, lâart de pĂ©nĂ©trer les hommes, & de leur ĂȘtre impĂ©nĂ©trable , la capacitĂ© de se prĂȘter Ă tout , lâactivitĂ© jointe Ă lâintelligence, FhabiletĂ© de faire en tout un choix convenable, & la justesse du discerne., ment. Un GĂ©nĂ©ral doit ĂȘtre doux, & nâa-^ voir aucune espece dâhumeur ; ne sça» voir ce que câest que la haine ; punir sans misĂ©ricorde , & sur-tout ceux qui lui sont les plus chers ; mais jamais ne se fĂącher ; ĂȘtre toujours affligĂ© de se voir dans la nĂ©cessitĂ© de suivre , Ă la rigueur, les rĂ©glĂ©s de la discipline militaire , & avoir toujours devant les yeux Fexemple de Mml'tus s sâĂŽter dc FidĂ©e que câest lui qui punit, & se per* suader Ă Jui-mĂȘine , & aux autres , quâi 534 Me moi re, s. ne fait quâadministrer les loix militaires. Avec ces qualitĂ©s, il se fera aimer,' craindre , 6c sans doute obĂ©ir. Les parties dâun GĂ©nĂ©ral font infinies sart de sçavoir faire subsister une armĂ©e , de la mĂ©nager ; celui de se placer de façon quâil ne puisse ĂȘtre obligĂ© de combattre que lorsquâil le veut ; de choisir ses postes ; de ranger ses troupes en une infinitĂ© de maniĂ©rĂ©s ; enfin, de profiter du moment favorable qui fe trouve dans les batailles , ĂŽc qui dĂ©cide de leur succĂšs toutes ces choses font immenses, & auffi variĂ©esr que les lieux & les hasards qui les produisent. Pour les voir, il faut quâun GĂ©nĂ©ral dâarmĂ©e ne soit-occupĂ© de rien un jour dâaffaire. Lâexamen des lieux, 6c celui de son arrangement pour ses troupes , doivent ĂȘtre prompts comme le vol dâune aigle- Sa disposition doit ĂȘtre courte & simple ; il doit se contenter dç dire L& prmiere ligne attaqmra , U MĂ©moires. 335- seconde soutiendra ; ou , tel corps attaquera , & tel soutiendra. Il faudroit que les GĂ©nĂ©raux qui font fous lui fuĂfent bien bornĂ©s, sâils ne fçavoient pas exĂ©cuter cet ordre ĂŽc faire la manĆuvre qui convient, chacun Ă fa division. Ainsi le GĂ©nĂ©ral ne doit pas sâen occuper , ni sâen embarrasser car , sâil veut faire le sergent de bataille & ĂȘtre par-tout, il sera prĂ©cisĂ©ment comme la mouche de la fable , qui croyoit faire marcher un coche. Il faut donc quâun jour dâaffaire un GĂ©nĂ©ral dâarmĂ©e ne fasse rien il en verra mieux, fe conservera le jugement plus libre , & sera plus en Ă©tat de profiter des situations oĂč fe trouve lâenne- mi pendant la durĂ©e du combat ; 6c, quand il verra fa belle, il devra baisser la main , pour fe porter Ă toutes jambes dans lâendroit dĂ©fectueux, prendre les premieres troupes quâil trouvera Ă portĂ©e , les faire avancer rapidement, & payer de fa personne çâest C ç quj Zz6 Memoikes; gagne les batailles, & les dĂ©cide. Je ne dis point oĂč, ni comment cela doit se faire ; parce que la variĂ©tĂ© des lieux & celle des dispositions que le combat produit, doivent le dĂ©montrer le tout est de le voir, & de fçavoir en profiter; M. le Prince EugĂšne possĂ©doit, dans la grande perfection, cette partie, qui est la plus sublime du mĂ©tier, & qui prouve le plus un grand gĂ©nie je me fiais fait une application dâĂ©tudier ce grand homme ; &c , fur ce point, jâoĂe croire que je lâai pĂ©nĂ©trĂ©. Bien des GĂ©nĂ©raux en chef ne font occupĂ©s, un jour dâaffaire, que de faire marcher les troupes bien droites, de voir si elles conservent bien leurs distances , de rĂ©pondre aux questions que les aides de camp leur viennent faire » dâen envoyer par-tout, & de courir eux-mĂȘmes fans cesse enfin , ils veulent tout faire ; moyennant quoi, ils ne ÂŁont rien. Je les regarde comme des gens Ă qui la tĂȘte tourne , ĂȘc qui ne yoienç MEMOIRES. 537 Voient plus rien , qui ne Ăçavent faire que ce quâils ont fait toute leur vie , je veux dire mener des troupes mĂ©thodiquement. DâoĂč vient cela ? Câest que trĂšs-peu de gens sâoccupent des grandes parties de la guerre ; que les officiers passent leur vie Ă faire exercer des troupes, Sc croient que lâart militaire consiste dans cette partie feule lorsquâils parviennent au commandement des armĂ©es , ils y font tout neufs; Sc faute de fçavoir faire ce quâilfaut, ils ne font que ce quâils fçavent. Lâune de ces parties est mĂ©thodique J je veux dire la discipline, Sc la maniĂ©rĂ© de combattre ; Sc ĂŹâautre est sublime. Aussi ne faut-il point choisir, pour celle-ci, des hommes ordinaires pour lâadministrer. ' . Si un homme nâest pas nĂ© avec les talens de la guerre, Sc que ces talens ne soient pas perfectionnĂ©s, il ne fera jamais quâun GĂ©nĂ©ral mĂ©diocre. Ii en est de mĂȘme de tous ies talens il faut ÂŁ MĂ©moires; ĂȘtre nĂ© avec celui de la peinture, pour ĂȘtre un excellent peintre ; avec celu 1 de la musique, pour en composer de bonne , &c. Toutes les choses qui visent au sublime sont de mĂȘme câest pourquoi lâon volt si rarement des gens qui excellent dans une science , quâil se passe des siĂ©cles fans en produire. Inapplication rectifie les idĂ©es , mais elle ne donne jamais lâame ; câest lâouvrage de Ja nature. Jâai vu de fort bons colonels devenir de trĂšs-mauvais GĂ©nĂ©raux. Jâen ai connu dâautres qui Ă©toient grands preneurs de villes, excellens pour manĆuvrer dans une armĂ©e', qui, Ă les ĂŽter de-lĂ , nâĂ©toient pas capables de mener mille chevaux Ă la guerre, Ă qui la tĂȘte tournoit totalement, & qui ne sçavoient prendre aucun parti. Si un pareil homme vient Ă commander une armĂ©e , il cherchera Ă se sauver par les dispositions ; parce quâil nâaura point dâau- Ăres ressources, Pour les faire mieujĂź MĂ©moires. Comprendre, il embrouillera la tĂȘte Ă toute son armĂ©e Ă force d Ă©critures. La moindre circonstance changeant tout Ă la guerre , il voudra changer fa disposition , mettra tout dans une confusion horrible, & infailliblement il fe fera battre. On doit, une fois pour toutes , Ă©tablir une maniĂ©rĂ© de combattre, que les troupes doivent fçavoir, ainsi que les GĂ©nĂ©raux qui les menent. Ce font des rĂ©glĂ©s gĂ©nĂ©rales ; comme , quâil faut garder ses distances dans la marche ; que , lorsque lâon charge, il saut lĂ© faire vigoureusement ; que , sâil fe fait des trouĂ©es dans la premiere ligne, câest Ă la seconde Ă les boucher. II ne faut point dâĂ©critures pour cela câest lâA, B, C des troupes ; rien nâest si aisĂ© ; & le GĂ©nĂ©ral ne doit pas y donner toute son attention, comme la plupart le sont. Mais ce dont il doit bien sâoccuper, câest dâĂłbferver la contenance de lâen- tiemi } le? mouvemens quâil fait, oĂč i] Pif 54° . MĂ©moires. porte des troupes; de chercher Ă lui don* jjer du soupçon dans un endroit, pour lui faire faire quelque fausse dĂ©marche; le dĂ©concerter ; de profiter des momens, & de sçavoir porter le coup de la mort oh il faut. Mais, pour tout cela, on doit se conserver le jugement libre, &nâĂȘtre point occupĂ© des petites choses. Je ne fuis cependant point pour Jes batailles, fur-tout au commencement dâune guerre ; & je fuis persuadĂ© quâun habile GĂ©nĂ©ral pourroit la faire toute sa vie s sans sây voir obligĂ© rien ne rĂ©duit tant lâennemi que cette mĂ©thode, & nâavance plus les affaires. II faut donner de frĂ©quens combats, & fondre , pour ainsi dire , lâennemi petit Ă petit ; aprĂšs quoi, il est obligĂ© de se cacher, ' Je ne prĂ©tends point dire, pour cela,â quâon nâattaque pas lâennemi, quand pn trouve lâ de JâĂ©crafer, ĂŽc quâon ne profite pas des fausses dĂ©mar* ches quâil peyt faire mais je veux dirç Memoikes. 341 que lâon peut faire la guerre, sans rien donner au hazard; & câest le plus haut point de perfection & dâhabiletĂ© dâun GĂ©nĂ©ral. Mais, quand on fait tant que de donner bataille , il faut fçavoir tirer profit de la victoire; & fur-tout ne point se contenter dâavoir gagnĂ© un champ de bataille , comme on fait ordinairement. On suit rĂ©guliĂšrement les paroles dâun proverbe qui dit , quâil faut faire un pont dâor Ă ĂŹâennemi. Cela est faux ; au contraire faut le pousser , & le poursuivre Ă toute outrance toute cette retraite , qui paroĂźt fi belle , se convertira bientĂŽt en dĂ©route. Dix mille hommes dĂ©tachĂ©s dĂ©truiront une armĂ©e de cent mille qui fuit rien nâinse pire tant la terreur, & ne cause tant de dommage Ă lâennemi, duquel on se dĂ©fait souvent pour une bonne fois. Mais bien des GĂ©nĂ©raux ne se soucient pas de finir la guerre sitĂŽt. Si je voulois citer des exemples 3 Piij Z4-2 MĂ©moires; pour appuier ce que je viens de dire; j en trouverois une infinitĂ© ; mais je me contenterai de rapporter celui-ci. A la bataille de RamillĂŹes , comme lâarmĂ©e Françoise se retiroit, en trĂšs- bon ordre, fur un plateau assez Ă©troit bordĂ© des deux cĂŽtĂ©s de profonds ravins-, la cavalerie des alliĂ©s la suivoit Ă petit pas, comme Ă un exercice ; sc lâarmĂ©e Françoise marchoit auĂfi fort doucement sur vingt lignes, & plus peut-ĂȘtre, parce que le terrein Ă©toiç Ă©troit. Un escadron Anglois sâapprocha de deux bataillons François, & se mit Ă tirailler ces deux bataillons, croyant quâils alloient ĂȘtre attaquĂ©s, firent volte face , & firent une dĂ©charge fur cet escadron. Quâarriva-t-il? Toutes les troupes Françoises lĂąchĂšrent pied au bruit de ce feu ; la cavalerie sâenfuit Ă toutes jambes, & toute lâinfanterie se prĂ©cipita dans les deux ravins avec une confusion horrible ; de façon que, dans un moment, le terrein fut libre j sc l'on ne vit plus personne, MĂ©moires» 543 Que lâon vienne me vantes , aprĂšs cela , le bon ordre des retraites, ĂŽe la prudence de ceux qui font un pont dâoe Ă lâennemi, aprĂšs quâils lâont dĂ©fait en bataille je dirai quâils servent mal leutf maĂźtre. Je ne dis pas quâil faille sâaban- donner, avec toutes ses troupes , pour suivre lâennemi. Mais il faut dĂ©tacher des corps, & leur ordonner de pousser, tant que le jour durera, en bon ordre. Car, lorsque lâennerai fuit une fois, on le chasseroit avec des vessies. Si le corps que vous envoyez se met Ă escaĂŽronner &c Ă marcher avec prĂ©caution, câest-Ă -dire, quâil fasse la manĆuvre , ce nâest pas la peine de lâenvoyer* IIfaut quâil attaque, pousse & poursuive sans cesse. Toutes les manĆuvres font bonnes alors ; les sages seules ne valent rien. Ainsi je ne parlerai pas ici de retraites dans un chapitre particulier ; & je finirai en disant quâelles dĂ©pendent $n tout de la capacitĂ© des GĂ©nĂ©raux, Piv J 44 MĂ©moires. des diffĂ©rentes circonstances, & des situations. Au reste, ii nây a de belie retraite que lorsquâelle se sait devant un ennemi qui agit mollement car, sâil poursuit Ă toute outrance, elle se convertira bientĂŽt en dĂ©route. *-*-*-& ĂȘ Ă 34; 'J'Ăf" ^ âlj' IjJ* l^i i^Ă> ijc Ă^4 , 4>Ă4' 'L »4-4-444> Ii7 'M"i*'Ăź"Ăź-i' jG RĂFLEXIONS Sur la propagation de lâespece humaine * . AĂźkeâs avoir traitĂ© dâun art qui nous instruit , avec mĂ©thode, Ă la destruction du genre humain , je vais tĂącher de faire connoĂźtre les moyens aux- *} Mon intention tFĂ©toit pas dâsbord do mettra ces rĂ©flexions au jour mais je mây fuis dĂ©terminĂ© , afin de faire connoĂźtre que ce ne font pas des sottises ni des infamies , comme certaines personnes ont voulu le persuader quoiquâelles ne les enflent jamais lues, & quâelles nâcn ont amais rien Içû que par oui-dire. On,verra, au contraire, que tout ce que Fauteur dit Ă ce sujet est Ă bonne intention ; puisqu'il croyoit que ce seroit un moyen de peupler le monde , en dĂ©truisant la dĂ©bauche &le libertinage; mais, sâil sâest trompĂ©, doit-on regarder cette erreur comme un crime ? Je pense , & jc crois que tout le monde pensera de mĂȘme, .que M. le MarĂ©chal de Saxe Ă©toit plus grand GĂ©nĂ©ral que grand LĂ©giste, & que ces mariages limitĂ©s qu'il propose , 'au lieu de faire un bien , feroient au contraire un dĂ©sordre afh'eux dans la sociĂ©tĂ©. Car, combien dâenfans fans biens,fans Ă©ducation t pĂ©riioient de misere , lorsquâils seroiens- Pv 34 6 RĂ©flexions. quels on pourroit avoir recours, pour en faciliter la propagation. Il nây a sortes de choses dont on ne sâavise, lorsquâon nâa rien Ă faire on abandonnĂ©s par le caprice dâun pĂšre , ou dâune mere ! Ne vaudroit-il pas mieux que la terre ne fĂ»t habitĂ©e que par peu dâhommes qui fussent Ă leur aise , que dâĂštre peuplĂ©e dâune multitude de misĂ©rables & de vagabonds, qui nous retraceroient les ravages de ces nations barbares qui innonderent & dĂ©solĂšrent toute lâEurope Ăź Cette libertĂ© de fe marier & de fe quitter feroit, dâailleurs, de bien petite consĂ©quence pour la propagation. Quây gagneroit-on ! Rien ; linon que lâon feroit, par arrĂȘts autentiques, ce que lâon fait dĂ©ja tacitement. Si le nombre des hommes diminue , nâen attribuons point la cause aux liens du mariage malheureusement aujourdâhui lâon nâest rien moins quâefclave de la foi conjugale; & , lorsque les Ă©poux ne sâaccotnmodent plus, chacun cherche de son cĂŽtĂ© ; moyennant quoi, peu de chose se perd. Il y a eu autrefois des maladies Ă©pidĂ©miques, comme la peste, lalepre & la ladrerie, qui ont fait des ravages affreux ; & ce mal, que nous appelions vĂ©nĂ©rien , nâa fait que remplacer dâautres maladies qui nous font inconnues Ă prĂ©sent. Toutes ces miferes humaines nâont pas tant fait de ravages dans le monde, que ce mal contagieux qui rĂ©gnĂ© aujourdâhui, je veux dire , le luxe & la mollejje , qui font cette maladie contraire Ă la propagation. Autrefois âą" elle nâĂ©toit connue que dans les palais des Grands, maintenant elle gagne jusques dans les hameaux. Câest elle qui multiplie nos besoins, & qui fait que les enfans deviennent Ă charge aux peres & aux me- res ; parce qtiâil leur coure beaucoup de les Ă©lever , & de les entretenir. Nous ne sommes plus dans ces temps heureux, oĂč la /implicite & la frugalitĂ© nâĂ©- toient pas une honte aujourdâhui le fils dâun manant est Ă©levĂ© avec plus de faste & de dĂ©licatesse que RĂ©flexions; 347 rĂ©flĂ©chit sur les plus Ă©lev Ă©es, ainsi que fur les moindres. La diminution extraordinaire dans le monde, depuis Jules CĂ©sar, a souvent attirĂ© mon attention. II est certain que les peuples innombrables qui habitoient lâAsie, la Grece, la Scythie , la Germanie, les le fils de son prince. Que lâon examine la prodigieuse quantitĂ© de personnes mariĂ©es & non mariĂ©es qui vivent dans le cĂ©libat. & qui renoncent aux loix du mariage, fous prĂ©texte de la rĂ©pugnance quâelles ont de Iaider des enfans pauvres ; & lâon verra que câest une des causes qui contribuent le plus Ă la dĂ©population. Mais, aĂŻ, reste, si lâon fait rĂ©flexion combien Mute la nature est sujette Ă des rĂ©volutions , lâon fera portĂ© Ă .roire que , dans le cours des temps , il se rencontre des siéçles qui font les uns plus, les autres moins propres Ă la propagation. Les productions de la terre ne sont-elles pas variĂ©es ? Et ne remarquons-nous pas des annĂ©es abondantes & stĂ©riles ; Sâilya des influences qui causent la stĂ©rilitĂ© de la terre, nâest-il pas vraisemblable quâil y en a qui agissent Ă©galement furies animaux! Nâen doutons pas ; puisque nous voyons des climats bien plus favorables Ă la propagation les uns que les autres , comme la province de Kianshi, Ă la Chine, cĂčles femmes font si fĂ©condes, quâelles font toujours enceintes , & mettent trois Ă quatre enfans au monde Ă la fois. Cetre fĂ©conditĂ© peuple le pays dâune si grande multitude dâhabitans, que son abondance Sc fa fertilitĂ© ne peuvent les nourrir, quoique la rĂ©colte sây fasse deux Ă trois fois TannĂ©e enserre que la plupart font obligĂ©s dâaller chercher fortune ailleurs , Si de vivre errans dans les diffĂ©rons Etat dâAfie, '348 RĂ©flexions. Gaules , lâItalie & lâAfrique , ont disparu Ă mesure que la religion ChrĂ©tienne sâest Ă©tendue en Europe , Lc la MahomĂ©tane dans les autres parties da Monde. Cette diminution va toujours en augmentant. II y a environ soixante ans que M. de Vauban fit le dĂ©nombrement des habitans qui Ă©toient eu France ; il sâen trouva vingt millipns il sâen faut bien que ce nombre y soit Ă prĂ©sent. Je suis persuadĂ© que lâon sera y n jour obligĂ© de faire quelque changement dans la religion Ă cet Ă©gard car, fi lâon considĂ©rĂ© combien les usages qui y font Ă©tablis font contraires Ă la propagation , lâon ne fera point Ă©tonnĂ© de cette diminution. Le mariage y est opposĂ© , ainsi que lâĂ©ducation. Les plus belles annĂ©es se passent dans lâattente dâun mari; la nature cependant ne perd point ses droits, & la Jeunesse fait des choses qui dĂ©truisent les parties de la gĂ©nĂ©ration. La coquetterie, la dĂ©bau- REFLEXIONS. tĂźie Raccompagnent partout ; & la rĂ©putation de passer pour vierge ne contribue pas peu Ă la diminution de lâefpece» Il faut ajouter Ă cela, que telle femme qui ne fait point dâenfant avec le mari quâelĂźe a, en Ăeroit avec un autre ; parce que souvent les dĂ©goĂ»ts sâen mĂȘlent , le mari & la femme ne font que languir ensemble ; & tout le systĂšme en gĂ©nĂ©ral est contraire aux loix de la nature. Selon la sainte Ă©criture, le premier commandement que Dieu fit Ă lâhomme est Croisez, & multipliez, de tous, câest celui auqueĂŹ on fait le moins dâattention. Si l'on refuse Ă la nature ce qu 7 elle demande , la facultĂ© d'engendrer se perd ; & de cent femmes qui fe livrent au manĂšge des filles, Ă peine y en a- t-il dix capables de gĂ©nĂ©ration. Combien donc de femmes inutiles dans ua Etat, & peu propres Ă remplir les devoirs pour lesquels Fauteur de la na- 5/0 RĂ©flexions. ture les a créées ! Quâon examine par s tout, dans les villes & Ă h campagne, si lâon ne trouvera pas dix filles, contre une femme, en Ă©tat dâavoir des en- fans. U n LĂ©gislateur qui formeroit un systĂšme sur la propagation , en faisant des loix sages, dĂ©truiroit la dĂ©bauche ; parce quâelle nâest point dans la nature , & quâelle ne tire son origine que des loix qui sont opposĂ©es Ă la propagation. Ce LĂ©gislateur formeroit les fondemens dâune monarchie redoutable Ă toute la terre. Pour cela, il fau- droit Ă©tablir , par lâĂ©ducation, que la stĂ©rilitĂ© vient de la dĂ©bauche, & y attacher de la honte dĂšs lâĂąge de quinze ans ; que plus une femme auroit dâen- fans, plus fa situation seroit heureuse ; ce qui pourroit se Ăairp, en ordonnant que le dixiĂšme jour, soit du revenu des enfans, ou de lâouvrage de leurs mains, seroit consacrĂ© Ă la mere ; alors cette mere emploieroit toute son indus- RĂ©flexions. 3 $$ trie Ă les Ă©lever, pour se faire, par leur nombre, un avenir heureux. II Ăaudroit aussi faire une ordonnance, par laquelle chaque mere qui auroit une sois prĂ©sentĂ© au magistrat dix en- fans vivans , auroit ioo Ă©cus de pension ; celle qui en auroit prĂ©sentĂ© quinze , yoo ; & celle qui en prĂ©senteroic vingt, 1000. Cette perspective , pour des gens du commun, feroit quâils em- ploieroient toute leur industrie Ă les bien Ă©lever, & sâen feroient, dĂšs leur jeunesse, un point capital ; les meres ne prĂȘcberoient autre chose Ă leurs filles. On pourroit mâobjecter que les peres craindroient de se charger de trop dâenfans. Mais je rĂ©ponds Ă cela quâils coĂ»tent peu tant quâils font petits ; & lâon a toujours remarquĂ© que plus un artisan ou un paysan a dâenfans , mieux vont ses affaires ; parce que , dĂšs sage de dix-sept ans, il les emploie Ă quelque chose, 35*2 RĂ©flexions. Mais, pour parvenir plus efficacement Ă bien peupler, il faudroit Ă©tablir, parlesloix, quâaucun mariage, Ă lâavenir, ne se feroit que pour cinq annĂ©es ; & quâil ne pourroit se renouveler sans dispense, sâil nâĂ©toit nĂ© aucun enfant pendant ce temps mais aussi, que les mĂȘmes Ă©poux qui au- roient renouvelle leur mariage jusquâĂ trois fois, & qui auroient eu des en- fans, seroient insĂ©parables, & devroient vivre ensemble le reste de leur vie. Tous les ThĂ©ologiens du Monde ne Ăçauroient prouver l'impiĂ©tĂ© de ce systĂšme , parce que le mariage nâest Ă©tabli que pour la population. Si la religion ChrĂ©tienne est contraire Ă la propagation , en rendant les mariages'indissolubles, & en ne permettant quâune feule femme, la MahomĂ©tane ne lâest pas moins, qui en accorde la pluralitĂ© car, dans ce grand nombre de femmes enfermĂ©es , une feule ordinairement sâempare du cĆur ZyZ de son maĂźtre ; & les autres, qui deviennent ses servantes , restent inutiles. ,Tous les hommes exercent un pouvoir tyrannique fur ce sexe charmant ; parce que ce sont eux qui ont fait les loix, & que ces loix leur sont commodes. Les Turcs les enferment, & nous les tyrannisons par les prĂ©jugĂ©s. VoilĂ dâoĂč vient la faussetĂ© dans les femmes; parce quâelles font continuellement contraintes de dĂ©guiser ce quâelles pensent , tout notre systĂšme Ă leur Ă©gard hâĂ©tant point dans la nature. Si les femmes Ă©toient en droit de se choisir des maris selon leur inclination, & pour un temps limitĂ© , on ne leur verroit point faire de choses contraires Ă la nature, ni de celles oĂč elles courent risque de la vie ; le temps des amours viendroit, & ce temps seroit tout employĂ© Ă lâamour ; lâon ne verroit point de dĂ©bauche, parce que les hommes , ni les femmes nây auroient point recours pour satisfaire aux loix de ĂŹa z 54 RĂ©flexions; nature, qui est sage ; & cette facilitĂ© de se marier & de se quitter seroit que tout le monde se marieroit. On arrĂȘte- roit par-lĂ les progrĂšs continuels du mal contagieux qui insecte toute la terre, & qui altĂ©rĂ© de jour en jour lâes- pece des hommes. Pour ĂȘtre certain de cette vĂ©ritĂ©, il nây a quâĂ considĂ©rer la diffĂ©rence entre les peuples oĂč ce mal a commencĂ© Ă faire ses premiers progrĂšs, & ceux oĂč il est moins connu. Voyons, par un calcul raisonnĂ©, la diffĂ©rence du plus ou du moins que cela apporteroit Ă la propagation. Lossque les femmes ne produisent quâune fille chacune , que nous nommerons femme , une femme nâaura produit , Ă la dixiĂšme gĂ©nĂ©ration, quâune femme Ă lâEtat. Nous voulons prendre six gĂ©nĂ©rations chacune de 30 ansj ce qui fera 180 ans. REFLEXIONS. SSl Si une femme en produit deux ta premĂŹere .. a Lis r fĂ©condes .... 4 Les 4 troisiĂšmes .... S Les 8 quatriĂšmes . âą . iS Les 16 cinquiĂšmes . . zr Les 31 sixiĂšmes .... 64 femmes en 180 ans. Ainsi la diffĂ©rence fera de 1 d 6^, Ji elles en font deux au lieu iâune. Si elles en produisent en trente ans ; trois > qui est un nombre tout commun & tout ordinaire pour celles qui Ăe mettent Ă en faire; 6c que, parmi celles- lĂ , il sâen trouve qui passent ce nombre de beaucoup je suppose que toutes les femmes agissent de bonne foi, par principe de religion , par leur intĂ©rĂȘt » ou selon les loix de la nature La premiere . ⹠»... 8 La troisiĂšme âą âą...âą 9 La neuviĂšme ...... 27 La vingt - septiĂšme âąâą. 81 La quatre-vingt-uniĂšme. 163 La centsoixante-troĂŹjiĂȘm ^.^.%9 femmestn X80 an*i En y ajoutant autant d'hom- mes > cela feroit ... 978 Par consĂ©quent . 91*6 57800 978000 Dix femmes Cent . . Mille . > Cent mille ......... 9/800000 Va millioa 97800900e RĂ©flexions. Ainsi, un million de femmes, qui est Ă peu prĂšs la dixiĂšme partie de celles quâil y a en France, auront produit en cent quatre-vingts ans, neuf cent soixante - dix - huit millions dâames , lors- quâelles auront fait chacune six enfans. Ce nombre est Ă©norme ; lors mĂȘme quâon en retrancheroit les trois quarts 3 U seroit prodigieux. FIN, Ă AĂȘ-O-MGO-KKGAGGGO TABLE P ES CHAPITRE S. LIVRE PREMIER. Des parties de dĂ©tails. C Hapjtre Premier. De la maniĂ©rĂ© Ă e lever des troupes, de celle de les habiller, de les entretenir , de les payer , de les exercer , & de les fermer pour le combat , pag. iy Article Premier. De la maniĂ©rĂ© de lever les troupes , ibid. Art. II. De l'habillement , z i Art. III. DeientretĂŹen des troupes, 29 Art. IV. De la paye, 59 Art. V. De r exercice , Art. VI. De la maniĂ©rĂ© de former les troupes pour le combat, 44, CHAP. II. De la lĂ©gion, 6 3 Chap. III. De la cavalerie. De fe$ armures & de ses armes, Du pied de la cavalerie. Comment elle doit fe for-. TABLE mer , combattre.& marcher. D^ mou* vemens. Des fourages au verd & ait sec. Des pĂątures. Des tentes, & de la maniĂ©rĂ© de camper. Des partis ou dĂ©- tachemens , 9 8 Article Premier. je la cavalerie en gĂ©nĂ©ral, ibid. ART. II. Des armures de la cavalerie, 104 Art. III. Des armes du cavalier , & de rharnachement du cheval , m Art. IV. Dapied de la cavalerie. Comment elle doit se former , combattre & marcher, 120 Art. V. Des fourages au verd , & des pĂątures y 130 Art. VI. Des fourages aufec, 134 Art. VII. Des tentes ,& de la maniĂ©rĂ© de camper de la cavalerie , 135 Art. VIII. Des parties ou dĂ©tachemens de la cavalerie lĂ©gere , 138 Chap. IV. Dissertation fur la grande manĆuvre , 143 Chap. V. Des armes Ăą feu , & de la mĂ©thode de tirer, 160 Chap. VI. Des drapeaux ou enseignes , 16s CHAP. VII. Delâartillerie & du charoir, 169 Chap, VIII, De la discipline militaire, 17 5 . DES CHAPITRES. LIVRE SECOND, Des parties sublimes. C Hapitre Premier. De la fortification , attaque & dĂ©fense des places, pag. 184 Chap. II. RĂ©flexions fur la guerre en gĂ©nĂ©rai, zoo Description de la Pologne, & projet de guerre pour une pnijfance qui fc trouverait dans le cas de la faire Ă cette RĂ©publique , 210 Calcul du temps qtiĂŹl faudra Ă quarante mille huit cens hoĂiimes, pour construire unfort,suivant mon fyftĂšme , 2 j r Chap. III. De la guerre dans les mon* tagnes , 259 Chap. IV. Des pays coupĂ©s } remplis de haies & de f0fiĂ©s, z61 CHAP. V. Des passages de riviĂšres , 264 ChAP. VI. Des diffĂ©rentes situations, pour camper les armĂ©es & pour corn* battre , 27 ; Chap. VII. Des retranchement & des lignes, 288 Chap. VIII. jje /âattaque des retran - çhçmens, 3 1 j TABLE DES CHAPITRES. Chap. IX. Des redoutes, & de leur excellence dans les ordres de batailles t 3i7 Chap. X. Des espions & des guides , 327 Chap. XI. Des indices, 3 Chap. XIL Des qualitĂ©s que doit avoir un GĂ©nĂ©ral d'armĂ©e , 332, RĂ©flexions fur la propagation de Ăefpect humaine, 3 4 J FiĂi de la Table des Chapitres. AMUSE MENS SERIEUX? A MESSIEURS LES MILITAIRES» Pourservir de suite aux MĂ©moire4 prĂ©cĂ©dent. I L E S Ecrits suĂŹvans fartent de la plume dlOfficiers d'une expĂ©rience consommĂ©e ; ils tendent Ă la perfection dit grand Art de la guerre, & on ne peut que fçavoir grĂ© Ă lâEditeur de les avoir placĂ©s ici en forme de supplĂ©ment Ă un ouvrage compose pour la mĂȘme fin } çr universellement eslimĂ©. i RĂFLEXIONS SUR LA LECTURE, AdressĂ©es Ă Monsieur De ***** La LeBure eft particuliĂšrement nĂ©cejfairt aux Militaires, Les Militaires doivent ĂȘtre plus injlruits &* ' plus vertueux que les hommes des autres Etats. E S exhortations Ă la vertu font nĂ©cese JL âi faires ; mais le fruit nâen est pas certain r Elles y disposent le cĆur, & la lecture qui nous prĂ©sente Ă chaque pas des exemples de vertu , & qui nous en fait voir les rĂ©compenses , & la gloire immortelle qui la fuit, le persuade & lâentraĂne. Les couleurs avec lesquelles on peint les vices, peuvent bien frapper ^imagination & disposer le cĆur Ă ses fuir ; mais la lecture qui nous met devant les yeux les exemples des monstrueuses actions des hommes vicieux, & lâexccration. Ă©ternelle quelles leur ont at- a jj Ăźv REFLEXIONS tirĂ©e , porte dans le cĆur lâhorreur du vice J Sf le dĂ©termine Ă lâĂ©viter. Lâignorance & les fausses dĂ©marches caractĂ©risent la jeunesse de Fhomme. Les chan- gemens heureux quâon voit en lui Ă mesure quâil viellit, font les fruits de lâexpĂ©rience ; on consulte un vieillard on lui confie les affaires importantes ; cependant ce vieillard nâavoit » Ă©tant jeune, aucune considĂ©ration. Pourquoi ĂŻâĂ ge lui en donne-t-elle ? Câest fans doute parce quâayant vĂ©cu longtems, il a vĂ» beaucoup dâexemples de vertus & de vices. LâexpĂ©rience donne effectivement quelques leçons de conduite ; mais ces leçons font bornĂ©es & toujours dâune rĂ©glĂ© peu sure câest le hazard qui les donne. Qui se borne Ă ces leçons , court risque de ne savoir que peu de chose , ou de sçavoir pe quâil doit faire, quand lâĂąge lui ĂŽte le pouvoir dâagir. La lecture supplie Ă lâĂĄge ; elle fait acquĂ©rir en peu de tems ce que bien des annĂ©es ne peuvent jamais procurer, & donne aux jeune? gens des connoiĂlances prĂ©fĂ©rables Ă lâexpĂ©rience des vieillards. Câest par la lecture que nous pouvons faire revivre les hommes illustres de tous les siĂ©cles » converser avec eux, Ă©couter leurs leçons, examiner leurs dĂ©marches. Ce font des mqt SURLALECTURE. f ZĂ©lĂ©s qui nous montrent ce que nous devons ĂȘtre j & des guides qui nous tracent le chemin de la vertus La lecture Ă©tant donc utile aux liommĂ«s , examinons Ă quel Ă©tat elle est le plus nĂ©cessaire. Le Laboureur, & tous les hommes occupĂ©s dans les campagnes Ă la culture des terres » ont peu besoin de lecture. Ils naiĂĂŻĂšnt dans le sein dâune sociĂ©tĂ© dâhommes assez Ă©clairĂ©s par la simple religion, pour suivre les Joix innocentes de la Nature & de ĂâhonnĂ©te homme; & le travail pĂ©nible quâils commencent en naillĂ nt, pour ne le quitter quâen mourant, ne laide aucune prise Ă lâoisivetĂ© & Ă rambinon pour corrompre leurs mĆurs quelques lectures, cependant, peuvent les rendre plus habiles dans Tagnculture & supplĂ©er Ă lâex- pĂ©rience. La lecture nâest pas efßÚntielle aux Artistes; lâhabitude peut conduire leurs bras ils peuvent, en rĂ©pĂ©tant toujours le mĂȘme travail, parvenir Ă le faire, ou mieux, ou plus promptement ; & la perfection quâils remarquent clans les ouvrages des autres, peut leur faire naĂźtre le dĂ©sir dây atteindre, & leur servir de leçon. La lecture cependant de quelques TraitĂ©s relatifs Ă leurs Arts , & celle de la aiij v; REFLEXIONS vie & cĂźes ouvrages des Artistes cĂ©lĂ©brĂ©s ne peut que leur ĂȘtre trĂšs-avantageufe, soit pour les perfectionner, soit pour exciter en eux le dĂ©sir de se distinguer. Le NĂ©gociant doit Rappliquer Ă un genre de lecture aster Ă©tendue ; il risque une dĂ©cadence subite , sâil nâest quâambitieux de sâen- richir & sâil ne sçait que compter ; il doit connoĂźtre les pays qui lâenvironnent, les hommes qui les habitent , & sâen attirer la confiance ; il doit Ă©tudier les Ă©venemens, apprendre Ă les prĂ©voir & .Ă trouver des ressources Ă ceux quâil nâa pas prĂ©vus ; il doit avoir une connoistance sĂ»re de toutes les productions de la Nature & de lâArt, & des usages que les hommes en font, suivant les saisons & les climats quâils habitent. La lecture donne au Commerçant toutes ces connoisiances que lâexpĂ©rience & les voyages ne donnent quâim- parfaitement , trop lentement & toujours avec des risques infinis. LâĂ©tat le plus opulent & le plus fastueux semble nâavoir pas besoin de beaucoup de lecture. Le Financier ignorant, grossier & peu instruit, accumule des richesses & parvient au rang des Nobles. Sâil lisoit cependant, il pourroit devenir plus humain , & acquĂ©rir ce qui lui manque , potjr mĂ©riter la con- SUR LA LECTURE. vĂŻj fidĂ©ration & Pestime des honnĂȘtes gens. Le Magistrat est coupable, sâil ne lit pas. LâĂ©tude des Loix doit faire fa principale occupation , & il ne doit pas nĂ©gliger plusieurs lectures. Câest le moyen de fe former le jugement, &de sentir la noblesse, la dignitĂ©, les risques & les devoirs de son emploi. Lâhomme dâEglife fe fortifie dans ĂĂą religion par la lecture ; elle le met en Ă©tat de la maintenir & de lâĂ©tendre. Ce ne peut ĂȘtre P expĂ©rience , ce font la lecture & les mĂ©ditations qui font que lâhom- me dâEtat est digne de soutenir le thrĂłne , de procurer le bonheur des peuples, & de rendre les Rois capables de regner avec grandeur & justice. On conviendra ĂĂĄns peine quâil y a des lectures utiles, & quâil y en a mĂȘme dâindil- penfables pour les Ă©tats dont je viens de parler ; mais il nâen est pas de mĂȘme pour PĂ©tĂąt Militaire. Le plus grand nombre pense, que les personnes qui embraĂßÚnt le parti des armes nâont pas besoin de lecture ; plusieurs Militaires montrent aster par leur inapplication quâils en font persuadĂ©s. Cependant jâo/e dire que la lecture est particuliĂšrement nĂ©- cestaire au Militaire ; que de tous les Ă©tats, câest celui oĂč l'on en doit faire le plus grand viij REFLEXIONS & le plus universel usage. DĂ©veloppons cette vĂ©ritĂ© que vous connoissez si bien , & que tant le personnes semblent mĂ©connoĂźtre. LâArt de la guerre est le plus grand ; il est devenu le plus nĂ©cessaire. Câest ce grand Art qui fonde les ThrĂłnes & les soutient, qui forme & dĂ©truit les Empires, & qui peut changer la face de la terre. Cet Art pratiquĂ© par des hommes vertueux conserve les biens, protĂšge les Arts, les Sciences & le Commerce ; il veille Ă la conservation de la libertĂ© & de la vie, & fait regner lâabondance & la tranquillitĂ© dans les lieux oĂč fans ce mĂȘme Ait regneroient le trouble , la misere & toutes les horreurs des crimes & de lâinhumanitĂ© mais cet Art si grand , si noble & si nĂ©cessaire, est le plus difficile. Lâhomme vraiment militaire doit ĂȘtre GĂ©ographe & connoĂtre les parties de cette science les plus Ă©tendues & les plus dĂ©taillĂ©es; il doit ĂȘtre bon MathĂ©maticien. La science des langues , lâĂ©loquence , lâĂ©tude de lâhomme, la politique la plus profonde & tous les exercices du corps lui font nĂ©cessaires ; il doit possĂ©der sart de ranger les hommes dans une situation assez solide pour attaquer ou pour se dĂ©fendre, & de conformer cet arrangement aux obstacles que prĂ©sente le hazard f qui va- SUR LA LECTURE. Ăx rient jusquâĂ lâinfini ; il faut quâil sçache lâart de vaincre Ă chaque pas les obstacles imprĂ©vus que la Nature lui oppose, & de rendre inutiles tous ceux que lâArt, secondĂ© de la Nature & de la force, peut imaginer pour Far- rĂȘter & pour le dĂ©truire. Quâon lise quelques Histoires militaires, & lâon verra que suivant les occasions, les hommes de guerre ont pratiquĂ© avec succĂšs lâune ou Fa titre de ces con- noiflĂąnces, & que câest Ă ces connoiĂĂŻĂ nces employĂ©es Ă propos, quâest dĂ» le gain dâune bataille, le succĂšs dâune campagne , la rĂ©ussite dâune guerre, & quelquefois le salut du ThrĂłne '& de plusieurs milliers dâhommes. Ces connoissances immenses qui font nĂ©cessaires Ă f homme de guerre, & le talent prĂ©cieux de sçavoir sâen servir Ă propos , ne lui suffisent pas ; il faut quâil rĂ©unisse les vertus de tous les Ă©tats, & il en est plusieurs dâune pratique bien noble , mais bien difficile, qui caractĂ©risent le vrai Militaire, & le HĂ©ros, Sc fans lesquelles les connoiĂĂŻĂ nces les plus Ă©tendues lui deviennent inutiles. Un Militaire doit posseder au plus haut degrĂ© , la justice , la grandeur dâame , lâhu- manitĂ©, la force, FintrĂ©piditĂ© , lâaudace & la prudence; il doit ĂȘtre heureux fans orgueil , Sc malheureux avec dignitĂ© ; il ne doit faire sv X REFLEXIONS tjue changer de vertu, quand la fortune change de face ; il doit renoncer aux douceurs de la vie , & sâaccoutumer aux travaux les plus durs ; il doit ĂȘtre enfin assez vertueux pour entraĂźner par la force de lâexemple des milliers dâhommes Ă la pratique des vertus les plus Ă©minentes, & ĂȘtre toujours prĂȘt Ă sacrifier pour le service de son Roi & de ĂĂ pairie , fa fortune , sa santĂ© & fa vie. Tous ceux qui par la lecture ont acquis quelque connoissancedes affaires du monde, & des grands hommes qui y ont paru , & qui lâont servi, conviendront fans difficultĂ© que je nâai rien outrĂ© , & que tout est vrai dans Ăźe tableau que je viens de faire des connoif- sances immenses quâun Militaire doit avoir , & des vertus quâil doit pratiquer. Examinons a prĂ©sent Ci les exemples, les prĂ©ceptes A les exhortations peuvent les lui procurer. Lm Militaire doit ĂȘtre certain , autant quâil est donnĂ© aux hommes delâĂȘtre, que faction quâil va faire est bonne ; il ne lui faut jamais dâincertitude ; ses fautes peuvent ĂȘtre terribles; elles peuvent interresser le genre hu- \ main. Quelle expĂ©rience peut avoir un Militaire , & quelle connoissance utile peut-elle lui donner ? Si longtems quâil vieillisss dans les armĂ©es, il verra chaque jour quelque chofe SUR LA LECTURE. xj 2 e nouveau ; il sçaura ce quâil a vĂ» faire jus- quâĂ aujourd'hui mais il ne sçaura pas ce quâil doit faire demain les Ă©venemens de la guerre dĂ©pendent de tant de circonstances diffĂ©rentes, & font si prodigieusement variĂ©s , quâil faut la rĂ©volution de plusieurs siĂ©cles pour ramener Ă peu prĂšs les semblables. Je ne sçais fur quoi est fondĂ© cette considĂ©ration & cette confiance de prĂ©fĂ©rence quâon a pour un vieux Militaire qui nâa que lâexpĂ©rience. 11 fçait, & il raconte ce quâil a fait; mais ce quâon va faire est nouveau pour lui, il ne peut proposer que des incertitudes. Ne devroit-on pas plutĂŽt donner cette confiance Ă un jeune Militaire, qui a la vigueur du corps, & qui Ă lâamour naissant de la gloire, joint la lecture des Histoires militaires il a vĂ» tout ce qui sâest passĂ© dans tous les siĂ©cles ; il a conversĂ© avec tous les HĂ©ros ; il connoĂźt leurs grandes actions; il a remarquĂ© leurs fautes. Ces con- noissances ne font-elles pas infiniment au- deflus de celles que donne la simple expĂ©rience de 50 ou 60 annĂ©es ? La vieillesse dans le Militaire ne me semble devoir ĂȘtre considĂ©rĂ©e que dans le simple soldat ; il ne doit quâobĂ©ir & soutenir les fatigues ; il en acquiert lâhabitude en vieillissant. Ces rĂ©flexions fur lâexpĂ©nençe des anciens L vjr xij REFLEXIONS Officiers font nouvelles ; elles font totaĂźe* nient opposĂ©es au prĂ©jugĂ© mais je pense quâiĂ est utile c!e le dĂ©truire, & pour ne rien oublier de ce qui peut y contribuer, je vais joindre quelques exemples Ă mes rĂ©flexions. Lucius Lucullus, qui triompha du Grand Mithridate & du Roi Tigrane son gendre, nâavoit que peu ou point de pratique de la guerre , quand on lui donna le commandement des troupes pour aller Ă cette expĂ©dition. 11 apprit cependant la maniĂ©rĂ© de la taire, en lisant feulement les Histoires dans ion voyage en Asie. Voyez Monarch. Eccl. de Pineda. Tamerlan , Roi des Parthes, devant combattre contre Bajazet Empereur des Otto-, mans, fe fit lire les actions de ses prĂ©dĂ©cesseurs , afin que ce souvenir le soutĂźnt dans le combat, oĂč Bajazet fut fait prisonnier. Lorsque lâEmpereur SĂ©vere tenoit conseil fur quelques expĂ©ditions militaires, il y ap- pelloit les jterfonnes qui avoient une grande eonnoiflance de lâhistoire , cherchant celles qui fqavoient ce quâen pareil cas les anciens GĂ©nĂ©raux avoient fait. Au siĂšge de Berg-op-zoom un Officier du RĂ©giment que vous commandiez, saifoit avec distinction le service dâIngĂ©nieur» Plusieurs SUR tA LECTURE. xĂŻi} anciens Officiers le consultoient, & M. le MarĂ©chal de Lowendhal lâappelloit Ă ses conseils de guerre cependant e'Ă©toit le premier liĂšge oĂč cet Officier sc trouvoit ; il nâavoit aucune expĂ©rience. LâexpĂ©rience ne pouvant donc rien apprendre Ă un Militaire, ou du moins fort peu de chose ; examinons les connoissances que. les prĂ©ceptes & les leçons peuvent lui donner. Jâai fait voir les connoissances quâun Militaire doit avoir ; elles font si immenses que la vie la plus longue ne scffit pas pour les acquĂ©rir par la voye ordinaire des prĂ©ceptes» Supposons cependant que par leur moyen il puiĂĂźe devenir MathĂ©maticien, GĂ©ographe > Orateur, apprendre les langues, & tous les exercices d u corps, il lui restera Ă acquĂ©rir les connoissances les plus essentielles, dont aucun prĂ©cepte ne peut rinĂŽruire, la con- ßÏoissance de lâhomme, la politique, & la tactique , cette science que personne 'enseigne, & j'ose dire ne peut enseigner. Si donc par cette supposition, que je regarde comme trop sorte, il acquiert tomes les connoissances que les prĂ©ceptes & les leçons peuvent enseigner, le rendront-elles grand homme de guerre Ăź Non il fera avec toutes ees *Ăźv REFLEXIONS Ăciences beaucoup de fautes, & peut-ĂȘtre pĂźuĂ que dâautres, parcs quâil aura plus de confiance toutes ces connoiĂfimces, toutes ces sciences ne font rien Ă la guerre, sâil nâac- quiert pas celle de fçavoir les pratiquer Ă propos. Cette science fait valoir toutes les autres. Eh i qui peut lui donner cette science ? Câest la lecture ; il ne peut y avoir dâautre maĂźtre. Si quelquâun doute encore de cette vĂ©ritĂ©, qui vous est si connue, & si cĂ© que je dis pour en convaincre ne suffit pas, quâon lise dans Plutarque les vies des hommes illustres, & lâon verra quâils Ă©toient instruits dans lâhise toire quâon mĂ©dite les vies de ces hommes fi fort Ă©levĂ©s au-destiis des autres hommes , tels quâAlexandre, Annibal, Scipion, CĂ©sar, Maurice de Saxe, on verra que les plus grands Capitaines doivent leurs Ă©lĂ©vations Ă la lecture. Nous venons de voir que InexpĂ©rience & les prĂ©ceptes ordinaires des sciences ne suffisent pas pour former & instruire lâhomme de guerre ; examinons si les exhortations aux vernis militaires peuvent ĂȘtre assez puissantes pour le dĂ©terminer Ă les pratiquer, & les lui faire pratiquer Ă propos. Dans chaque Ă©tat on peut fçavoir les ver- SUR LA LECTURE. xv tus quâon a Ă pratiquer, nây ayant que certaines vertus qui y font eĂlĂšntielles. II est possible de fixer un plan dâexhortation pour celles qui y font propres; mais dans lâĂ©tat militaire, il nâen est pas de mĂȘme. Toutes les vertus lui Ă©tant nĂ©cessaires, ce plan dâexhortation devient immense 8c bien difficile. LâimmensitĂ© du plan dâexhortation aux vertus militaires le rend difficile; mais la pratique de ces vertus est st dĂ©pendante des occasions & des Ă©venemens, & par consĂ©quent fi variĂ© que je le crois impossible. En effet » la douceur & la fermetĂ© , la modĂ©ration & la sĂ©vĂ©ritĂ©, la libĂ©ralitĂ© & la prĂ©voyance, la force, lâintrĂ©piditĂ© & la prudence, & presque toutes les vertus ceĂßÚnt de porter ce beau nom, & peuvent mcme devenir des vices Ă la guerre , fi on les pratique mal-Ă -propos. Qui peut donc donner des exhortations aller fortes, allez lumineuses, pour montrer ces vertus dans les tĂ©nĂšbres du hazard & de lâa- venir f II ne faut point sâattendre Ă les recevoir des hommes avec qui nous vivons ; elles ne peuvent ĂȘtre donnĂ©es que par les hommes de tous les siĂ©cles rĂ©unis, câest-Ă -dire parla lecture de lâHistoire. Non-feulement lâimmensitĂ© du plan dâexhortation aux vertus militaires le rend ira- kvj REFLEXIONS possible ; mais les vertus propres Ă lâĂ©tat mĂź-* liĂaxres font dâune pratique si difficile , qus lâexhortation. ne peut suffire pour y porter les hommes. Quelle exhortation est astĂȘz forte pour arracher du sein de l'opulence & des voluptĂ©s qui raccompagnent, un homme qui en sent toutes les douceurs , pour le faire vivre au milieu des inquiĂ©tudes, des fatigues & des. travaux ; pour le dĂ©terminer Ă quitter fa patrie , Ă souffrir les intempĂ©ries des faisons & des climats, & les douleurs de la faim & de la soif ? Quelle exhortation peut iâassermir dans cette constante vertu qui le retient dans cette vie dure & terrible, pour assurer le repos & la tranquillitĂ© des autres hommes ? Quelle exhortation enfin aster puissante peut le dĂ©terminer Ă souffrir Volontairement la mort pour assurer la vie & le bonheur des hommes dont il a entrepris la dĂ©fense ? La vue de ces hommes grands & gĂ©nĂ©reux , du bien quâils ont fait, de la gloire immortelle quâ ils se sont acquise , est la feule exhortation qui puisse nous faire aimer & pratiquer leurs vertus ; & câest la lecture qui nous montre les grands hommes & leur gloire, & les grands Ă©venemens de tous les siĂ©cles. Ce feroit un travail trĂšs-indifferent que dâa- SUR LA LECTURE. xvi 'jroĂŹf seulement prouvĂ© que la lecture est nĂ©cessaire dans tous les Ă©tats ; dâautres lâont fait avant moi ; tout le monde en est persuadĂ© z mais avoir prouvĂ© quâeiie est particuliĂšrement & indiĂpensablement nĂ©cessaire Ă lâĂ©tat militaire ; quâun Militaire doit ĂȘtre plus fçavant, plus instruit, plus vertueux que tous les autres hommes, câest , je crois, un travail intĂ©ressant , puilque personne ne lâa encore fait ; & utile , puisque preĂque tout le monde pense quâun Militaire peut ĂȘtre inappliquĂ©, ignorant , & vicieux , & bien remplir les devoirs de son Ă©tat. Ce prĂ©jugĂ© n'est que trop fort ; ne voit-Ăłn pas souvent des peres faire entrer dans le plan dâĂ©ducation de leurs ensans destinĂ©s au fer- . vice, beaucoup de vices, peu de vertus, & une parfaite ignorance ? Nây a-t-il pas un grand nombre de Militaires Ăgnorans & vicieux par Ă©ducation & par principes, & qui restent toujours tels, parce quâils se persuadent quâĂ cause de leur Ă©tat il leur convient de F ĂȘtre ? LETTRES. xvĂij LETTRES De M. le Comte de Perigord & de AĂ. de AĂopinot, sur la nĂ©cessitĂ© dâa - nimer l'amour de la gloire & dâexciter VĂ©mulation dam les troupes Françoises. On propose dam ces lettres des moyens faciles dây rĂ©ussir, & le Plan de l'histoire du RĂ©giment de Normandie, Au ChĂąteau de C halais .... ; J L y a Iongtems que je nâai entendu parler de vous, Monsieur, comment vont vos ouvrages ? Seront-ils bientĂŽt imprimĂ©s ? Avez- vous fini avec M. le Marquis de BrezĂ© ? Comment va la curiositĂ© ? J'ai eu de quoi satisfaire la mienne dans le voyage que je viens de faire Ă Bagnieres & Ă Bareges. Perigueux est surtout rempli de restes de la magnificence des Romains ; mais ces restes commencent Ă ĂȘtre trop dĂ©labrĂ©s. Viendrez-vous cet hyver Ă Paris? Si vous nây venez pas, longez que je compte aller au RĂ©giment ce prin- tems passer un mois , & que vous mâavez promis de ne point demander de congĂ© pour cs LETTRES. xĂŻx mois car il est bien agrĂ©able de sâentretenir de son mĂ©tier avec quelquâun qui a banni les prĂ©jugĂ©s de Ăâufage & de la routine , pournâĂ©- coĂ»ter que ce que la raison dĂ©montre en ap-i profondistĂąnt les choses. Vous trouverez le RĂ©giment marchant Ă la Prussienne & quelques autres usages de cette nation. Lâigno- rance a beaucoup murmurĂ©, comme vous croyez bien mais cela ne mâa fait dâautre impression que de me confirmer dans ]a persĂ©vĂ©rance , en faisant exĂ©cuter ponctuellement ce que jâavois ordonnĂ©. Je compte toujours que vous veillerez Ă la traduction ces rĂ©gle- mens Prussiens car il doit y avoir des choies bien excellentes, Ă en juger par les particularitĂ©s qui sont venues juĂquâĂ nous. Adieu , Monsieur, je ne vous rĂ©itĂ©rĂ© point ici les assurances de mes sentimens, parce quâils vous sont connus , & quâils seront toujours les mĂȘmes. Talieyrand, Comte dePerigord, LETTRES Ă A Reims , le .... * MONSIEUR, JâAime mon mĂ©tier, & lâestime particuliĂšre que vous- voulez bien accorder mon goĂ»t, est pour moi un motif de le bien faire, presquâauĂĂŻĂŹ puissant que la noble Ă©mulation de se distinguer dans une carriĂšre qui nâa que la gloire pour but. Je viens dâenvoyef Ă M. le Marquis de BrezĂ© les reglemens nouveaux concernant le service des troupes en marche , & je travaille Ă plusieurs autres conformĂ©ment au plan quâil mâa laissĂ© pendant son sĂ©jour chez moi. Comme ce travail est difficile & fatiguant, je me dĂ©lasse quelquefois avec BrantĂŽme il dit de bonnes choses fur le militaire il parle quelquefois du RĂ©giment de Normandie, & toujours avantageusement. Cette lecture mâa fait naĂźtre une idĂ©e. Voulcz-vous bien que je vous la communique ? BrantĂŽme, lâIngĂ©nieur de campagne, & plusieurs autres auteurs, rapportent par occasion les actions des RĂ©giment; ils nomment mĂȘme les Officiers qui fe font distinguĂ©s, qui LETTRES. xx f nt Ă©tĂ© tuĂ©s , qui ont rendu des ĂĂšrvices particuliers ; us pourroit-on pas tirer de ces auteurs des matĂ©riaux pour construire Fhif- toire particuliĂšre de chaque RĂ©giment ? Dans le petit nombre de Campagnes qus j'ai eu Fa vanta gĂź de faire avec le RĂ©giment de Normandie , jâai remarquĂ© plusieurs actions dignes dâĂ©tre transmises Ă la postĂ©ritĂ©. Les principales font Les ĂĂšrvices de M. le Marquis de TalĂeyâ ra n d fous le MarĂ©chal de Saxe, & fa mort glorieuse au siĂšge de Tournay ; la promotion de M. de Salancy au grade de Brigadier fur le ehamp de bataille Ă Fontenoy. La vĂŽtre au grade de Colonel, a Ă©tĂ© accompagnĂ©e de circonstances bien belles; FaffĂ ire de Meslefournit aussi des faits honorables pour le RĂ©giment & pour quelques-uns de Ăes Officiers particuliers ; le siĂšge de Bruxelles que le RĂ©giment a fait, est digne aussi de quelques remarques. Le siĂšge de Berg-op-Zoom est, je crois , F Ă©poque la plus glorieuse pour le RĂ©giment ; tout le corps y a fait continuellement des prodiges. La nuit de lâattaque du chemin couvert a Ă©tĂ© signalĂ©e par Faction la plus honorable Ă la nation, & je ne Ăçais si les Romains peu- veut en citer une plus belle lâhonneur, la bravoure, Famour de h patrie, lâhustanjtĂ© sxij LETTRES, y ont paru dans toute kur puretĂ©. Vous sentez sans doute, que ces Ă©loges tombent fur ces jeunes officiers, qui, voyant les ennemis pour la premiere fois, & pour la premiere fois pa- roissant terribles Ă des troupes aguerries & accoutumĂ©es Ă vaincre, coururent en qualitĂ© de Volontaires aux travaux glorieux de cette nuit affreuse. Ils sây employerent en vrais officiers , & ils aidĂšrent de leur mieux Ă vaincre; faction tirant Ă se fin, & Ă©tant auffi dĂ©cidĂ©e que celles de cette espĂšce peuvent lâĂȘtre, ils se choisirent au milieu du feu, des pĂ©rils & de ĂŻa mort, une occupation qui rĂ©unit tous les scn- timens qui honorent l'homme. Tous les soldats prĂ©posĂ©s pour transporter les blessĂ©s fur des brancards, Ă©tant tuĂ©s ou blessĂ©s , les blessĂ©s restoient exposĂ©s au feu des deux partis ; ils pĂ©rissaient ou faute de secours, ou par de nouveaux coups. Ces jeunes officiers bravant mille pĂ©rilsâ, vont retirer leurs camarades du sein de la mort ; quelques-uns d'eux dans cet office gĂ©nĂ©reux, font atteints des coups de rennemi, & leur mort glorieuse semble donner un nouveau zĂ©lĂ© au reste de cette jeune Troupe. Tous les blessĂ©s font par elle enlevĂ©s, elle rassemble des brancards, elle en imagine, elle en fabrique fur le champ , elle se charge de ces nobles fardeaux , & conservant Ă Ăa i L E T T R E St xxiij nation ses anciens officiers, elle lui fait con- noĂźtre qiĂâelle en nourrit de capables de suivre leurs traces, & de les remplacer. Passez-moi mon enthousiasme ; faction est si belle quâil est difficile de ne pas sâĂ©chauffer en rĂ©crivant. La gloire que le RĂ©giment sâest acquise au jour de lâassaut, nâest pas d'un prix si prĂ©cieux, mais elle est plus Ă©clatante» Toute lâEurope sçait que le RĂ©giment de Normandie ayant Ă ĂĂ tĂȘte son Colonel, monta le premier Ă Passant ; mais elle ignore le dĂ©tail des belles actions que plusieurs officiers firent dans cette occasion & pendant tout le siĂšge. Moi, qui, comme vous sçavez, faisoit Ă ce siĂšge le service dâofficier dans votre RĂ©giment, celui dâofi- ficier major & dâingĂ©nieur, moi qui avois presque fixĂ© mon domicile dans la tranchĂ©e , j'en puis citer plusieurs. Pourquoi ne parieroit-on pas austi de tous nos soldats Ă©levĂ©s par leur valeur au grade dâofficiers t Je vois enfin dâun coup dâĆil bon nombre de faits capables de composer lâhistoire du RĂ©giment de Normandie , & dignes d'ĂȘtre Ă©crits. Pour Tordre de ce travail, voilĂ Ă peu prĂšs le plan quâil faudroit suivre. .i° ? La crĂ©ation du RĂ©giment? xxĂźv LETTRES. 2°. La fuite de ses Colonels depuis Ăa crĂ©ation 3 avec la vie ou TWoire militaire de chacun dâeux. 3°. Suivre le RĂ©giment dans toutes les Cam>- pagnes, dĂ©tailler toutes les actions oit il sâest trouvĂ©, les services quâii y a rendus en corps, & les faits distinguĂ©s de chaque officier particulier, II scroit indifpenfablement nĂ©cessaire pour faciliter ce travail, dâavoir lâagrĂ©ment du Ministre. de la guerre , & la communication des rĂ©gistres qui font dans Ăes bureaux. On y trouveroit la fuite des Colonels, leurs services, leur Ă©lĂ©vation aux diffĂ©rens grades, leurs rĂ©compenses, & presque de quoi composer leur histoire militaire. On y trouveroit la marche du RĂ©giment depuis fa crĂ©ation , & par consĂ©quent les actions oĂč il se seroit trouvĂ©, les Ă©tats des gratifications , pensions & autres grĂąces & distinctions accordĂ©es aux officiers, & le sujet qui y auroit donnĂ© lieu. Que je fois placĂ© Ă Versailles, & libre de fouiller dans les rĂ©gistres & armoires des bureaux de la guerre , ce travail pour le rĂ©giment fera bientĂŽt fait. La croix de Tordre militaire de S. Louis, pe donne de bien rĂ©el que la gloire de la porter?. » LETTRES. xxf ter cette gloire nâest que personnelle, & meurt avec celui qui en jouit cependant que de belles actions nâoccalĂŹonne-t-elle pas! Combien ne retient-elle pas dâofficiers au service ; câest lâobjet principal de lâambition de .presque tous les militaires. Lâhomme ne se contente pas de jouir de la gloire tant quâil vit ; il porte ce sentiment Ă©levĂ© plus loin , il aspire Ă en jouir aprĂšs ĂĂ mort, & câest une forte preuve de l'immortalitĂ© de son essence. II est bien agrĂ©able de vivre glorieusement mais câest le comble de la satisfaction de pouvoir transmettre sa gloire Ă la postĂ©ritĂ© , & d'ĂȘtre assurĂ© de sâimmortaliser dans la mĂ©moire des siĂ©cles Ă venir. Câest cette gloire immortelle que lâexĂ©cu- Ăion du travail que je propose , assure aux officiers qui se distingueront ; & câest cette mĂȘme gloire qui a fait tous les grand» hommes que nous connoissons encore chez les Romains, les Grecs & les autres Nations. Les François qui font aussi avides de la vraie gloire que lâĂ©toient ces peuples, sĂ»rs de mĂȘme quâeux des moyens dâen jouir, nesepor- teront-ils pas aussi aux actions qui peuvent Ja procurer ? Ces rĂ©flexions seules prouvent fortement !i b KXV] I, E T T R E S. bontĂ© Je lâouvrage Jont il est ici question , & dĂ©montre assez quâil ne peut porter que beaucoup dâĂ©mulation dans le cĆur des officier s François qui lâpnt naturellement Ă©levĂ©. Je puis dire dâailleurs que cet ouvrage deviendra un des beaux monumens du siĂ©cle de Louis XV ; il honorera par son exĂ©cution tous les sujets qui auront bien servi FEtat ; il transmettra au Royaume des registres dans lesquels il verra les vraies sources oĂč il faĂșt trouver ses dĂ©fenseurs & ses soutiens ; il donnera Ă la postĂ©ritĂ© une preuve Ă jamais subsistante de lâĂ©lĂ©vation des sentimens dâun Roi, qui, en comblant du bien le plus prĂ©cieux ceux qui Font bien servi, trouve en mĂȘme tems les moyens dâassermir les fondemens du Royaume, en y perpĂ©tuant la gloire de bien faire. Toutes les Nations sâĂ©levent, se soutiennent & sâaggrandissentpar les armes, & leur histoire est un composĂ© de faits militaires mĂȘlĂ©s de quelque politique. PreĂquâaucun Militaire nâa Ă©tĂ© Historien, & presque tous le? Historiens ont Ă©crit du fond dâun cabinet, dâoii ils ne font jamais sortis } des histoires composĂ©es de diffĂ©rens dĂ©tails dâarmement, de mouvemens dâarmĂ©e , dâattaques & de dĂ©fenses de places, dâactions, de combats & au- ptcpfiĂŻhĂš militaires^ ' LETTRES, xxvĂźj Toutes ces choses se dĂ©crivent mal par des gens qui ne connoissent pas & qui nâont pas pratiquĂ© lâart de la guerre si grand & si difficile ; aussi la plĂipart des Historiens font trĂšs- imparfaits ; ils nĂ©gligent les faits , les descriptions les plus intĂ©ressantes & qui honorent ls plus la Nation pour laquelle ils Ă©crivent ; ils ignorent mĂȘme jufquâaux termes dont ils doivent se servir; ils les emploient toujours au hazard qui les sert souvent bien mal, Voltaire mĂȘme, lâhistorien & lâhomme cĂ©lĂ©brĂ© de nos jours, nâest pas exempt de ces fautes il se Ăert quelquefois de termes dĂ©placĂ©s & laiĂĂźe trop Ă dĂ©sirer dans ses dĂ©tails militaires , qui font cependant la base de lâouvrage historique. Les histoires de chaque rĂ©giment nâĂ©tant composĂ©es que par des Militaires , seront exemptes de ces dĂ©fauts ; ayant le sceau de lâapprobation des GĂ©nĂ©raux & des principaux Officiers tĂ©moins des faits , elles seront toujours vraies , & passant dans le cabinet dâun Voltaire, elles deviendront lâhistoire fidelle de la Nation, & un monument Ă jamais utile & prĂ©cieux. Le projet que vous avez mâa enchantĂ© par les consĂ©quences dont il doit ĂȘtre ; car lâĂ©mu- laticn, chose si peu connue & si nĂ©cessaire e bij xxvHj LETTRES. France en ĂĂšroit une suite non-sĂȘulement dans le rĂ©giment , mais mĂȘme dans toutes les au- tres troupes. Si lorsque vous aurez, fini vos autres travaux /vous voulez entreprendre un ouvrage aussi louable, je me fais fort de vous obtenir la permission de fouiller dans tout le Bureau de la guerre. Je nâai jamais lĂ» ĂŹâhiĂV toire du rĂ©giment dâEu, qui a Ă©tĂ© le rĂ©giment deTuvenne, faite par un Officier de ce corps ; il nây auroit point de mal que vous la lussiez avant que dâentreprendre celle du rĂ©giment, afin de voir si la conduite de cet ouvrage est bonne, & en tirer celle qui vous paroitroit convenable. Je vous remets encore Ă Besançon pour vous parler de tout cela ; une lettrs ne peut contenir tout ce quâil y auroit Ă dire, & lâon sâexplique toujours plus clairement lorfquâon se parle. Je vais faire chercher cette histoire du rĂ©giment dâEu , afin de vous la faire lire lors de votre arrivĂ©e ici, au cas que vous nâayez pas pĂș la trouver. Je vous fournirai le fameux siĂšge de Grave, oĂč le rĂ©giment de Normandie sâest tant distinguĂ© ; çe livre est si rare que jâai Ă©tĂ© trois ans Ă le trouver , quoique je lâaye fait chercher .en Hollande. Jâai encore un autre livre fort rare, oĂč est dĂ©crite lâastaire de Chiary, & par consĂ©quent ouest f Ă©loge du rĂ©giment enfin, ja L Ă T Ăź R E S. XxĂźs chercherai de mon cĂŽtĂ© tout ce qui pourra ĂȘtre utile Ă ce projet, & je ne sçaurois trop vous louer de votre amour pour lâĂ©tude Sc pour votre mĂ©tier ; câest le seul moyen de passer agrĂ©ablement cet instant qu'on appelle la vie ; car lâĂ©tude fortifie la jeunesse & fait les charmes de lâĂĄge avancĂ© , dit Voltaire , si je ne me trompe. Ma santĂ©, quoique meilleure, nâest pas encore bien bonne. Je me fuis dĂ©terminĂ© Ă aller cette annĂ©e au rĂ©giment voir les progrĂšs quâil aura fait dans les instructions du major BienastĂŹfe. Le rĂ©giment dâinfanterie de Nassau est aussi Ă Besançon nous verrons lĂ un Ă©chantillon des divins Prussiens. Adieu , Monsieur, au plaisir de vous voir ; je me flatte que vous nâignorez point la sincĂ©ritĂ© de ma façon de penser pour vous, &c. Talliyrand , Comte de Perigord. MEMOIRE SUR LĂNFANTERIE» o u Proposition dâAcadĂ©mie militaire dans les principales garnisons du Royaume , pour servir de suite Ă sĂ©tablisiement de lâEcole Royale Militaire. Par M. DE Mopinot , ancien Capitaine dâInfanterie, Capitaine au premier Regtment de Cavalerie de Monseigneur le Dauphin , & IngĂ©nieur k la fuite des armĂ©es . AVIS. "T'A 1 vu ce MĂ©moire entre les mains I de plusieurs Officiers gĂ©nĂ©raux , qui rnâont tous paru en faire grand cas un d'eux a bien voulu ni en donner une copie que f ai multipliĂ©e autant de fois que jen ai trouvĂ© l'occafon , & toutes les personnes Ă qui f en ai procurĂ© la leElure en ont fait Ă©loge en effet , cet ouvrage efl traitĂ© avec tout le gĂ©nie dlun Militaire expĂ©rimentĂ© ; les rĂ©flexions fur chaque partie de la guerre font Ă©galement savantes , judicieuses & inflruElives ; & le bien qui doit suivre de iexĂ©cution des AcadĂ©mies proposĂ©es, ejl appuyĂ© fur des raifonnemens & des exemples f solides , qiton ne peut douter de leur utilitĂ© , Cet excellent ouvrage efl fans doute parvenu au MinĂŹflre de la guerre mais la quantitĂ© immense qu il en reçoit fous ce titre depuis quelques annces , lui en rend Eexamen impossible ; celui-ci efl cependant trop intĂ©ressant pour eire nĂ©gligĂ© ; & le seul ĂŹnoyen de le tirer de cette multitude , qui lĂ©sait oublier , efĂŹ de lâimprimer C efl cette voje qu'on devroit pren- xxxh dre pour tous les bons ouvrages qui ont pour objet des propositions utiles Ă l'Etat; ils font par ce moyen mis au grand jour , tout le monde peut les examiner , & la, Critique peut les perfeEHonner. Je donne au travail de lâAuteur des louanges , parce qui il en mĂ©rite mais je m puis m'empecher de blĂąmer son efpece de Philosophie , qui VempĂȘche de publier des ouvrages utiles Ă F Etat il ejl beau . fans doute, de mĂ©riter des louanges Ă" dâĂ©viter de les entendre mais il e/l encore , & plus beau & plus grand, de rapporter tontes ses aciions au bien public ; ce motif ejl trop- gĂ©nĂ©reux pour ne les pas justifier ; qtĂ©tl me serve ici , puisque c'ejl lui qui ma portĂ© Ă faire imprimer ce MĂ©moire & a nommer son Auteur. J'ai placĂ© les RĂ©flexions fur lâĂ©tat militaire Ăą la fuite de ce MĂ©moire , parce qu elles ont le meme objet, qui ejl de contribuer au succĂšs de VĂ©tablissement de F Ecole Royale Militaire ; j'aurois souhaitĂ© connoitre F Auteur pour le nommer ? garce que tout ce qu'il dit caractĂ©rise im Sujet , & un Officier d un mĂ©rite k devoir ĂȘtre connu &' distinguĂ©. xxxtf MEMOIRE Sur Vinfanterie , ou proportion dâAcadĂ©mie Militaire dans les principales garnisons du Royaume ,pour servir de suite Ă rĂ©tablissement de U Ecole Royale & Militaire. L 'Affection du Roi pour ses Sujets quĂŻ cnt eu part Ă la gloire de ses armes, les tĂ©moignages particuliers quâil veut bien leur donner de fa satisfaction , en accordant la noblesse Ă ceux que leurs services & leurs grades ont rendus dignes dâun honneur que la Nature leur avoir refusĂ©, ouvrent une carriĂšre brillante oĂč toute la Jeunesse Françoise va sâempresser de courir. Elle est naturellement portĂ©e Ă l'arnour de son Roi ; la gloire attachĂ©e Ă le servir, est le seul objet qui la guide ; sĂ»re dâobtenir, cette gloire , ensuivant son inclination , que ne doit-on pas en attendre ? La Noblesse Françoise conduite par les seuls principes de Fhoaneur, a toujours çon- b vj XXXV MEMOIRE, ĂribuĂ© par ses glorieux services Ă soutenir A perpĂ©tuer la splendeur du Royaume. De cette prĂ©cieuse-portion du peuple François, pinceurs, aprĂšs avoir consommĂ© leurs biens Ă la dĂ©fense & Ă Taggrandiflement de la Nation-, se trouvoient rĂ©duits Ă laisser leurs enfans fans Ă©ducation. Ils avoient la douleur de prĂ©voir lâavilissement de leurs noms , dans une postĂ©ritĂ© hors dâĂ©tat dâen soutenir le lustre. LâĂ©tablissement de lâEcole Royale Militaire reconnoĂt les enfans de ces Nobles guerriers; cette Ecole les rassemble , elle prend foin de leur Ă©ducation, elle les instruit des sciences militaires, elle les place dans les armĂ©es, & ne les perd plus de vue. Quelle gloire pour ce rĂ©gnĂ© ! Que de HĂ©ros pour le soutien & lâhonneur du Royaume ! La distinction que le premier de ces Ă©ta- blissemens attache Ă TĂ©tĂąt militaire , pour les sciences qui en dĂ©pendent, que le fĂ©cond rend nĂ©cessaire Ă tous ceux qui embrassent le parti des armes, ne peuvent manquer de remplir les armĂ©es dâOfticiers en'Ă©tat dâen soutenir & dâen augmenter la gloire. Les fruits prĂ©cieux qui doivent nĂ©cessairement Ă©clore de ces Ă©tablissemens si beaux & si dignes de notre RĂ©gnĂ© , ne sçauroĂent ĂȘtre conservĂ©s avec trop dâattention ; ils peuvent MĂMOIRE; xxxvĂŻ} dĂ©gĂ©nĂ©rer rĂ©tablissement dâune AcadĂ©mie Militaire dans les principales garnisons du Royaume , est un moyen sĂ»r de les conserver.' Lâexercice continuel est nĂ©cessaire aux troupes ; lâoisivetĂ©, merĂȘ de tous les vices; nâĂ©pargne ni lâofficier , ni le soldat. Les Histoires nous fournissent quantitĂ© dâexemples de ses funestes effets. Tant que les Romains ont exercĂ© leurs armĂ©es en paix., comme en guerre, ils ont Ă©tĂ© les maĂźtres du Monde, ils ont portĂ© leur nom & leurs conquĂȘtes par tout lâUnivers, & lâont embelli mais si-tĂŽtquâils fe font laissĂ©s entamer par la molessĂ«, ils ont vĂ» en peu TannĂ©es Ă©crouler leur nom, leur fortune, leurs conquĂȘtes, & leur RĂ©publique , & toutes ces belles possessions passer avec leur gloire 8C leur bonheur dans des mains Ă©trangĂšres. Que font nos troupes dans les garnisons ? Elles montent une garde de loin en loin, elles sâexercent quelquefois au maniement des armes & aux Ă©volutions ; le relie du tems est perdu dans une molle indolence, qui ne peut quâĂ©nerver la force & la valeur. LâoisivetĂ©, la vie douce & voluptueuse ont leurs appas Ă stage de dix - huit ans il est difficile de sâen dĂ©fendre ; on peut y ĂȘtre sensible , & se laisser entraĂźner Ă leurs douceurs, L xxxviij MEMOIRE, jeune Noblesse sortant des Ecoles Militaires pour entrer dans des RĂ©gimens, oĂč elle ne trouve prefquâaucune occupation fixe, ne ris- que-t-elle pas de perdre en peu de teins les fruits de l'Ă©ducation militaire quâelle y aura reçus ? Quelques rĂ©flexions fur les Ecoles de Cadets gentilshommes confirmeront ces craintes. Le soldat, qui passe tout le teins que dure la paix dans une perpĂ©tuelle oisivetĂ©, & par une fuite naturelle dans les dĂ©bauches, ne peut plus soutenir les travaux militaires, quand la guerre l'oblige de reparoĂźtre en campagne, Nâa-t-on pas vĂi, aprĂšs une paix de quelques annĂ©es, une armĂ©e des plus brillantes pĂ©rir de maladie dans les premieres campagnes ĂŹ Ce Projet RĂ©tablissement dâune AcadĂ©mie Militaire dans les principales garnisons du Royaume, est formĂ© fur la nouvelle crĂ©ation de lâEcole Royale Militaire, & il en est une fuite ; il assure le fruit de lâĂ©ducation que la Noblesse y doit recevoir ; il tient Fofficier & le soldat occupĂ©s de leur profession ; il les entretient, les exerce & les endurcit aux travaux guerriers ; il les rend enfin plus redoutables dans la guerre , en les employant utilement pour le bien du Royaume pendantls paix. MEMOIRE. xxxĂźs Si ce Projet paroĂźt devoir ĂȘtre utile , la dĂ©pense quâen occasionnerait lâexĂ©cution, ne doit point arrĂȘter. Je donnerai par un MĂ©moire particulier les moyens de tirer des fonds, pour lâentretien non-seulement de ces AcadĂ©mies projettĂ©es, mais aussi pour celui de lâEcole Royale Militaire le peuple ls payera volontiers, & fans se plaindre que ses charges en soient augmentĂ©es. ĂrĂ©ation & formation des Officiers J Sergens & Soldats deftĂŹnĂ©s aux tra~ vaux des AcadĂ©mies Militaires. II faudrait choisir dans chaque RĂ©giment» particuliĂšrement, dans le nombre des Capitaines , Lieutenans & Lieutenans en second rĂ©formĂ©s, deux Capitaines, un Lieutenan? & un Lieutenant en second , & les crĂ©er Officiers des travailleurs du RĂ©giment. Dans les RĂ©gimens, ou dans le nombre des Officiers rĂ©formĂ©s , il ne sâen trouve point actuellement en Ă©tat de remplir ces places t il en ferait choisi & envoyĂ© aux Ecoles Royales de MathĂ©matiques Ă la Fere , Besançon , Mets, Strasbourg & Grenoble , qui aprçs y avoir fait un cours de ThĂ©orie & de Pratique » & y avoir Ă©tĂ© examinĂ©s > feraient en Ă©tat dsr St M t M 0 Ă R Ă; femplir dignement ces places de forte quâefl une annĂ©e ou dix-hun mois, elles seroient occupĂ©es par des sujets capables. Ces places dâOfstciers des travailleurs ĂĂȘ- roient par la fuite remplies par les jeunes Gentilshommes qui fortiroient de lâEcole Royale Militaire. II faudroit choisir trois Sergens par bataillon les plus intelligens, & de prĂ©fĂ©rence ceux qui ont suivi les IngĂ©nieurs dans les travaux des'siĂ©ges, & les crĂ©er Sergens des travailleurs du RĂ©giment. On pourroit dans rĂ©tablissement former quelques Sergens dans les Ecoles dâĂĄrtillerie. Le Capitaine des travailleurs, du consentement des Commandasls des corps , choiĂĂź- roit quatre soldats par compagnie factionnaire , qui fussent robustes & en Ă©tat de bien travailler , & qui fçussent quelques mĂ©tiers propres Ă la guerre pour Ăervir dans les exercices militaires que je vais proposer, & en mĂȘme te ms pour ĂȘtre instruits de toutes les manĆuvres de cette profeffion , oĂč il faut joindre Fadresse Ă la force. Ces soldats Ăe- roient créés soldats travailleurs, & ouvriers des RĂ©gimens. Chaque Capitaine auroit attention dans ses recrues dâenrĂłler de prĂ©fĂ©rence gens sçachant quelques mĂ©tiers utiles MEMOIRE. sulj Ă la guerre , comme charrons, charpentiers» Ănenuisiers, bateliers, forgerons, maçons , scieurs de long. Cette attention ne rendroit pas les recrues plus co u tentes, puiĂquâactuel- lement il fe trouve des soldats de ces proses-. lions dans toutes- les Compagnies , & que la haute paye quâils auroient, en engageroit beaucoup Ă sâenrĂŽler. II ne faudroit en tems de paix quâune lĂ©- gere augmentation de paye, &aucune exemption fixe de service. Les Commandans des places & ceux des RĂ©gimens rĂ©gleroient, suivant les circonstances & les travaux , lâe- xemptĂźon de service quâil conviendroit dâac- corder. Mais en tems de guerre, les troupes de cette crĂ©ation Ă©tant presque toujours occupĂ©es , comme je le ferai voir, Ă des travaux utiles, pĂ©nibles, & pĂ©rilleux, il conviendroit dâexempter les Sergens attachĂ©s aux Officiers des travailleurs dâune partie du service, & de leur donner une paye plus forte ; cette distinction donneroit Ă tous les Sergens une Ă©mulation fructueuse pour le service, ils fe- roient beaucoup plus dâattention Ă tous les travaux , & Ă toutes les manĆuvres. Chacun dâeux tĂącheron de les bien apprendre pour pouvoir, Ă la premiĂšre occasion , obtenir *Ă»j M E M O I R E. une place plus distinguĂ©e & plus lucrative II feroit aulfi Ă propos en tems de guerre 'dâexempter les quatre soldats travailleurs dâune partie du service, & de leur donner une paye plus Forte pour les raisons que je viens de dire; outre cela, il faudroit que dans les quatre soldats par compagnie, il y eut deux payes diffĂ©rentes, & quâon put mettre le soldat qui a la haute paye Ă la petite , & celui qui a petite Ă la haute, afin que ces punitions & ces rĂ©compenses continĂßÚnt ks uns, Sc donnassent de TĂ©mulation aux autres. II feroit encore nĂ©cessaire dâajouter aux uniformes des Officiers, Sergens & soldats de cette crĂ©ation, une marque distinctive & uniforme dans tous les RĂ©gimens. II resteroit Ă changer quelque chose dans lâartnement & Ă©qffipement des soldats de cette crcat'on, en forte quâils en fussent moins embarrassĂ©s , & quâils porter les outils convenables Ă leurs occupations. MEMOIRE. JvLĂlj Exercices que les Officiers des travailleurs fer oient faire aux soldats travailleurs & ouvriers. Dans toutes les places de guerre , on trou- ve du terrein inutile > oĂč lâon peut manĆuvrer. II y a dans les arsenaux du canon, des mortiers, Sc toutes les choses nĂ©cessaires pour le service, & pour lesdiffĂ©rens exercices militaires. Exercice de Pyrotechnie. Les Officiers des travailleurs des RĂ©gi- mens choisiroient dans le nombre de leurs Soldats deux ou trois hommes par bataillon , en qui ils rĂ©connoĂźtroient de la disposition , Ă qui ils apprendroient la pratique de toutes les parties de la Pyrotechnie utiles Ă la guerre. Ils les instruiroient de lâuĂĂ ge quâon peut faire du souffre, du camphre, du borax , de la poudre , de lâhuile de pĂ©trĂ©ol » & de toutes les huiles ou graisses attachantes , pĂ©nĂ©trantes, & corrosives , & dâautres matiĂšres aisĂ©es Ă sâenflammer. Us leur apprendroient la composition des machines quâon a imaginĂ©es jusquâici, tant pour arranger ou enfermer les diffĂ©rens feux dâartifices, Ăiiivant lâuĂĂąge auquel on les destine, que pour les j ester. JĂiĂźv M E M O I R Ă. 'Exercice MĂ©canique. ĂIs exerceroient leurs soldats travailleurs & ouvriers Ă remuer des fardeaux, & Ă bien ĂĂȘ servir des leviers, Ă mettre une piece de Canon fur son affĂ»t, Ă la relever, Ă la faire parvenir au haut dâune montagne escarpĂ©e, & enfin Ă la pratique de toutes les parties , & de tous les instrumens de MĂ©canique utiles Ă la guerre. Exercice du canon & du mortierU Ils leur apprendroĂŹent la forme & la conÂŁ truction des plattes-formes, & des diffĂ©rentes batteries dĂš canon & de bombes ; les prĂ©cautions Ă prendre pour les construire lorĂ-i quâon est exposĂ© au feu de lâennemi, & tous les moyens de leur donner la soliditĂ© , la sĂ»retĂ©, & tout le bon ester possible. Us leur apprendroient lâusage de tous les ustenciles servants au canon & au mortier , ainsi que toutes les façons de les charger , de les pointer , & de les tirer. Enfin , il y auroit dans les garnisons un exercice du canon & du mortier, qui se rĂ©gleroitsur celui des Ecoles dâartillerie, MEMOIRE, Exercice de la sappe, xvf IIs leur apprendroient lâusege des outils servants au travail des sappes , la façon ds placer le mantelet ou gabion farci, suivant les endroits dâoĂč vient le feu , comment il faut poser les gabions, les emplir, & ĂĂš ga» rantir du danger de lâentre-deux. Us les inĂr truiroient enfin de la conduite que doivent tenir les bons fappeurs , tant pour se couvrir du feu de lâennemi, que pour bien conduire une tĂȘte de ĂĂ ppe & la perfectionner. Exercice de la mine. Us leur apprendroient lâusage de tous les outils servants aux Mineurs , le travail & les dimensions des galeries des mines,& de leurs chambres ; comment on doit placer la poudre dans les chambres ; comment on doit placer & conduire le saucisson ; comment H faut fermer & boucher les chambres & galeries des mines, & les prĂ©cautions quâon peut prendre dans toutes les circonstances pour jassiirer leur rĂ©ussie. Ils leur apprendroient aussi les moyens de .dĂ©couvrir si le Mineur ennemi travaille dese Ki?, dessous, ou Ă cĂŽtĂ© ; çeux de le prĂ©vepix fctvj MEMOIRE. Sc de le tuer , ou de lui faire abandonner soit travail, & enfin toutes les ruses & les chicanes de cette guerre souterraine. Exercice dâattaque & de dĂ©fense par retranchement , & de id manoeuvre & consintEHon des ponts. Suivant la nature du pays oĂč ĂeroĂŹt la garnison , ils ĂŹeur feroient construire & jetter des ponts, Sc de tems en tems exĂ©cuter quelques- uns des rctranehemens ou Ă©paulemens quâon pratique , soit pour lâattaque ou la dĂ©fense des places , soit pour le passage ou la dĂ©fense des postes, ponts, montagnes, dĂ©filĂ©s, villages ou maisons. Les soldats ouvriers feroient en mĂȘme tems exercĂ©s & occupĂ©s Ă la construction, & Ă lâufage de toutes les choses nĂ©cessaires pour ces travaux militaires. Les Commandans des places , conjointement avec ceux des RĂ©gimens, rĂ©gleroient conformĂ©ment au service de la place Tordre de ces exercices & travaux militaires ; ils or- donneroient les dĂ©tachemens ou piquets de soldats que les RĂ©gimens devroient fournir dans quelques-uns de ces travaux ils com- manderoient le nombre dâOfficiers de la ga'r- rdfon quâils jugeroient Ă propos pour ĂȘtre prĂ©- fctis à çes exercices & travaux militaires, M E M O I R E. OCCUPATIONS Des Officiers des travailleurs , & des Soldats travailleurs & ouvriers , & leur utilitĂ© dans toutes les circonstances de la guerre ou de La paix , Leur utilitĂ© dans lâattaque des Places. ConflruRĂŹon des ponts pour la communication des quartiers . I les quartiers dâune armĂ©e, qui forme le O siĂšge dâune place, font sĂ©parĂ©s par des riviĂšres, il faut faire des ponts pour communiquer. II faut que ces ponts soient construits promptement , solidement, & quâil y en ait trois ou quatre Ă chaque passage. Les ponts de batteaux se construisent promptement ; mais ils font trĂšs-siijets Ă ĂȘtre emportĂ©s par le courant des eaux ; & cet accident peut causer la perte dâune partie de lâarmĂ©e, K obliger Ă lever Ăe siĂšge. Les exemples nâen ^avĂŹĂŹj MEMOIRE, ĂĂČnt pas rares, & nous en avons un bien mĂ©morable dans le siĂšge de Valenciennes en ĂĂ56 j que les MarĂ©chaux de Turenne & de la FertĂ©-Sennectere furent obligĂ©s de lever, & oĂč ce dernier demeura prisonnier par un Ă©venement de cette nature , avec une perte de plusieurs milliers dâhommes. Les ponts fur des chevalets font plus sĂ»rs & plus fermes mais pour les construire promptement & solidement, il saut beaucoup dâouvriers & de personnes pour les observer, & les diriger. La quantitĂ© dâOfficiers des travailleurs & dâ rĂ©pandus dans les armĂ©es par c? projet, procure donc la construction prompte & solide des ponts de communication. Ligna de circonvallation & de contrevallation. II est trĂšs-fouvent nĂ©cestĂąire que les lignes de circonvallation & de contrevallation soient faites promptement, & toujours essentiel dâobserver le talus des fossĂ©s, & leur profondeur ; de recouper le talus intĂ©rieur, & de le fasciner, afin de soutenir les terres de derriĂšre fur un talus moindre que celui de devant , & que le soldat puisse joindre le para.» pet pfii faire feu par-deĂlĂčs, Le MEMOIRE. xlĂx Le soin de ces ouvrages par rapport aux mesures & façons quâIl faut leur donner, est lâaf- faire des Officiers gĂ©nĂ©raux , chacun Ă son quartier, & celle des IngĂ©nieurs ; ces ouvrages fe font par les paysans, les soldats, & ler cavaliers. Les lignes font toujours dâune trĂšs- grande Ă©tendue , la circonvallation des petites places a au moins cinq lieues de circuit. II est prefquâimpoffible que les Officiers gĂ©nĂ©raux, & les IngĂ©nieurs qui fe trouvent ordinairement dans les armĂ©es, puissent suffire pour bien faire exĂ©cuter, & prompte-, rnent, des travaux auĂG considĂ©rables ; mais la quantitĂ© dâOfficiers de travailleurs , de ĂĂšr- gens , & de travailleurs expĂ©rimentĂ©s que ce projet introduit dans les troupes , Ă©tant distribuĂ©e dans l'Ă©tendue des lignes, en procure la construction solide, & semblable Ă celle des lignes des Princes dâOrange, Maurice & FrĂ©dĂ©ric Henri , qui, par leur application Ă les bien faire, les rendoient si bonnes quâcm ne les a jamais forcĂ©es, quo jquâelles ayent Ă©tĂ© souvent attaquĂ©es. II y a dĂ©plus ici cet avantage, qu'on pourroit les faire en bien moins de tems que ces Princes, qui y employoient des mois entiers. c t MEMOIRE. PrĂ©paratif da parc d'artillerie. Quelques dĂ©tachemens de soldats travailleurs & ouvriers des RĂ©gimens seroient employĂ©s au parc pour y aider les soldats dâar- tiilerie Ă former le parc & le magasin Ă poudre , Ă monter les pieces fur les affĂ»ts, Ă prĂ©parer les plattes-sormes du canon & des mortiers, Ă ranger les bombes, boulets, grenades , & les outils, & Ă radouber ce qui en auroit besoin. Ce travail se sait pour lâordinaire par des soldats pris au hazard dans ParmĂ©e, qui, par leur peu dâexpĂ©rience, ou fervent souvent ĂźrĂšs-peu , ou mettent de la confusion dans lâarrangement des diffĂ©rentes munitions, ou sâestropient ; ce qui nâarriveroit sĂ»rement point fi ee travail Ă©toit fait par les soldats travailleurs des RĂ©gimens qui seroient exercĂ©s à çes manoeuvres. Parc d'artillerie. II y a une Compagnie dâouvriers de soixante hommes par chaque bataillon de Royal Artillerie , qui est employĂ©e dans le parc dâar- pllerie Ă construire les portiĂšres, les fron- tespH de mste, les blindes, les Ă©tayes, les MEMOIRE. i j Lois, les planches pour les mines, pour les descentes de fossĂ©s & autres parties des tranchĂ©es , & Ă radouber tout ce qui est endommagĂ©. Ceux qui se font trouves Ă des siĂšges considĂ©rables conviendront, quâune Compagnie dâouvriers de soixante hommes f Ă la supposer mĂȘme toujours complette ne peut suffire Ă la multiplicitĂ© de ces travaux ; & il est dâex- pĂ©rience que souvent la petite quantitĂ© dâou- vriers quâil y a dâordinaire dans les parcs , a retardĂ© les travaux , 8c a obligĂ© de se passer pendant quelque tems des choses nĂ©cessaires, ce qui cause toujours la perte de quelques hommes. En employant donc des dĂ©tachement de soldats ouvriers des RĂ©giment dans le parc dâartillerie , on se procure lâabondance & le prompt service de tous ces ouvrages si nĂ©cessaires pour lâavancement & la sĂ»retĂ© des travaux des siĂšges. Artificiers . Le Roi nâentretient dans ses armĂ©es que cinq artificiers, un pour chaque bataillon de Royal ArtiĂlerie. Tout le monde conviendra que ce nombre nâest pas suffisant, puisque l'artisicier dâun bataillon dâartillerie employĂ© Ă un siĂšge peut cij iĂŹj MEMOIRE, manquer dĂšs le commencement dâune Campagne , comme il est arrivĂ© au dernier siĂšge de lâEcluse j oĂč le sieur Benoist artificier fui emportĂ© dâun coup de canon , allant voir TeflĂšt de ses feux dâartifice. II est difficile, & on est toujours trĂšs-longtems Ă remplacer un homme, dont le travail demande de la science, Kr beaucoup dâexpĂ©ricnce. Les soldats artificiers des RĂ©gimens, instruits par les Officiers des travailleurs, levei- roient cet inconvĂ©nient dâailleurs, les tranchĂ©es seroient toujours abondamment fournies des feux dâartifice nĂ©cessaires pour lâatr laque des places, & ces feux seroient dâun effet plus sĂ»r , puisque tous les soldats qui tra- vaiileroient fous lâarfificier , seroient eux- mĂȘmes artificiers. Gabions f Les gabions doivent ĂȘtre de deux pieds & demi de haut, fur autant de diamĂštre, afin de les rendre plus maniables. Le diamĂštre du haut & du bas doit ĂȘtre Ă©gal, afin quâil y ait moins dâouverture entre deux gabions ; ils doivent ĂȘtre de bonne assiette, afin quâils soient plus vite posĂ©s. Les gabions ĂĂš font indiffĂ©remment par tous les soldats de lâarmĂ©e ? gui nâayant pe» M E M O I R E. liĂŹ; sonne pour les observer dans ce travail, les construisent suivant leur caprice , & presque toujours fort mal. Les Officiers des travailleurs des RĂ©gimensy chacun dans le leur , instruiroient les soldats ces dimensions quâil convient de donner aux gabions ; ils en feroient une exacte revue, Sc meuroient au rebut tout ce qui seroit dĂ©fectueux , sans souffrir quâil en fĂ»t portĂ© aucun Ă la tranchĂ©e qui ne fĂ»t rĂ©guliĂšrement fait. Cette attention Ă©pargneroit les frais dâuti bon tiers de gabions, qui se trouvent si mauvais quâon n'en peut faire aucun usage ; Ă©tant construits rĂ©guliĂšrement, de bonne assiette & Ă©gaux , ils feroient bien plus vĂźte posĂ©s, consĂ©quemment il pĂ©riroit bien moins de sapeurs & de travailleurs, puifquâils feroient moins longtems exposĂ©s. Saucissons. Les Officiers dâartillerie prĂ©venus avec raison du mauvais travail des soldats âą> lorsquâils nâont personne pour les diriger , veulent que les saucissons soient faits en leur prĂ©sence. La plĂ»part les font faire fur le terrein destinĂ© Ă la batterie. Les mouvemens pour amasser les fascines pour faire ces saucissons, & le tems employĂ© Ă la façon» laissent le soldat ex- c iij ĂźĂv MEMOIRE. posĂ© ĂŹl en pĂ©rit toujours pendant ce travail. Les Officiers des travailleurs les feroient faire rĂ©guliĂšrementchacun dans leur RĂ©giment; le service de Partillerie nâen iroitque beaucoup plus vite, & ce travail se faisant hors de la portĂ©e des coups, il nây pĂ©riroit personne. TranchĂ©e. On remarque dans tous les siĂšges que les travailleurs de jour , dont ont fournit toujours un grand nombre , ne travaillent jamais plus de deux heures, & quelquefois point du tout; que comme on les tient dans les travaux les plus avancĂ©s, il en pĂ©rit toujours beaucoup les bras croisĂ©s ; que malgrĂ© ce nombre de travailleurs les ouvertures, & les Ă©boulemens qui se font Ă la tranchĂ©e presque Ă chaque instant, restent longtems fans ĂȘtre rĂ©parĂ©s. Les IngĂ©nieurs attentifs Ă avancer les travaux , & souvent excĂ©dĂ©s de fatigue, font comme forcĂ©s de nĂ©gliger ce qui reste derriĂšre ; ils perfectionnent' les travaux, mais le dĂ©faut dâentretien les rend en peu de jours bien dĂ©fectueux. Câest cependant de ces travaux entretenus en Ă©tat de bonne dĂ©fense que dĂ©pend la sĂ»retĂ© de la tranchĂ©e , & la vie de bien des hommes. MĂMOIRE. tv Les Officiers des travailleurs marchant Ă la tranchĂ©e avec leurs RĂ©gimens , feroient par leurs soldats travailleurs rĂ©parer dans l'instant les dĂ©gradations qui arriveroient par le canon, les bombes & les mines , & entretenir en Ă©tai de bonne dĂ©fense les parallĂšles, & tout le terrein quâoccuperoient leurs RĂ©gimens. Par ce service des Officiers des travailleurs des RĂ©gimens , on Ă©pargnĂšrent au moins moitiĂ© des travailleurs de jour. Le soldat se- roit moins fatiguĂ© , lâOfficier ne marcheroit pas si souvent aux travailleurs, la tranchĂ©e seroit toujours en bon Ă©tat. Sappe. II nây a presque point de Capitaine , qui ne regrette quelques braves soldats pĂ©ris en faisant le service de sappeurs volontaires. Ce service est un vĂ©ritable mĂ©tier qui exige un apprentissage. Tout soldat qui, conduit paf la bravoure ou lâappas du gain , voudra sâen dispenser , est presquâassurĂ© de pĂ©rir, LâexpĂ©rience de lâincapacitĂ© des sappeurs volontaires a Ă©tĂ© cause quâon n ! a presque point poussĂ© pendant le jour les travaux du siĂšge de Berg-op-Zcom, que je prends ici pour exemple , comme un des plus fameux. Moi-mĂȘme q y faisois le service dâIngĂ©- c iv -*' Ăvj MEMOIRE, nieur, jâai Ă©tĂ© obligĂ© plusieurs fois de ceĂĂŹĂšr Ăźe travail de jour, tous mesĂĂąppeurs Ă©tant tuĂ©s, ou blessĂ©s, parce quâils ne sçavoient pas leur mĂ©tier. On a Ă©tĂ© obligĂ© de poser Ă sappe volante pendant la nuit dans les endroits les plus dangereux, pour gagner le tems quâon t toit obligĂ© de perdre le jour faute de bons ĂĂąppeurs. Les soldats travailleurs des RĂ©giment, exercĂ©s & instruits par leurs Officiers de la façon & des prĂ©cautions quâil convient de prendre pour bien condpire une tĂȘte de sappe , four- niroient une source inĂ©puisable de bons sap- peurs. Par-lĂ on seroit en Ă©tat de pousser plusieurs tĂȘtes de sappe, qui marcheroient jour & nuit, sans que les sappeurs fusiĂȘnt trop fatiguĂ©s. Par- lĂ , les siĂšges deviendroient bien moins meurtriers & moins longs. Artillerie. Les RĂ©giment fournissent tous les jours dans les siĂšges Ă lâartillerie, tant pour la corffi truction des batteries, que pour leur service journalier, un grand nombre de travailleurs ; il en pĂ©rit toujours beaucoup. Tous les Officiers dâartillerie , avec qui jâai conversĂ© Ă ce sujet, mâont dit avoir remarquĂ©, que pra- M E M O I R E, rvij portion du nombre, observĂ©e, il pĂ©riĂfoit au moins un tiers de travailleurs, plus que de soldats dâartillerie , parce que les travailleurs ne sçavent point les prĂ©cautions quâon peut & quâon doit prendre dans ces travaux, & quâils nây sont point exercĂ©s ; quâoutre cette perte, & par les mĂȘmes raisons, six travailleurs ne rendoient pas un aussi bon service que deux soldats dâartillesie. On ne fourniroit Ă lâartillerie que les soldats travailleurs de la crĂ©ation que je propose qui Ă©tant exercĂ©s par les Officiers des travailleurs des RĂ©gimens, Ă toutes les manĆuvres de lâartillerie, lui rendroient le mĂȘme service que leurs propres soldats, & avec les mĂȘmes prĂ©cautions. De-lĂ , lâartillerie dans les siĂšges seroit mieux servie ; on fourniroit moins de travailleurs , & il ne pĂ©riroit pas tant de soldats. Mines â Les Mineurs sont aussi obligĂ©s de se servie dans leurs travaux dâaides, ou de travailleurs- quâon tire indiffĂ©remment fur toute lâinfanterie. On leur fourniroit de mĂȘme des soldats- travailleurs exercĂ©s aux travaux d-es mines par leurs Officiers, par les mĂȘmes raisons, & avec les mĂȘmes avantages quâĂ lâarticle prĂ©cĂ©dente MEMOIRE. iviĂŹj Attaque du chemin couvert de vive force . Le signal pour lâattaque du chemin couvert Ă©tant donnĂ©, les troupes commandĂ©es passent brusquement par-dessus le parapet de la place dâarmes de la tranchĂ©e , marchent Ă grands pas au chemin couvert quâelles enveloppent de tous cĂŽtĂ©s, entrent ou Ăautent dedans pour tailler en pieces tout ce qui ĂĂš rencontre , & en chaĂĂźer l'ennemi. Les IngĂ©nieurs, aprĂšs avoir reconnu & sâĂȘtre distribuĂ© entrâeux une certaine Ă©tendue de terrein Ă chacun , suivent ces troupes avec un nombre de travailleurs quâils Ă©tablistĂšnt promptement fur le haut du parapet du chemin couvert pour y faire le logement. La place de son cĂŽtĂ© sĂš dĂ©fend , & met tout en usage pour repousser l'assiĂ©geant. Comme toute cette scene Ăe passe Ă dĂ©couvert de la part des assiĂ©geans, fous le feu de lâassiĂ©gĂ© , & quâelle dure une heure ou deux , & quelquefois plus, il y a toujours bien du sang de rĂ©pandu , &' il est moralement impossible quâil nây ait plusieurs IngĂ©nieurs de tuĂ©s ou de blessĂ©s. Les travailleurs, fous les ordres de LingĂ©- MEMOIRE. xĂx aieur qui est tuĂ©, nâayant plus personne pour les Ă©tablir fur le terrein oĂč ils doivent faire le logement , ne sçavenĂ oĂč se placer ; aprĂšs avoir jette beaucoup dâembarras & de confusion dans les travaux, & ĂȘtre restĂ©s pendant quelque tems exposĂ©s Ă tout le feu des assiĂ©gĂ©s , ce qui sâen est Ă©chappĂ©, se rejette dans la tranchĂ©e. Le logement ne se trouve point fait, les troupes qui ont attaquĂ© restent fans ĂȘtre logĂ©es , & pĂ©rissent pour la plupart. Si lâIngĂ©nieur n'est tuĂ© ou blessĂ© quâaprĂšs avoirdĂ©ja Ă©tabli ses travailleurs fur le terrein, oĂč le logement doit ĂȘtre fait, ou les travailleurs continuent mal ce quâils avoient bien commencĂ©, ou ils se contentent de se serrer de façon Ă ĂȘtre Ă lâabri du feu de la place » sans vouloir s'exposer davantage pour perfectionner l'ouvrage, & fans s'inquietter si les troupes, qui ont attaquĂ© , pourront sây loger. Enfin, il est certain que dans ce cas ils laissent lâouvrage si imparfait , qu'il vaudroit presquâautant quâil ne fĂ»t pas Ă©bauchĂ© , & que de-lĂ il s'ensuit de mĂȘme la perte de bien du monde. Quâon lise le Journal du siĂšge de Berg-op- Zootn, on verra la prise du chemin couvert de la droite de Tattaque, manquĂ©e par des ac~ cidens de cette nature. O a verra que dan ÂŁĂŻj IX MEMOIRE. cette partie, ou plusieurs IngĂ©nieurs ont Ă©tĂ© tuĂ©s ou blessĂ©s en diffĂ©rens tems, le logement Ă©tait fait dans quelques endroits , Ă©bauchĂ© dans d'autres , & quâailleurs il nâĂ©toit pas commencĂ©. Quâon continue de lire le Journal , on verra la quantitĂ© de journĂ©es & dâhom- mes dont ces accidens ont causĂ© la perte , & on sera en mĂȘme tems convaincu de la bontĂ© dâun projet qui peut les prĂ©venir, comme jâeĂpere le faire voir. Les travailleurs de la tranchĂ©e font divisĂ©s en piquets de 50 hommes. Chaque piquet est- conduit par un Capitaine & un Ce service dans chaque RĂ©giment se fait de la part des Officiers chacun Ă leur tour. Lâordre du service ordinaire pour marcher aux travailleurs de la tranchĂ©e, seroit interrompu , lorfquâil IĂšroit question dâattaque de chemin couvert. Ce ferait toujours les Officiers des travailleurs des RĂ©gimens qui y marcheraient dans. ces occasions sçavoir un Capitaine & deux Lieutenans par chaque piquet ; alors p ayant toujours trois de ces Officiers par 50 hommes , outre les IngĂ©nieurs ordinaires, il ferait preĂque certain, quelque vigoureuse que fĂąt la dĂ©fense des assiĂ©gĂ©s, quâil y resterait au moins par piquet une personne en Ă©tat de con- MEMOIRE, cfuĂźse ces travaux, & que par consĂ©quent le logement se feroit Ă©galement par-tout. LorĂquâil y auroit quelques asiĂąuts, les piquets des travailleurs destinĂ©s Ă faire les loge- mens fur les breches, ou dans les ouvrages, seroient aussi conduits par un Capitaine & deux Lieutenants de travailleurs, par les mĂȘmes raisons rapportĂ©es Ă lâarticle prĂ©cĂ©dent» UtilitĂ© res Soldats travailleurs. dans la dĂ©fense des Places. E Roi entretenois dans cette derniere - 1 âi guerre 300 IngĂ©nieurs, 300 Officiers' dâartillerie , ; Bataillons dâartillerie, composĂ©s' chacun de dix Compagnies de 100 hommes, 5 Compagnies de Mineurs de 75 hommes chacune, & ; Compagnies dâouvriers de 6 o. Dans presque toutes les guerres, la Franceâ a toujours eu plusieurs corps dâarmĂ©e en campagne elle nâen a jamais eu moins de deux, 6 souvent plus. En supposant quâil nây ait que deux armĂ©es en campagne , & dans chaque armĂ©e un cinquiĂšme de ces corps, il ne restera donc pour garnir toutes les places du Royaume , que 180 IngĂ©nieurs, 180 Officiers dâartillerie, 3000 Soldats dâartillerie, r. r5 Mineurs,. Sc 180 ouvriers. ixij MEMOIRE. Si on sait attention Ă la quantitĂ© de place» fortes quâil y a dans le Royaume , on voit sensiblement quâil ne peut y avoir dans chaque place que de trĂšs-foibles dĂ©tachemens de ces diffĂ©rentes troupes, si nĂ©cessaires pour leur dĂ©sunie & leur sĂ»retĂ©. II est mĂȘme assez commun en >tems de guerre de voir des places en ĂȘtre totalement dĂ©garnies. Je ne citerai quâun exemple pris de la derniere guerre en Flandres. Lorsque le Duc dâAremberg, aprĂšs avoir passĂ© une bonne partie de la campagne vis-Ă - vis de lâarmĂ©e de France, commandĂ©e par le MarĂ©chal de Saxe , & infĂ©rieure en nombre Ă la sienne , siins oser rien entreprendre, bazarda enfin de faire une irruption sur la ChĂątellenie de Lille , on fut obligĂ© de faire partir du camp de dessous Courtray des dĂ©tachemens dâĂ rtillerie fur des voitures en poste , pour les jetter dans Douay qui Ă©toit pour lors fans Canoniers, ni Bombardfers, ni Mineurs. Les besoins continuels quâon a dans les armĂ©es , dâartillerie, dâIngĂ©nieurs, de Mineurs & dâouvriers, occasionnant donc quâen tems de guerre il y a beaucoup de places oĂč il n en reste point, ou du moins trĂšs-peu, & Ă©tant dâailleurs dĂ©montrĂ© que ces dĂ©tachemens font MEMOIRE. ixĂĂf toujours nĂ©cefßà irement trĂšs-foibles, de-lĂ il Ă' enfuit la preuve de la bontĂ© de la crĂ©ation que je propose , puifouâon seroit aĂĂźurĂ© par son er^cutivn quâil y auroit dans toutes les places, Ă proportion de la grandeur Sc de la force de leurs garnisons, beaucoup dâOfficiers en Ă©tat de commander le service de l'artillerie & des Mines, des soldats exercĂ©s Ă leurs manĆuvres , & des travailleurs & des ouvriers pour exĂ©cuter tous les travaux praticables pour 1* dĂ©fense des places. Ils soulageroient aussi beaucoup lâartillerie & le gĂ©nie ; ils remplace- roient ceux qui par la mort, la maladie, ou les blessures, seroient hors de service. Les soldats travailleurs, & les ouvriers des RĂ©gimens seroient employĂ©s avec les mĂȘmes avantages pour la dĂ©fense des places, que ceux qui ont Ă©tĂ© observĂ©s pour Tattaque , soit pour combler & abattre ce qui peut couvrir Eennemi Ă la portĂ©e du canon de la place » soit pour construire des ouvrages propres Ă Ea frĂ©ter, ou Ă se garantir de ses coups, & particuliĂšrement pour l'artillerie, les mines , les artifices, la dĂ©fense des chemins couverts & des breches, & la construction des machines qui y peuvent servir» i»> MEMOIRE. Ouvriers . Dans les places assiĂ©gĂ©es on est obligĂ©, par la multiplicitĂ© des travaux, de se servir de tous les ouvriers, qui par hazard Ăe trouvent dans le nombre des soldats, & dâemployer tous ceux qui se trouvent dans les places. Dans les grandes Villes, comme Lille, Mets, je conviens quâon trouve beaucoup- dâĂČuvriers , & quâun habile Gouverneur peur en tirer de grands avantages pour la dĂ©fense de Ăa place mais le nombre des grandes places est rare ; il y en a beaucoup plus de foi- bles en habitans, & par consĂ©quent en ouvriers , quoique trĂšs-fortes par elles-mĂȘmes, & en Ă©tat de rĂ©sister longtems. Dâailleurs est - il possible, & mĂȘme vraisemblable , quâun ouvrier attachĂ© Ă sa petite fortune , & Ă sa famille , domiciliĂ© , & paisible habitant dâune Ville , se prĂȘte Ă travailler volontiers, & comme il faut, lorsque son travail lâexpose Ă quelque pĂ©ril ? II ne le sait quâen tremblant ; il ne marche que de force, & mĂȘme il cache ses talens, sâil lui est'possible ; enfin , il est certain quâun homme quâon occupe pour la dĂ©fense dâune place, doit pour bien faire son travail, ĂȘtre en mĂȘme tems boa ouvrier & bon soldat. MEMOIRE. lxV Par la crĂ©ation que je propose, il y auroit dans toutes les places, Ă proportion de la garnison, des ouvriers de toutes les eĂpeces utiles pour la dĂ©fense. Ces ouvriers Ă©trangers aussi braves soldats, quâexpĂ©rimentĂ©s, ne s'c P faroucheroient pas Ă la vue des travaux les plus pĂ©rilleux, & les exĂ©cuteroient toujours avec autant de courage que dâhabiletĂ©. De - lĂ , un Gouverneur pourrcit entre-* prendre tout ee que fa bravoure & fa fidĂ©litĂ© lui inspireroient pour le salut de fa place. De-lĂ , revivroient les dĂ©fenses des brecbes, telles que celles de Mets, par M. de Guise » & tant dâautres si brillantes & si connues cite» nos anciens. De-lĂ , deviendroĂent plus communes ces sça vantes dĂ©fenses des chemins couverts, telles que celle de Lille , qui soutint sept attaques » tant par la façon habile dont M. le Duc de Poussiers disposa son feu, que par les ouvrages & palissades quâil eut la facilitĂ© dây ajouter, en se servant des ouvriers quâil trouva dans cette grande Ville. Artillerie. Dans une place assiĂ©gĂ©e , on destine dĂšs le commencement du siĂšge une portion des troupes de la garnison, pour servir aux manĆu- ixvj MEMOIRE. vres de PaĂtillerie pendant tout le te mr de la durĂ©e du siĂšge. Le MarĂ©chal de Vauban , dans son excellent Livre de lâattaque des places, dit que lâartillerie des assiĂ©gĂ©s est bien-tĂłt rĂ©duite au silence par celle des assiĂ©geans, parce que cettĂȘ premiere est toujours mal servie. La judicieuse remarque de ce grand homme sâest vĂ©rifiĂ©e dans tous les siĂšges quâon a faits dans cette derniere guerre. Quâon ouvre en effet quelques Histoires militaires, on verra que lâartillerie des places, mise hors dâĂ©tat de servir , a Ă©tĂ© presque toujours un des motifs qui a dĂ©terminĂ© Ă capituler avec lâennemi ; & ce motif se trouvera toujours, tant que la forme du service actuel dans les places sera la mĂȘme. Mais, par la crĂ©ation que je propose, y ayant toujours dans les places une grande quantitĂ© de soldats exercĂ©s aux manoeuvres de lâartillerie , & des ouvriers pour la radouber , elle sera toujours bien servie, toujours bien entretenue , & elle pourra toujours faire tĂȘte Ă celle des assiĂ©geans ; par consĂ©quent le motif de lâartillerie dĂ©truite, qui sert de prĂ©texte , ou qui oblige Ă presque toutes les capitulations , disparoĂźtra ; & les dĂ©fenses seront, & bien plus longues, & bien plus vigoureuses, MEMOIRE. xxvij Mines. Les rĂ©sistances qui se sont par les mines, font de toutes, les plus belles, les plus longues , & les plus fçavantes. Câest pour ainsi dire l'art de rendre un siĂšge Ă©ternel. Un Val- liere assiĂ©gĂ© & Commandant dans un poste tel que la Citadelle de Tournay, tel que CondĂ©, Landaw, &c. Ă©tant dâailleurs bien pourvu de vivres, de munitions & de Mineurs , feroit morfondre les plus nombreuses armĂ©es , & pĂ©rir une infinitĂ© prodigieuse dâhommes. Les autres dĂ©fenses affoiblissent extrĂȘmement une garnison , & obligent souvent Ă se rendre, au lieu que les mines en se rendant les maĂźtresses du dessous, assirent le dessus, sont perdre un tems infini Ă lâassiĂ©geant, le dĂ©truisent, & conservent Ă la fois la garnison & la place. LâHistoire militaire , & en dernier lieu Berg-op-Zoom, nous montre Ă chaque pas la bontĂ© de cette seavante partie de la guerre, qui nâa cependant jamais Ă©tĂ© pratiquĂ©e quâim- parfaitement, & qui, si jâose le dire, est encore aujourdâhui extrĂȘmement nĂ©gligĂ©e. 'Dâailleurs , la petite quantitĂ© de Mineurs quâil y a dans nĂ©s troupes, ne permet pas tfcviij M E M O I R- Ă. dâen jetter communĂ©ment dans une place me- 1 nacce un dĂ©tachement plus fort que de 15 ou 20, qui peuvent au plus Ă©tablir quelques fourneaux , ça&lĂ , intimider lâennemi fans lui faire grand mal, ni beaucoup le retarder. Suivant mon projet, dans la grande quantitĂ© dâOfficiers des travailleurs qui feroient obligĂ©s de sâappliquer Ă la science des mines , qui joindraient la pratique Ă la thĂ©orie , erl exerçant dans les garnisons leurs soldats Ă ce genre de travail, ilsâyen trouverait quelques- Ăčns Ă coup sĂčr, qui se mettraient en Ă©tat de pratiquer le grand, le beau, & futile de cette sçavante partie de la guerre, & la quantitĂ© de Mineurs, qui est prouvĂ©e actuellement toujours nĂ©cessairement trĂšs-petite dans toutes les places, se trouverait beaucoup augmentĂ©e , & il y en auroit aĂßÚz pour exĂ©cuter tous les travaux que cette science apprend pour la dĂ©fense des places. Artifice. II y a trĂšs-peu de places oĂč 11 y ait des artificiers attachĂ©s au service de la place. De ce petit nombre , la plupart sâoccupent de la. Pyrotechnie amuĂĂ nte & rĂ©crĂ©ative, & nĂ©gligent les parties de cette science utiles pour la guerre. MEMOIRE. ixĂźx Cependant les personnes qui rĂ©flĂ©chiront sor les moyens qui peuvent retarder la priso des places , & mieux encore celles qui sc sont trouvĂ©es dans les places aĂĂŻĂŹĂ©gĂ©es , conviendront que la Pyrotechnie entre .pour beaucoup dans leur dĂ©fense, & que c elĂŹ un avantage considĂ©rable pour une place assiĂ©gĂ©e dâavoir plusieurs artificiers habiles. LâHiĂfoire ancienne nous fournit quantitĂ© dâexemples, qui prouvent la bontĂ© de ces sortes de dĂ©fenses , & le peu dâuĂĂ ge que les modernes en ont lait, a toujours eu du succĂšs. Les deux soldats par bataillon que les Oise- ciers des travailleurs des RĂ©gimens instruit roient, suivant mon projet, des parties ds cette science utiles Ă la guerre, fourniroient dan^ toutes les places du Royaume, un nombre dâartisiciers suffisans pour exĂ©cuter tout ce quâun Gouverneur habile pourroit tirer da cette partie pour le salut de sa place , & les dĂ©fenses en deviendroient plus faciles & plus belles, puisque par la pratique de cette science» on peut observer & dĂ©truire lâennemi & son travail, TĂ©pouvanter & JâarrĂȘter Ă chaque pas. De tout ce qui vient dâĂȘtre dit, tant au sujet de lâattnque , que pour la dĂ©fense des places } il esc trĂšs-senĂible La quantitĂ© de soldats ouvriers & travailleurs , & & des Professeurs militaires qui MEMOIRE. ĂŻjĂxxv Ănseighoient toutes les grandes parties de la guerre. Les grands GĂ©nĂ©raux de ces anciennes & illustres RĂ©publiques, les guerres fçavantes & les conquĂȘtes de ces Nations belliqueuses qui causent notre admiration, devroientbien nous engager Ă les imiter. Le RĂ©giment du Roi, oĂč Ăl y a un Professeur de science militaire entretenu , est une pĂ©piniĂšre dâoĂč lâon tire des Officiers qui commandent dans les armĂ©es , & dans les places avec distinction. Les grands Officiers que lâartillerie a fournis, & la distinction avec laquelle ce corps a servi, particuliĂšrement dans cette derniere guerre , font les fruits de rĂ©tablissement de ces cinq Ecoles. Tous ces Officiers font Ăçavans dans Part de la guerre, & les soldats capables de ces manĆuvres. Un Ministre toujours attentif au bien de lâEtat, ne recevoit dans le Corps du gĂ©nie que des sujets dâune capacitĂ© bien reconnue il les tenoit dans les places toujours occupĂ©s de leur mĂ©tier. Ausst combien ce Corps ne sâest-il pas illustrĂ© fous son MinistĂšre, & combien nâa-t-il pas contribuĂ© aux glorieuses conquĂȘtes de cette derniere guerre. ? LâAcadĂ©mie qui vient dâĂštre Ă©tablie Ă Me- zieres pour ce Corps, rĂ©parera les grand ĂŻxsxvj REFLEXIONS. pertes quâil avoit faites dans la guerre, & le ra un monument Ă jamais fructueux pour FEtat » & glorieux pour fĂłn Instituteur. Tous les Arts, toutes les Sciences ont leurs AcadĂ©mies j ils'leur doivent leur Ă©lĂ©vation. Pourquoi F Art de la guerre > protecteur de tous les Arts, protecteur de lâEtat, nâa-t-il pas les siennes ? L'artiilerie & le gĂ©nie ont les leurs mais; le corps dâinfanterie qui fait la principale force des armĂ©es, qui en est, pour ainsi dire, FamĂ©, nâa pas le mĂȘme avantage. Ce peuple de braves sçldats , Ă©nerve fa valeur naturelle dans F oisive tĂ© , il reste tout le tems de la paix sims ĂȘtre instruit des sciences militaires, ni exercĂ©' Ă ces travaux. II prodigue son lĂ ng, il est vrai, lorsque le service de lâEtat le demande ; mais la vie toujours prĂ©cieuse de sujets si zĂ©lĂ©s , pourroit ĂȘtre employĂ©e plus utilement. Des diffĂ©rents corps qui composent une armĂ©e , il nây en a point cependant de si nom-, breux , de si utile , & qui soit employĂ© Ă tant de divers travaux que celui de lâinfanterie. II a la valeur, il est exercĂ© au maniement des armes & aux Ă©volutions, il combat bien, mais on lâerrploye au service de lâartiilerie, au service des mines , au service de la fappe , Ă ap- planir tous les obstacles pour le passage des armĂ©es, Ă la construction, de toutes les fbrtĂą- REFLEXIONS, ixxxvĂźj fic'aribn passagĂšres. II est chargĂ© de PexĂ©cution de tous les travaux des attaques & dĂ©fenses des places ; il est tous les jours obligĂ© de fe fortifier dans-une- plaine , dans un pays ccu- yert , clans un chĂąteau , dans une maison ; ce corps-exĂ©cute quelquefois mal ces travaux , sây. Ă©tant jĂ mjisifxercĂ©, il lâes regarde comme ne faisant fias partie dĂ© son-mĂ©tier, il les ignore, souvent il rĂ©pare son ignorance par Peffusion de spn sang , il ne sçait que combatte. , parcs quâil nâest exercĂ© qui combattre. Cependant la valeur seule ne fait paslâhom- Bie de guerre , lâĂ©tude des sciences militaires doit la diriger, & la rendre fructueuse. Câest mal servir son Roi, que dâignorer les sciences- qui peuvent conserver la yie de ses sujets ; il fcut vaincre , mais il faut mĂ©nager le sang dut soldat. La valeur peut donner la victoire , l'Ă©tude des sciences militaires la rend plus ce r-, mine, moins coĂ»teuse, & en allure les fruits & la gloire. La bravoure est naturelle au soldat François, mais elle ne suffit pas pour- faire le bon soldat, il saut encore qtjsil soit fort, robuste, & endurci aux peines. & aux travaux militaires pour soutenir les fatigues de la guerre y oĂč la maladie le fait pĂ©rir plus sĂ»rement qua PĂ©pĂ©e de l'eimemi. II faut q-uâil connoiĂĂźe les travaux auxquels opfemploye ordinairement » ĂŹxxxvĂźij REFLEXIONS. & quâil y Ăoit accoutumĂ© ; ou il fait mal fojĂź service, & se sait tuer ou estropier infructueu- semen t, LâĂ©tablissement dâune AcadĂ©mie militaire, que je propose, dans toutes le s'garnisons du Royaume, rend nĂ©ceiĂŻĂ irement rOfficier vĂ©ritable homme de guerre , & le-soldat vĂ©ritablement bon soldat. f qrn. Jamais les Ecoles dâartillerie nâont Ă©tĂ© au point de perfection, oĂč elles sont sous ce rĂ©gnĂ©. LâEcole qui vient dâĂ©tre Ă©tablie Ă MezĂŹeres pour le gĂ©nie , ne peut manquer de soutenir lâhonneur de ce Corps. LâĂ©tabliĂsement de lâEcole Royale Militaire, & lâĂ©ducation quâon so propose dây donner Ă la jeune Noblesse , va servir de modele aux peres qui sont en Ă©tat de la procurer Ă leurs enfans, & rendre tout le corps dâOfficiers instruit dans lâArt de la guerre. InexĂ©cution de ce projet assurera les fruits de ces brillans Ă©tabliĂßÚmens ; il tiendra la milice Françoise toujours en Ă©tat de soutenir les fatigues de la guerre, & exercĂ©e Ă ces travaux > il rendra enfin ce Corps auflĂŹ f ormidable quâil le peut ĂȘtre, & le portera au point de perfection , qui fait l'objet des attentions du Ministre zĂ©lĂ© dâun Roi qui ne cherche Ă se rendre redoutable Ă ses ennemis, que pour assurer le bonheur de ses sujets, F I N. 1XXX1X POEME HEROIQUE Sur l'EtaMiJsement Ăąe lâEcole Rojale Militaire, Par M. M a r m o n t e l. J E consacre mes chants Ă ce Temple des Arts » Le Cirque de la Gloire , & FEcole de Mars, OĂč des Nobles François la Jeunesse Ă©levĂ©e , Sous les yeux de son Roi va fleurir cultivĂ©e. Vaine esclave des Cours, Muse, dont les accens Des favoris dâAuguste ont profanĂ© Fonçons, Va loin de mon HĂ©ros, perfide enchanteresse , Vendre Ă lâorgueil des Grands une indigne caresse. Mais toi, que FĂ©nelon imploroit autrefois, Lorsquâil formoit le cĆur des enssns de nos Rois, Toi, de la vĂ©ritĂ© noble & tend-e interprĂšte , Muse, inspire Ă mes vers cette douceur scerette, Ce charme impĂ©rieux dont tu sçais nous saisir, Et qui donne aux vertus les attraits du plaisir. 31 nâappai tient quâĂ toi de peindre un Roi sensible Qui gĂ©mit du besoin de se rendre terrible , Et dâun Ćil paternel veillant sur ses Etats, par amour pour la paix se prĂ©parç aux combatts Dis somment de nos Rois cette immortelle Fille, 1 a Noblesse Ă lâEtat compose une famille Dis comment fut conçu ce gĂ©nĂ©reux projet Dis quelle en fut la source , & quel en est Fobjet, Parle & ne flatte point tes pinceaux pour hommage Ne doivent Ă Louis offrir que fou image II fe juge lui-mĂȘme, & veut, sâil est louĂ© , Voir par la vĂ©ritĂ© son Ă©loge avouĂ©. Non loin de cette Ville en dĂ©lices fĂ©conde, DâoĂč le Luxe & les Arts dictent leurs Loix au monde, les Bourbons & la Gloire ont choisi pour sĂ©jour Un Palais, tel quâon peint celui du Die u du Jour. LĂ de Louis le Grand tout retrac e Filtrage. Pour rendre Ă ce HĂ©ros un immortel hommage, *c L 1 E C O L E les Arts , Ă qui son ame imprimoit sa grandeur,â Voulurent de son rĂ©gnĂ© y marquer la splendeur. Le pinceau dĂ©ploya fes plus savants prestiges , Le ciseau crĂ©ateur enfanta des prodiges, PraxitĂšle .En replis ondoyants tombent jusquâĂ sespiĂ©s. MILITAIRE. xcj Dans lâune de ses mains une Ă©pĂ©e Ă©tincelle. A ses cĂŽtĂ©s, semblable Ă lâauguste Cybele , Elie voitses cnfans au sortir du berceau Dâarmes & de'lauriers embrasser un faisceau. Le HĂ©ror reconnut la Noblesse Ă ces marques. Ses traits furent toujours si chers Ă nos Monarques ! âą Mais parmi tant de Rois , dont elle fut lâappui, Qui'jamais eut pour elle autant dâamour que lui ? II lui tendit la main. Cette imprĂ©vue ' la trĂłuble , la saisit. Elle baille la vĂ»e. Elle a vĂ» les dangers & la mort fans effroi, Et ne peut soutenir un regard de son Roi ; Tant de la MajestĂ© la redoutable empreinte, Sans affoiblir Ăâamour,peut inspirer la crainte. Elle approche. Sa voix se glace Ă son aspect ; Elle tombe Ă ses pieds tremblante de respect. Le Prince la releve. â O Fille auguste & chere , â Lui dit-il, votre Roi nâeft-il pas votre pere ? 5J Rassurez-vous, parlez,,, La Noblesse Ă ces mots? Dâun geste & dâun soupir rĂ©pondant au HĂ©ros, Lui montre ses enfans , son deuil, ses cicatrices ; Implore dâun regard ses bontĂ©s protectrices , Et ses pleurs Ă©chappĂ©s achevent dâĂ©noncer Des plaintes que fa bouche eĂ»t craint de prononcer. Telles de Jupiter ces Filles gĂ©missantes, Les PriĂ©ves , en pleurs , foibles & languissantes, Marchent les yeuxtaissĂ©s, & dâun pas chancelant. Vont aux pieds de ce Dieu sc jetter en tremblant LOUIS fut attendri. Que ces pleurs, ce silence Ont pour un Roi sensible une vive Ă©loquence ! Ma Fille , lui dit-il. je tâentens câtst assez. ,, Tes exploit- de mon cĆur ne font point effacĂ©s. â Les Lys se flĂ©triront avant que je tâoubliĂ©, â Tes malheurs, Ă mes yeux, nâont rien qui tâInimilie* ,, Jâai vĂ» couler ce sang le plus put de lâEtat, â Ce sang dont ta Valeur rehausse encor lâĂ©clat. â Jâai vĂ» cette Valeur franchir tous les obstacles. ,, Ma voix est ton signal, mes yeux font tes oracles » â Et lorsquâĂ la Victoire ils tâotu dit de voler , ,, Câcst un arrĂȘt du sort que ton sang va sceller. â Cependant tu -gĂ©mis. Les lauriers de la guerre, â Ces lauriers renaissans fous les coups du tonnerre» », Aujourdâhui fur ta tĂšte indignement fanĂ©s., bĂźcĂźj LâECOlE », A sĂ©cher dans Poubli seroient-ils condamnĂ©s I », Non j je dois un axile Ă ta gloire affligĂ©e. >, L'Olive de la paix maigre moi nĂ©gligĂ©e, », Dans nos champs dĂ©solĂ©s est lente n refleurir ; », Mais bientĂŽt de ses fruits elle va te couvrir. », J'ai dĂ» mes premiers foins Ă ce peuple innombrable â Des plus brillants succĂšs instrument dĂ©plorable, », Doutant plus malheureux que fa timide voix », Parvient plus lencemenr Ă Poreille de Que des travaux guerriers le seul accord dĂ©cide, Et que sans le concours de ses divers Moteurs Le plus sage projet accable ses Auteurs. 5 , Dâun indocile orgueil montrc-leur la bassesse. 93 Quâils fpchcnt is, epie mes nouveau*; bleL* â faits MILITAIRE. xçy j, Pour ce peuple si cher ne soient un nouveau faix ; ^ Vous croyez voir lâintrigue avide & mercenaire. â Vous croyez voir lâabus, par qui tout dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©, ,, Saper les fondemens de mon nouveau projet ; ,, Vos craintes firmes foins ont eu le mĂȘme objet. â Mais les plus grands desseins ont les plus grands ,, obstacles. â Ces obstacles vaincus enfantent des miracles. â On craint peu les Ă©cueils quâon dĂ©couvre deloĂ»> ,, Tirons du superflu des secours au besoin. ,, bâart ne rend-il jamais un poison salutaire ! ,, Rendons de la vertu, le vice tributaire. â Que lâhomtnage du luxe & de lâoisivetĂ© â Soit dâun noble travail lâapanage affectĂ©. â Ainsi lâXEconomie en ressources fertile â Spait au progrĂšs du bien rendre le mal utile. ,, La Valeur, ce flĂ©au de stimulation, â Peut usurper les fruits de cette adoption; â.CâestĂ vous d'y veiller, Justice incorruptible. ,,.Scyez de ce jardin le dragon inflexible. â Que lâartifice en vain cherche Ă vous assoupir. ,, Point dâĂ©gard , point dâaccueil qui vous coule utl â soupir, ,, Bravez tout. Des vertus conservez lâhĂ©ritage. ,, Du Noble infortunĂ© , câeĂt ici le partage. ,, Que les plus malheureux soient les premiers admis ,, Que du pere aux enfans le mĂ©rite transmis , â De leur adoption soit la rĂ©glĂ© & le titre. â.De leurs droits consacrĂ©s, je vous nomme lâarbitre. â Un Pore , des Ayeux dĂ©vouĂ©s Ă stEtat, ,, Et blanchis dansles Camps , ou morts dans un comr â bat, ,, Lâ dĂ©laissĂ© fur la tombe dâun pere , , pupile ajoutant aux malheurs dâune mere â VoilĂ fur quels Tableaux vos regards attachĂ©s â Peuvent braver lâintrigue & ses dĂ©tours cachĂ©s. ,, Gloire , Justice, ĂŽ vous mes fidelles Compagnes, â HĂąt z-vous, parcourez mes CitĂ©s, mes Campagnes, ,, Assemblez les beaux Arts fous mes loix florissants, ,, Corhez-leurle foin de mes Guerriers naissants. -, Si dpns tous mes conseils admises lâune & stautre, ,, Votre voix fut la mienne, & mon rĂ©gnĂ© le vĂŽtre j ,, refusez pas Ă mon nouveau dessein. â» Lâcasiçce eĂ» le dĂ©pĂŽt rupĂșs dans voire sein j xcvj LâECOLE MILITAIRE. â Mais defoibles ruisseaux serpentans fous les herbe»,' j, Se changent dans leur cours en des fleuves superbes; ,, Du tribut de leur onde enrichissent leurs bords, â Et de leur humble source Ă©talent les trĂ©sors. Et toi de ces enfans auguste Sc tendre Mere, â Respire ils font heureux rieur Roi devient leur si Pere.,, O faveur ! ĂŽ discours que lâamour a dictĂ© ! Quâun Roi sensible est grand par son humanitĂ© ! La Noblesse oubliant ses malheurs, ses allarmes, Tombe aux pies du HĂ©ros, les baigne de ses larmes ; De larmes que la joye & lâamour font couler, De ces larmes, grand Roi, quâon a vit ruisseler, Quand des bords du tombeau la menaçante ParquĂšj A tes peuples tremblans a rendu leur Monarque. Mais bientĂŽt de ses pleurs interrompant le cours; Le cĆur de la Noblesse Ă©clate en ce discours. â Mon respect condamnoit mon amour au silence; â Mais au respect, Grand Roi, lâamour fait violence. ,, Quel bienfait! tout mon sang peut-il le mĂ©riter Ă ,, O mes enfuis, vous seuls pouvez nrâen acquitter. â Quel Jour brillant doit suivre une si belle Aurore,! ,, Du nom de ses Enfans votre Roi vous honore. â Quâil doit par ce grand titre Ă©lever vos esprits Ăź ,, Heureuses lâinfortune & la mort Ă ce prix ! â Allez, que de ses foins gĂ©nĂ©reuse rivale, â Votre reconnoislance au bienfait soit Ă©gale. ,, Pensez que vos Ayeux, de vos honneurs jaloux,' ,, Sâils nâĂ©toicnt surpassĂ©s, en rougiroient pour vous. ,, Vous ĂȘtes de lâEtat la famille chĂ©rie. â je vous donnai mon sang rendez-le Ă la Patrie. â Des Guerriers dont Louis se dĂ©clare lâappui, ,, Sâils ne font des HĂ©ros, font indignes de lui. Aces mots, dans leurs mains elle remet son glaive* Un nuage Ă lâĂnstant lâ Si l'enlcve. La Gloire, avec des yeux par lâespoir animĂ©s Reçoit entre ses bras ses nourrissons charmĂ©s La Justice la fuit, &lcur zele unanime Va remplir de Louis le dessein magnanime. Le HĂ©ros cependant goĂ»te ce calme heureux Que rĂ©pand la vertu dans un cĆur. gĂ©nĂ©reux, Quand laissant reposer sa sagesse profonde, H vient de travaillĂ©s pour le bonheur du Monde» FIN. 4/â f i » W»,M» Ă vyx co m H Band o. 3 c» O Ăź- F e z C C CO j" i ÂŁ m m z Xlmmb ? r m *1 o m o ! q ; s M3UIIZ H±a "ĂŻi », \Ă -Ăź? - ĂŹ' \ V -'-' \r?? -f *i fc XÂŁ* jwCT
elle se fait baisser par un cheval